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08/02/2022 | FRANCE | N°19NC01975

France | France, Cour administrative d'appel de Nancy, 3ème chambre, 08 février 2022, 19NC01975


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme A... B... a demandé au tribunal administratif de Nancy de condamner le centre hospitalier régional universitaire (CHRU) de Nancy et le centre hospitalier de Pont-à-Mousson à l'indemniser des préjudices ayant résulté pour elle de sa prise en charge dans ces établissements.

Par un jugement n° 1402932 du 31 mars 2016, le tribunal administratif a partiellement fait droit à sa demande en condamnant le CHRU de Nancy et le centre hospitalier de Pont-à-Mousson à verser, respectivement, les sommes de

10 676,11 et 2 821,07 euros à Mme B... et les sommes de 21 177,53 et 27 972,37 ...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme A... B... a demandé au tribunal administratif de Nancy de condamner le centre hospitalier régional universitaire (CHRU) de Nancy et le centre hospitalier de Pont-à-Mousson à l'indemniser des préjudices ayant résulté pour elle de sa prise en charge dans ces établissements.

Par un jugement n° 1402932 du 31 mars 2016, le tribunal administratif a partiellement fait droit à sa demande en condamnant le CHRU de Nancy et le centre hospitalier de Pont-à-Mousson à verser, respectivement, les sommes de 10 676,11 et 2 821,07 euros à Mme B... et les sommes de 21 177,53 et 27 972,37 euros à la caisse primaire d'assurance maladie de Meurthe-et-Moselle.

Par un arrêt n° 16NC00999 et 16NC01058 du 6 février 2018, la cour administrative d'appel de Nancy a rejeté les appels formés contre ce jugement par le centre hospitalier de Pont-à-Mousson, par Mme B... et par le CHRU de Nancy.

Par une décision n° 420749 du 18 juin 2019, le Conseil d'Etat, statuant au contentieux, a annulé l'arrêt de la cour en tant qu'il omet de se prononcer sur l'existence d'un droit à indemnisation de Mme B... par le CHRU de Nancy au titre de l'oubli de la lame de Delbet pour la période du 17 janvier au 7 octobre 2008 et au titre d'un retard de diagnostic ou de traitement de la fistule pancréatique pour la période postérieure au 17 janvier 2008 et renvoyé l'affaire à la cour dans cette mesure.

Procédure devant la cour :

I. Par une requête, enregistrée le 30 mai 2016 sous le n° 16NC00999, le centre hospitalier de Pont-à-Mousson, représenté par Me Dubois, demande à la cour :

1°) à titre principal, d'annuler le jugement du tribunal administratif de Nancy du 31 mars 2016, en tant qu'il l'a condamné à verser la somme de 2 821,07 euros à Mme B..., la somme de 27 972,37 euros à la caisse primaire d'assurance maladie de Meurthe-et-Moselle et, solidairement avec le centre hospitalier universitaire de Nancy, la somme de 1 047 euros à la caisse primaire d'assurance maladie de Meurthe-et-Moselle ;

2°) à titre subsidiaire, d'ordonner une nouvelle expertise.

Il soutient que :

- Mme B... ne s'est pas rendue à la consultation spécialisée avec un urologue qui avait été organisée lors de son premier séjour au sein de l'établissement ;

- aucune faute n'a été commise lors de la prise en charge de la patiente dès lors que celle-ci n'a pas présenté de signe d'affection ;

- le retard de prise en charge relevé par l'expert n'a eu aucune conséquence sur l'état de Mme B... ;

- à titre subsidiaire, si la cour ne s'estimait pas suffisamment informée, il conviendrait d'ordonner une expertise.

Par des mémoires, enregistrés le 31 août 2016 et le 16 décembre 2016, la caisse primaire d'assurance maladie de Meurthe-et-Moselle, représentée par Me Fort, conclut au rejet de la requête et demande à la cour de mettre à la charge des appelants une somme de 1 500 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle fait valoir qu'aucun des moyens invoqués par les deux centres hospitaliers n'est fondé et qu'elle s'en remet à la sagesse de la cour s'agissant de la demande de contre-expertise.

