La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

22/06/2023 | FRANCE | N°21NC01099

France | France, Cour administrative d'appel de Nancy, 2ème chambre, 22 juin 2023, 21NC01099


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société à responsabilité limitée (SARL) KC Distribution a demandé au tribunal administratif de Strasbourg de prononcer la décharge, en droits et pénalités, des suppléments d'impôt sur les sociétés qui lui ont été assignés au titre des années 2011 et 2012 et des droits supplémentaires de taxe sur la valeur ajoutée mis à sa charge au titre de la période du 1er janvier 2011 au 31 décembre 2013.

Par un jugement n° 1802631 du 16 février 2021, le tribunal administratif de Strasbourg a re

jeté sa demande.

M. et Mme A... ont demandé au tribunal administratif de Strasbourg de pron...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société à responsabilité limitée (SARL) KC Distribution a demandé au tribunal administratif de Strasbourg de prononcer la décharge, en droits et pénalités, des suppléments d'impôt sur les sociétés qui lui ont été assignés au titre des années 2011 et 2012 et des droits supplémentaires de taxe sur la valeur ajoutée mis à sa charge au titre de la période du 1er janvier 2011 au 31 décembre 2013.

Par un jugement n° 1802631 du 16 février 2021, le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande.

M. et Mme A... ont demandé au tribunal administratif de Strasbourg de prononcer la décharge, en droits et pénalités, des suppléments d'impôt sur le revenu et de contributions sociales qui leur ont été assignés au titre des années 2011 et 2012 dans la catégorie des revenus de capitaux mobiliers.

Par un jugement n° 1904136 du 16 février 2021, le tribunal administratif de Strasbourg, après avoir constaté un non-lieu partiel à statuer dans la mesure d'un dégrèvement partiel prononcé en cours d'instance en matière de contributions sociales, a rejeté le surplus des conclusions de la demande.

Procédure devant la cour :

I) Par une requête enregistrée le 16 avril 2021, sous le numéro 21NC01099, la SARL KC Distribution, représentée par Me Lachaize, demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1802631 ;

2°) de prononcer la décharge, en droits et pénalités, des impositions contestées ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat le versement d'une somme de 2 500 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- c'est à tort que le service, suivi par le jugement attaqué, a estimé que sa comptabilité était affectée de graves irrégularités alors que, conformément à l'article 420-4 du plan comptable général les recettes ont été comptabilisées mensuellement à partir des tickets Z mensuels de caisse et que les tickets Z journaliers ont été remis à la commission des impôts directs et des taxes sur le chiffre d'affaires, qui ne pouvait les écarter, que les menues anomalies de comptabilisation de factures d'achats ne revêtent pas la nature de graves irrégularités et que les discordances alléguées entre les achats revendus et les ventes comptabilisées ne sont pas établies ; en l'absence de graves irrégularités et alors que le service n'a pas mis en lumière les présomptions visées par la doctrine administrative BOI-CF-IOR-10-20 au 12 septembre 2012, la charge de la preuve du mal-fondé des impositions ne saurait lui incomber ;

- la reconstitution effectuée par le service omet de tenir compte des réductions de 15 % accordées sur les bouteilles et 50 % sur les boissons accordées aux titulaires de la carte VIP qui étaient au nombre de 1 663 au 21 mars 2013, omet de tenir compte des réductions ponctuelles accordées aux titulaires de cette carte VIP, omet enfin de tenir compte de la formule happy hour du Rock Café de 19h00 à 22h00 en 2013 ;

- les pénalités pour manquement délibéré ne sont pas justifiées en ce que, contrairement à ce que soutient l'administration, elle a bien présenté les tickets Z journaliers et que sa comptabilité est régulière et probante et que l'existence d'un manquement délibéré ne saurait résulter de la seule constatation de l'importance de redressements.

Par un mémoire enregistré le 9 août 2021, le ministre de l'économie, des finances et de la relance conclut au rejet de la requête.

Il soutient qu'aucun des moyens de la requête n'est fondé.

