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18/03/2021 | FRANCE | N°19NC01974-20NC00345

France | France, Cour administrative d'appel de Nancy, 2ème chambre, 18 mars 2021, 19NC01974-20NC00345


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... C... a demandé au tribunal administratif de Strasbourg de prononcer la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de contributions sociales auxquelles il a été assujetti au titre des années 2010, 2011, 2012 et 2013, et des pénalités correspondantes.

Par un jugement n° 1606278, 1703029 du 2 avril 2019, le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté la demande.

M. A... C... a demandé au tribunal administratif de Strasbourg de prononcer la décharge des cotisa

tions supplémentaires d'impôt sur le revenu et de contributions sociales auxquelles il ...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... C... a demandé au tribunal administratif de Strasbourg de prononcer la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de contributions sociales auxquelles il a été assujetti au titre des années 2010, 2011, 2012 et 2013, et des pénalités correspondantes.

Par un jugement n° 1606278, 1703029 du 2 avril 2019, le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté la demande.

M. A... C... a demandé au tribunal administratif de Strasbourg de prononcer la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de contributions sociales auxquelles il a été assujetti au titre des années 2014 et 2015, et des pénalités correspondantes.

Par un jugement n° 1901400 du 4 décembre 2019, le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté la demande.

Procédure devant la cour :

I. Par une requête et un mémoire, enregistrés sous le n°19NC01974, les 22 juin 2019 et 4 novembre 2020, M. A... C..., représenté par Me B..., demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du 2 avril 2019 par lequel le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande tendant à la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de contributions sociales auxquelles il a été assujetti au titre des années 2010, 2011, 2012 et 2013, et des pénalités correspondantes ;

2°) de prononcer la décharge de ces impositions et des pénalités correspondantes ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Il soutient que :

- les propositions de rectifications des 25 août 2014 et 11 juillet 2016 sont insuffisamment motivées ; par ailleurs, ces actes de procédure, ainsi que les réponses aux observations du contribuable des 10 décembre 2014 et 28 octobre 2016, qui se fondent sur une doctrine administrative publiée postérieurement au fait générateur des impositions en litige, sont dépourvues de fondement en droit ;

- les recettes générées par l'activité de la société AC Jumping ne relèvent pas de la catégorie des bénéfices agricoles mais de celle des bénéfices non commerciaux comme le prévoit la doctrine administrative 5 G-471 n° 4 du 15-9-2000 et 5E-1-05 n°16 du 12 janvier 2005 ;

- en adressant le 28 mars 2014 deux mises en demeure de demande de documents au titre des années 2011 et 2012, l'administration a nécessairement prolongé au-delà de trois mois la vérification de comptabilité en méconnaissance de l'article L. 52 du livre des procédures fiscales ;

- dans sa réclamation préalable du 25 janvier 2016 s'agissant des années 2011 et 2012, et dans ses observations du 23 septembre 2016 s'agissant des années 2013 et 2014, il a sollicité la communication des documents obtenus par l'administration dans le cadre de l'exercice de son droit de communication auprès de tiers ; n'ayant pas obtenu la copie de ces éléments, la procédure d'imposition est irrégulière en application de l'article L. 76 B du livre des procédures fiscales ;

- concernant les années 2013 et 2014, l'administration n'a notifié qu'à la société AC Jumping la proposition de rectification du 11 juillet 2016 en méconnaissance de l'article L. 53 du livre des procédures fiscales.

Par un mémoire en défense et des pièces complémentaires, enregistrés les 4 février et 18 mai 2020, le ministre de l'action et des comptes publics conclut au non-lieu à statuer partiel et au rejet du surplus de la requête.

Il soutient que pour le surplus de ses conclusions, les moyens soulevés par M. A... C... ne sont pas fondés.

II. Par une requête, enregistrée sous le n°20NC00345, le 7 février 2020, M. A... C..., représenté par Me B..., demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du 4 décembre 2019 par lequel le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande tendant à la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de contributions sociales auxquelles il a été assujetti au titre des années 2014 et 2015, et des pénalités correspondantes ;

2°) de prononcer la décharge de ces impositions et des pénalités correspondantes ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Il soulève les mêmes moyens que ceux exposés dans la requête n°19NC01974.