Par un mémoire, enregistré le 3 novembre 2016, le CHRU de Nancy demande à la cour :

1°) de rejeter la requête de Mme B... et de confirmer le jugement du tribunal administratif de Nancy s'agissant des indemnités que le tribunal l'a condamné à verser à Mme B... ;

2°) de diminuer l'indemnité que le tribunal l'a condamné à verser à la caisse primaire d'assurance maladie de Meurthe-et-Moselle en déduisant de celle-ci les frais correspondant à la période d'hospitalisation de Mme B... du 10 avril 2009 au 20 janvier 2011 ;

3°) si une expertise était diligentée, de ne pas la lui rendre contradictoire.

Il fait valoir que :

- l'appel du centre hospitalier de Pont-à-Mousson n'est pas dirigé contre lui ;

- aucun des moyens invoqués par Mme B... n'est fondé ;

- il ne peut être tenu d'indemniser les frais d'hospitalisation relatifs à la période du 10 avril 2009 au 20 janvier 2011 dès lors que Mme B... a retardé sa guérison en refusant de se faire opérer.

Après cassation, dans l'instance enregistrée sous le n° 19NC01975, par un mémoire, enregistré le 17 juillet 2019, la caisse primaire d'assurance maladie de Meurthe-et-Moselle indique qu'elle n'a aucune réclamation à formuler.

Par un mémoire enregistré les 29 juin 2019, présenté sans ministère d'avocat, Mme B... demande à la cour de condamner le CHRU de Nancy et le centre hospitalier de Pont-à-Mousson à lui verser une provision de 200 000 euros.

Elle fait valoir qu'il y a eu aggravation de son état de santé.

Par un mémoire enregistré le 16 décembre 2020, le centre hospitalier de Pont-à-Mousson, représenté par Me Dubois, fait valoir que l'arrêt du 6 février 2018 est revêtu de l'autorité de chose jugée en tant qu'il statue sur sa responsabilité, l'affaire n'ayant pas été renvoyée à la cour à cet égard, et qu'un recours lié à une éventuelle aggravation relèverait du juge de première instance.

Par un mémoire enregistré le 17 décembre 2020, le CHRU de Nancy, représenté par Me Vilmin, s'en rapporte à ses précédentes écritures.

II. Par une requête, enregistrée le 2 juin 2016 sous le n° 16NC01058, Mme A... B..., initialement représentée par Me Friot et dont le dernier avocat constitué dans cette instance est Me Attal, demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Nancy du 31 mars 2016, en tant qu'il n'a condamné le centre hospitalier universitaire de Nancy et le centre hospitalier de Pont-à-Mousson qu'à lui verser les sommes de, respectivement, 10 676,11 euros et 2 821,07 euros ;

2°) de porter la somme que le centre hospitalier universitaire de Nancy a été condamné à lui verser à 208 603,96 euros et celle que le centre hospitalier de Pont-à-Mousson a été condamné à lui verser à 210 000 euros ;

3°) de condamner in solidum le centre hospitalier universitaire de Nancy et le centre hospitalier de Pont-à-Mousson aux dépens.

Elle soutient que :

- le tribunal administratif n'a pas fait une juste appréciation de certains de ses préjudices ; les indemnités dues au titre de son déficit fonctionnel temporaire imputable à la faute du centre hospitalier universitaire de Nancy et des souffrances qu'elle a endurées devront être portées aux sommes de, respectivement, 15 000 et 50 000 euros ;

- le déficit fonctionnel permanent dont elle est atteinte pourra être indemnisé par l'allocation d'une indemnité de 50 000 euros ;

- la perte de chance qu'elle a subie en raison de la faute commise par le centre hospitalier universitaire de Nancy pourra être indemnisée par l'allocation d'une indemnité de 100 000 euros ;

- la perte de chance qu'elle a subie en raison de la faute commise par le centre hospitalier de Pont-à-Mousson pourra être indemnisée par l'allocation d'une indemnité de 200 000 euros.

