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08/04/2021 | FRANCE | N°19NC03500

France | France, Cour administrative d'appel de Nancy, 2ème chambre, 08 avril 2021, 19NC03500


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... D... et Mme C... E... ont demandé au tribunal administratif de Strasbourg de prononcer la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu auxquelles ils ont été assujettis au titre des années 2013 et 2014, et des pénalités correspondantes.

Par un jugement n° 1705935 du 29 octobre 2019, le tribunal administratif de Strasbourg a constaté un non-lieu à statuer partiel à concurrence de la somme de 150 937 euros et a rejeté le surplus de la demande.

Procédure devant la

cour :

Par une requête et des mémoires, enregistrés les 2 décembre 2019 et les 17 et 18...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... D... et Mme C... E... ont demandé au tribunal administratif de Strasbourg de prononcer la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu auxquelles ils ont été assujettis au titre des années 2013 et 2014, et des pénalités correspondantes.

Par un jugement n° 1705935 du 29 octobre 2019, le tribunal administratif de Strasbourg a constaté un non-lieu à statuer partiel à concurrence de la somme de 150 937 euros et a rejeté le surplus de la demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête et des mémoires, enregistrés les 2 décembre 2019 et les 17 et 18 décembre 2020, M. A... D... et Mme C... E..., représentés par Me B..., demandent à la cour :

1°) de réformer ce jugement du 29 octobre 2019 en tant que le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté le surplus de leur demande ;

2°) de prononcer la décharge des impositions restant en litige et des pénalités correspondantes ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Ils soutiennent que :

- la proposition de rectification est insuffisamment motivée en ce qui concerne l'année 2013 ;

- la proposition de rectification adressée à la SARL AD et celle qui leur a été notifiée par voie de conséquence sont également insuffisamment motivées quant à la méthode d'évaluation des " autres charges " ;

- l'administration ne démontre pas que M. D... était le maître de l'affaire et qu'il a ainsi appréhendé les distributions provenant de la SARL AD ;

- pour évaluer le bénéfice distribué de la SARL AD au titre de l'année 2013, l'administration a omis de retenir des salaires et charges patronales à hauteur de 18 135 euros ;

- l'administration a intégré à tort dans les recettes de l'année 2013 deux virements de 5 000 euros en provenance de la SARL Transport Go qui correspondent au remboursement d'un prêt antérieurement consenti et ne constituent ainsi pas un revenu imposable.

Par un mémoire en défense, enregistré le 29 juin 2020, le ministre de l'action et des comptes publics conclut au rejet de la requête.

Il soutient que les moyens soulevés par M. D... et Mme E... ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- l'ordonnance n° 2020-1402 et le décret n° 2020-1406 du 18 novembre 2020 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme F...,

- les conclusions de Mme Haudier, rapporteur public,

- et les observations de Me B..., représentant M. D... et Mme E....

Considérant ce qui suit :

1. M. D... et Mme E..., son épouse, ont fait l'objet d'un contrôle sur pièces au titre des années 2013 et 2014 à la suite de la vérification de comptabilité de la société à responsabilité limitée (SARL) AD, dont Mme E... était l'une des deux associées et M. D... le gérant. Par proposition de rectification du 18 octobre 2016, l'administration leur a notifié dans le cadre de la procédure de rectification contradictoire des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de contributions sociales ainsi que des pénalités correspondantes. M. D... et Mme E... relèvent appel du jugement du 29 octobre 2019 en tant que le tribunal administratif de Strasbourg, après avoir admis un non-lieu à statuer partiel à hauteur du dégrèvement prononcé en cours d'instance par l'administration, a rejeté le surplus de leur demande.

Sur la régularité de la procédure d'imposition :

2. Aux termes de l'article L. 57 du livre des procédures fiscales : " L'administration adresse au contribuable une proposition de rectification qui doit être motivée de manière à lui permettre de formuler ses observations ou de faire connaître son acceptation. / (...) ". Aux termes de l'article R. 57-1 du même livre : " La proposition de rectification prévue par l'article L. 57 fait connaître au contribuable la nature et les motifs de la rectification envisagée ". Il résulte de ces dispositions que l'administration doit indiquer au contribuable, dans la proposition de rectification, les motifs et le montant des rehaussements envisagés, leur fondement légal et la catégorie de revenus dans laquelle ils sont opérés, ainsi que les années d'imposition concernées. En cas de motivation par référence, l'administration doit, en principe, annexer les documents auxquels elle se réfère dans la proposition de rectification ou en reprendre la teneur.

