La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

22/12/2022 | FRANCE | N°20NC02375

France | France, Cour administrative d'appel de Nancy, 2ème chambre, 22 décembre 2022, 20NC02375


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. C... B... a demandé au tribunal administratif de Nancy de prononcer la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu auxquelles il a été assujetti au titre des années 2014 et 2015.

Par un jugement no 1801685 du 18 juin 2020, le tribunal administratif de Nancy a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 17 août 2020, M. B..., représenté par Me Lachaize, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du 18 juin 2020 ; <

br>
2°) de prononcer la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu laissées à sa char...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. C... B... a demandé au tribunal administratif de Nancy de prononcer la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu auxquelles il a été assujetti au titre des années 2014 et 2015.

Par un jugement no 1801685 du 18 juin 2020, le tribunal administratif de Nancy a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 17 août 2020, M. B..., représenté par Me Lachaize, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du 18 juin 2020 ;

2°) de prononcer la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu laissées à sa charge pour 2014 et 2015 en tant qu'elles concernent les rehaussements de ses revenus fonciers ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 2 500 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- l'administration fiscale ne pouvait pas exiger de lui qu'il apporte la preuve négative qu'il y a eu absence de location des biens pendant une période ;

- il appartient à l'administration de produire les éléments de preuve qu'elle détient pour établir que les " box " sis à Jarville étaient loués de manière continue en 2014 et 2015 ;

- les premiers juges ont inversé la charge de la preuve ;

- les loyers encaissés sur le bien sis à Montreuil en 2015 s'élèvent à 4 165 euros compte tenu des loyers impayés et du départ des locataires en octobre 2015 ;

- l'administration fiscale, qui ne démontre pas que les dépenses remises en cause n'ont pas été effectivement supportées par lui ne pouvait pas lui opposer l'absence de production de justificatifs nominatifs ;

- il justifie, par la production de l'extrait de son relevé bancaire, avoir payé, par carte, un montant de 649 euros sur les 849 euros qu'a coûté la cuisine équipée achetée chez Brico Dépôt le 22 septembre 2014 ;

- la mention d'un autre nom sur la facture établie le 2 octobre 2014 par Boulanger pour l'achat de la plaque de cuisson constitue une erreur liée à la défaillance du logiciel du magasin, qu'il n'a pas réussi à faire corriger, l'adresse mentionnée étant bien celle de l'appartement dans lequel il a emménagé dans le courant de l'année 2014 ;

- la doctrine fiscale (§ 30 et § 80 du BOI-RFPI-BASE-20-30-20151228) n'exige pas que les justificatifs des dépenses engagées soient nominatifs.

Par un mémoire en défense, enregistré le 12 janvier 2021, le ministre de l'économie, des finances et de la relance conclut au rejet de la requête.

Il soutient que les moyens soulevés par M. B... ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code général des impôts ;

- le livre des procédures fiscales ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme A...,

- les conclusions de Mme Stenger, rapporteure publique.

Considérant ce qui suit :

1. M. B... a fait l'objet d'un contrôle sur pièces de ses déclarations de revenus des années 2014 et 2015. Dans le cadre de la procédure contradictoire prévue à l'article L. 55 du livre des procédures fiscales, le service a, par une proposition de rectification du 27 avril 2017, notamment, procédé au rehaussement de ses revenus fonciers et remis en cause la pension alimentaire qu'il avait déduite en 2015. Le contribuable a introduit une réclamation préalable pour contester, sur ces seuls chefs de redressement, les avis de mise en recouvrement du 28 septembre 2017. Par sa décision du 23 avril 2018, l'administration fiscale y a fait partiellement droit en revoyant à la baisse le montant des revenus fonciers perçus par l'intéressé. Le tribunal administratif de Nancy a, par un jugement du 18 juin 2020, rejeté la demande formée par M. B... tendant à la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu laissées à sa charge. L'intéressé relève appel de ce jugement en tant qu'il concerne les redressements intervenus dans la catégorie des revenus fonciers.

Sur les recettes imposables dans la catégorie des revenus fonciers :

En ce qui concerne la charge de la preuve :

2. Aux termes de l'article R. 194-1 du livre des procédures fiscales : " Lorsque, ayant donné son accord à la rectification ou s'étant abstenu de répondre dans le délai légal à la proposition de rectification, le contribuable présente cependant une réclamation faisant suite à une procédure contradictoire de rectification, il peut obtenir la décharge ou la réduction de l'imposition, en démontrant son caractère exagéré ".

3. Il ne résulte pas de l'instruction que M. B... aurait, dans le délai de trente jours mentionné dans la proposition de rectification du 27 avril 2017, présenté des observations en réponse aux redressements envisagés par l'administration fiscale. Il doit ainsi être regardé comme ayant tacitement accepté les rectifications mises à sa charge et supporte par suite la charge de la preuve du caractère exagéré du montant de ses revenus fonciers tels que déterminés par l'administration fiscale. Contrairement à ce que le requérant soutient, les premiers juges n'ont pas, en retenant qu'il ne produisait pas certaines justifications, inversé la charge de la preuve.

