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13/04/2021 | FRANCE | N°19NC02477

France | France, Cour administrative d'appel de Nancy, 3ème chambre, 13 avril 2021, 19NC02477


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme E... B... a demandé au tribunal administratif de Strasbourg de condamner la région Grand Est à lui verser la somme totale de 400 000 euros, augmentée des intérêts de droit à compter de la date de sa demande indemnitaire, en réparation des préjudices qu'elle estime avoir subis du fait des fautes commises par la collectivité dans la gestion de sa carrière et de ses problèmes de santé, ainsi que du fait des agissements de harcèlement moral imputables à celle-ci.

Par un jugement n° 1703224 d

u 4 juin 2019, le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande.

Procéd...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme E... B... a demandé au tribunal administratif de Strasbourg de condamner la région Grand Est à lui verser la somme totale de 400 000 euros, augmentée des intérêts de droit à compter de la date de sa demande indemnitaire, en réparation des préjudices qu'elle estime avoir subis du fait des fautes commises par la collectivité dans la gestion de sa carrière et de ses problèmes de santé, ainsi que du fait des agissements de harcèlement moral imputables à celle-ci.

Par un jugement n° 1703224 du 4 juin 2019, le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 1er août 2019, et un mémoire complémentaire, enregistré le 2 décembre 2020, Mme E... B..., représentée par Me F..., doit être regardée comme demandant à la cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1703224 du tribunal administratif de Strasbourg du 4 juin 2019 ;

2°) de condamner la région Grand Est à lui verser la somme totale de 400 000 euros, augmentée des intérêts de droit à compter de la date de sa demande indemnitaire, en réparation des préjudices qu'elle estime avoir subis du fait des fautes commises par la collectivité dans la gestion de sa carrière et de ses problèmes de santé, ainsi que du fait des agissements de harcèlement moral imputables à celle-ci ;

3°) de mettre à la charge de la région Grand Est la somme de 2 000 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- sa créance, relative à l'omission ou au refus de la région Grand Est de lui accorder le bénéfice des prestations de l'assurance " santé et compensation de salaire " au titre des années 1998 et 1999, des années 2001 à 2005 et des années 2010 à 2012, n'était pas prescrite ;

- l'exception de prescription quadriennale n'a pas été soulevée pour les fautes relatives aux retards dans la transmission des avis du comité médical, au délai anormalement long entre l'avis favorable à la reprise de juillet 2013 et sa réintégration effective en août 2014, à l'absence de mi-temps thérapeutique et d'aménagement de poste lors de sa reprise en août 2014 et, enfin, de l'absence de report automatique des congés non pris en 2013 sur l'année 2014 ;

- elle a été victime, de la part de la région Grand Est, de nombreuses fautes dans la gestion de sa carrière et de ses problèmes de santé, qui engagent la responsabilité de la collectivité à savoir des notations irrégulières et injustifiées, notamment au titre des années 2007 et 2009, des mutations illégales en 2005 et 2010 équivalant à une " mise au placard ", des retraits d'attributions et de responsabilités, des retenues injustifiées de traitement en février et en avril 2009, des absences de versement ou des pertes de primes, notamment la prime de fin d'année et la prime de chargé de mission, des omissions ou des refus lui accorder le bénéfice des prestations de l'assurance " santé et compensation de salaire " au titre des années 1998 et 1999, des années 2001 à 2005 et des années 2010 à 2013, un refus de transmission de documents lui permettant de connaître les droits des agents au titre du contrat de " prévoyance-compensation de salaire " souscrit par la région, des retards dans la mise en oeuvre de ce contrat et dans le versement des indemnités correspondantes, un refus de lui accorder un équipement adapté à son handicap entre 2007 et 2010, des placements injustifiés en disponibilité d'office en 2005, 2012 et 2013, une perte de la mutuelle souscrite par la région au bénéfice de ses agents à la suite de son placement en disponibilité en 2012, une absence de versement des demi-traitements au titre des mois de juin à octobre 2012 malgré le retrait de placement en disponibilité d'office du 11 juin 2012, un prélèvement tardif et important sur son traitement d'octobre 2012 d'un indu de prime de chargé de mission de 6 000 euros, une absence d'avancement de grade depuis 1984, des pertes d'objets personnels laissés dans son bureau lors de son départ en congé de longue maladie en 2010, des dénigrements et des critiques systématiques de son travail et des actions mises en oeuvre pour défendre ses droits, des entraves à l'accomplissement de ses fonctions entre 2006 et 2009, des mensonges répétés sur l'absence de transmission d'arrêts de travail en 2012, des retards dans la transmission des avis du comité médical et dans la transmission au comité médical de sa demande de prolongation du congé de maladie ordinaire en congé de longue maladie en septembre 2011, un délai anormalement long entre l'avis du comité médical favorable à la reprise de juillet 2013 et sa réintégration effective en août 2014, une privation irrégulière de mi-temps thérapeutique et d'aménagement de poste lors de sa reprise en août 2014, enfin, une absence de report automatique des congés non pris en 2013 sur l'année 2014 ;