II) Par une requête enregistrée le 16 avril 2021, sous le numéro 21NC01113, M. et Mme A..., représentés par Me Lachaize, demandent à la cour :

1°) d'annuler l'article 2 du jugement n° 1904136 du 16 février 2021 ;

2°) de prononcer la décharge, en droits et pénalités, des impositions laissées à leur charge ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat le versement d'une somme de 2 500 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Ils soutiennent que :

- la procédure de rectification est irrégulière en ce que le service n'a pas répondu à leurs observations concernant le caractère régulier et probant de la comptabilité de la SARL KC Distribution, dont découle les rectifications litigieuses, en violation de l'article L. 57 du livre des procédures fiscales ;

- c'est à tort que le service, suivi par le jugement attaqué, a estimé que la comptabilité de la société KC Distribution était affectée de graves irrégularités alors que, conformément à l'article 420-4 du plan comptable général les recettes ont été comptabilisées mensuellement à partir des tickets Z mensuels de caisse et que les tickets Z journaliers ont été remis à la commission des impôts directs et des taxes sur le chiffre d'affaires, qui ne pouvait les écarter, que les menues anomalies de comptabilisation de factures d'achats ne revêtent pas la nature de graves irrégularités et que les discordances alléguées entre les achats revendus et les ventes comptabilisées ne sont pas établies ; en l'absence de graves irrégularités et alors que le service n'a pas mis en lumière les présomptions visées par la doctrine administrative BOI-CF-IOR-10-20 au 12 septembre 2012, la charge de la preuve du mal-fondé des impositions ne saurait lui incomber ;

- la reconstitution des bénéfices de la SARL KC Distribution effectuée par le service : omet de tenir compte des réductions de 15 % accordées sur les bouteilles et 50 % sur les boissons accordées aux titulaires de la carte VIP qui étaient au nombre de 1 663 au 21 mars 2013, omet de tenir compte des réductions ponctuelles accordées aux titulaires de cette carte VIP, et enfin omet de tenir compte de la formule happy hour du Rock Café de 19h00 à 22h00 en 2013 ;

- l'administration n'établissant pas que M. A... était le maître de l'affaire, elle ne rapporte pas la preuve qu'il aurait appréhendé de quelconques revenus prétendument distribués par la société KC Distribution ;

- le service ne rapporte pas la preuve des manquements délibérés en imputant à M. A... le comportement de mauvaise foi prêté à la société KC Distribution et en se prévalant de l'importance des redressements.

Par un mémoire enregistré le 9 août 2021, le ministre de l'économie, des finances et de la relance conclut au rejet de la requête.

Il soutient qu'aucun des moyens de la requête n'est fondé.

Vu :

- les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement convoquées à l'audience publique.

Ont été entendu au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Agnel ;

- et les conclusions de Mme Stenger, rapporteure publique.

Considérant ce qui suit :

1. La SARL KC Distribution exploite une discothèque à l'enseigne " Le Vip " puis, à compter du 1er février 2013, un bar-discothèque à l'enseigne " Rock Café ". Elle a fait l'objet d'une vérification de comptabilité ayant concerné la période du 1er janvier 2011 au 31 décembre 2013. Par une proposition de rectification du 20 octobre 2014, notifiée selon la procédure contradictoire prévue à l'article L. 55 du livre des procédures fiscales, l'administration fiscale a porté à la connaissance de la société qu'elle envisageait des rehaussements de ses bénéfices et des rappels de taxe sur la valeur ajoutée. Ces rectifications ont été maintenues par lettre du 21 janvier 2015 et à la suite d'un entretien avec le supérieur hiérarchique du vérificateur, en réponse aux observations de la société du 19 décembre 2014. Les suppléments d'impôt sur les sociétés et de taxe sur la valeur ajoutée correspondant à ces rectifications ont été mis en recouvrement au cours de l'année 2017 conformément aux bases proposées par un avis de la commission des impôts directs et des taxes sur le chiffre d'affaires du 27 décembre 2016. La réclamation préalable de la société du 20 mars 2017 a été rejetée le 6 mars 2018. L'administration a regardé M. A..., gérant et associé unique de la SARL KC Distribution, comme le bénéficiaire de revenus réputés distribués, imposables dans la catégorie des revenus de capitaux mobiliers sur le fondement du 1° du 1 de l'article 109 du code général des impôts, à raison des rehaussements des bénéfices sociaux. L'intéressé, à la suite de l'examen contradictoire de sa situation fiscale personnelle, a été rendu destinataire, selon la procédure contradictoire prévue à l'article L. 55 du livre des procédures fiscales, de propositions de rectification du 17 décembre 2014 et du 30 janvier 2015 l'informant des rectifications envisagées en conséquence au titre des années 2011 et 2012. Ces rectifications ont été maintenues par lettres des 30 mars et 13 avril 2015 en réponse aux observations de M. et Mme A.... Les suppléments d'impôt sur le revenu et de contributions sociales ont été mis en recouvrement au cours de l'année 2017. La réclamation préalable de M. et Mme A... du 29 juin 2017 a été rejetée le 8 avril 2019. Par les deux requêtes ci-dessus visées, qu'il y a lieu de joindre afin de statuer par un seul arrêt, la SARL KC Distribution et M. et Mme A... relèvent respectivement appel des jugements du 16 février 2021 en tant que le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté leurs demandes tendant à la décharge, en droits et pénalités, de ces impositions supplémentaires.