En ce qui concerne le bien-fondé du rehaussement :

4. Aux termes de l'article 12 du code général des impôts : " L'impôt est dû chaque année à raison des bénéfices ou revenus que le contribuable réalise ou dont il dispose au cours de la même année. ". Aux termes des dispositions de l'article 28 du même code : " Le revenu net foncier est égal à la différence entre le montant du revenu brut et le total des charges de la propriété ". Aux termes de l'article 29 dudit code : " Sous réserve des dispositions des articles 33 ter et 33 quater, le revenu brut des immeubles ou parties d'immeubles donnés en location, est constitué par le montant des recettes brutes perçues par le propriétaire, augmenté du montant des dépenses incombant normalement à ce dernier et mises par les conventions à la charge des locataires. (...) ".

5. En premier lieu, pour l'application des dispositions de l'article 29 du code général des impôts précité, un propriétaire n'ayant pas perçu les loyers qui lui sont dus doit être regardé, en l'absence de circonstance indépendante de sa volonté l'ayant contraint à y renoncer, comme ayant réalisé un acte de disposition constitutif d'une libéralité, dont le montant doit être compris dans ses revenus fonciers.

6. M. B... a déclaré, au titre des revenus perçus sur le bien dont il est propriétaire à Jarville-la-Malgrange, une somme de 7 010 euros en 2014 et de 4 800 euros en 2015. L'intéressé n'ayant fourni, au cours du contrôle sur pièces, ni bail locatif ni d'élément de nature à justifier les montants déclarés, l'administration fiscale a, tenant compte de ce que n'étaient fournis aucun bail de location, ni aucune justification d'une absence de location sur la période concernée, déterminé les loyers considérés comme perçus par le contribuable sur la base du loyer annuel de l'année 2007 tel qu'il figurait sur l'acte de cession des immeubles, soit 15 390 euros. Au vu des relevés des comptes bancaires fournis par M. B... dans le cadre de sa réclamation préalable, le service a estimé que les trois " box " étaient loués pour des montants respectivement de 490 euros, 150 euros et 200 euros par mois et a considéré que les biens donnés en location avaient été productifs de revenus pour un total de 10 800 euros au titre de chacune des années en litige.

7. M. B... se borne à soutenir, à hauteur d'appel comme devant les premiers juges, qu'il lui est impossible de prouver l'absence de location au cours de certaines périodes des deux années en litige et sollicite de la cour qu'elle mette en demeure l'administration fiscale d'établir qu'il a réellement reçu de ses locataires des loyers à hauteur de 10 800 euros par année. Toutefois, le requérant ne conteste pas donner en location les " box " concernés à Jarville, lesquels ont vocation à générer des revenus fonciers. Il ne peut dès lors pas se contenter d'affirmer que les sommes qu'il a déclarées correspondent nécessairement aux sommes encaissées sur son compte bancaire ni d'émettre l'hypothèse, pour les justifier, que ses biens pourraient avoir été inoccupés ou encore que le locataire pourrait ne pas avoir acquitté la totalité du loyer. Ainsi, faute pour M. B... de produire la preuve, qui lui incombe, contrairement à ce qu'il soutient, de l'absence de location au cours de certains mois des années 2014 et 2015, il n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que l'administration fiscale a rehaussé les bases de ses revenus fonciers.

8. En deuxième lieu, M. B... a déclaré, au titre des revenus perçus sur le local à usage d'habitation dont il est le propriétaire à Montreuil-sous-Bois, une somme de 10 080 euros en 2014 et de 4 165 euros en 2015. En l'absence de présentation d'un bail locatif et de justification de l'absence de location sur une période, l'administration a retenu le même montant de 10 080 euros pour l'année 2015. Si le requérant soutient que les locataires sont partis en octobre 2015 et qu'il n'aurait encaissé que 4 165 euros hors charges à cause de loyers impayés, il ne justifie toutefois ni de la résiliation de leur bail non écrit par ses locataires ou de l'existence d'un état des lieux de sortie au cours de l'année en litige, ni de démarches en vue de relouer le bien, ni encore de l'engagement de procédures pour récupérer des loyers impayés. Par suite, M. B..., qui ne produit aucun élément permettant de justifier que le local situé à Montreuil n'a généré que 4 165 euros de loyers, n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que l'administration fiscale a retenu des recettes foncières à hauteur de 10 080 euros pour l'année 2015.

Sur les charges déductibles :

En ce qui concerne l'application de la loi :

9. Aux termes de l'article 31 du code général des impôts : " I. - Les charges de la propriété déductibles pour la détermination du revenu net comprennent : 1° Pour les propriétés urbaines : a) Les dépenses de réparation et d'entretien effectivement supportées par le propriétaire ; (...) ; b) Les dépenses d'amélioration afférentes aux locaux d'habitation, à l'exclusion des frais correspondant à des travaux de construction, de reconstruction ou d'agrandissement (...) ".