Par un mémoire, enregistré le 31 août 2016, la caisse primaire d'assurance maladie de Meurthe-et-Moselle, représentée par Me Fort, indique qu'elle s'en remet à la sagesse de la cour s'agissant de la demande de Mme B... et demande à la cour de joindre cette affaire et celle enregistrée sous le n° 16NC00999, de confirmer le jugement du tribunal administratif de Nancy et de mettre à la charge des appelants une somme de 1 500 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Par un mémoire, enregistré le 5 septembre 2016, le centre hospitalier de Pont-à-Mousson, représenté par Me Dubois, demande à la cour :

1°) à titre principal, d'annuler le jugement du tribunal administratif de Nancy du 31 mars 2016, en tant qu'il l'a condamné à verser une somme de 2 821,07 euros à Mme B..., une somme de 27 972,37 euros à la caisse primaire d'assurance maladie de Meurthe-et-Moselle et, solidairement avec le centre hospitalier universitaire de Nancy, la somme de 1 047 euros à la caisse primaire d'assurance maladie de Meurthe-et-Moselle et de rejeter les conclusions de Mme B... ;

2°) à titre subsidiaire, d'ordonner une nouvelle expertise.

Il fait valoir que :

- aucun des moyens invoqués par la requérante n'est fondé ;

- Mme B... ne s'est pas rendue à la consultation spécialisée avec un urologue qui avait été organisée lors de son premier séjour au sein de l'établissement ;

- aucune faute n'a été commise lors de la prise en charge de la patiente dès lors que celle-ci n'a pas présenté de signe d'affection ;

- le retard de prise en charge relevé par l'expert n'a eu aucune conséquence sur l'état de Mme B... ;

- à titre subsidiaire, si la cour ne s'estimait pas suffisamment informée, il conviendrait d'ordonner une expertise.

Par un mémoire, enregistré le 3 novembre 2016, le centre hospitalier universitaire de Nancy demande à la cour :

1°) de rejeter la requête de Mme B... et de confirmer le jugement du tribunal administratif de Nancy s'agissant des indemnités que le tribunal l'a condamné à verser à Mme B... ;

2°) de diminuer l'indemnité que le tribunal l'a condamné à verser à la caisse primaire d'assurance maladie de Meurthe-et-Moselle en déduisant les frais correspondant à la période d'hospitalisation de Mme B... du 10 avril 2009 au 20 janvier 2011 ;

3°) si une expertise était diligentée, de ne pas la lui rendre contradictoire.

Il fait valoir que :

- l'appel du centre hospitalier de Pont-à-Mousson n'est pas dirigé à son encontre ;

- aucun des moyens invoqués par Mme B... n'est fondé ;

- il ne peut être tenu d'indemniser les frais d'hospitalisation relatifs à la période du 10 avril 2009 au 20 janvier 2011 alors que Mme B... a retardé sa guérison en refusant de se faire opérer.

Après cassation, dans l'instance enregistrée sous le n° 19NC01976, par un mémoire, enregistré le 17 juillet 2019, la caisse primaire d'assurance maladie de Meurthe-et-Moselle indique qu'elle n'a aucune réclamation à formuler.

Par un mémoire enregistré le 2 décembre 2020, le centre hospitalier de Pont-à-Mousson, représenté par Me Dubois, fait valoir que l'arrêt du 6 février 2018 est revêtu de l'autorité de chose jugée en tant qu'il statue sur sa responsabilité, l'affaire n'ayant pas été renvoyée à la cour à cet égard, et qu'un recours lié à une éventuelle aggravation relèverait du juge de première instance.

Par un mémoire enregistré le 14 décembre 2020, le CHRU de Nancy, représenté par Me Vilmin, conclut au rejet des conclusions indemnitaires dirigées à son encontre ou, subsidiairement, à ce que l'indemnité susceptible d'être versée à Mme B... soit limitée à 2 000 euros.