Par un mémoire en défense, enregistré le 15 juillet 2020, le ministre de l'action et des comptes publics conclut au rejet de la requête.

Il soutient que les moyens soulevés par M. A... C... ne sont pas fondés.

Vu :

- les autres pièces des dossiers ;

Vu :

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- l'ordonnance n° 2020-1402 et le décret n° 2020-1406 du 18 novembre 2020 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme D...,

- et les conclusions de Mme Haudier, rapporteur public.

Considérant ce qui suit :

1. L'EURL AC Jumping, dont M. C... est le gérant et associé unique et qui a notamment pour activité l'achat et la revente de chevaux, a fait l'objet de deux vérifications de comptabilité portant sur les exercices clos en 2011 et 2012 pour la première et sur les exercices clos en 2013 et 2014 pour la seconde. A la suite de ces opérations de contrôle, l'administration fiscale a considéré que cette activité d'achat et de revente ainsi que les prestations réalisées au profit de tiers ne relevaient pas du régime d'imposition des bénéfices industriels et commerciaux comme déclaré par M. C..., mais des bénéfices agricoles. Par une proposition de rectification n°2120 du 25 août 2014, portant sur l'année 2010, établie à la suite d'un contrôle sur pièces, l'administration a tiré les conséquences de la vérification de la comptabilité de l'EURL AC Jumping sur le revenu d'ensemble de M. C... et lui a notifié dans le cadre de la procédure de rectification contradictoire une cotisation supplémentaire d'impôt sur le revenu et de contributions sociales. Par des propositions de rectification n° 3924 des 25 août 2014 et 11 juillet 2016 relatives aux années 2011, 2012, 2013, 2014 et 2015, l'administration a informé l'EURL AC Jumping de la remise en cause du régime d'imposition des bénéfices industriels et commerciaux et en a tiré les conséquences sur le revenu d'ensemble de M. C... en lui notifiant dans le cadre de la procédure de rectification contradictoire des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de contributions sociales assorties de majorations. M. C... relève appel des jugements des 2 avril et 4 décembre 2019 par lesquels le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté ses demandes tendant à la décharge de ces impositions et pénalités.

2. Les requêtes n°19NC01974 et 20NC00345 présentées par M. C... présentent à juger les mêmes questions et ont fait l'objet d'une instruction commune. Il y a lieu de les joindre pour statuer par un seul arrêt.

Sur l'étendue du litige :

3. Par une décision du 3 avril 2020, postérieure à l'introduction de la requête, l'administration fiscale a prononcé en faveur de M. C... un dégrèvement de la cotisation supplémentaire d'impôt sur le revenu et de contributions sociales au titre de l'année 2010 pour un montant de 65 465 euros en droits et en pénalités. Les conclusions de la requête de M. C... tendant à la décharge de ces droits et pénalités sont dès lors, dans cette mesure, devenues sans objet.

Sur le surplus des conclusions à fin de décharge :

En ce qui concerne la régularité de la procédure d'imposition :

4. En premier lieu, aux termes de l'article L. 52 du livre des procédures fiscales dans sa rédaction applicable à la présente procédure d'imposition : " I.- Sous peine de nullité de l'imposition, la vérification sur place des livres ou documents comptables ne peut s'étendre sur une durée supérieure à trois mois en ce qui concerne : 1° Les entreprises industrielles et commerciales ou les contribuables se livrant à une activité non commerciale dont le chiffre d'affaires ou le montant annuel des recettes brutes n'excède pas les limites prévues au I de l'article 302 septies A du code général des impôts ; 2° Les contribuables se livrant à une activité agricole, lorsque le montant annuel des recettes brutes n'excède pas la limite prévue au b du II de l'article 69 du code général des impôts. Les dispositions des trois premiers alinéas sont valables dans les cas où un même vérificateur contrôle à la fois l'assiette de plusieurs catégories différentes d'impôts ou de taxes. II.- Par dérogation au I, l'expiration du délai de trois mois n'est pas opposable à l'administration : 1° Pour l'instruction des observations ou des requêtes présentées par le contribuable, après l'achèvement des opérations de vérification ; (...) ".

