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17/04/2023 | FRANCE | N°23NC00176

France | France, Cour administrative d'appel de Nancy, 17 avril 2023, 23NC00176


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Par deux requêtes enregistrées sous les n° 2201431 et n° 2203417 les 16 mai et 23 mai 2022 au greffe des tribunaux administratifs de Nancy pour la première et de Strasbourg pour la seconde, Mme A... B... a demandé la condamnation de l'Etat à lui verser, sur le fondement de l'article R. 541-1 du code de justice administrative, une provision de 3250 euros au titre d'impayés sur la part de l'indemnité de fonctions, de sujétions et d'expertise (IFSE) à laquelle elle pouvait prétendre en termes de rémunéra

tion.

Par une ordonnance n° 464981, 465158 du 27 juillet 2022, le président...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Par deux requêtes enregistrées sous les n° 2201431 et n° 2203417 les 16 mai et 23 mai 2022 au greffe des tribunaux administratifs de Nancy pour la première et de Strasbourg pour la seconde, Mme A... B... a demandé la condamnation de l'Etat à lui verser, sur le fondement de l'article R. 541-1 du code de justice administrative, une provision de 3250 euros au titre d'impayés sur la part de l'indemnité de fonctions, de sujétions et d'expertise (IFSE) à laquelle elle pouvait prétendre en termes de rémunération.

Par une ordonnance n° 464981, 465158 du 27 juillet 2022, le président de la section du contentieux du Conseil d'Etat auquel les demandes ont été renvoyées, a attribué au tribunal administratif de Nancy, sur le fondement de l'article R. 351-8 du code de justice administrative, le jugement des deux requêtes, qui avaient le même objet.

Par une ordonnance n° 2202253,2202254 du 10 janvier 2023, le juge des référés du tribunal administratif de Nancy a rejeté les requêtes présentées par Mme B....

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 18 janvier 2023, Mme B..., représentée par Me Nicolas Boisserie, demande à la cour :

1°) d'annuler l'ordonnance du juge des référés du tribunal administratif de Nancy;

2°) de condamner l'Etat à verser à Mme B... une provision composée d'une somme de 5 250 euros au titre d'impayés sur la part IFSE de son régime indemnitaire ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 5 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- le juge des référés du tribunal administratif de Nancy a commis une erreur de droit dans le dispositif de son ordonnance en notifiant la décision au ministre en charge de l'emploi et en lui confiant les voies d'exécution, alors que la direction départementale de l'emploi, du travail et des solidarités est une direction départementale interministérielle qui relève du ministre de l'intérieur ;

- le juge des référés du tribunal administratif de Nancy a commis une autre erreur de droit dans ses courriers de notification en ne précisant pas que son ordonnance pouvait faire l'objet d'un appel devant la cour et en indiquant qu'elle relevait d'un pourvoi en Conseil d'Etat ;

- le juge des référés a excédé son office en soulevant d'office le moyen qui n'était pas d'ordre public tiré de l'absence de publication de l'instruction n° 17-000407-1 du 22 mai 2017 ;

- il a omis de statuer sur la substitution de base réglementaire entre les différentes circulaires qui se sont succédées ;

- au regard des dispositions de l'instruction n°17-000407-1 du 22 mai 2017, de l'instruction du 25 février 2022 et de la circulaire du 5 décembre 2014, elle devait relever du groupe 2 du régime indemnitaire tenant compte des fonctions, des sujétions, de l'expertise et de l'engagement professionnel (RIFSEEP).

La requête a été communiquée au ministre de l'Intérieur le 18 janvier 2023 et une mise en demeure de produire ses conclusions dans un délai de 15 jours lui a été adressée le 27 février 2023 sans qu'il ne produise d'observations.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983, dont les dispositions sont aujourd'hui reprises dans le code général de la fonction publique ;

- la loi n° 84-16 du 11 janvier 1984, dont les dispositions sont également codifiées ;

- le décret n° 2014-513 du 20 mai 2014 ;

- l'arrêté du 3 juin 2015 pris pour l'application au corps interministériel des attachés d'administration de l'Etat des dispositions du décret n° 2014-513 du 20 mai 2014 ;

- le code de justice administrative.

1. Mme A... B..., attachée d'administration dans le corps des attachés de l'administration de l'Etat, a été nommée adjointe au chef de service ville et emploi, chef du bureau politique de la ville au sein de la direction départementale de l'emploi, du travail et des solidarités du Bas-Rhin le 1er avril 2021, après avoir été depuis le 1er février 2016 chargée de mission au sein du service politique de la ville. Elle a présenté le 18 janvier 2022 un recours gracieux contre la décision du 22 novembre 2021 l'affectant sur son nouveau poste et le classant dans le groupe 3 du régime indemnitaire tenant compte des fonctions, des sujétions, de l'expertise et de l'engagement professionnel (RIFSEEP), afin d'obtenir la revalorisation de son indemnité de fonctions, de sujétions et d'expertise (IFSE) correspondant à un classement de son poste dans le groupe 2. Elle forme appel de l'ordonnance du 10 janvier 2023 par laquelle le juge des référés du tribunal administratif de Nancy, après refus implicite de faire droit à son recours gracieux, a rejeté sa demande tendant à la condamnation de l'Etat à lui verser la provision liée à cette revalorisation.