Il soutient que :

- il n'est concerné que pour l'oubli de la lame de Delbet ;

- seule la période allant du 17 janvier au 7 octobre 2008 serait à indemniser mais l'intéressée n'a pas chiffré ses prétentions pour la période en cause, de sorte qu'aucune somme n'est due ; subsidiairement, au regard de l'appréciation portée par la cour sur la période précédente, une somme forfaitaire de 2 000 euros pourrait être accordée.

III. Par une requête, enregistrée le 19 septembre 2019 sous le n° 19NC02855, Mme A... B..., représentée par Me Attal, demande au juge des référés de la cour :

1°) de condamner solidairement le CHRU de Nancy et le centre hospitalier de Pont-à-Mousson à lui verser une provision de 200 000 euros ;

2°) de mettre à la charge solidaire du CHRU de Nancy et du centre hospitalier de Pont-à-Mousson une somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- elle justifie d'une créance non contestable, dès lors que le Conseil d'Etat a retenu l'existence d'un droit à indemnisation à la suite de l'oubli de la lame de Delbet pour la période du 17 janvier au 7 octobre 2008 et au titre d'un retard de diagnostic ou de traitement de la fistule pancréatique pour la période postérieure au 17 janvier 2011 ;

- elle a vécu pendant trois ans avec une lame de Delbet dans le corps ; la faute imputable à l'administration a entraîné une sérieuse aggravation de son état de santé, elle a notamment perdu l'usage de ses jambes et se déplace en chaise roulante ; elle se trouve dans une situation financière très précaire puisqu'elle est sans logement.

Par un mémoire enregistré le 3 octobre 2019, le CHRU de Nancy, représenté par Me Vilmin, conclut au rejet de la requête de Mme B... et à ce que cette dernière soit condamnée aux dépens.

Il soutient que :

- la requête est irrecevable, l'organisme social de la requérante n'ayant pas été visé à la procédure ;

- la requérante n'a pas chiffré ses préjudices après cassation ; l'allocation d'une provision supplémentaire au titre de la période de dix mois d'oubli de la lame de Delbet n'est pas justifiée ; le traitement de la pathologie de Mme B... au sein de l'établissement a été conforme, s'agissant d'un retard de diagnostic ou de traitement de la fistule pancréatique ;

- il n'est concerné que pour l'oubli de la lame de Delbet et que seule la période allant du 17 janvier au 7 octobre 2008 serait à indemniser ; cependant, l'intéressée n'a pas chiffré ses prétentions pour la période en cause, de sorte qu'aucune somme n'est due ; subsidiairement, au regard de l'appréciation portée par la cour sur la période précédente, une somme forfaitaire de 2 000 euros pourrait être accordée.

Par un mémoire, enregistré le 7 octobre 2019, la caisse primaire d'assurance maladie de Meurthe-et-Moselle fait valoir qu'elle n'a aucune nouvelle créance à faire valoir.

Par un mémoire enregistré le 16 octobre 2019, le centre hospitalier de Pont-à-Mousson, représenté par Me Dubois, conclut au rejet des conclusions dirigées à son encontre.

Il fait valoir que l'arrêt du 6 février 2018 est revêtu de l'autorité de la chose jugée en tant qu'il statue sur sa responsabilité, l'affaire n'ayant pas été renvoyée à la cour à cet égard, et qu'un recours lié à une éventuelle aggravation relèverait du juge de première instance.

Par un courrier du 5 janvier 2022, les parties ont été informées que la cour était, en application des dispositions de l'article R. 611-7 du code de justice administrative, susceptible de relever d'office qu'il n'y a pas lieu de statuer sur les conclusions tendant à ce que le juge des référés accorde une provision, en tant qu'elles sont dirigées contre le CHRU de Nancy, dans l'hypothèse où la cour statuerait dans le même temps sur les conclusions indemnitaires de Mme B..., et que les conclusions aux mêmes fins dirigées contre le centre hospitalier de Pont-à-Mousson sont irrecevables, dans la mesure où il a été définitivement statué sur la responsabilité de cet établissement à l'égard de Mme B..., la décision du Conseil d'Etat n'ayant pas censuré l'arrêt de la cour du 6 février 2018 à cet égard.