- depuis l'année 2000, elle est victime d'agissements de harcèlement moral de la part de la région Grand Est, du fait des blocages répétés de sa carrière, des mises au placard sur des postes dépourvus de responsabilités et du non-respect des préconisations médicales nécessaires à sa reprise de fonctions, qui ont entraîné une dégradation de ses conditions de travail et des souffrances psychologiques ;

- elle est fondée à réclamer la somme totale de 400 000 euros au titre de ses préjudices financiers, des troubles dans les conditions d'existence et de son préjudice moral.

Par un mémoire en défense, enregistré le 24 février 2020, et un mémoire complémentaire, enregistré le 17 décembre 2020, la région Grand Est, représentée par Me C..., conclut au rejet de la requête et, dans le dernier état de ses écritures, à la mise à la charge de la requérante d'une somme de 5 000 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que les créances de Mme B... nées avant le 1er janvier 2013 étaient prescrites à la date de sa demande préalable d'indemnisation du 24 février 2017 et que les prétentions indemnitaires de l'intéressée ne sont pas fondées.

Par un courrier du 16 mars 2021, les parties ont été informées, conformément aux dispositions de l'article R. 611-7 du code de justice administrative, que la cour est susceptible de relever d'office un moyen d'ordre public tiré de l'irrecevabilité, pour défaut de liaison du contentieux, des conclusions de Mme B... à fin d'indemnisation du préjudice résultant du caractère tardif et important du prélèvement effectué par la région Lorraine sur son traitement d'octobre 2012 d'un indu de 6 000 euros de primes de chargé de mission.

En réponse au courrier du 16 mars 2021, des observations, enregistrées le 17 mars 2021, ont été présentées pour Mme B..., par Me F....

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la loi n° 68-1250 du 31 décembre 1968 ;

- la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 ;

- la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984 ;

- le décret n° 2020-1406 du 18 novembre 2020 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. D...,

- les conclusions de Mme Seibt, rapporteur public,

- et les observations de Me F... pour Mme B... et de Me A... pour la région Grand Est.

Une note en délibéré, présentée pour Mme B..., a été enregistrée le 26 mars 2021.

Considérant ce qui suit :

1. Titulaire du grade d'attachée d'administration territoriale, Mme E... B... exerce ses fonctions au sein des services de la région Lorraine, devenue région Grand Est, depuis le 1er avril 1984. En raison de problèmes de santé apparus avant son entrée dans la fonction publique territoriale, la requérante a été placée en congé de maladie ordinaire du 2 août au 30 octobre 2010, puis en congé de longue maladie du 17 mai 2010 au 16 mai 2011. Ayant contracté une pathologie nouvelle, l'intéressée a, de nouveau, fait l'objet d'un placement en congé de maladie ordinaire du 21 mai au 30 août 2011, puis, à la suite du retrait, le 8 octobre 2012, de l'arrêté du 11 juin 2012 la plaçant en disponibilité d'office pour raison de santé à compter du 21 mai 2012, en congé de longue maladie du 21 mai 2012 au 17 mai 2013. Le 30 janvier 2013, la commission des droits et de l'autonomie des personnes handicapées de la Moselle a accordé à la requérante la reconnaissance de la qualité de travailleur handicapé pour la période allant du 28 janvier 2013 au 31 décembre 2017 et a décidé son maintien dans l'emploi en milieu ordinaire de travail pour la période considérée. A l'issue de son congé de longue maladie, conformément à l'avis du comité médical départemental de Moselle du 4 juillet 2013, le président de la région Lorraine, par un arrêté du 13 août 2013, a prononcé la réintégration de Mme B..., à compter du 19 août 2013, dans le cadre d'un mi-temps thérapeutique de six mois, qui a été prolongé pour trois mois supplémentaires. Longtemps demeurée sans affectation, la requérante a finalement été affectée, le 21 juillet 2014, sur un poste de chargée de mission au sein du pôle " Appui aux territoires " de la région Lorraine à compter du 1er août 2014. Puis, ayant épuisé ses droits au mi-temps thérapeutique, elle a été réintégrée dans ses fonctions à temps complet à compter du 19 août 2014 par un arrêté du 25 août 2014. Dans son arrêt n° 17NC01480 du 26 mars 2019, la cour administrative d'appel de Nancy a annulé cet arrêté au motif que l'intéressée, compte tenu du caractère tardif de son affectation, n'avait pas bénéficié, de manière effective, du temps partiel thérapeutique de six mois préconisé par le comité médical. Par un courrier du 24 février 2017, reçu le 27 février suivant, Mme B... a adressé, au président de la région Grand Est, une demande préalable d'indemnisation qui s'est heurtée au silence de l'administration. Le 26 juin 2017, elle a saisi le tribunal administratif de Strasbourg d'une demande tendant à la condamnation de la région Grand Est à lui verser la somme totale de 400 000 euros, augmentée des intérêts de droit à compter de la date de sa demande indemnitaire, en réparation des préjudices qu'elle estime avoir subis du fait des fautes commises par la collectivité dans la gestion de sa carrière et de ses problèmes de santé, ainsi que du fait des agissements de harcèlement moral imputables à celle-ci. Elle relève appel du jugement n° 1703224 du 4 juin 2019.