10. Les dépenses mentionnées au I de l'article 31 du code général des impôts précité ne peuvent être déduites du revenu foncier brut que dans la mesure où, notamment, les charges alléguées sont dûment justifiées, se rapportent à des immeubles dont les revenus sont imposables dans la catégorie des revenus fonciers, sont effectivement supportées par le propriétaire et sont engagées en vue de l'acquisition ou de la conservation du revenu.

11. Par ailleurs, les dépenses de réparation, d'entretien ou d'amélioration doivent notamment, pour être admises en déduction, avoir été effectuées par le propriétaire, réellement payées au cours de l'année d'imposition, et qu'il appartient au contribuable de justifier de la réalité, de la consistance et, par suite, du caractère déductible de ces charges en produisant des pièces justificatives, qui sont constituées de factures, de plans, de photographies et de tous autres éléments permettant d'établir avec précision la nature, le montant et la réalité de la charge supportée.

12. En premier lieu, et contrairement à ce que M. B... soutient, la seule production de tickets de caisse, qui ne comportent notamment aucune mention relative au nom du client, ne suffit pas à établir que la dépense est une charge déductible au sens de l'article 31 du code général des impôts précité. Le requérant n'est pas fondé à soutenir que l'administration lui aurait à tort imposé une condition supplémentaire à cette fin. Par ailleurs, et alors que la charge de la preuve lui incombe ainsi qu'il ressort de ce qui a été dit aux points 10 et 11 du présent arrêt, M. B... ne saurait utilement prétendre qu'il incombait au service de démontrer qu'il n'avait pas effectivement supporté les dépenses pour lesquelles il produisait des tickets de caisse.

13. En deuxième lieu, M. B... conteste la remise en cause du caractère déductible de l'achat d'une cuisine équipée, d'un montant de 849 euros, auprès du magasin Brico Dépôt le 22 septembre 2014, et d'une plaque de cuisson d'un montant de 229 euros auprès du magasin Boulanger le 2 octobre 2014, biens d'équipement dont il avait indiqué devant les premiers juges qu'ils étaient destinés à l'appartement qu'il loue à Dombasle. D'une part, si le requérant doit être regardé comme établissant avoir acquitté 649 euros, par carte bancaire, sur le prix total de la cuisine équipée, il ne justifie toutefois pas, en se bornant à produire une photographie de l'équipement, que la dépense a été exposée pour le logement mis en location à Dombasle. D'autre part, à supposer que la mention d'un autre nom que celui du requérant sur la facture d'achat de la plaque de cuisson procède d'une erreur liée à une défaillance du logiciel de gestion du magasin, il est constant que l'adresse de facturation est celle de l'appartement dans lequel M. B... indique avoir emménagé dans le courant de l'année 2014. Le requérant ne produit pas le moindre élément permettant d'établir que l'équipement a été installé dans un logement productif de revenus fonciers. Par suite, c'est à bon droit que l'administration fiscale a refusé la déduction des dépenses liées à ces deux achats.

En ce qui concerne l'application de la doctrine administrative :

14. Aux termes de l'article L. 80 A du livre des procédures fiscales, dans sa rédaction alors applicable : " (...) Lorsque le redevable a appliqué un texte fiscal selon l'interprétation que l'administration avait fait connaître par ses instructions ou circulaires publiées et qu'elle n'avait pas rapportée à la date des opérations en cause, elle ne peut poursuivre aucun rehaussement en soutenant une interprétation différente ".

15. M. B... n'est pas fondé à invoquer la doctrine administrative référencée BOI-RFPI-BASE-20-30-30-20151228 (§ 30 et § 80), sur le fondement des dispositions de l'article L. 80 A du livre des procédures fiscales, dès lors qu'elle ne fait pas de la loi fiscale une interprétation différente, en matière de justificatifs des dépenses effectivement engagées par le propriétaire, de celle dont il est fait application dans le présent arrêt.

16. Il résulte de tout ce qui précède que M. B... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nancy a rejeté sa demande tendant à la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu laissées à sa charge à raison des rectifications intervenues dans la catégorie des revenus fonciers. Par suite, sa requête doit être rejetée en toutes ses conclusions, y compris celles tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

D E C I D E :

Article 1er : La requête de M. B... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. C... B... et au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique.

Délibéré après l'audience du 1er décembre 2022, à laquelle siégeaient :

M. Martinez, président,

M. Agnel, président-assesseur,

Mme Brodier, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 22 décembre 2022.

La rapporteure,

Signé : H. A... Le président,

Signé : J. Martinez

La greffière,

Signé : C. Schramm

La République mande et ordonne au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition conforme,

La greffière,

C. Schramm

2

No 20NC02375


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nancy
Formation : 2ème chambre
Numéro d'arrêt : 20NC02375
Date de la décision : 22/12/2022
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Autres

Composition du Tribunal
Président : M. MARTINEZ
Rapporteur ?: Mme Hélène BRODIER
Rapporteur public ?: Mme STENGER
Avocat(s) : SELARL GRAND EST AVOCATS

Origine de la décision
Date de l'import : 01/01/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nancy;arret;2022-12-22;20nc02375 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award