IV. Par une requête, enregistrée le 26 juillet 2021 sous le n° 21NC02160, et un mémoire enregistré le 6 octobre 2021, Mme A... B..., représentée par la SARL Cabinet Briard, demande au juge des référés de la cour, dans le dernier état de ses écritures :

1°) de condamner le CHRU de Nancy à lui verser une provision de 200 000 euros ;

2°) de mettre à la charge du CHRU de Nancy une somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- son droit à indemnité a déjà été reconnu dans son principe ; l'indemnisation à laquelle elle peut prétendre doit porter sur la période du 17 janvier 2008 (correspondant à la date de l'opération de drainage du 17 janvier 2008 au cours de laquelle avait probablement mise en place la lame de Delbet alors oubliée) jusqu'au 7 octobre 2008, la lame n'ayant été retrouvée qu'au mois de janvier 2011 ; la présence de cette lame a été à l'origine de souffrances importantes, évaluées par l'expert à 5,5 sur une échelle de 7, imputables pour 30 % au CHRU de Nancy, cette présence ayant également retardé la cicatrisation de la plaie et rendu nécessaire de nouveaux soins et interventions ; le retard de diagnostic ou de traitement de la fistule pancréatique, pour la période postérieure au 17 janvier 2008, a eu des conséquences préjudiciables qui se sont prolongées au-delà de la période d'hospitalisation et qui doivent être imputés au CHRU de Nancy ; le traitement tardif de cette fistule a été directement à l'origine de la péritonite généralisée avec pleurésie et septicémie, avec un séjour difficile de plus d'un mois en réanimation avec trachéotomie et ponctions pleurales ; doit ainsi être indemnisée la perte de chance d'échapper aux conséquences du diagnostic et du traitement tardifs de la fistule pancréatique que constituent la péritonite généralisée avec pleurésie et septicémie dont elle a souffert, les souffrances particulières qu'elle a endurées à ce titre doivent être indemnisées ;

- elle sollicite une provision d'un montant de 200 000 euros.

Par un mémoire enregistré le 15 octobre 2021, le CHRU de Nancy, représenté par Me Vilmin, conclut au rejet de la requête Mme B....

Il soutient que :

- la requérante n'a pas chiffré ses préjudices après cassation, de sorte qu'aucune somme ne pourra lui être accordée en l'état en l'absence de demande de fond ; l'allocation d'une provision supplémentaire au titre de la période de dix mois d'oubli de la lame de Delbet n'est pas justifiée ; pour le surplus, le traitement de la pathologie de Mme B... au sein de l'établissement a été conforme à compter du 7 décembre 2007 ;

- la somme sollicitée est excessive ; subsidiairement, au regard de l'appréciation portée par la cour sur la période précédente, une somme forfaitaire de 2 000 euros pourrait être accordée.

Par un courrier du 5 janvier 2022, les parties ont été informées que la cour était, en application des dispositions de l'article R. 611-7 du code de justice administrative, susceptible de relever d'office qu'il n'y a pas lieu de statuer sur les conclusions tendant à ce que le juge des référés accorde une provision, en tant qu'elles sont dirigées contre le CHRU de Nancy, dans l'hypothèse où la cour statuerait dans le même temps sur les conclusions indemnitaires de Mme B....

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de la santé publique ;

- le code de la sécurité sociale ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Samson-Dye,

- les conclusions de M. Barteaux, rapporteur public,

- et les observations de Me Vilmin, pour le centre hospitalier régional universitaire de Nancy.

