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30/06/2022 | FRANCE | N°19NC01821

France | France, Cour administrative d'appel de Nancy, 3ème chambre, 30 juin 2022, 19NC01821


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société Espace et Résidence a demandé au tribunal administratif de Strasbourg, à titre principal, de condamner la commune d'Hayange, sur le fondement de la responsabilité pour faute, à lui verser la somme de 1 271 363 euros en réparation des préjudices qu'elle estime avoir subis ou, à titre subsidiaire, de condamner cette même commune, sur le fondement de l'article L. 105-1 du code de l'urbanisme, à lui verser la somme de 417 594,48 euros.

Par un jugement n° 1602611 du 4 avril 2019, le tribu

nal administratif de Strasbourg a rejeté la demande de la société Espace et Résid...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société Espace et Résidence a demandé au tribunal administratif de Strasbourg, à titre principal, de condamner la commune d'Hayange, sur le fondement de la responsabilité pour faute, à lui verser la somme de 1 271 363 euros en réparation des préjudices qu'elle estime avoir subis ou, à titre subsidiaire, de condamner cette même commune, sur le fondement de l'article L. 105-1 du code de l'urbanisme, à lui verser la somme de 417 594,48 euros.

Par un jugement n° 1602611 du 4 avril 2019, le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté la demande de la société Espace et Résidence.

Procédure devant la cour :

Par une requête et deux mémoires, enregistrés le 10 juin 2019, le 18 novembre 2019 et le 27 août 2020, la société Espace et Résidence, représentée par Me de Zolt, demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Strasbourg du 4 avril 2019 ;

2°) de condamner la commune d'Hayange, sur le fondement de la responsabilité pour faute, à lui verser la somme de 1 271 363 euros en réparation de son manque à gagner ou, à défaut, de lui verser la somme de 1 144 226,70 euros en réparation de la perte de chance de réaliser l'opération de lotir et, en tout cas, de lui verser la somme de 417 594,48 euros en réparation des dépenses qu'elle a vainement exposées pour la réalisation de l'opération ;

3°) à titre subsidiaire, de condamner la commune d'Hayange, sur le fondement des dispositions de l'article L. 105-1 du code de l'urbanisme, à lui verser la somme 417 594,48 euros en réparation des dépenses qu'elle a vainement exposées pour la réalisation de l'opération ;

4°) de mettre à la charge de la commune d'Hayange la somme de 10 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- le jugement est irrégulier dès lors que la minute du jugement n'est pas signée par le président de la formation de jugement, le greffier d'audience et le magistrat le plus ancien dans l'ordre du tableau ;

- les premiers juges ont méconnu les dispositions de l'article R. 612-6 du code de justice administrative dès lors que, du fait de l'acquiescement aux faits, le tribunal aurait dû se borner à constater les faits exposés et justifiés et ne pouvait remettre en cause certains de ces faits en critiquant la valeur probante des pièces produites ;

- les illégalités, dont étaient entachées les délibérations approuvant le plan local d'urbanisme de la commune d'Hayange et approuvant les modifications du plan d'occupation des sols, engagent la responsabilité pour faute de la commune sans que le principe de

non-indemnisation des servitudes d'urbanisme puisse être opposé ;

- la commune d'Hayange n'a pas formé appel du jugement sur le principe de la responsabilité ; elle n'est donc pas fondée à remettre en cause ce fondement de responsabilité ;

- pour obtenir l'indemnisation du préjudice lié au manque à gagner, il suffit de justifier l'existence de circonstances particulières, telles des négociations commerciales avancées ;

- contrairement à ce qu'ont retenu les premiers juges, qui n'ont pas pris en compte l'acquiescement aux faits de la commune et lui ont fait supporter intégralement la charge de la preuve, elle justifiait du caractère direct et certain du manque à gagner subi dès lors qu'elle apportait, devant les premiers juges, de nombreux éléments démontrant l'état avancé des négociations commerciales avec les futurs acquéreurs, notamment des contrats de réservation et les options posées ; le seul fait que le permis d'aménager ne soit devenu définitif que deux mois après l'arrêt de la cour administrative de Nancy du 21 mai 2015 ne s'oppose pas à l'existence de négociations commerciales avancées et à l'indemnisation du manque à gagner ; les premiers juges ne pouvaient d'ailleurs se placer au jour de la survenance du fait générateur, mais devaient apprécier le préjudice au jour de leur décision ; elle verse, en tout cas, devant la cour des éléments complémentaires pour justifier de l'état avancé des négociations commerciales, de sorte qu'elle doit être indemnisée pour son manque à gagner à hauteur de 1 271 363 euros ;