5. Ces dispositions, qui ont notamment pour objet d'alléger les contraintes que fait peser le contrôle fiscal sur la gestion des petites et moyennes entreprises, définissent, au bénéfice des contribuables qu'elles mentionnent, une garantie qui s'oppose à ce que le vérificateur poursuive, au-delà de trois mois à compter du début du contrôle, la vérification des livres ou documents comptables au sein de l'entreprise vérifiée ou, lorsqu'ils ont été apportés par le contribuable ou ont été emportés par le vérificateur avec l'accord du contribuable, dans les locaux de l'administration.

6. Il résulte de l'instruction, et notamment de la proposition de rectification du 25 août 2014 relative aux années 2011 et 2012, que la vérification de comptabilité de l'EURL AC Jumping s'est déroulée du 18 février 2014 au 20 mars 2014, date de la dernière intervention sur place. Par lettre du 25 mars 2014, l'administration a détaillé à M. C... les raisons pour lesquelles elle a estimé que son activité d'achat-revente relevait de la catégorie des bénéfices agricoles et a rappelé à l'intéressé l'obligation de déposer des déclarations de résultats appropriées aux activités exercées. Puis, par deux mises en demeure envoyées le 28 mars suivant, l'administration a demandé au contribuable de déposer les déclarations de résultat rectifiées pour les exercices clos en 2011 et 2012. Cette demande, adressée au demeurant au cours de la période de trois mois susmentionnée, ne porte sur l'analyse d'aucune pièce comptable et ne saurait dès lors caractériser une opération qui se rattache à la vérification. Il s'ensuit que M. C... n'est pas fondé à soutenir que la vérification de comptabilité s'est prolongée au-delà du délai de trois eu égard aux éléments sollicités dans le courrier du 25 mars 2014.

7. En deuxième lieu, aux termes de l'article L. 57 du livre des procédures fiscales : " L'administration adresse au contribuable une notification de redressement qui doit être motivée de manière à lui permettre de formuler ses observations ou de faire connaître son acceptation. (...) Lorsque l'administration rejette les observations du contribuable sa réponse doit également être motivée ". Aux termes de l'article L. 53 du même livre : " En ce qui concerne les sociétés dont les associés sont personnellement soumis à l'impôt pour la part des bénéfices correspondant à leurs droits dans la société, la procédure de vérification des déclarations déposées par la société est suivie entre l'administration des impôts et la société elle-même ".

8. D'une part, il résulte de la combinaison de ces dispositions qu'en ce qui concerne les sociétés régies par l'article 8 du code général des impôts, dont les bénéfices sont imposables entre les mains de leurs membres, la procédure contradictoire de redressement de l'imposition doit être suivie entre la société et l'administration fiscale et non entre cette dernière et chacun des membres de la société. En revanche, l'administration ne peut légalement mettre de suppléments d'imposition à la charge personnelle des associés sans leur avoir notifié, dans les conditions prévues à l'article L. 57, les corrections apportées aux déclarations qu'ils ont eux-mêmes souscrites, en motivant cette notification au moins par une référence aux rehaussements apportés aux bénéfices sociaux de la société et par l'indication de la quote-part de ces bénéfices à raison de laquelle les intéressés seront imposés. Toutefois, dans le cas particulier d'une entreprise unipersonnelle à responsabilité limitée, dont le gérant est l'unique associé, l'administration n'a pas à réitérer à l'égard de ce dernier la notification précédemment adressée à la société.

9. Par une proposition de rectification du 11 juillet 2016, notifiée à " l'EURL par son représentant légal ", l'administration a indiqué les redressements résultant de la vérification de la comptabilité de l'EURL AC Jumping, qui n'a pas opté pour son assujettissement à l'impôt sur les sociétés, ainsi que les conséquences sur le revenu d'ensemble du foyer fiscal de M. C... au titre de l'année 2013. Par suite, l'administration, qui n'était pas tenue de notifier à M. C... une proposition de rectification à titre personnel, a pu légalement mettre à sa charge une cotisation supplémentaire d'impôt sur le revenu en sa qualité de gérant et unique associé de l'EURL AC Jumping par cette proposition de rectification du 11 juillet 2016. S'agissant de l'année 2014, M. C... a fait l'objet d'un contrôle sur pièces. Par suite, il ne peut soutenir qu'il n'a pas été destinataire de la proposition de rectification relative à la vérification de comptabilité de sa société.