3. En premier lieu, il résulte de l'instruction que la proposition de rectification adressée personnellement à M. D... et Mme E... le 18 octobre 2016, qui précise les montants des revenus distribués, leur fondement légal, la catégorie de revenus et les années d'imposition, se réfère pour le calcul des bases d'imposition aux rehaussements envisagés par l'administration dans la proposition de rectification du 28 septembre 2016 adressée à la société AD au titre des années 2013 et 2014. Si dans la proposition de rectification adressée aux requérants, la liste des " crédits bancaires ne correspondant à aucune facture " au titre de l'année 2013, constatés sur le compte de la société n° 30087 33002 00020083603, reprend en réalité le tableau figurant dans la proposition de rectification de la SARL AD au titre de l'année 2014, une telle circonstance, pour regrettable qu'elle soit, n'a pas été de nature à empêcher les intéressés de contester les résultats dès lors que le total des produits imposables de 288 753, 56 euros n'était pas erroné. Dans ces conditions, M. D..., lequel en sa qualité de gérant de la SARL AD a nécessairement eu connaissance de la proposition de rectification adressée à cette société, et Mme E..., ont été mis en mesure de présenter utilement leurs observations dans le respect du contradictoire, notamment quant au défaut reproché de cohérence des tableaux des crédits bancaires de la société.

4. En deuxième lieu, les requérants contestent, s'agissant de la proposition de rectification du 18 octobre 2016, l'absence de détail du calcul des " autres charges " comprenant les dépenses de carburant, de fournitures, d'entretien, de déplacements et d'assurance. Ces dépenses ont été forfaitairement évaluées à des montants de 36 000 euros et 40 000 euros respectivement au titre des années 2013 et 2014. Cependant, le vérificateur a indiqué qu'en l'absence de comptabilité présentée par la SARL AD, il a déterminé les charges à partir des débits bancaires identifiés, des documents produits au cours de la vérification de comptabilité et a été contraint de recourir à une évaluation des dépenses de carburant et charges diverses. Une telle motivation permettait aux requérants d'engager la discussion sur les redressements en cause.

5. Il résulte de ce qui précède que le moyen tiré de ce que la proposition de rectification du 18 octobre 2016 ne satisfaisait pas aux prescriptions de l'article L. 57 du livre des procédures fiscales doit être écarté.

6. En dernier lieu, en vertu du principe d'indépendance des procédures, le moyen tiré de l'insuffisante motivation de la proposition de rectification du 28 septembre 2016 adressée à la SARL AD, qui concerne la procédure d'imposition de cette société, société de capitaux, et non celle des associés et de son gérant, ne saurait être utilement invoqué par les requérants pour contester la procédure d'imposition suivie à leur encontre.

Sur le bien-fondé de l'imposition :

En ce qui concerne la charge de la preuve :

7. Aux termes de l'article R 194-1 du livre des procédures fiscales : " Lorsque, ayant donné son accord au redressement ou s'étant abstenu de répondre dans le délai légal à la notification de redressement, le contribuable présente cependant une réclamation faisant suite à une procédure contradictoire de redressement, il peut obtenir la décharge ou la réduction de l'imposition, en démontrant son caractère exagéré. ".

8. Si, en vertu des règles gouvernant l'attribution de la charge de la preuve devant le juge administratif, applicables sauf loi contraire, il incombe, en principe, à l'administration d'apporter la preuve de la qualité de maître de l'affaire, laquelle suffit à faire regarder l'intéressé comme bénéficiaire des revenus distribués en application du 1° de l'article 109-1 du code général des impôts, la charge de la preuve de l'exagération de l'imposition incombe au contribuable, conformément aux règles de droit commun, lorsque celui-ci a accepté les redressements dans les conditions posées à l'article R. 194-1 du livre des procédures fiscales, lequel ne fait que tirer les conséquences des dispositions des articles L.11, L.54 B et L. 57 du livre des procédures fiscales.

9. Il résulte de l'instruction que M. D... et Mme E... n'ont pas présenté d'observations dans le délai de trente jours qui leur était imparti dans la proposition de rectification du 18 octobre 2016. Dès lors, par application des dispositions précitées de l'article R. 194-1 du livre des procédures fiscales, il leur incombe de démontrer tant l'absence d'appréhension de leur part des revenus réputés distribués par la SARL AD que le caractère exagéré du montant des distributions évalué par l'administration.

En ce qui concerne l'appréhension des revenus réputés distribués :

10. Aux termes de l'article 109 du code général des impôts : " 1. Sont considérés comme revenus distribués : / 1° Tous les bénéfices ou produits qui ne sont pas mis en réserve ou incorporés au capital (...) ". Aux termes de l'article 110 du même code : " Pour l'application du 1° du 1 de l'article 109, les bénéfices s'entendent de ceux qui ont été retenus pour l'assiette de l'impôt sur les sociétés ".