- elle n'a pas transféré son permis d'aménager et ce permis n'a pas été implicitement retiré par la délivrance d'un second permis d'aménager à une autre société ;

- elle doit, a minima, bénéficier de l'indemnisation de sa perte de chance de réaliser son opération de lotir ; cette perte de chance doit être évaluée à 90 % du manque à gagner, soit une somme de 1 144 266,70 euros ;

- dans tous les cas, elle doit bénéficier de l'indemnisation des dépenses exposées vainement du fait des fautes de l'administration ; contrairement à ce qu'ont retenu les premiers juges, qui ont d'ailleurs retenu une appréciation globale du préjudice et n'ont pas pris en compte l'acquiescement aux faits de la commune, les dépenses exposées étaient utiles et justifiées ; elle produit d'ailleurs des éléments complémentaires pour justifier qu'elle a exposé des dépenses à hauteur de 417 594,48 euros ;

- à titre subsidiaire, elle peut également demander sur le fondement de l'article L. 105-1 du code de l'urbanisme à être indemnisée des dépenses qu'elle a vainement exposées pour un montant de 417 594,48 euros, qui ont représenté pour elle une charge spéciale et exorbitante.

Par un mémoire en défense, enregistré le 27 juillet 2020, la commune d'Hayange, représentée par Me Vigo, conclut au rejet de la requête et à ce qu'il soit mis à la charge de la société Espace et Résidence la somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle fait valoir que :

- l'acquiescement aux faits n'ôte pas au juge son pouvoir d'appréciation souverain ; le tribunal administratif pouvait ainsi parfaitement retenir l'absence de caractère probant des pièces versées par la requérante ;

- le préjudice de la société requérante était éventuel car son permis n'était devenu définitif que deux mois après la notification de l'arrêt de la cour administrative de Nancy du 21 mai 2015 ;

- à la date de l'annulation de l'arrêté approuvant le plan local d'urbanisme de la commune d'Hayange, ainsi qu'à la date de l'annulation de l'arrêté approuvant la modification du plan d'occupation des sols de cette même commune, elle n'était plus titulaire d'un permis de construire et le permis de construire avait été implicitement retiré par la délivrance d'un nouveau permis ;

- il n'existe aucun droit acquis au maintien d'une réglementation d'urbanisme, de sorte qu'aucune indemnisation ne peut être accordée en cas de changement de la règlementation applicable à un terrain ;

- la société requérante n'a jamais acquis les terrains d'assiette de l'opération et la modification de la règle d'urbanisme n'a aucun effet sur le caractère définitif du permis d'aménager qui était la seule condition pour pouvoir mobiliser les fonds que lui prêtait la banque ;

- les éléments versés, notamment les contrats de réservations, qui sont illégaux, ne permettent pas de justifier l'existence d'un préjudice réel et certain ;

- la société requérante ne supporte pas une charge spéciale et exorbitante lui permettant de bénéficier du régime d'indemnisation organisé par les dispositions de l'article L. 105-1 du code de l'urbanisme.

Par une ordonnance du 3 septembre 2020, la clôture d'instruction a été fixée au 17 septembre 2020.

Un mémoire présenté pour la commune d'Hayange a été enregistré le 7 juin 2022, postérieurement à la clôture d'instruction.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code du patrimoine ;

- le code de l'urbanisme ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. A...,

- les conclusions de M. Barteaux, rapporteur public,

- et les observations de Me Damilot pour la société Espace et Résidence.