Sur le bien-fondé du jugement :

En ce qui concerne l'exception de prescription quadriennale :

2. Aux termes de l'article 1er de la loi du 31 décembre 1968, relative à la prescription des créances sur l'Etat, les départements, les communes et les établissements publics : " Sont prescrites, au profit de l'Etat, des départements et des communes, sans préjudice des déchéances particulières édictées par la loi, et sous réserve des dispositions de la présente loi, toutes créances qui n'ont pas été payées dans un délai de quatre ans à partir du premier jour de l'année suivant celle au cours de laquelle les droits ont été acquis. / Sont prescrites, dans le même délai et sous la même réserve, les créances sur les établissements publics dotés d'un comptable public. ". Aux termes de l'article 2 de la même loi : " La prescription est interrompue par : / Toute demande de paiement ou toute réclamation écrite adressée par un créancier à l'autorité administrative, dès lors que la demande ou la réclamation a trait au fait générateur, à l'existence, au montant ou au paiement de la créance, alors même que l'administration saisie n'est pas celle qui aura finalement la charge du règlement. / Tout recours formé devant une juridiction, relatif au fait générateur, à l'existence, au montant ou au paiement de la créance, quel que soit l'auteur du recours et même si la juridiction saisie est incompétente pour en connaître, et si l'administration qui aura finalement la charge du règlement n'est pas partie à l'instance ; / Toute communication écrite d'une administration intéressée, même si cette communication n'a pas été faite directement au créancier qui s'en prévaut, dès lors que cette communication a trait au fait générateur, à l'existence, au montant ou au paiement de la créance ; / Toute émission de moyen de règlement, même si ce règlement ne couvre qu'une partie de la créance ou si le créancier n'a pas été exactement désigné. / Un nouveau délai de quatre ans court à compter du premier jour de l'année suivant celle au cours de laquelle a eu lieu l'interruption. Toutefois, si l'interruption résulte d'un recours juridictionnel, le nouveau délai court à partir du premier jour de l'année suivant celle au cours de laquelle la décision est passée en force de chose jugée. ". Enfin, aux termes du premier alinéa de l'article 7 de la même loi : " L'Administration doit, pour pouvoir se prévaloir, à propos d'une créance litigieuse, de la prescription prévue par la présente loi, l'invoquer avant que la juridiction saisie du litige au premier degré se soit prononcée sur le fond. ".

3. Lorsqu'un litige oppose un agent public à son administration sur le montant des rémunérations auxquelles il a droit, le fait générateur de la créance se trouve, en principe, dans les services accomplis par l'intéressé. Dans ce cas, le délai de prescription de la créance relative à ces services court, sous réserve des cas prévus à l'article 3 de la loi du 31 décembre 1968, à compter du 1er janvier de l'année suivant celle au titre de laquelle ils auraient dû être rémunérés, y compris lorsque le litige porte sur un prélèvement indu, à la condition qu'à cette date l'étendue de cette créance puisse être mesurée. Lorsque le préjudice allégué résulte non des règles relatives à la rémunération ou de leur application mais d'une décision individuelle explicite illégale, le fait générateur de la créance doit alors être rattaché, sous les mêmes réserves, non à l'exercice au cours duquel la décision a été prise, mais à celui au cours duquel elle a été valablement notifiée.