Sur les bénéfices imposables et le chiffre d'affaires taxable de la SARL KC Distribution et les pénalités qui lui ont été infligées :

En ce qui concerne la charge de la preuve :

2. Aux termes de l'article L. 192 du livre des procédures fiscales : " Lorsque l'une des commissions (...) visées à l'article L. 59 est saisie d'un litige ou d'une rectification, l'administration supporte la charge de la preuve en cas de réclamation, quel que soit l'avis rendu par la commission (...). Toutefois, la charge de la preuve incombe au contribuable lorsque la comptabilité comporte de graves irrégularités et que l'imposition a été établie conformément à l'avis de la commission (...). La charge de la preuve des graves irrégularités invoquées par l'administration incombe, en tout état de cause, à cette dernière lorsque le litige ou la rectification est soumis au juge ".

3. Aux termes de l'article L. 123-12 du code de commerce : " Toute personne physique ou morale ayant la qualité de commerçant doit procéder à l'enregistrement comptable des mouvements affectant le patrimoine de son entreprise. Ces mouvements sont enregistrés chronologiquement. Elle doit contrôler par inventaire, au moins une fois tous les douze mois, l'existence et la valeur des éléments actifs et passifs du patrimoine de l'entreprise. Elle doit établir des comptes annuels à la clôture de l'exercice au vu des enregistrements comptables et de l'inventaire. Ces comptes annuels comprennent le bilan, le compte de résultat et une annexe, qui forment un tout indissociable. ". Aux termes de l'article L. 123-14 de ce code : " Les comptes annuels doivent être réguliers, sincères et donner une image fidèle du patrimoine, de la situation financière et du résultat de l'entreprise ". Aux termes de l'article R. 123-174 du même code : " Les mouvements affectant le patrimoine de l'entreprise sont enregistrés opération par opération et jour par jour pour le livre-journal. Tout enregistrement comptable précise l'origine, le contenu et l'imputation de chaque donnée ainsi que les références de la pièce justificative qui l'appuie. Les opérations de même nature, réalisées en un même lieu et au cours d'une même journée, peuvent être récapitulées sur une pièce justificative unique ". Aux termes de l'article 420-4 du plan comptable général, alors applicable : " Les mouvements affectant le patrimoine de l'entité sont enregistrés sur le livre-journal : soit jour par jour, opération par opération, soit par récapitulation au moins mensuelle des totaux des opérations, à la condition de conserver tous les documents permettant de vérifier ces opérations jour par jour, opération par opération. Les pièces justificatives sont classées dans un ordre défini ". Aux termes de l'article 54 du code général des impôts : " Les contribuables (...) sont tenus de représenter à toute réquisition de l'administration tous documents comptables, inventaires, copies de lettres, pièces de recettes et de dépenses de nature à justifier l'exactitude des résultats indiqués dans leur déclaration ".

4. Il résulte de l'instruction, en particulier de la proposition de rectification, que la société requérante, bien qu'ayant remis le fichier des écritures comptables, n'a pas été en mesure de produire les tickets journaliers de caisse au titre des trois années vérifiées et s'est bornée à présenter des bandes de caisses mensuelles pour l'année 2011, les mois de janvier à avril 2012, de juin à décembre 2012, de janvier et de février 2013, les bandes de caisse de mai 2012 et de mars à décembre 2013 ne comportant que la répartition des chiffres d'affaires selon les taux de taxe sur la valeur ajoutée sans aucun détail des produits vendus. Si la société requérante soutient avoir produit les bandes journalières de caisse devant la commission, elle s'abstient de les produire devant cette cour. En tout état de cause, de telles pièces présentées devant la commission près de deux ans après la fin du contrôle ne sauraient être regardées comme probantes. Par suite, l'administration établit que les recettes de l'entreprise ne sont pas justifiées, en méconnaissance des dispositions ci-dessus reproduites du plan comptable général lesquelles imposent, contrairement à ce que soutient la société requérante, la conservation des documents permettant de justifier des opérations jour par jour. Il résulte également de l'instruction, en particulier de la proposition de rectification, que la société requérante a omis de comptabiliser les achats du fournisseur Métro Allemagne pour la somme significative de 21 311 euros tandis que la comptabilité matière de nombreuses références de boissons est affectée d'anomalies répétées. Abstraction faite d'erreurs minimes de comptabilisation de certaines factures d'achats, ces anomalies significatives concernant les achats, les stocks et les achats revendus, sont constitutives de graves irrégularités. Il résulte de ce qui précède que l'administration a établi que la comptabilité de la SARL KC Distribution est entachée de graves irrégularités en dépit de l'apparente régularité du fichier des écritures comptables. Si la société requérante soutient avoir présenté les tickets journaliers de caisse enregistreuse le jour même de la séance de la commission des impôts directs et des taxes sur le chiffre d'affaires, qu'elle avait saisie, c'est sans entacher d'irrégularité son avis que cet organisme a estimé ne pas pouvoir en tenir compte dès lors que l'administration avait vainement demandé ces éléments à plusieurs reprises et qu'il a fondé son avis sur les données de la comptabilité. Les impositions litigieuses ayant été mises en recouvrement sur les bases proposées par la commission des impôts directs et des taxes sur le chiffre d'affaires dans son avis du 27 décembre 2016, la charge de la preuve de leur caractère mal-fondé incombe à la société requérante.