Considérant ce qui suit :

1. Par une délibération du 17 octobre 2011, le conseil municipal d'Hayange a approuvé la modification du plan d'occupation des sols de la commune afin de classer plusieurs hectares de terrains situés dans le quartier de Marspich en secteur 1NA permettant une urbanisation immédiate, alors que l'ancien classement s'opposait à tout projet immobilier hors zone d'aménagement concerté. Le 12 décembre 2011, la société Espace et Résidence a sollicité la délivrance d'un permis d'aménager un lotissement de soixante-quatorze lots sur des terrains situés dans le quartier Marspich à Hayange, qui avaient ainsi été ouverts à l'urbanisation. Par un arrêté du 9 février 2012, le maire de la commune a fait droit à cette demande. Par un jugement du 3 juin 2014, le tribunal administratif de Strasbourg a annulé la délibération du 17 octobre 2011, ainsi que l'arrêté du 9 février 2012. Si la cour administrative d'appel de Nancy a, par un arrêt du 21 mai 2015, annulé ce jugement en tant qu'il censurait l'arrêté du 9 février 2012 car les conclusions présentées contre cet acte étaient tardives, elle a confirmé l'annulation de la délibération du 17 octobre 2011. De surcroit, alors que le conseil municipal d'Hayange a, par une délibération du 24 juin 2013, approuvé son plan local d'urbanisme, qui venait notamment confirmer la possibilité d'assurer une urbanisation immédiate des parcelles sus-évoquées du quartier de Marspich, cette délibération a été annulée par un jugement du 30 avril 2015 du tribunal administratif de Strasbourg. Devenues définitives, ces annulations contentieuses ont eu pour effet de remettre en vigueur la précédente version du plan d'occupation des sols, dans sa rédaction issue de la délibération du 25 mai 1999, laquelle procède au classement du terrain d'assiette du projet en zone 2NA. Considérant que ce classement rend désormais impossible la réalisation de son projet immobilier dès lors que, même en cas de réalisation des travaux d'aménagement du lotissement, aucun permis de construire ne pourra être accordé aux acquéreurs des lots à bâtir, la société Espace et Résidence a demandé au tribunal administratif de Strasbourg de condamner la commune d'Hayange à lui verser la somme de 1 688 957,48 euros au titre de la responsabilité pour faute et, subsidiairement, celle de 417 594,48 euros au titre du régime de responsabilité prévue par l'article L. 105-1 du code de l'urbanisme. La société Espace et Résidence interjette appel du jugement du 4 avril 2019 par lequel le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande.

Sur la signature de la minute :

2. Aux termes de l'article R. 741-7 du code de justice administrative : " Dans les tribunaux administratifs et les cours administratives d'appel, la minute de la décision est signée par le président de la formation de jugement, le rapporteur et le greffier d'audience ". Aux termes de l'article R. 741-8 du code de justice administrative : " Si le président de la formation est rapporteur, la minute est signée, en outre, par l'assesseur le plus ancien dans l'ordre du tableau. Lorsque l'affaire est jugée par un magistrat statuant seul, la minute du jugement est signée par ce magistrat et par le greffier d'audience ".

3. Alors que la signature de l'assesseur le plus ancien dans l'ordre du tableau n'était pas exigée dès lors que le président de la formation de jugement n'était pas le rapporteur de l'affaire devant le tribunal, la minute du jugement attaqué est signée par le président de la formation de jugement, par le rapporteur et par la greffière d'audience. Le moyen tiré de l'absence de signature du jugement attaqué soulevé par la requérante manque ainsi en fait et doit, par suite, être écarté.

Sur l'acquiescement aux faits :

4. En vertu de l'article R. 612-3 du code de justice administrative, lorsqu'une des parties appelées à produire un mémoire dans le cadre de l'instruction n'a pas respecté le délai qui lui a été imparti à cet effet, le président de la formation de jugement du tribunal administratif ou de la cour administrative d'appel peut lui adresser une mise en demeure. Aux termes de l'article R. 612-6 du même code : " Si, malgré une mise en demeure, la partie défenderesse n'a produit aucun mémoire, elle est réputée avoir acquiescé aux faits exposés dans les mémoires du requérant ". Ainsi, le défendeur à l'instance qui, en dépit d'une mise en demeure, n'a pas produit avant la clôture de l'instruction est réputé avoir acquiescé aux faits exposés par le requérant dans ses écritures. Il appartient alors seulement au juge de vérifier que la situation de fait invoquée par le demandeur n'est pas contredite par les pièces du dossier.

5. La commune d'Hayange n'a, en dépit d'une mise en demeure, pas produit devant le tribunal administratif Strasbourg et a donc acquiescé aux faits exposés par la société Espace et Résidence devant le tribunal. Pour autant, si l'acquiescement permettait de tenir pour établies les situations de fait invoquées par la société requérante, qui ne sont pas contredites par les pièces du dossier, l'acquiescement ne saurait, au contraire, permettre d'imposer au juge la qualification juridique de ces faits opérée par la société requérante. Par suite, en retenant que les préjudices invoqués n'étaient pas réels et certains, les premiers juges n'ont, contrairement à ce que soutient l'appelante, pas méconnu les dispositions de l'article R. 612-6 du code de justice administrative.

