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27/05/2021 | FRANCE | N°19NC03618

France | France, Cour administrative d'appel de Nancy, 2ème chambre, 27 mai 2021, 19NC03618


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société à responsabilité limitée (SARL) Sélestadienne de Participations a demandé au tribunal administratif de Strasbourg de prononcer la décharge, en droits et pénalités, du supplément d'impôt sur les sociétés qui lui a été assigné au titre des années 2010 et 2011. Le jugement de cette affaire a été attribué au tribunal administratif de Nancy, en application de l'article R. 351-8 du code de justice administrative, par ordonnance du président de la section du contentieux du Conseil d'Etat d

u 26 mars 2019.

Par un jugement rendu sous le numéro 1722639 du 17 octobre 2019, l...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société à responsabilité limitée (SARL) Sélestadienne de Participations a demandé au tribunal administratif de Strasbourg de prononcer la décharge, en droits et pénalités, du supplément d'impôt sur les sociétés qui lui a été assigné au titre des années 2010 et 2011. Le jugement de cette affaire a été attribué au tribunal administratif de Nancy, en application de l'article R. 351-8 du code de justice administrative, par ordonnance du président de la section du contentieux du Conseil d'Etat du 26 mars 2019.

Par un jugement rendu sous le numéro 1722639 du 17 octobre 2019, le tribunal administratif de Nancy a rejeté cette demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 16 décembre 2019 ainsi qu'un mémoire enregistré le 18 décembre 2020, la SARL Sélestadienne de Participations, représentée par Me B..., demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) de prononcer la décharge des impositions et pénalités contestées ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 5 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- les avances consenties à sa filiale la société Partenariat GMBH (anciennement DKH) au cours des années 2003 à 2011 ont eu pour objet de permettre à cette filiale de faire l'acquisition de trois sociétés françaises spécialisées dans le traitement et la valorisation des déchets verts et de leur avancer les sommes nécessaires à leurs investissements ; ces trois sociétés ayant connu de graves difficultés ayant conduit à leur liquidation, elle a dû provisionner les avances en compte courant qu'elle avait consenties à la société Partenariat GMBH ; ces avances ont donc été consenties dans l'intérêt de la société requérante, celui de permettre le développement de filiales dans une nouvelle activité, de nature à permettre une plus-value à terme, et les difficultés rencontrées justifient la constitution des provisions ; la réalité des investissements réalisés par la société Partenariat GMBH dans les trois sous-filiales est par ailleurs établie contrairement à ce qu'ont estimé à tort l'administration et le jugement attaqué ;

- c'est par suite à tort que le service a considéré que ces avances ne relevaient pas d'une gestion commerciale normale et qu'il s'est fondé sur la théorie du risque excessif ;

- les pénalités pour défaut de dépôt de déclaration du b) du 1 de l'article 1728 qui lui ont été infligées ne sont pas fondées, d'abord, en ce que les redressements litigieux ne sont pas eux-mêmes fondés, ensuite, en ce qu'il n'est pas justifié de la notification de mises en demeure, enfin, en ce que l'omission de déclaration qui lui est imputée ne se rapporte pas aux exercices ayant fait l'objet d'absence de dépôt de déclaration mais à des exercices antérieurs.

Par deux mémoires en défense enregistrés les 15 juillet 2020 et 29 mars 2021, le ministre de l'action et des comptes publics conclut au rejet de la requête.

Il soutient que les moyens soulevés ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- l'ordonnance n° 2020-1402 et le décret n° 2020-1406 du 18 novembre 2020 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement convoquées à l'audience publique.

Ont été entendu au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. A... ;

- les conclusions de Mme Haudier, rapporteure publique ;

- et les observations de Me B..., représentant la société Sélestadienne de Participations.

Considérant ce qui suit :

1. La SARL Sélestadienne de Participations, soumise de plein droit à l'impôt sur les sociétés, a une activité de location de locaux nus à usage professionnel, gère ses participations dans diverses sociétés et assure la fourniture de services à celles-ci. Elle a fait l'objet d'une vérification de comptabilité ayant concerné la période du 1er janvier 2010 au 31 décembre 2011 à l'issue de laquelle l'administration a, notamment, réintégré dans ses bénéfices imposables des années 2010 et 2011 le montant de la provision pour créance douteuse figurant au passif de son bilan destinée à faire face au risque de non recouvrement des créances qu'elle détenait sur sa filiale la société de droit allemand Partenariat Gmbh, anciennement dénommée DKH, à raison d'avances en compte courant qu'elle lui avait consenties au cours des exercices 2003 à 2011. Ces rectifications ont été notifiées le 6 mai 2013 selon la procédure de taxation d'office prévue par le 2° de l'article L. 66 du livre des procédures fiscales, pour non dépôt des déclarations de résultats dans les trente jours d'une mise en demeure, et par une proposition de rectification du 6 mai 2013. Les rectifications ayant été maintenues par une réponse aux observations du contribuable du 7 juin 2013 et à la suite d'un recours hiérarchique le 26 juin 2013, les impositions supplémentaires, assorties des pénalités pour défaut de dépôt de déclarations, ont été mises en recouvrement le 8 août 2013. Ses réclamations ayant été rejetées les 12 août 2015 et 21 mars 2017, la SARL Sélestadienne de Participations a saisi le tribunal administratif de Strasbourg de sa contestation laquelle a été attribuée au tribunal administratif de Nancy par l'ordonnance ci-dessus visée du 26 mars 2019. La SARL Sélestadienne de Participations relève appel du jugement du 17 octobre 2019 par lequel le tribunal administratif de Nancy a rejeté sa demande tendant à la décharge des impositions et pénalités litigieuses.