4. En l'absence d'éléments, dans le dossier, permettant d'établir la date de notification des notations au titre des années 2007 et 2010, des mesures de mutation prises en 2005 et 2010, des mises en disponibilité d'office prononcées en 2005 et 2012 et des retraits d'attributions et de responsabilités, dont Mme B... aurait fait l'objet, l'exception de prescription quadriennale opposée par la région Grand Est à l'encontre des créances résultant de l'illégalité des décisions individuelles en cause ne peut qu'être écartée. De même, contrairement aux allégations de la région Grand Est, à la date de réception de la demande préalable d'indemnisation de la requérante, le 27 février 2017, les créances relatives à l'absence de versement de tout ou partie de la prime de fin d'année et de la prime de chargé de mission pour les années 2013 à 2015 n'étaient pas encore prescrites.

5. En revanche, était échu, à la date du 27 février 2017, le délai de prescription des créances réclamées par Mme B... au titre, respectivement, d'une absence de versement de tout ou partie de la prime de fin d'année et de la prime de chargé de mission pour les années 2010 à 2012, de retenues injustifiées sur son traitement en février et en avril 2009, de l'absence de mise en place d'un équipement adapté à son handicap entre 2007 et 2010, de la perte d'objets personnels laissés dans son bureau lors d'un départ en congé de longue maladie en 2010, de dénigrements et de critiques proférés à l'encontre son travail en décembre 2009, des entraves à l'accomplissement de ses fonctions entre 2006 et 2009 et, enfin, d'un retard dans la mise en oeuvre en 2011 de son contrat de prévoyance.

6. Enfin, si Mme B... se prévaut d'un préjudice résultant des omissions ou des refus de son employeur de lui accorder le bénéfice des prestations de l'assurance " santé et compensation de salaire " au titre des années 1998 et 1999 et des années 2001 à 2005, qui a donné lieu à la signature, en 2007, d'un protocole transactionnel avec la collectivité, il résulte de l'instruction que la prescription, à supposer même qu'elle ait été interrompue par les courriels de janvier 2009, décembre 2009 et février 2010 versés au dossier, a recommencé à courir au plus tard le 1er janvier 2011 et était donc arrivée à expiration à la date du 27 février 2017. La requérante fait valoir, en outre, que de tels manquements se sont notamment reproduits au cours des années 2010 à 2012. Toutefois, ni les recours contentieux formés par l'intéressée, en septembre et octobre 2012, contre l'arrêté du 11 juin 2012 la plaçant en disponibilité d'office pour raison de santé à compter du 21 mai 2012, ni les courriers des 2 avril 2012 et 15 février 2013 relatifs à son inscription et au rétablissement de ses droits à la " mutuelle IPSEC ", ni le courrier du 17 juillet 2015 concernant la période postérieure à son accident de service du 8 septembre 2014, ni encore l'attestation d'un ancien représentant syndical du 20 décembre 2018, qui se borne à faire état de démarches portant sur des " questions salariales ", ne peuvent être regardés comme ayant interrompu la prescription. Par suite, l'exception de prescription quadriennale opposée par la région Grand Est à l'encontre de cette dernière créance doit encore être accueillie.

En ce qui concerne les fautes commises dans la gestion de la carrière et des problèmes de santé de Mme B... :

7. En premier lieu, en se bornant à faire valoir qu'elle aurait été victime de notations irrégulières et injustifiées, notamment au titre des années 2007 et 2009, de mutations illégales en 2005 et 2010 équivalant à une " mise au placard ", de retraits d'attributions et de responsabilités, d'un refus de transmission de documents lui permettant de connaître les droits des agents au titre du contrat de " prévoyance-compensation de salaire " souscrit par la région, de mensonges répétés sur l'absence de transmission d'arrêts de travail en 2012, de retards dans le traitement de ses congés maladie en 2011, 2012 et 2013, de retards dans la transmission des avis du comité médical et dans la transmission au comité médical de sa demande de prolongation du congé de maladie ordinaire en congé de longue maladie en septembre 2011, d'une absence de report automatique des congés non pris en 2013 sur l'année 2014, Mme B... n'établit pas, par ses seules allégations, l'existence de fautes commises par l'administration dans la gestion de sa carrière et de ses problèmes de santé. Par suite, elle n'est pas fondée à être indemnisée pour ces différents chefs de préjudice.