Sur la demande de provision :

2. Aux termes de l'article R. 541-1 du code de justice administrative : " Le juge des référés peut, même en l'absence d'une demande au fond, accorder une provision au créancier qui l'a saisi lorsque l'existence de l'obligation n'est pas sérieusement contestable. Il peut, même d'office, subordonner le versement de la provision à la constitution d'une garantie ". Il résulte de ces dispositions que, pour regarder une obligation comme non sérieusement contestable, il appartient au juge des référés de s'assurer que les éléments qui lui sont soumis par les parties sont de nature à en établir l'existence avec un degré suffisant de certitude. Dans ce cas, le montant de la provision que peut accorder le juge n'a d'autre limite que celle résultant du caractère non sérieusement contestable de l'obligation dont les parties font état.

3. Aux termes de l'article 1er du décret du 20 mai 2014 portant création d'un régime indemnitaire tenant compte des fonctions, des sujétions, de l'expertise et de l'engagement professionnel dans la fonction publique de l'Etat : " Les fonctionnaires relevant de la loi du 11 janvier 1984 susvisée peuvent bénéficier, d'une part, d'une indemnité de fonctions, de sujétions et d'expertise et, d'autre part, d'un complément indemnitaire annuel lié à l'engagement professionnel et à la manière de servir, dans les conditions fixées par le présent décret (...) ". Aux termes de l'article 2 du même décret : " Le montant de l'indemnité de fonctions, de sujétions et d'expertise est fixé selon le niveau de responsabilité et d'expertise requis dans l'exercice des fonctions. / Les fonctions occupées par les fonctionnaires d'un même corps (...) sont réparties au sein de différents groupes au regard des critères professionnels suivants : / 1° Fonctions d'encadrement, de coordination, de pilotage ou de conception / 2° Technicité, expertise, expérience ou qualification nécessaire à l'exercice des fonctions / 3° Sujétions particulières ou degré d'exposition du poste au regard de son environnement professionnel. / (...) Le nombre de groupes de fonctions est fixé pour chaque corps ou statut d'emploi par arrêté du ministre chargé de la fonction publique et du ministre chargé du budget et, le cas échéant, du ministre intéressé. / Ce même arrêté fixe les montants minimaux par grade et statut d'emplois, les montants maximaux afférents à chaque groupe de fonctions et les montants maximaux applicables aux agents logés par nécessité de service. / (...) ". Aux termes de l'article 3 du même décret : " Le montant de l'indemnité de fonctions, de sujétions et d'expertise fait l'objet d'un réexamen : 1° En cas de changement de fonctions (...) ". L'arrêté du 3 juin 2015 pris pour l'application des dispositions du décret n° 2014-513 du 20 mai 2014 aux membres du corps interministériel des attachés d'administration de l'Etat, applicable aux attachés relevant du ministère de l'intérieur en vertu d'un arrêté du 17 décembre 2015, fixe le nombre de groupes de fonctions ainsi que les montants minimaux et maximaux applicables aux agents concernés par grade et statut d'emplois. Les modalités de mise en œuvre de ce nouveau régime indemnitaire ont été précisées par différentes instructions ministérielles, dont la circulaire du ministre de la décentralisation et de la fonction publique et du secrétaire d'Etat chargé du budget du 5 décembre 2014 et les instructions du ministre de l'Intérieur des 22 mai 2017 et du 25 février 2022.

En ce qui concerne le caractère invocable des circulaires ministérielles :

4. Ni le décret du 20 mai 2014 ni l'arrêté du 3 juin 2015 ne déterminent le montant minimal de l'IFSE par groupe de fonctions, la répartition exacte des fonctions entre les différents groupes, ou les modalités précises du réexamen du montant de l'IFSE au cas de changement de fonctions. De telles précisions pouvaient donc être apportées par des instructions prises par les ministres, compétents dans l'exercice des prérogatives d'organisation des services placés sous leur autorité pour définir les modalités d'application de ces règles au sein de leur administration. Les deux instructions du ministre de l'intérieur relatives aux modalités de gestion de l'IFSE des 22 mai 2017 et 25 février 2022 mentionnées au point 3, applicables pour la première à compter du 1er janvier 2017 et pour la seconde au 1er janvier 2022, contiennent ainsi des dispositions réglementaires dont les agents peuvent se prévaloir à l'appui de leurs conclusions.

