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28/12/2021 | FRANCE | N°20NC00621

France | France, Cour administrative d'appel de Nancy, 4ème chambre, 28 décembre 2021, 20NC00621


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme A... C... a demandé au tribunal administratif de Strasbourg d'annuler la décision implicite de rejet du centre communal d'action sociale (CCAS) de Thionville du 15 février 2018 par laquelle celui-ci a refusé de faire droit à sa demande indemnitaire formulée le 15 décembre 2017 et de condamner le centre communal à lui verser une somme totale de 18 525,90 euros en réparation des préjudices qu'elle a subis du fait du défaut d'entretien normal de l'ouvrage public dont le CCAS a la garde.

Par un j

ugement n° 1802685 du 7 janvier 2020, le tribunal administratif de Strasbourg a...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme A... C... a demandé au tribunal administratif de Strasbourg d'annuler la décision implicite de rejet du centre communal d'action sociale (CCAS) de Thionville du 15 février 2018 par laquelle celui-ci a refusé de faire droit à sa demande indemnitaire formulée le 15 décembre 2017 et de condamner le centre communal à lui verser une somme totale de 18 525,90 euros en réparation des préjudices qu'elle a subis du fait du défaut d'entretien normal de l'ouvrage public dont le CCAS a la garde.

Par un jugement n° 1802685 du 7 janvier 2020, le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande et a mis les frais d'expertise à la charge de Mme B....

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire enregistrés les 9 mars 2020 et 20 janvier 2021, Mme C..., représentée par la SELARL Axio Avocats, demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Strasbourg du 7 janvier 2020 ;

2°) d'annuler la décision implicite de rejet du centre communal d'action sociale de Thionville du 15 février 2018 ;

3°) de dire et juger que le CCAS de Thionville a commis une faute à son égard, que sa responsabilité est dès lors engagée ;

4°) de condamner le CCAS de Thionville à lui verser les sommes suivantes en réparation de ses préjudices :

* 1 525,90 euros correspondant aux frais médicaux ;

* 1 000 euros correspondant aux frais divers tels que les déplacements aux rendez-vous médicaux ;

* 1 000 euros correspondant au déficit fonctionnel temporaire ;

* 5 000 euros correspondant au préjudice esthétique temporaire ;

* 5 000 euros correspondant au préjudice d'agrément ;

* 3 000 euros correspondant aux souffrances endurées ;

* 1 000 euros correspondant aux dépenses de santé futures ;

* 1 000 euros correspondant au préjudice sexuel.

5°) de mettre à la charge du CCAS de Thionville le versement de la somme de 1 500 euros sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- le jugement est insuffisamment motivé ;

- en sa qualité d'usager d'un ouvrage public, elle a été victime le 1er avril 2014 d'un accident dans les locaux de la crèche multi-accueil du Bois-Joli, à Thionville, en heurtant une baie vitrée ;

- la baie vitrée ne comportait aucune signalisation pour assurer sa visibilité, un défaut d'entretien normal de l'ouvrage public est donc caractérisé et la responsabilité du CCAS doit être engagée ;

- elle n'a commis aucune faute ;

- du fait de son accident, elle a subi des préjudices tant matériels que dans ses conditions d'existence à hauteur de 18 525,90 euros ; le CCAS doit être condamné à réparer ces préjudices.

Par un mémoire en défense, enregistré le 16 juin 2020, le centre communal d'action sociale de Thionville, représenté par Me Tadic, conclut au rejet de la requête d'appel, à la minoration de l'indemnité et à ce que la somme de 1 500 euros soit mise à la charge de Mme C... sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il fait valoir que :

- à titre principal, les pièces produites par la requérante ne permettent pas de démontrer que l'appel a été exercé dans le délai de recours de deux mois à compter de la notification du jugement attaqué ;

- à titre subsidiaire, le CCAS rapporte la preuve de l'entretien normal de l'ouvrage ;

- le dommage résulte d'une faute d'inattention de Mme C....

Par ordonnance du 27 septembre 2021, la clôture de l'instruction a été fixée au 20 octobre 2021 à 12h00.

Par deux mesures d'instruction en date des 5 novembre 2021 et 17 novembre 2021, la cour a demandé à la requérante de préciser la caisse de sécurité sociale qui a pris en charge les frais exposés en raison de l'accident du 1er avril 2014. Aucune réponse n'a été apportée à la cour par Mme C....