En ce qui concerne la reconstitution des bénéfices :

5. Pour reconstituer les recettes des trois années vérifiées, la vérificatrice, de manière détaillée et exhaustive, a distingué les recettes des boissons alcoolisées de celles des boissons non alcoolisées. A l'intérieur de chacune de ces deux catégories, elle a calculé les recettes par type de boisson, en tenant compte des données d'exploitation disponibles, des dosages, notamment ceux précisés par la SARL KC Distribution, et des prix figurant sur les cartes proposées aux clients. Elle a également tenu compte d'un taux de pertes, d'offerts et de prélèvements sur les boissons de 10 % qui a été porté à 15 % à la suite de l'avis de la commission du 27 décembre 2016. La SARL KC Distribution, afin de rapporter la preuve du caractère sommaire ou viciée dans son principe de cette méthode, se borne à reprendre en appel, sans précision nouvelle, le moyen tiré de ce qu'elle appliquait des réductions s'élevant à 50 % sur les boissons et à 15 % sur les bouteilles aux titulaires de la carte " VIP ", qui étaient au nombre de 1 663 à la date du 21 mars 2013, qu'elle accordait des promotions certains jours à ces mêmes personnes, qu'à compter de 2013 elle pratiquait la formule " happy hour " de 19 heures à 22 heures. Il y a lieu d'écarter ce moyen par les mêmes motifs que ceux retenus à juste titre par les premiers juges.

En ce qui concerne les pénalités :

6. Aux termes de l'article 1729 du code général des impôts : " Les inexactitudes ou les omissions relevées dans une déclaration ou un acte comportant l'indication d'éléments à retenir pour l'assiette ou la liquidation de l'impôt ainsi que la restitution d'une créance de nature fiscale dont le versement a été indûment obtenu de l'Etat entraînent l'application d'une majoration de : a. 40 % en cas de manquement délibéré (...) c. 80 % en cas de manœuvres frauduleuse ". Aux termes de l'article L. 195 A du livre des procédures fiscales : " En cas de contestation des pénalités fiscales appliquées à un contribuable au titre des impôts directs (...), la preuve de la mauvaise foi et des manœuvres frauduleuses incombe à l'administration ". Il résulte de ces dispositions qu'il incombe à l'administration, afin de justifier l'application de la pénalité pour manœuvres frauduleuses, de rapporter la preuve de l'existence de procédés ayant pour but d'égarer l'administration dans l'exercice de son pouvoir de contrôle destinés à masquer des omissions déclaratives délibérées.

7. Afin de justifier l'application de la pénalité pour manquement délibéré, l'administration s'est fondée sur la circonstance que la société requérante, ayant omis de tenir une comptabilité régulière ainsi qu'il a été établi ci-dessus, avait dissimulé de manière systématique au cours des trois années vérifiées d'importantes recettes imposables. Ce faisant, l'administration apporte la preuve que c'est sciemment, dans le but d'éluder l'impôt sur les sociétés et la taxe sur la valeur ajoutée, que la société KC Distribution s'est abstenue de déclarer ces chiffres d'affaires et produits imposables.