10. D'autre part, il résulte des dispositions précitées de l'article L. 57 du livre des procédures fiscales que, pour être régulière, une proposition de rectification doit comporter la désignation de l'impôt concerné, de l'année d'imposition et de la base d'imposition, et énoncer les motifs sur lesquels l'administration entend se fonder pour justifier les redressements envisagés, de façon à permettre au contribuable de formuler ses observations de façon entièrement utile. En revanche, la régularité d'une proposition de rectification ne dépend pas du bien-fondé de ses motifs. En outre, l'administration est tenue de répliquer aux observations produites par le contribuable sans être toutefois tenue de répondre à tous les arguments formulés par ce dernier.

11. Il résulte des termes des propositions de rectifications des 25 août 2014 et 11 juillet 2016, ainsi que des réponses aux observations du contribuable des 10 décembre 2014 et 28 octobre 2016, que celles-ci comportent l'ensemble des mentions requises par les dispositions précitées, notamment la désignation de l'impôt concerné, des années d'imposition en cause et de la base d'imposition. L'administration y indique les raisons pour lesquelles elle a considéré que les recettes issues de l'activité d'achat et de revente de chevaux ainsi que les prestations effectuées au bénéfice de tiers constituaient des revenus imposables dans la catégorie des bénéfices agricoles. De même, dans les réponses aux observations du contribuable, l'administration a répondu aux arguments de M. C... quant à l'analyse des factures établies par l'EURL AC Jumping et celles de la SARL E.... M. C... ne saurait utilement soutenir que l'administration s'est fondée sur une doctrine administrative postérieure aux années en litige dès lors que le caractère suffisant de la motivation d'une proposition de rectification ne dépend pas de son bien-fondé. Il s'ensuit que les moyens tirés du défaut de motivation des propositions de rectification et des réponses aux observations au contribuable doivent être écartés.

12. En troisième lieu, aux termes de l'article L. 76 B du livre des procédures fiscales : " L'administration est tenue d'informer le contribuable de la teneur et de l'origine des renseignements et documents obtenus de tiers sur lesquels elle s'est fondée pour établir l'imposition faisant l'objet de la proposition prévue au premier alinéa de l'article L. 57 ou de la notification prévue à l'article L. 76. Elle communique, avant la mise en recouvrement, une copie des documents susmentionnés au contribuable qui en fait la demande ".

13. Il résulte de ces dispositions que le droit pour le contribuable de demander la copie des documents que l'administration a obtenus en exerçant son droit de communication auprès de tiers, à l'occasion d'une procédure de contrôle et dont sont issus des éléments qu'elle a effectivement utilisés pour fonder les rectifications d'impôt envisagées, ne peut être mis en oeuvre qu'avant la mise en recouvrement des impositions, laquelle résulte de l'émission par le comptable public compétent d'un titre de perception rendu exécutoire dans les conditions réglementaires.

14. D'une part, s'agissant des années 2011 et 2012, M. C... soutient avoir sollicité dans sa réclamation préalable du 25 janvier 2016 la communication des documents sur lesquels l'administration a fondé ses redressements. A supposer même que ce courrier puisse être regardé comme une demande de communication en application de l'article L. 76 B du livre des procédures fiscales, cette demande est en tout état de cause postérieure aux mises en recouvrement des impositions en litige, intervenues les 30 novembre 2015 et 31 décembre 2015 tel que cela ressort des avis d'imposition des 18 novembre et 14 décembre 2015. M. C... ne peut par suite, au titre de ces années, utilement se prévaloir des dispositions de l'article L. 76 B du livre des procédures fiscales. D'autre part, s'agissant de l'année 2013, comme le fait valoir le ministre en défense, les documents, obtenus dans le cadre du droit de communication exercé par l'administration auprès des clients et prestataires de l'EURL AC Jumping et sollicités par M. C... dans ses observations du 23 septembre 2016, lui ont été adressés en annexe de la réponse aux observations du contribuable du 23 septembre 2016. L'intéressé produit d'ailleurs ces pièces à sa requête en appel, démontrant ainsi qu'il en a bien eu communication. Il s'ensuit que le moyen tiré de la méconnaissance de l'article L. 76 B du livre des procédures fiscales doit être écarté.