Sur le bien-fondé des impositions :

2. Aux termes de l'article L. 66 du livre des procédures fiscales : " Sont taxés d'office:/ (...) 2° à l'impôt sur les sociétés, les personnes morales passibles de cet impôt qui n'ont pas déposé dans le délai légal leur déclaration, sous réserve de la procédure de régularisation prévue à l'article L. 68 ". Aux termes de l'article L. 68 du même livre : " La procédure de taxation d'office prévue aux 2° et 5° de l'article L. 66 n'est applicable que si le contribuable n'a pas régularisé sa situation dans les trente jours de la notification d'une mise en demeure ". Aux termes de l'article L. 193 du même livre : " Dans tous les cas où une imposition a été établie d'office la charge de la preuve incombe au contribuable qui demande la décharge ou la réduction de l'imposition ". Aux termes enfin de l'article R. 193-1 du même livre : "Dans le cas prévu à l'article L. 193 le contribuable peut obtenir la décharge ou la réduction de l'imposition mise à sa charge en démontrant son caractère exagéré ".

3. L'administration justifie avoir notifié à la SARL Sélestadienne de Participations deux mises en demeure d'avoir à déposer ses déclarations de résultats au titre des années 2010 et 2011 dont elle a accusé réception le 7 juillet 2011 et le 17 juillet 2012. N'ayant pas déposé ces déclarations dans le délai de trente jours à compter de la notification de ces actes, c'est régulièrement qu'elle a été taxée d'office à l'impôt sur les sociétés au titre des années 2010 et 2011. Par suite, la charge de prouver le caractère exagéré des impositions lui incombe en vertu des dispositions ci-dessus reproduites.

4. Aux termes de l'article 39 du code général des impôts rendu applicable en matière d'impôt sur les sociétés par l'article 209 du même code : " 1. Le bénéfice net est établi sous déduction de toutes charges, celles-ci comprenant, sous réserve des dispositions du 5, notamment :/ (...) 5° Les provisions constituées en vue de faire face à des pertes ou charges nettement précisées et que des événements en cours rendent probables, à condition qu'elles aient été effectivement constatées dans les écritures de l'exercice ". Il résulte de ces dispositions qu'une entreprise peut valablement porter en provision et déduire des bénéfices imposables d'un exercice le montant de charges qui ne seront supportées qu'ultérieurement par elle, à la condition que ces charges soient nettement précisées quant à leur nature et susceptibles d'être évaluées avec une approximation suffisante, qu'elles apparaissent comme probables eu égard aux circonstances constatées à la date de clôture de l'exercice et qu'elles se rattachent aux opérations de toute nature déjà effectuées à cette date par l'entreprise. Ne peuvent être déduites du bénéfice net passible de l'impôt sur les sociétés les provisions constituées en vue de faire face à des pertes ou charges étrangères à une gestion commerciale normale. C'est au regard du seul intérêt propre de l'entreprise que l'administration doit apprécier si les opérations litigieuses correspondent à des actes relevant d'une gestion commerciale normale. Les prêts et avances sans intérêts ou l'abandon de créances accordés par une entreprise au profit d'un tiers ne relèvent pas, en règle générale, d'une gestion commerciale normale, sauf s'il apparaît qu'en consentant de tels avantages l'entreprise a agi dans son propre intérêt cette règle doit recevoir application même si le bénéficiaire de ces avances est une filiale, hormis le cas où la situation des deux sociétés serait telle que la société mère puisse être regardée comme ayant agi dans son propre intérêt en venant en aide à une filiale en difficulté. Il n'appartient pas à l'administration, dans ce cadre, de se prononcer sur l'opportunité des choix de gestion opérés par l'entreprise et notamment pas sur l'ampleur des risques pris par elle pour améliorer ses résultats.

5. Il résulte de l'instruction qu'à l'ouverture de la période vérifiée, une provision de 1 639 783,96 euros figurait au passif du bilan de la société requérante, cette provision étant augmentée d'une somme de 6 613 euros à la clôture de l'exercice 2011. Cette provision a été présentée comme destinée à faire face au risque de non recouvrement de la créance détenue sur une société Partenariat Gmbh (anciennement DKH) constituée d'avances en compte courant consenties au cours des années 2003 à 2011, immédiatement provisionnées au fur et à mesure qu'elles étaient accordées. La SARL Sélestadienne de Participations a acquis la majorité des parts sociales de la société de droit allemand Partenariat Gmbh le 24 décembre 2003. La société requérante a justifié les avances accordées à la société Partenariat par le projet de faire financer par cette dernière le développement de deux sociétés françaises spécialisées dans le traitement et la valorisation des déchets végétaux dans le but ultime de les céder avec profit à des acquéreurs allemands et la constitution des provisions pour créances douteuses par la situation financière obérée de ses deux sociétés françaises ayant abouti à leur liquidation judiciaire. Si, afin de réintégrer les provisions litigieuses, le service a paru se fonder, dans un premier temps, sur le risque excessif que présentait l'opération, l'administration, ainsi qu'il ressort notamment des décisions de rejet des réclamations préalables, s'est finalement fondée, d'une part, sur le caractère anormal selon elle des avances accordées à la société Partenariat et, d'autre part, sur l'absence de justification du risque de non-recouvrement de la créance.