Sur les revenus de capitaux mobiliers de M. et Mme A... et les pénalités qui leur ont été assignées :

8. Aux termes de l'article L. 57 du livre des procédures fiscales dans sa version applicable au litige : " L'administration adresse au contribuable une notification de redressement qui doit être motivée de manière à lui permettre de formuler ses observations ou de faire connaître son acceptation. (...) Lorsque l'administration rejette les observations du contribuable sa réponse doit également être motivée ". L'exigence de motivation qui s'impose à l'administration dans ses relations avec le contribuable vérifié en application du dernier alinéa de cet article s'apprécie au regard de l'argumentation de celui-ci. En revanche, la régularité de la réponse aux observations du contribuable ne dépend pas du bien-fondé de ces motifs.

9. Il ressort des observations adressées par M. A... à la suite des propositions de rectification du 17 décembre 2014 et 30 janvier 2015, qu'il entendait contester le montant des bénéfices regardés distribués par la société KC Distribution à la suite de la vérification de sa comptabilité, notamment, par les mêmes moyens que cette dernière avait invoqués dans le cadre de sa propre procédure et dont il rappelait de façon circonstanciée la teneur. En réponse à cette contestation, le service s'est borné à indiquer dans ses lettres des 30 mars et 13 avril 2015 que " les arguments présentés, relatifs à la contestation de la reconstitution du chiffre d'affaires de la société KC Distribution, ne peuvent être pris en compte dans le cadre de la présente procédure, qui est indépendante ". Alors que la personne désignée comme la bénéficiaire des revenus réputés distribués par une société soumise à l'impôt sur les sociétés à raison des rehaussements de ses résultats imposables est en droit de contester le montant de ces bénéfices, le service, en refusant de répondre aux observations de M. A... relatives aux montants des bénéfices de la société KC Distribution, résultant de la reconstitution de ses recettes, a privé l'intéressé de la garantie prévue par les dispositions ci-dessus reproduites de l'article L. 57 du livre des procédures fiscales. Contrairement à ce que soutient le ministre, la circonstance qu'en sa qualité de dirigeant de la société KC Distribution, l'intéressé était informé des résultats de la vérification de comptabilité ne dispensait pas le service, en vertu du principe même d'indépendance des procédures, de respecter les garanties propres à la procédure de rectification des revenus imposables de M. et Mme A.... Par suite, M. A... est fondé à soutenir, pour la première fois en appel, que les suppléments d'impôt sur les revenus et de contributions sociales qui lui ont été assignés au titre des années 2011 et 2012, dans la catégorie des revenus de capitaux mobiliers, à raison des revenus réputés distribués par la société KC Distribution, ont été établis à la suite d'une procédure irrégulière et à en demander la décharge ainsi que des pénalités correspondantes.

10. Il résulte de tout ce qui précède que la société KC Distribution n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué n°1802631, le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande. Par suite, sa requête doit être rejetée en toutes ses conclusions y compris celles tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. En revanche, il résulte de tout ce qui précède que M. et Mme A... sont fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué n°1904136, la même juridiction a rejeté le surplus de leur demande en décharge.

Sur les conclusions de M. et Mme A... tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

11. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat le versement à M. et Mme A... de la somme de 1 500 euros au titre des frais exposés par eux dans la présente instance.

D E C I D E :

Article 1er : La requête de la SARL KC Distribution est rejetée.

Article 2 : L'article 2 du jugement n°1904136 du 16 février 2021 du tribunal administratif de Strasbourg est annulé.

Article 3 : M. et Mme A... sont déchargés des suppléments d'impôt sur le revenu et de contributions sociales laissées à leur charge au titre des années 2011 et 2012 ainsi que des pénalités correspondantes.

Article 4 : L'Etat versera à M. A... la somme de 1 500 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à SARL KC Distribution, à M. et Mme A... et au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique.

Délibéré après l'audience du 1er juin 2023, à laquelle siégeaient :

M. Martinez, président de chambre,

M. Agnel, président assesseur,

Mme Mosser, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 22 juin 2023.

Le rapporteur,

Signé : M. AgnelLe président,

Signé : J. Martinez

La greffière,

Signé : C. Schramm

La République mande et ordonne au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition conforme,

La greffière,

C. Schramm

N°s 21NC01099 et 21NC01113 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nancy
Formation : 2ème chambre
Numéro d'arrêt : 21NC01099
Date de la décision : 22/06/2023
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Autres

Composition du Tribunal
Président : M. MARTINEZ
Rapporteur ?: M. Marc AGNEL
Rapporteur public ?: Mme STENGER
Avocat(s) : SELARL GRAND EST AVOCATS

Origine de la décision
Date de l'import : 10/08/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nancy;arret;2023-06-22;21nc01099 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award