En ce qui concerne la créance dont se prévaut Mme B... :

5. Dans leur paragraphe 1.3, rédigés dans des termes identiques, les instructions ministérielles de 2017 et 2022 prévoient : " (...) L'annexe 1 liste les fonctions-types par corps pour les corps suivants : (...) attachés d'administration de l'Etat. Elle permet de classer l'ensemble des agents dans les groupes de fonctions. Le classement des agents est effectué dans le respect des fonctions types fixées en annexe 1 et selon les modalités décrites dans le tableau en annexe 5. [annexe 6 dans l'instruction de 2022] (...) ". Les annexes 1 auxquelles renvoient ces dispositions rattachent les chefs de bureau appartenant au corps des attachés d'administration en services déconcentrés au groupe de fonctions 2, de même que les adjoints de directeur ou de chef de service. Enfin, s'agissant de la revalorisation consécutive à un changement de poste, les paragraphes 2.2.3.1 de l'instruction de 2017 et 2.2.4.1 de l'instruction de 2022 fixent une condition de durée minimum de 3 ans sur le poste précédent, tandis que les paragraphes 2.2.3.2 et 2.2.4.2 prévoient, au cas de changement de poste sur un emploi d'un groupe de fonctions supérieur : " Lorsqu'un agent change de poste pour occuper un emploi relevant d'un groupe de fonctions supérieur, il bénéficie, à compter de sa date d'affectation, d'une revalorisation de son montant annuel brut d'IFSE de 1 000 euros du groupe 4 vers le groupe 3, de 2 000 euros du groupe 3 vers le groupe 2 (....) Rien ne s'oppose à ce qu'un agent puisse effectuer une mobilité vers un emploi relevant d'un groupe de fonctions plus élevé que le groupe immédiatement supérieur (...) et bénéficier de revalorisations cumulées. ". Eu égard à leur rédaction, et notamment à la mention selon laquelle le classement des agents est effectué dans le respect des fonctions-types, ces dispositions ne constituent pas des lignes directrices, mais des actes à valeur réglementaire dont les agents peuvent se prévaloir à l'appui de leurs demandes individuelles.

6. Mme B... a été affectée par la préfète du Bas-Rhin aux fonctions de chef du bureau de la politique de la ville et d'adjointe au chef de service ville et emploi au sein de la direction départementale de l'emploi à compter du 1er avril 2021. Conformément à l'annexe 1 des instructions ministérielles citées au point 5, ses fonctions relèvent du groupe 2. Elle occupait précédemment un poste de chargée de mission relevant du groupe 4 depuis plus de 5 ans et pouvait donc prétendre à la revalorisation de son IFSE correspondant à un changement de poste du groupe 4 au groupe 2. Elle est par suite fondée à soutenir que c'est à tort que le premier juge a rejeté la demande de provision qu'elle présentait à cette fin. L'ordonnance du 10 janvier 2023 doit, par suite, et sans qu'il soit besoin de statuer sur sa régularité, être annulée.

7. Enfin, il résulte des instructions ministérielles que la revalorisation de son IFSE à laquelle Mme B... peut prétendre depuis le 1er avril 2021, date de son affectation sur son nouveau poste, est d'un montant brut annuel de 3 000 euros, soit 6 000 euros à la date de la présente ordonnance. Il ressort de ses écritures, qui n'ont pas été contestées sur ce point en première instance sur ce point, ni n'ont donné lieu à contestation en appel, qu'elle n'a bénéficié d'aucune revalorisation pendant les 9 premiers mois, soit jusqu'en décembre 2021, et n'a bénéficié d'une revalorisation que de 1 000 bruts annuels pendant les 15 mois qui ont suivi. Le différentiel entre les sommes versées et les sommes dues s'élève donc à 2 250 euros en montant brut pour les 9 premiers mois (soit [3 000 euros / 12 mois] x 9 mois), et à 2 500 euros pour les 15 mois du 1er janvier 2022 au 31 mars 2023 (soit [2 000 euros / 12 mois] x 15 mois ), pour un total de 4 750 euros bruts. A hauteur de ce montant différentiel pour la période de 24 mois comprise entre le 1er avril 2021 et le 31 mars 2023, sa créance n'est donc pas sérieusement contestable. L'Etat (préfecture du Bas-Rhin) doit, en conséquence, être condamné à lui verser la provision correspondant à cette somme, dont seront déduites les charges applicables.

Sur les frais liés à l'instance :

8. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 500 euros au titre des frais exposés par Mme B... et non compris dans les dépens.

ORDONNE

Article 1er : L'ordonnance n° 2202253,2202254 du 10 janvier 2023 du juge des référés du tribunal administratif de Nancy est annulée.

Article 2 : L'Etat (préfecture du Bas-Rhin) est condamné à verser à Mme B... une provision correspondant à une revalorisation du montant brut de l'IFSE de 4 750 euros pour la période allant du 1er avril 2021 au 31 mars 2023, somme dont seront déduites les charges sociales applicables.

Article 3 : L'Etat versera à Mme B... une somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : Le surplus des conclusions de la requête est rejeté.

Article 5 : La présente ordonnance sera notifiée à Mme B..., à la préfète du Bas-Rhin et au ministre de l'Intérieur.

La présidente de la Cour,

Signé : S. Favier

2

N°23NC00176


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nancy
Numéro d'arrêt : 23NC00176
Date de la décision : 17/04/2023
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Autres

Composition du Tribunal
Avocat(s) : BOISSERIE NICOLAS

Origine de la décision
Date de l'import : 30/04/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nancy;arret;2023-04-17;23nc00176 ?
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