Sur les conclusions indemnitaires présentées sur le fondement de la responsabilité pour faute :

En ce qui concerne le principe de la responsabilité :

6. Si contrairement à ce que soutient la société Espace et Résidence, la commune d'Hayange peut, bien qu'elle n'ait pas produit en première instance et qu'elle ne soit pas à l'origine du recours devant la cour, contester à hauteur d'appel le principe de l'engagement de sa responsabilité, il résulte de l'instruction que les délibérations des 17 octobre 2011 et 24 juin 2013, approuvant la modification du plan d'occupation des sols et le nouveau plan local d'urbanisme, ont été annulées respectivement par un jugement du tribunal administratif de Strasbourg du 3 juin 2014, confirmé en appel sur ce point, et par un jugement du même tribunal du 30 avril 2015, en raison, dans les deux cas, du défaut de convocation régulière et d'information adéquate des conseillers municipaux. Les illégalités, dont sont entachées les délibérations du 17 octobre 2011 et du 24 juin 2013, sont fautives et de nature à engager la responsabilité pour faute de la commune d'Hayange.

7. Les annulations des délibérations approuvant la modification du plan d'occupation des sols et approuvant le plan local d'urbanisme ont eu pour effet de remettre en vigueur le plan d'occupation des sols, dans sa rédaction issue de la délibération du 25 mai 1999, laquelle s'oppose à toute délivrance de permis de construire et prive donc le projet de son intérêt. Par suite et alors que les dispositions de l'article L. 105-1 du code de l'urbanisme ne s'opposent pas, par principe, à l'indemnisation des préjudices résultant de l'illégalité fautive d'autorisation ou de plan d'urbanisme et qu'il ne résulte pas de l'instruction, contrairement à ce que soutient la commune d'Hayange, que le permis délivré à la société Espace et Résidence ait été transféré à une autre structure ou ait été implicitement retiré, la société requérante est fondée à demander réparation des préjudices en lien direct et certain avec les illégalités fautives des délibérations du 17 octobre 2011 et du 24 juin 2013, dont il lui appartient d'établir l'existence.

En ce qui concerne le manque à gagner :

8. La délivrance d'un permis d'aménager n'emportant pas délivrance de permis de construire dans le périmètre du lotissement, le titulaire de cette autorisation ne peut se prévaloir d'aucun droit acquis à une utilisation à des fins de construction des parcelles en cause. Les actes ayant prononcé le classement des parcelles en litige dans une zone permettant une urbanisation immédiate par la délibération approuvant la modification du plan d'occupation des sols, puis par la délibération approuvant le plan local d'urbanisme, étaient entachés d'illégalité. Les annulations successives ont eu pour effet de remettre en vigueur la précédente version du plan d'occupation des sols, dans sa rédaction issue de la délibération du 25 mai 1999, laquelle s'oppose à toute délivrance de permis de construire et donc au projet de revente des parcelles une fois viabilisées par la société requérante. Aucun élément au dossier ne permet de considérer que l'engagement d'une procédure régulière visant à modifier les règles d'urbanisme applicables à l'assiette du projet de la société requérante aurait permis d'aboutir, dans les circonstances particulières de l'espèce, à une modification du classement des parcelles permettant la réalisation de l'opération immobilière projetée, qui n'a d'ailleurs pas été opérée dans le nouveau document d'urbanisme, régulièrement publié, qui a été approuvé après les annulations précédemment mentionnées. La requérante, en l'absence d'illégalité fautive, ne pouvait donc légalement prétendre réaliser une opération de construction sur les parcelles litigieuses. Par suite, la société requérante ne saurait demander l'indemnisation d'un prétendu manque à gagner né de l'absence de réalisation de l'opération, y compris au titre de la perte de chance.