11. Pour réintégrer les sommes en litige dans le revenu imposable de M. D... et Mme E... au titre des années 2013 et 2014 dans la catégorie des revenus de capitaux mobiliers, l'administration a considéré que les bénéfices imposables au titre de ces années, n'ayant été ni mis en réserve ni incorporés au capital, devaient être considérés comme des revenus distribués en application du 1° du 1 de l'article 109 du code général des impôts dans les mains de M. D..., eu égard à ses pouvoirs quant à la marche de la société, les associés détenant chacun 50% du capital étant respectivement d'une part son épouse et d'autre part sa belle-soeur. En se bornant à contester la qualité de maître de l'affaire de M. D..., les requérants n'apportent pas le moindre élément justifiant que les deux associées participaient à la direction et à la gestion de la société et auraient ainsi pu appréhender les revenus distribués en litige. Dans ces conditions, les requérants n'apportent pas la preuve qui leur incombe que les revenus correspondant aux recettes non déclarées par la société AD ne pourraient pas être regardés comme des revenus distribués entre les mains de M. D.... Il s'ensuit que c'est à bon droit que l'administration a imposé entre les mains de M. D... et Mme E... les revenus distribués en litige.

En ce qui concerne l'évaluation des revenus distribués :

12. En premier lieu, au cours de la vérification de comptabilité de la SARL AD, à défaut de comptabilité, le vérificateur a dû reconstituer le résultat imposable de la société au titre des années 2013 et 2014. S'agissant des charges salariales, le vérificateur s'est fondé sur les déclarations d'embauche des salariés déposées par la société et sur les déclarations du gérant au vérificateur quant à la durée des contrats de travail à durée déterminée. Les requérants contestent le montant retenu par le vérificateur en produisant des fiches de paie concernant quatre salariés employés en 2013. Cependant, ces seuls documents ne suffisent pas à corroborer les allégations des requérants, qui sont en contradiction avec les éléments précisés au cours des opérations de contrôle par M. D... en sa qualité de gérant. A défaut de produire les contrats de travail correspondant et la preuve du paiement de ces salaires, les requérants ne sont pas fondés à soutenir que les charges salariales reconstituées de la SARL AD seraient minorées.

13. En second lieu, les requérants soutiennent que les deux crédits bancaires de 5 000 euros constatés les 8 février et 9 avril 2013 sur un des comptes de la SARL AD constituent le remboursement d'un prêt octroyé à la société Transport GO en février 2012. En vertu des principes rappelés aux points 7 à 9, il appartient aux requérants de présenter les écritures comptables de la société retraçant l'opération de prêt, appuyées des pièces de nature à les justifier. L'extrait bancaire du 23 février 2013 où figure un débit de 10 000 euros au profit de la société Transport GO et l'attestation de l'ancien gérant de la SARL Transport GO du 30 octobre 2019, communiquée pour la première fois en appel pour les besoins de la cause, ne suffisent pas à corroborer les allégations des requérants en ce qui concerne la nature de ces opérations bancaires. En ne produisant notamment pas de contrat de prêt constatant l'avance accordée ou la preuve de paiement d'intérêts par la SARL Transport GO, les requérants, qui supportent la charge de la preuve, ne justifient pas du caractère non imposable de cette somme. Par suite, c'est à bon droit que l'administration a intégré cette somme de 10 000 euros dans le bénéfice imposable de la SARL AD au titre de l'année 2013.

14. Il résulte de tout ce qui précède que M. D... et Mme E... ne sont pas fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté leur demande.

Sur l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

15. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'État, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, une somme au titre des frais exposés et non compris dans les dépens.

D E C I D E :

Article 1er : La requête de M. D... et Mme E... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... D... et Mme C... E... et au ministre de l'économie, des finances et de la relance.

2

N° 19NC03500


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nancy
Formation : 2ème chambre
Numéro d'arrêt : 19NC03500
Date de la décision : 08/04/2021
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Autres

Analyses

19-04-01-02-03 Contributions et taxes. Impôts sur les revenus et bénéfices. Règles générales. Impôt sur le revenu. Détermination du revenu imposable.


Composition du Tribunal
Président : M. MARTINEZ
Rapporteur ?: Mme Stéphanie LAMBING
Rapporteur public ?: Mme HAUDIER
Avocat(s) : KRETZ

Origine de la décision
Date de l'import : 20/04/2021
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nancy;arret;2021-04-08;19nc03500 ?
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