En ce qui concerne le bien-fondé de l'imposition :

S'agissant de l'application de la loi fiscale :

15. En premier lieu, s'il résulte de l'instruction que, pour remettre en cause le régime d'imposition des revenus de l'EURL AC Jumping, l'administration fiscale a notamment cité des paragraphes de doctrine administrative dans ses propositions de rectification, elle n'a cependant pas entendu fonder la base légale des cotisations supplémentaires d'impôt sur les revenus en litige sur ces paragraphes mais sur les dispositions législatives de l'article 63 du code général des impôts. Par suite, le moyen tiré du défaut de base légale doit être écarté.

16. En second lieu, aux termes de l'article 63 du code général des impôts : " Sont considérés comme bénéfices de l'exploitation agricole pour l'application de l'impôt sur le revenu, les revenus que l'exploitation de biens ruraux procure soit aux fermiers, métayers, soit aux propriétaires exploitant eux-mêmes. (...) / Sont aussi considérés comme bénéfices de l'exploitation agricole les revenus qui proviennent des activités de préparation et d'entraînement des équidés domestiques, en vue de leur exploitation dans les activités autres que celles du spectacle. "

17. L'administration fiscale a requalifié le résultat de l'activité de l'EURL AC Jumping, initialement déclaré par M. C... comme un bénéfice industriel et commercial, en bénéfice agricole sur le fondement des dispositions de l'article 63 du code général des impôts, au motif que l'activité de cette société présentait pour l'essentiel un caractère agricole en raison de l'activité d'entraînement des chevaux détenus par l'EURL et de ceux détenus par des tiers, réalisée avec les moyens en interne de la société. M. C... fait valoir que l'activité de revente de chevaux revêt un caractère non commercial, qui justifie l'inscription de son résultat dans la catégorie correspondante, au motif que sa société a eu recours à un entraîneur professionnel extérieur à la société et qu'elle n'a pas réalisé de prestations d'entrainement au profit de tiers.

18. Il résulte de l'instruction que l'EURL AC Jumping a procédé, dans le cadre de son activité d'élevage, à l'acquisition de chevaux, qu'elle a intégrés dans un processus d'entraînement et de participation à des concours de saut d'obstacles afin de les valoriser avant d'éventuelles cessions lors de présentation lors de ces concours. Au cours du contrôle, le vérificateur a pris connaissance de factures réglées par l'EURL AC Jumping à la SARL E... pour des prestations de " travail à l'obstacle de vos chevaux ". Ces factures mensualisées sont au nombre de cinq en 2011, sept en 2012 et quatre en 2013. Leur caractère mensualisé et forfaitaire ne permet pas d'apprécier le nombre d'heures consacrées par M. E... à l'entraînement des chevaux de l'EURL AC Jumping. Cette société a par ailleurs employé un cavalier à compter du 12 janvier 2011 à temps partiel, dont les fonctions précises ne sont pas définies dans le contrat de travail. Afin de démontrer que la fille de M. C..., employée en qualité de cavalière, ne se chargeait pas de l'entraînement de ses chevaux mais s'occupait seulement de l'entretien et des soins, M. C... se prévaut notamment de la convention collective nationale relative au personnel des centres équestres du 11 juillet 1975, qui n'est cependant pas celle à laquelle le contrat de travail fait référence. Par ailleurs, au cours de la période en litige, la société a employé également un à deux grooms et soigneurs selon la période dont les fonctions étaient d'assurer les soins quotidiens des cinq ou six chevaux détenus par l'EURL. Si le requérant soutient que la rémunération de la cavalière était trop faible pour caractériser des fonctions d'entraîneur professionnel, ce seul élément ne saurait suffire pour établir les tâches précises réalisées par cette dernière en sus de celles des grooms. Il est constant par ailleurs que la cavalière employée par l'EURL montait les chevaux lors des concours de saut d'obstacles. Enfin, l'administration a constaté, à la suite de l'exercice de son droit de communication, que l'EURL AC Jumping a émis des factures de prestations durant l'exercice clos en 2012 correspondant à de la " pension-travail " au bénéfice de tiers propriétaires de chevaux. Dans le cadre de l'exercice de ce droit de communication, la société Patrimoine Investissement conseil a indiqué à l'administration le 24 avril 2016 que l'EURL a réalisé à son bénéfice des prestations d'entraînement et de préparation à la compétition de sa jument durant l'année 2013. M. C... argue de ce que la somme facturée de deux cents euros, eu égard à son faible montant, ne correspond pas à des prestations d'entraînement. L'étude réalisée par les Haras nationaux sur les tarifs de " pension travail " en zone périurbaine à la suite d'enquêtes menées en 2010 définit les " pensions travail " comme incluant un hébergement et un travail quotidien ou régulier du cheval afin de l'utiliser pour les loisirs ou en compétition. Comme le fait valoir le ministre, l'EURL AC Jumping n'assurant pas l'hébergement des chevaux de ses clients, les prestations désignées comme relevant de la " pension travail " par la société sur ses factures comprennent nécessairement des prestations de travail des chevaux, pouvant inclure l'entraînement à la compétition, ce qui a été confirmé par au moins un client de la société en réponse à l'administration. Eu égard à l'ensemble de ces éléments, et faute pour M. C... d'apporter des précisions sur l'activité réelle de sa fille qu'il il est le seul à pouvoir produire, l'EURL doit être regardée comme ayant réalisé des opérations visant à améliorer la condition physique et à renforcer les aptitudes naturelles de ses chevaux et de ceux détenus par les tiers pour qui elle a assuré des prestations d'entrainement. Dès lors, la participation de l'EURL AC Jumping au cycle biologique de développement de ces animaux justifie l'inclusion des revenus correspondant dans la catégorie des bénéfices agricoles. Il s'ensuit que c'est à bon droit que l'administration fiscale a qualifié cette activité d'agricole.