6. En admettant même que la SARL Sélestadienne de Participations justifie devant la cour de ce qu'elle a effectivement versé à la société Partenariat Gmbh les sommes inscrites au débit de son compte courant et de ce que cette dernière a bien apporté son concours financier aux deux sociétés Comevard et Terra Valor, elle ne produit cependant aucun élément de nature à justifier l'existence de son projet de développement d'une activité de valorisation des déchets végétaux créatrice de valeur et qui lui aurait permis à terme de réaliser une plus-value en faisant céder ses deux sous-filiales par la société Partenariat. Il n'est pas contesté que les avances consenties à la société Partenariat n'ont donné lieu à aucun contrat, à aucun échéancier, non plus qu'à la facturation d'intérêts. Dans ces conditions, la société requérante ne justifie pas de l'intérêt qu'elle avait à consentir pendant huit années des avances à sa filiale allemande Partenariat Gmbh. Par suite, c'est à juste titre que l'administration a considéré que les avances litigieuses ne correspondaient pas à une gestion commerciale normale.

7. Si la liquidation judiciaire des sociétés Terra Valor et Comevard est établie, la société requérante ne justifie par aucun élément qu'à la clôture de chacun des exercices 2003 à 2011, des évènements en cours rendaient probable que la société Partenariat Gmbh ne parviendrait pas à rembourser les avances qui lui avaient été consenties dans les conditions ci-dessus rappelées, en dépit de sa qualité de société mère de ces deux sociétés. Par suite, en l'absence de justification de la probabilité du risque de perte sur ces créances, c'est à juste titre que l'administration a réintégré dans les bénéfices imposables de la société requérante les provisions litigieuses.

Sur les pénalités :

8. Aux termes de l'article 1728 du code général des impôts : " 1. Le défaut de production dans les délais prescrits d'une déclaration ou d'un acte comportant l'indication d'éléments à retenir pour l'assiette ou la liquidation de l'impôt entraîne l'application, sur le montant des droits mis à la charge du contribuable ou résultant de la déclaration ou de l'acte déposé tardivement, d'une majoration de : (...) b. 40 % lorsque la déclaration ou l'acte n'a pas été déposé dans les trente jours suivant la réception d'une mise en demeure, notifiée par pli recommandé, d'avoir à le produire dans ce délai ".

9. D'abord, l'administration justifie dans les conditions ci-dessus rappelées avoir notifié à la société requérante des mises en demeure d'avoir à déposer ses déclarations de résultats au titre des années 2010 et 2011. En l'absence de dépôt de ces déclarations dans les trente jours suivant cette notification, c'est à bon droit que les impositions litigieuses, dont le bien-fondé a été établi ci-dessus, ont été assorties de la pénalité prévue par les dispositions ci-dessus reproduites de l'article 1728 du code général des impôts.

10. Ensuite, la circonstance que les provisions litigieuses ont été constituées pour leur majeure part au cours d'exercices antérieurs aux deux années pour lesquelles les déclarations n'ont pas été déposées est sans influence sur le bien-fondé de la pénalité due pour les impositions établies au titre des années 2010 et 2011 au cours desquelles l'administration a constaté à juste titre qu'était maintenue au passif du bilan une provision injustifiée.

11. Il résulte de tout ce qui précède que la SARL Sélestadienne de Participations n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nancy a rejeté sa demande. Par suite, sa requête d'appel doit être rejetée en toutes ses conclusions y compris celles tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

D E C I D E :

Article 1er : La requête de la SARL Sélestadienne de Participations est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à la SARL Sélestadienne de Participations et au ministre de l'économie, des finances et de la relance.

N° 19NC03618 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nancy
Formation : 2ème chambre
Numéro d'arrêt : 19NC03618
Date de la décision : 27/05/2021
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

Contributions et taxes - Généralités - Amendes - pénalités - majorations.

Contributions et taxes - Impôts sur les revenus et bénéfices - Revenus et bénéfices imposables - règles particulières - Bénéfices industriels et commerciaux - Détermination du bénéfice net - Provisions.


Composition du Tribunal
Président : M. MARTINEZ
Rapporteur ?: M. Marc AGNEL
Rapporteur public ?: Mme HAUDIER
Avocat(s) : KRETZ

Origine de la décision
Date de l'import : 08/06/2021
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nancy;arret;2021-05-27;19nc03618 ?
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