En ce qui concerne les frais exposés pour la réalisation du projet d'aménagement :

S'agissant des frais de maîtrise d'œuvre :

9. Il résulte de l'instruction qu'afin de mener à bien son projet d'aménagement, la société pétitionnaire a contracté, avec la société Bitard, un contrat de maîtrise d'œuvre. Cette structure devait ainsi assurer différentes missions ayant trait à l'analyse des contraintes d'urbanisme et d'infrastructure, à l'établissement de plans topographiques du terrain, à la constitution des dossiers de demande du permis d'aménager, à l'établissement du plan parcellaire du projet ou encore à des missions d'assistance dans la conception finale du projet. Si toutes les missions confiées à la société Bitard n'ont pas été pleinement exécutées dès lors qu'elles ont été arrêtées du fait des annulations contentieuses prononcées par les jugements du tribunal administratif de Strasbourg du 3 juin 2014 et du 30 avril 2015, la société Bitard avait néanmoins déjà exécuté plusieurs de ses obligations contractuelles. La société requérante, qui justifie des prestations déjà réalisées par son co-contractant et produit les différentes factures émises par la société Bitard, est ainsi fondée à demander l'indemnisation de la somme de 80 604,05 euros engagée pour les frais de maîtrise d'œuvre.

S'agissant des frais d'études :

10. En premier lieu, il résulte de l'instruction qu'en vue de l'aménagement du lotissement, la société requérante a fait réaliser une étude des sols pour un montant de 6 375 euros. La société Espace et Résidence, qui devait procéder, pour réaliser son projet, à la destruction de plusieurs bâtiments anciens, a également fait réaliser à un diagnostic amiante sur ces bâtiments pour un montant de 538,20 euros. Ces deux études étaient nécessaires à la réalisation du projet d'aménagement et la requérante est fondée à demander l'indemnisation des frais engagés pour ces dernières, soit 6 913,20 euros.

11. En deuxième lieu, si la requérante indique avoir fait réaliser une étude hydraulique, car elle estimait initialement avoir à déposer également une demande d'autorisation au titre de la loi sur l'eau pour son projet, elle précise, dans ses écritures, qu'ils ont, avec l'expert mandaté, rapidement pu déterminer qu'en raison des faibles rejets dans le réseau des eaux pluviales liés au projet, aucune autorisation ne serait finalement nécessaire. Pour autant, l'étude hydraulique a néanmoins été poursuivie et cela sans qu'il soit justifié de manière probante de sa nécessité pour la réalisation du projet d'aménagement. La requérante n'est ainsi pas fondée à demander l'indemnisation des frais exposés pour la réalisation de cette étude.

12. En troisième lieu, la requérante sollicite l'indemnisation des frais qu'elle aurait engagés pour la réalisation de fouilles archéologiques préventives par l'institut national de recherches archéologiques préventives. Pour autant, elle verse également au dossier un arrêté du préfet de la Moselle du 19 décembre 2012 décidant de la prise en charge de l'intégralité des frais de cette fouille archéologique préventive par le fonds national pour l'archéologie préventive. La requérante ne justifie pas, par les éléments apportés devant la juridiction administrative, que certains des frais liés à cette étude, voire l'intégralité de ces derniers, n'auraient finalement pas été pris en charge par ce fond. Elle ne justifie pas davantage qu'il lui aurait été demandé de rembourser ces derniers à la suite de l'abandon du projet. En l'absence de toute explication et de toute justification quant aux frais finalement restés à sa charge au titre des fouilles archéologiques, ses conclusions à fin d'indemnisation des coûts de cette étude ne peuvent qu'être rejetées.

13. En quatrième lieu, la société Espace et Résidence justifie avoir exposé des frais à hauteur de 17 000 euros pour la réalisation d'une étude juridique et foncière exigée pour acquérir certaines des parcelles du projet. Pour autant, il ressort de ses termes mêmes que cette étude a été réalisée avant l'approbation du conseil municipal, par la délibération du 17 octobre 2011, de la modification du plan d'occupation des sols de la commune, dans la mesure où ce document indique que le lotisseur envisage de solliciter la modification du zonage du plan d'occupation des sols afin de pouvoir aménager ensuite le terrain en cause. Ainsi, les dépenses engagées pour cette analyse ont été exposées avant les illégalités fautives imputables à la commune d'Hayange et ne sont donc pas en lien avec ces dernières. Les conclusions à fin d'indemnisation du montant de cette étude ne peuvent qu'être rejetées.