Considérant ce qui suit :

1. Mme B... a recherché la responsabilité du centre hospitalier régional universitaire (CHRU) de Nancy et du centre hospitalier de Pont-à-Mousson en raison de manquements qu'elle impute à ces établissements dans le diagnostic et la prise en charge de sa pathologie rénale et de graves complications dont elle a été victime. Après l'octroi de provisions par le juge des référés du tribunal administratif de Nancy, ce tribunal a, par un jugement du 31 mars 2016, estimé, d'une part, que le retard de diagnostic et de prise en charge imputable au centre hospitalier de Pont-à-Mousson avait fait perdre à Mme B... 10 % de chance de se soustraire aux complications de sa néphrectomie entre le 17 janvier et le 6 octobre 2008 et, d'autre part, que l'oubli du drain engageait l'entière responsabilité du CHRU de Nancy pour la période postérieure. Le tribunal a condamné le CHRU de Nancy à verser 10 676,11 euros à Mme B... et 21 177,53 euros à la caisse primaire d'assurance maladie (CPAM) de Meurthe-et-Moselle. Il a également condamné le centre hospitalier de Pont-à-Mousson à verser 2 821,07 euros à Mme B... et 27 972,37 euros à la CPAM. Par un arrêt du 6 février 2018, la cour administrative d'appel de Nancy a rejeté les requêtes d'appel de Mme B... et du centre hospitalier de Pont-à-Mousson ainsi que les conclusions présentées par le CHRU de Nancy à l'encontre de la CPAM. Par une décision du 18 juin 2019, le Conseil d'Etat a annulé cet arrêt en tant qu'il omet de se prononcer sur l'existence d'un droit à indemnisation de Mme B... par le CHRU de Nancy au titre de l'oubli de la lame de Delbet pour la période du 17 janvier au 7 octobre 2008 et au titre d'un retard de diagnostic ou de traitement de la fistule pancréatique pour la période postérieure au 17 janvier 2008, et renvoyé l'affaire à la cour dans cette mesure.

2. Les instances nos 19NC01975 et 19NC01976, correspondant respectivement à la reprise, après cassation, des procédures d'appel introduites par le centre hospitalier de Pont-à-Mousson et par Mme B..., ainsi que les dossiers nos 19NC02855 et 21NC02160, sollicitant le versement de provisions par le juge des référés de la cour, présentent à juger des questions voisines, de sorte qu'il y a lieu de joindre ces quatre affaires afin de statuer par un seul arrêt.

Sur les conclusions indemnitaires de Mme B... :

3. Aux termes de l'article L. 1142-1 du code de la santé publique: " I. - Hors le cas où leur responsabilité est encourue en raison d'un défaut d'un produit de santé, les professionnels de santé mentionnés à la quatrième partie du présent code, ainsi que tout établissement, service ou organisme dans lesquels sont réalisés des actes individuels de prévention, de diagnostic ou de soins ne sont responsables des conséquences dommageables d'actes de prévention, de diagnostic ou de soins qu'en cas de faute (...) ".

4. La cour demeure saisie, compte tenu du renvoi opéré par le Conseil d'Etat, des conclusions dirigées contre le CHRU de Nancy au titre de l'oubli de la lame de Delbet pour la période du 17 janvier au 7 octobre 2008 et au titre d'un retard de diagnostic ou de traitement de la fistule pancréatique pour la période postérieure au 17 janvier 2008.

5. D'une part, il ressort des mentions devenues définitives du jugement et de l'arrêt précédemment mentionnés que le CHRU de Nancy a commis une faute en omettant de retirer une lame de Delbet à l'issue de l'intervention réalisée le 17 janvier 2008, visant à drainer la plaie résultant de la néphrectomie qui avait été réalisée le 7 janvier 2008. Si Mme B... a repris, en appel, ses conclusions présentées devant le tribunal, tendant à ce qu'elle soit indemnisée de frais d'hospitalisation demeurés à sa charge et de son préjudice esthétique, elle ne développe aucune critique du jugement, qui lui a accordé une indemnisation à ces deux titres, et ne présente aucune justification à l'appui de ces conclusions. Il résulte de l'instruction, en particulier des rapports réalisés par l'expert désigné à deux reprises par le juge des référés du tribunal administratif de Nancy, que l'oubli de cette lame a occasionné, entre le 17 janvier et le 7 octobre 2008, 30 % des souffrances alors subies par l'intéressée, lesquelles pouvaient globalement être estimées à 5,5 sur une échelle de 7. Il sera fait une juste appréciation de ce chef de préjudice, pour la période considérée, en condamnant le CHRU à verser une indemnité de 3 000 euros à la victime. Par ailleurs, si la néphrectomie par elle-même, puis la blessure du pancréas qui est survenue lors de cette intervention, et leurs suites infectieuses ont occasionné, indépendamment de l'oubli du drain, des périodes d'hospitalisation, il résulte de l'instruction que l'absence de retrait de la lame de Delbet a généré, en retardant notamment la guérison de la fistule pancréatique, un allongement de ces périodes. Il sera fait une juste appréciation du déficit fonctionnel temporaire strictement imputable à cet oubli pour la période du 17 janvier au 7 octobre 2008, au cours de laquelle Mme B... a été constamment hospitalisée, en tenant compte notamment du fait que l'indemnisation de 10 % de ce déficit a été définitivement mise à la charge du centre hospitalier de Pont-à-Mousson, en condamnant le CHRU de Nancy à verser à la victime la somme de 1 800 euros. La consolidation ayant été fixée au 12 septembre 2012, selon les énonciations non contestées du second rapport d'expertise, Mme B... ne saurait solliciter une indemnité, pour la période du 17 janvier au 7 octobre 2008, au titre du déficit fonctionnel permanent.