8. En deuxième lieu, il n'est pas contesté que, le 8 octobre 2012, l'administration a retiré l'arrêté du 11 juin 2012, portant mise en disponibilité d'office pour raison de santé de Mme B... à compter du 21 mai 2012, et a placé rétroactivement l'intéressée en congé de longue maladie à compter de cette même date. La requérante prétend que son employeur n'aurait pas tiré les conséquences de ce retrait en procédant au versement des

demi-traitements, dont elle a été irrégulièrement privés au cours de la période considérée. Toutefois, il résulte de l'instruction que la régularisation financière de l'intéressée est intervenue sur son bulletin de paie d'octobre 2012. Mme B... n'établit pas davantage que sa mise en disponibilité d'office se serait accompagnée d'une perte de sa mutuelle. Enfin, si elle fait valoir que la privation de la moitié de ses revenus pendant plus de quatre mois a généré des troubles dans ses conditions d'existence, la région Grand Est soutient, sans être sérieusement contredite sur ce point, qu'elle s'est trouvée dans l'obligation de placer la requérante en disponibilité d'office en raison de son manque de diligence à se rendre à une visite médicale qui lui aurait permis de bénéficier d'un congé de longue maladie. Par suite, l'intéressée ne peut prétendre à être indemnisée pour ces chefs de préjudice.

9. En troisième lieu, si Mme B... soutient que, du fait de la modestie de ses revenus, elle a subi un préjudice résultant du prélèvement tardif et important sur son seul traitement du mois d'octobre 2012 d'un indu de prime de chargé de mission de plus de 6 000 euros, il ne résulte pas de l'instruction que la requérante aurait lié le contentieux pour ce chef de préjudice, lequel est distinct de celui allégué dans son courrier du 24 février 2017 et résultant de la perte ou de l'absence de versement de primes. Par suite, elle ne peut prétendre, en tout état de cause, à une indemnisation à ce titre.

10. En quatrième lieu, Mme B... se prévaut de l'article 6 de la délibération du conseil régional de Lorraine des 25 et 26 juin 2008, fixant le régime indemnitaire des agents du siège, en vertu duquel les indemnités et primes mentionnés dans la présente délibération sont maintenues, à l'exclusion de celles liées à l'exercice des fonctions, sous réserve des modalités d'application du régime indemnitaire complété à l'article 12, dans les cas où l'agent est considéré en position d'activité et notamment en cas de congé de maladie ou de congé de longue maladie. Toutefois, à supposer même que la prime de fin d'année et la prime de chargé de mission relève effectivement de ces dispositions, il résulte de l'article 12 que le régime indemnitaire des agents du siège comprend une part variable dénommée " évaluation ", qui est susceptible de faire l'objet d'une proratisation par mois complet de présence ou d'un abattement par jour d'absence à compter du sixième jour ouvré de maladie ordinaire. Dans ces conditions, en se bornant à faire valoir que sa prime de fin d'année a été versée partiellement en 2013, 2014 et 2014 et que sa prime de chargé de mission a été réduite en septembre 2013, Mme B... n'établit pas que la région aurait commis une faute de nature à engager sa responsabilité. Par suite, elle ne peut prétendre à être indemnisée pour ce chef de préjudice.

11. En cinquième lieu, s'il n'est pas contesté que Mme B... est affilée à la " mutuelle IPSEC " depuis le 1er avril 2012, il ne résulte pas de l'instruction qu'elle aurait adhéré à la " prévoyance IPSEC ". Par suite, la circonstance que l'intéressée n'a pas bénéficié des prestations de l'assurance " santé et compensation de salaire " au titre de l'année 2013 n'est pas de nature à caractériser une faute susceptible d'engager la responsabilité de la collectivité.

12. En sixième lieu, Mme B... fait valoir qu'elle remplit les conditions statutaires pour accéder au grade d'attachée principale. Toutefois, il est constant que, tant l'avancement de grade, que l'inscription au tableau élaboré à cette fin, ne constituent pas un droit pour l'agent concerné et relèvent d'une appréciation des mérites et de la qualité des services des agents remplissant les conditions exigées pour l'inscription audit tableau. Par suite, en l'absence de tout élément permettant d'établir que l'administration aurait commis une erreur manifeste d'appréciation en ne la proposant pas à l'avancement de grade, la requérante n'est pas fondée à réclamer une indemnisation pour ce chef de préjudice.