S'agissant du bénéfice de l'interprétation administrative de la loi fiscale :

19. Le requérant se prévaut, sur le fondement de l'article L. 80 A du livre des procédures fiscales, des instructions 5 G-471 n° 4 du 15 septembre 2000 et 5 E-1-05 n°16 du 12 janvier 2005 relative à l'entrainement de chevaux par un tiers. Cette doctrine administrative ne donnant pas de la loi fiscale une interprétation différente de celle dont il a été fait application, le moyen ne peut qu'être écarté.

20. Il résulte de tout ce qui précède que M. C... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par les jugements attaqués, le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté ses demandes relatives aux impositions et pénalités laissées à sa charge.

Sur l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

21. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'État, qui n'est pas pour l'essentiel, dans la présente instance, la partie perdante, une somme au titre des frais exposés et non compris dans les dépens.

D E C I D E :

Article 1er : Il n'y a pas lieu de statuer sur les conclusions à fin de décharge de la requête à hauteur du montant des droits et pénalités dont l'administration fiscale a prononcé le dégrèvement le 3 avril 2020, relatives à l'année 2010.

Article 2 : Le surplus des conclusions des requêtes de M. C... est rejeté.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... C... et au ministre de l'économie, des finances et de la relance.

2

N° 19NC01974, 20NC00345


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nancy
Formation : 2ème chambre
Numéro d'arrêt : 19NC01974-20NC00345
Date de la décision : 18/03/2021
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Autres

Analyses

Contributions et taxes - Généralités - Règles générales d'établissement de l'impôt - Contrôle fiscal - Vérification de comptabilité.

Contributions et taxes - Généralités - Règles générales d'établissement de l'impôt - Rectification (ou redressement) - Généralités.

Contributions et taxes - Généralités - Règles générales d'établissement de l'impôt - Rectification (ou redressement) - Proposition de rectification (ou notification de redressement).


Composition du Tribunal
Président : M. MARTINEZ
Rapporteur ?: Mme Stéphanie LAMBING
Rapporteur public ?: Mme HAUDIER
Avocat(s) : M. B. AVOCATS ASSOCIES

Origine de la décision
Date de l'import : 30/03/2021
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nancy;arret;2021-03-18;19nc01974.20nc00345 ?
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