6. D'autre part, il résulte de l'instruction que le pancréas de la patiente a été lésé à l'occasion de la néphrectomie pratiquée le 7 janvier 2008. S'il est constant que cette blessure ne présente pas, par elle-même, de caractère fautif, il ressort des rapports de l'expert désigné par le juge des référés qu'alors qu'une nouvelle intervention a été pratiquée le 17 janvier 2008, la plaie du pancréas n'a été identifiée que le 25 janvier 2008. Il n'est pas contesté qu'aucun examen biologique ou bactériologique d'analyse des liquides de drainage n'a été réalisé, ainsi que le relève l'expert. Dans les circonstances de l'espèce, l'abstention à réaliser de tels examens présente un caractère fautif, engageant la responsabilité du CHRU de Nancy, alors même que l'expert n'a pas expressément conclu à l'existence d'une faute à cet égard. Ce manquement, qui a retardé le diagnostic de la fistule pancréatique et la prise en charge adéquate de l'intéressée, qui a notamment dû être hospitalisée en service de réanimation du 25 janvier au 1er mai 2008 en raison d'une péritonite ayant abouti à une septicémie, a fait perdre à Mme B... une chance d'éviter certaines des complications liées à cette fistule. Il sera fait une juste appréciation des souffrances qui en ont résulté en condamnant le CHRU de Nancy à verser la somme de 2 000 euros. En revanche, l'expert n'a pas identifié de déficit fonctionnel permanent découlant de séquelles propres liées au retard de diagnostic ou aux modalités de prise en charge de la fistule pancréatique et aucun élément soumis à l'instruction ne permet d'infirmer cette analyse, ou d'établir l'existence d'un autre élément de préjudice qui serait apparu ou se serait poursuivi après consolidation. Il sera fait une juste appréciation du préjudice tenant à la perte de chance d'éviter une partie des hospitalisations pour la période comprise entre le 17 janvier et le 7 octobre 2008, en tant qu'il est spécifiquement imputable au retard de diagnostic et de prise en charge adéquate de la fistule pancréatique, en condamnant le CHRU à accorder à Mme B... la somme de 1 200 euros. Aucun élément de préjudice restant à indemniser n'est caractérisé pour la période ultérieure, dans la mesure où le déficit fonctionnel temporaire subi pour les périodes comprises entre le 7 octobre 2008 et le 12 septembre 2012 a été intégralement mis à la charge du CHRU de Nancy par le jugement précédemment mentionné, confirmé par l'arrêt du 6 février 2018 qui n'a pas été annulé à cet égard.

7. En outre, si Mme B... évoque, dans un mémoire produit sans avocat dans l'instance 19NC01975, une aggravation de son état de santé justifiant l'octroi d'une somme de 200 000 euros à titre de provision par les deux établissements de santé en cause, ses allégations ne sont corroborées par aucune pièce de nature à suggérer l'existence d'une telle évolution et son lien avec des fautes établies à l'égard des centres hospitaliers.