13. En septième lieu, il résulte de l'instruction, que, à la suite de l'avis du comité médical départemental du 4 juillet 2013, la région Lorraine a procédé à la réintégration de Mme B... dans les effectifs de la collectivité, à compter du 19 août 2013, dans le cadre d'un mi-temps thérapeutique, avec le bénéfice d'un plein traitement. Le poste occupé par l'intéressée avant son placement en congé de longue maladie ayant été supprimé pendant son absence, la requérante a rencontré, le 3 septembre 2013, plusieurs responsables des ressources humaines de la collectivité afin d'envisager les conditions de sa reprise d'activité sur un nouveau poste et a exprimé, à cette occasion, son souhait de ne pas être affectée dans certains services. Par un courrier du 18 octobre 2013, l'administration lui a alors indiqué qu'aucun poste n'était disponible à cette date et l'a invitée à prendre rendez-vous en vue d'effectuer un bilan de compétences. Mme B..., qui n'a pas donné suite à cette invitation, n'établit pas que des postes correspondant à son grade et adapté à sa situation médicale auraient pu lui être proposé avant son affectation, à compter du 1er août 2014, sur un poste de chargé de mission " FEADER non agricole " au sein du pôle régional " Appui aux territoires ". Si la requérante fait valoir que, en vertu de l'avis du comité médical départemental du 4 juillet 2013, qu'un mi-temps thérapeutique d'une durée de six mois aurait dû lui être accordé dès le 21 mai 2013, il résulte de l'instruction que l'intéressée a bénéficié de ce mi-temps thérapeutique avec conservation de son plein traitement pendant une année jusqu'au 19 août 2014. Dans ces conditions, Mme B... n'est pas fondée à soutenir qu'elle aurait été privée d'une partie de ses revenus du fait d'un délai anormalement long entre l'avis du 4 juillet 2013 et son affectation le 1er août 2014. De même, elle ne démontre pas en quoi cette affectation tardive et son maintien à demi-traitement entre le 21 mai et le 19 août 2013, du fait de son placement en congé de longue maladie, aurait généré des troubles dans ses conditions d'existence. Par suite, alors qu'il ne résulte pas de l'instruction que le poste sur lequel elle a été affectée ne correspondrait pas à ses qualifications, la requérante ne peut prétendre à une indemnisation pour ces chefs de préjudices.

14. En huitième lieu, il résulte de l'instruction que Mme B... a été réintégrée à temps plein dans ses fonctions de chargée de mission dès le 19 août 2014 et n'a donc pas été mise à même, eu égard à son affectation sur ce poste le 1er août 2014, de bénéficier, de manière effective, du mi-temps thérapeutique de six mois préconisé par le comité médical départemental dans son avis du 4 juillet 2013. Si la requérante fait valoir que cette illégalité l'a privée d'une perte de chance de reprendre durablement ses fonctions, il est constant que l'intéressée, après sa période de congés annuels, a été victime d'un accident reconnu imputable au service le 8 septembre 2014 et a été placée en congé de maladie jusqu'au mois de septembre 2015. Par suite, alors que le lien entre l'accident de service et la reprise des fonctions à temps plein n'est pas établi, Mme B... ne peut prétendre à une indemnisation pour ce chef de préjudice.

15. En neuvième et dernier lieu, la requérante reproche à la région de ne pas avoir procédé à l'aménagement de son poste de travail avant sa reprise de fonctions le 1er août 2014. Toutefois, il résulte de l'instruction, notamment de l'avis du médecin de prévention du 20 septembre 2013 et du courrier du président du conseil régional du 21 juillet 2014, que la fourniture d'un fauteuil de bureau adapté à l'état de santé de l'intéressée était subordonnée à une visite " in situ " de ce poste de travail par un préventeur afin d'en déterminer concrètement, compte tenu des besoins exprimés par l'agent, les caractéristiques. L'administration fait valoir, sans être sérieusement contredite sur ce point, que la reprise de fonctions de Mme B..., compte tenu de la prise des congés annuels, n'a duré que dix jours et qu'il ne lui a pas été possible, compte tenu de la période estivale, de programmer cette visite avant la survenance de l'accident de service du 8 septembre 2014. Nonobstant le certificat médical daté du 11 avril 2019, affirmant de façon péremptoire l'existence d'un tel lien, il n'est pas établi que l'absence d'aménagement du poste de travail de la requérante serait la cause directe et immédiate de son accident de service. Par suite, eu égard aux circonstances de l'espèce, Mme B... n'est pas fondée à soutenir que son employeur aurait commis une faute de nature à engager sa responsabilité.