Les parties ont été informées le 5 novembre 2021, conformément aux dispositions de l'article R. 611-7 du code de justice administrative, que la cour était susceptible de relever d'office le moyen d'ordre public tiré de l'irrégularité du jugement attaqué à défaut de mise en cause de l'organisme de sécurité sociale d'affiliation de Mme C....

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de la sécurité sociale ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Roussaux, première conseillère,

- les conclusions de M. Michel, rapporteur public ;

- les observations de Me Lazzarin, substituant Me Tadic et représentant le centre communal d'action sociale de Thionville.

Considérant ce qui suit :

1. Mme C... a été victime le 1er avril 2014 d'un accident dans les locaux de la crèche multi-accueil du Bois-Joli. Elle a sollicité auprès du tribunal administratif de Strasbourg une expertise judiciaire aux fins de déterminer ses préjudices qui a donné lieu à un rapport rendu le 16 février 2017. Mme C... a alors formé une demande préalable indemnitaire auprès du centre communal d'action sociale (CCAS) de Thionville pour un préjudice évalué à 18 525,90 euros. En l'absence de réponse du CCAS, elle a saisi le tribunal administratif de Strasbourg d'une demande tendant à annuler le refus implicite opposé à sa demande indemnitaire et à ce que le CCAS soit condamné à lui verser la somme de 18 525,90 euros. Mme C... relève appel du jugement du tribunal administratif de Strasbourg du 7 janvier 2020 qui a rejeté sa demande.

Sur la recevabilité de la requête d'appel :

2. Aux termes de l'article R. 811-2 du code de justice administrative : " Sauf disposition contraire, le délai d'appel est de deux mois. Il court contre toute partie à l'instance à compter du jour où la notification a été faite à cette partie dans les conditions prévues aux articles R. 751-3 à R. 751-4-1.(...) ".

3. Il ressort des pièces du dossier que le jugement a été notifié à Mme B... par lettre avec accusé réception. Le pli est revenu à l'administration avec la mention " pli avisé non réclamé " le 10 janvier 2020. La notification est ainsi réputée avoir été régulièrement accomplie à cette date. L'appel a été enregistré au greffe de la cour le 9 mars 2020, soit dans le délai franc de 2 mois prévu par les dispositions de l'article R. 811-2 précité. Ainsi, la requête d'appel n'est pas, contrairement à ce que soutient le CCAS de Thionville, tardive.

Sur la régularité du jugement

4. Aux termes de l'article L. 376-1 du code de la sécurité sociale, dans sa rédaction applicable à la date du jugement : " Lorsque, sans entrer dans les cas régis par les dispositions législatives applicables aux accidents du travail, la lésion dont l'assuré social ou son ayant droit est atteint est imputable à un tiers, l'assuré ou ses ayants droit conserve contre l'auteur de l'accident le droit de demander la réparation du préjudice causé, conformément aux règles du droit commun, dans la mesure où ce préjudice n'est pas réparé par application du présent livre. Les caisses de sécurité sociale sont tenues de servir à l'assuré ou à ses ayants droit les prestations prévues par le présent livre, sauf recours de leur part contre l'auteur responsable de l'accident dans les conditions ci-après. Si la responsabilité du tiers est entière ou si elle est partagée avec la victime, la caisse est admise à poursuivre le remboursement des prestations mises à sa charge à due concurrence de la part d'indemnité mise à la charge du tiers qui répare l'atteinte à l'intégrité physique de la victime, à l'exclusion de la part d'indemnité, de caractère personnel, correspondant aux souffrances physiques ou morales par elle endurées et au préjudice esthétique et d'agrément. De même, en cas d'accident suivi de mort, la part d'indemnité correspondant au préjudice moral des ayants droit leur demeure acquise (...) L'intéressé ou ses ayants droit doivent indiquer, en tout état de la procédure, la qualité d'assuré social de la victime de l'accident ainsi que les caisses de sécurité sociale auxquelles celle-ci est ou était affiliée pour les divers risques. Ils doivent appeler ces caisses en déclaration de jugement commun. A défaut du respect de l'une de ces obligations, la nullité du jugement sur le fond pourra être demandée pendant deux ans, à compter de la date à partir de laquelle ledit jugement est devenu définitif, soit à la requête du ministère public, soit à la demande des caisses de sécurité sociale intéressées ou du tiers responsable, lorsque ces derniers y auront intérêt (...) ";

5. Il appartient au juge administratif, qui dirige l'instruction, d'ordonner la mise en cause des parties intéressées au litige. En ayant omis de mettre en cause d'office la caisse primaire d'assurance maladie de Mme C... en vue de l'exercice par celle-ci de l'action susmentionnée, le tribunal administratif de Strasbourg a entaché son jugement d'irrégularité. Par suite, et sans qu'il soit besoin d'examiner le moyen d'irrégularité du jugement soulevé par Mme C..., il y a lieu d'annuler le jugement du 7 janvier 2020 du tribunal administratif de Strasbourg et de statuer immédiatement sur la demande présentée par Mme C... devant le tribunal administratif de Strasbourg.