8. Il résulte de tout ce qui précède que Mme B... est seulement fondée à demander la réformation du jugement pour qu'une indemnité supplémentaire de 8 000 euros soit mise à la charge du CHRU de Nancy, étant précisé que ses conclusions forfaitaires sollicitant une somme au titre spécifiquement d'une " perte de chance ", en plus des montants demandés au titre des éléments de préjudice précédemment examinés, ne sont pas assorties des précisions permettant à la cour d'identifier un préjudice supplémentaire susceptible d'être indemnisé. La somme que le CHRU de Nancy a été condamné à lui verser, fixée à 10 676,11 euros selon les mentions non remises en cause du jugement du 31 mars 2016, doit donc être portée à 18 676,11 euros.

Sur les conclusions de Mme B... tendant au versement d'une provision par le juge des référés :

9. Aux termes de l'article R. 541-1 du code de justice administrative : " Le juge des référés peut, même en l'absence d'une demande au fond, accorder une provision au créancier qui l'a saisi lorsque l'existence de l'obligation n'est pas sérieusement contestable. Il peut, même d'office, subordonner le versement de la provision à la constitution d'une garantie ".

10. A l'appui de ses conclusions présentées devant le juge du référé provision, Mme B... ne se prévaut que de faits générateurs ou de chefs de préjudices sur lesquels la cour a déjà statué, que ce soit dans le présent arrêt ou dans celui du 6 février 2018, pour les aspects sur lesquels ce dernier n'avait pas été censuré. Ces conclusions sont ainsi dépourvues d'objet, que cet objet ait été perdu en cours d'instance, s'agissant des conclusions dirigées contre le CHRU de Nancy et relevant des points sur lesquels se prononce le présent arrêt, de sorte qu'il n'y a plus lieu d'y statuer, ou que ces conclusions aient été sans objet dès leur enregistrement, en tant, en particulier, qu'elles étaient dirigées contre le centre hospitalier de Pont-à-Mousson, dont la responsabilité n'était plus en débat compte tenu de la portée de la cassation et du renvoi subséquent, ce qui les rend irrecevables.

Sur les frais liés au litige :

11. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire droit aux conclusions présentées par Mme B..., dans les dossiers n° 19NC02855 et 21NC02160, au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

D E C I D E :

Article 1er : La somme que le tribunal administratif de Nancy a condamné le centre hospitalier régional universitaire de Nancy à verser à Mme B... est portée à 18 676,11 euros.

Article 2 : L'article 1er du jugement du tribunal administratif de Nancy du 31 mars 2016 est réformé en ce qu'il a de contraire au présent arrêt.

Article 3 : Il n'y a pas lieu de statuer sur les conclusions de Mme B... dirigées contre le centre hospitalier régional universitaire de Nancy et tendant à l'allocation d'une provision par le juge des référés.

Article 4 : Le surplus des conclusions des parties est rejeté.

Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à Mme A... B..., au centre hospitalier régional universitaire de Nancy, au centre hospitalier de Pont-à-Mousson et à la caisse primaire d'assurance maladie de Meurthe-et-Moselle.

2

Nos 19NC01975, 19NC01976, 19NC02855 et 21NC02160


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nancy
Formation : 3ème chambre
Numéro d'arrêt : 19NC01975
Date de la décision : 08/02/2022
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

60-02-01-01-02-01 Responsabilité de la puissance publique. - Responsabilité en raison des différentes activités des services publics. - Service public de santé. - Établissements publics d'hospitalisation. - Responsabilité pour faute médicale : actes médicaux. - Existence d'une faute médicale de nature à engager la responsabilité du service public.


Composition du Tribunal
Président : M. WURTZ
Rapporteur ?: Mme la Pdte. Aline SAMSON-DYE
Rapporteur public ?: M. BARTEAUX
Avocat(s) : SCP DUBOIS MARRION

Origine de la décision
Date de l'import : 15/02/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nancy;arret;2022-02-08;19nc01975 ?
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