En ce qui concerne les agissements de harcèlement moral :

16. Aux termes du premier alinéa de l'article 6 quinquiès de la loi du 13 juillet 1983, portant droits et obligations des fonctionnaires : " Aucun fonctionnaire ne doit subir les agissements répétés de harcèlement moral qui ont pour objet ou pour effet une dégradation des conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d'altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel. ".

17. Il appartient à un agent public, qui soutient avoir été victime d'agissements constitutifs de harcèlement moral, de soumettre au juge des éléments de fait susceptibles de faire présumer l'existence d'un tel harcèlement. Il incombe à l'administration de produire, en sens contraire, une argumentation de nature à démontrer que les agissements en cause sont justifiés par des considérations étrangères à tout harcèlement. La conviction du juge, à qui il revient d'apprécier si les agissements de harcèlement sont ou non établis, se détermine au vu de ces échanges contradictoires, qu'il peut compléter, en cas de doute, en ordonnant toute mesure d'instruction utile. Pour apprécier si des agissements, dont il est allégué qu'ils sont constitutifs d'un harcèlement moral, revêtent un tel caractère, le juge administratif doit tenir compte des comportements respectifs de l'agent, auquel il est reproché d'avoir exercé de tels agissements, et de l'agent qui estime avoir été victime d'un harcèlement moral. En revanche, la nature même des agissements en cause exclut, lorsque l'existence d'un harcèlement moral est établie, qu'il puisse être tenu compte du comportement de l'agent qui en a été victime pour atténuer les conséquences dommageables qui en ont résulté pour lui. Le préjudice résultant de ces agissements pour l'agent victime doit alors être intégralement réparé. Pour être qualifiés de harcèlement moral, de tels faits répétés doivent excéder les limites de l'exercice normal du pouvoir hiérarchique. Dès lors qu'elle n'excède pas ces limites, une simple diminution des attributions justifiée par l'intérêt du service, en raison d'une manière de servir inadéquate ou de difficultés relationnelles, n'est pas constitutive de harcèlement moral.

18. Compte tenu de ce qui a été dit précédemment, les éléments versés aux débats par Mme B..., notamment le certificat médical du l9 mars 2005 et les témoignages en sa faveur émanant d'un collègue de travail, d'un représentant syndical ou encore de personnes extérieures à la collectivité, ne permettent pas à faire présumer l'existence d'agissements de harcèlement moral qui seraient imputables à l'employeur. Par suite, la requérante ne peut prétendre à une indemnisation sur ce fondement.

19. Il résulte de tout ce qui précède que Mme B... n'est pas fondée à solliciter la condamnation de la région Grand Est à lui verser la somme totale de 400 000 euros. Par suite, elle n'est pas davantage fondée soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande.

Sur les frais de justice :

20. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'il soit mis à la charge de la région Grand Est, qui n'est pas la partie perdante dans cette instance, la somme réclamée par Mme B... au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens. Il n'y a pas lieu non plus, dans les circonstances de l'espèce, de faire droit aux conclusions présentées par la défenderesse en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

D E C I D E :

Article 1er : La requête de Mme B... est rejetée.

Article 2 : Les conclusions présentées par la région Grand Est en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à Me F... pour Mme E... B... en application des dispositions de l'article 6 du décret n° 2020-1406 du 18 novembre 2020 et à la région Grand Est.

N° 19NC02477 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nancy
Formation : 3ème chambre
Numéro d'arrêt : 19NC02477
Date de la décision : 13/04/2021
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

36-13-03 Fonctionnaires et agents publics. Contentieux de la fonction publique. Contentieux de l'indemnité.


Composition du Tribunal
Président : Mme VIDAL
Rapporteur ?: M. Eric MEISSE
Rapporteur public ?: Mme SEIBT
Avocat(s) : SENEJEAN

Origine de la décision
Date de l'import : 20/04/2021
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nancy;arret;2021-04-13;19nc02477 ?
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