Sur la demande indemnitaire :

6. Mme C..., en demandant la réparation des préjudices subis, a donné à l'ensemble de sa demande le caractère d'un recours de plein contentieux. La décision implicite de rejet née du silence du CCAS de Thionville sur la demande indemnitaire préalable que lui a adressée Mme C... le 15 décembre 2017 a eu pour seul effet de lier le contentieux, sans que son annulation puisse être utilement demandée.

7. Pour obtenir réparation par le maître de l'ouvrage des dommages qu'ils ont subis à l'occasion de l'utilisation d'un ouvrage public, les usagers doivent démontrer l'existence d'un lien de causalité direct entre l'ouvrage et le dommage. La collectivité en charge de l'ouvrage public doit alors, pour s'exonérer de sa responsabilité, soit établir qu'elle a normalement entretenu l'ouvrage, soit démontrer que le dommage est imputable à une faute de la victime ou à un cas de force majeure.

8. Il résulte de l'instruction, et notamment de la déclaration d'accident du 4 avril 2014 signée par Mme C..., que cette dernière a heurté la baie vitrée de la crèche multi-accueil du Bois-Joli le 1er avril 2014 alors qu'elle venait chercher son fils dans le jardin de la crèche. Si la baie vitrée n'était pas, au moment de l'accident, munie d'autocollants de couleurs, elle était aisément identifiable par ses huisseries de couleur sombre de part et d'autre. La requérante, qui connaissait bien les lieux puisque son fils fréquentait la crèche depuis le 1er octobre 2013, admet s'être dirigée, aveuglée par le soleil, précipitamment vers le jardin pour rejoindre son fils qui était en pleurs. L'accident dont elle a été victime doit ainsi être regardé comme étant exclusivement imputable à son inattention. Il ne peut en conséquence engager la responsabilité du CCAS.

9. Il résulte de tout ce qui précède que les conclusions indemnitaires de Mme C... ne peuvent être que rejetées.

Sur les dépens :

10. Aux termes de l'article R. 761-1 du code de justice administrative : " Les dépens comprennent les frais d'expertise, d'enquête et de toute autre mesure d'instruction dont les frais ne sont pas à la charge de l'Etat. / (...). ".

11. Par application de ces dispositions, les frais et honoraires de l'expertise liquidés et taxés à la somme de 1 000 euros par l'ordonnance du 26 mai 2017 doivent être mis à la charge définitive de Mme C..., partie perdante à la présente instance.

Sur les frais liés à l'instance :

12. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mis à la charge du CCAS de Thionville, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, tout ou partie des frais exposés par Mme C... et non compris dans les dépens. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire droit aux conclusions présentées sur le même fondement par le CCAS de Thionville.

D E C I D E :

Article 1er : Le jugement n° 1802685 du 7 janvier 2020 du tribunal administratif de Strasbourg est annulé.

Article 2 : La demande de Mme C... est rejetée.

Article 3 : Les frais d'expertise liquidés et taxés à la somme de 1 000 (mille) euros sont mis à la charge définitive de Mme C....

Article 4 : Les conclusions présentées par le centre communal d'action sociale de Thionville sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à Mme C... et au centre communal d'action sociale de Thionville.

20NC00621


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nancy
Formation : 4ème chambre
Numéro d'arrêt : 20NC00621
Date de la décision : 28/12/2021
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

67-02-02 Travaux publics. - Règles communes à l'ensemble des dommages de travaux publics. - Régime de la responsabilité.


Composition du Tribunal
Président : Mme GHISU-DEPARIS
Rapporteur ?: Mme Sophie ROUSSAUX
Rapporteur public ?: M. MICHEL
Avocat(s) : TADIC

Origine de la décision
Date de l'import : 04/01/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nancy;arret;2021-12-28;20nc00621 ?
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