S'agissant des frais d'huissier :

14. La requérante justifie par les éléments versés au dossier avoir dû exposer, à six reprises, des frais d'huissier à hauteur de 251,34 euros afin qu'il soit établi des constats quant à l'affichage régulier de son permis d'aménager. Ces frais, utiles à la réalisation du projet, n'auraient pas été exposés en l'absence d'illégalité fautive des délibérations de la commune d'Hayange et la requérante est fondée à demander la somme de 1 508,04 euros pour le remboursement de ces dépenses. Au contraire, si l'appelante indique avoir également dû faire réaliser un constat afin d'établir que le parking situé à proximité du lotissement est ouvert au public, elle n'apporte aucune explication quant à la nécessité de ce constat pour mener à bien le projet, de sorte que les frais engagés pour son établissement ne peuvent être indemnisés.

S'agissant la redevance des frais exposés au titre de la redevance archéologie préventive :

15. La société Espace et Résidence justifie avoir exposé la somme de 28 171 euros au titre de la redevance archéologie préventive, dont le paiement est exigé notamment pour les opérations d'aménagement. De tels frais n'auraient pas été exposés en absence d'illégalité fautive des délibérations de la commune d'Hayange.

16. Il résulte de ce qui précède que la société Espace et Résidence est fondée à demander la condamnation de la commune d'Hayange à lui verser la somme de 117 196,29 euros sur le fondement de la responsabilité pour faute de la commune.

Sur les conclusions indemnitaires subsidiaires présentées sur le fondement de l'article L. 105-1 du code de l'urbanisme :

17. La société requérante demande, sur le fondement de l'article L. 105-1 du code l'urbanisme, la réparation des mêmes frais exposés pour la réalisation du projet d'aménagement. Pour autant, les différents frais, qui n'ont pas été indemnisés au titre de la responsabilité pour faute de la commune du fait de leur absence de caractère certain ou de leur absence de lien suffisamment direct avec le projet poursuivi, ne peuvent pas plus être indemnisés sur ce fondement et ce pour les mêmes motifs. Par suite, ces conclusions subsidiaires doivent être rejetées.

18. Il résulte de tout ce qui précède que la société Espace et Résidence est seulement fondée à soutenir que c'est à tort que le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté ses conclusions indemnitaires présentées sur le fondement de la responsabilité pour faute et qu'il y a lieu de condamner la commune d'Hayange à lui verser la somme de 117 196,29 euros.

Sur les conclusions présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

19. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mis à la charge de la société Espace et Résidence, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, le versement de la somme demandée par la commune d'Hayange au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, en application des mêmes dispositions, de mettre à la charge de la commune d'Hayange le versement à la société Espace et Résidence d'une somme de 1 500 euros au titre des mêmes frais.

D E C I D E :

Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Strasbourg du 4 avril 2019 est annulé.

Article 2 : La commune d'Hayange est condamnée à verser à la société Espace et Résidence la somme de 117 196,29 euros.

Article 3 : La commune d'Hayange versera la somme de 1 500 euros à la société Espace et Résidence sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : Le surplus des conclusions présentées par les parties est rejeté.

Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à la société Espace et Résidence et à la commune d'Hayange.

Délibéré après l'audience du 14 juin 2022, à laquelle siégeaient :

- Mme Samson-Dye, présidente,

- Mme Roussaux, première conseillère,

- M. Marchal, conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 30 juin 2022.

Le rapporteur,

Signé : S. A...

La présidente,

Signé : A. SAMSON-DYELe greffier,

Signé : F. LORRAIN La République mande et ordonne au préfet de la Moselle, en ce qui le concerne, ou à tous huissiers de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition conforme,

Le greffier :

F. LORRAIN

N° 19NC01821

2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nancy
Formation : 3ème chambre
Numéro d'arrêt : 19NC01821
Date de la décision : 30/06/2022
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

Responsabilité de la puissance publique - Responsabilité en raison des différentes activités des services publics - Services de l'urbanisme.

Urbanisme et aménagement du territoire - Permis de construire - Contentieux de la responsabilité (voir : Responsabilité de la puissance publique).


Composition du Tribunal
Président : Mme la Pdte. SAMSON-DYE
Rapporteur ?: M. Swann MARCHAL
Rapporteur public ?: M. BARTEAUX
Avocat(s) : COSSALTER, DE ZOLT et COURONNE

Origine de la décision
Date de l'import : 05/07/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nancy;arret;2022-06-30;19nc01821 ?
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