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09/11/2023 | FRANCE | N°21NC00702

France | France, Cour administrative d'appel de Nancy, 2ème chambre, 09 novembre 2023, 21NC00702


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Strasbourg de prononcer la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de contributions sociales ainsi que des majorations correspondantes auxquelles il a été assujetti au titre de l'année 2015.

Par un jugement n° 1907356 du 12 janvier 2021, le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté la demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire, enregistrés respectivement les 9 mars 2021 et 24 m

ai 2023, M. B..., représenté par Me Frick, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du ...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Strasbourg de prononcer la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de contributions sociales ainsi que des majorations correspondantes auxquelles il a été assujetti au titre de l'année 2015.

Par un jugement n° 1907356 du 12 janvier 2021, le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté la demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire, enregistrés respectivement les 9 mars 2021 et 24 mai 2023, M. B..., représenté par Me Frick, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du 12 janvier 2021 par lequel le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande tendant à la décharge de ces impositions supplémentaires et pénalités ;

2°) de prononcer la décharge de ces impositions supplémentaires et des pénalités correspondantes ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- le jugement est irrégulier en ce qu'il est insuffisamment motivé et que les premiers juges ont statué infra petita en ne répondant pas à la question de savoir s'il était possible juridiquement de proroger un usufruit et ultra petita en répondant à un moyen qu'il n'a pas soulevé ;

- il peut valablement proroger un usufruit temporaire qui s'est éteint le 31 août 2015 à compter du 1er septembre suivant ; à l'exclusion de l'article 619 du code civil qui fixe une limite de trente ans à un usufruit accordé à une société, aucune disposition du code civil n'interdit une telle prorogation ; la jurisprudence l'a implicitement retenu et la doctrine administrative le prévoit s'agissant des cessions à destination de certains organismes ; les dispositions du 5. de l'article 13 du code général des impôts sont inapplicables aux faits de l'espèce.

Par un mémoire en défense, enregistré le 26 juillet 2021, le ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique conclut au rejet de la requête.

Il soutient que :

- le jugement attaqué est suffisamment motivé et les premiers juges n'ont pas statué ultra petita ; ce jugement est donc régulier ;

- les moyens soulevés par M. B... relatifs au bien-fondé de l'imposition ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code civil ;

- la loi n° 2012-1510 du 29 décembre 2012 ;

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Mosser,

- les conclusions de Mme Stenger, rapporteure publique,

- et les observations de Me Rinner, représentant M. B....

Considérant ce qui suit :

1. La société civile immobilière (SCI) Tam-Tam qui exerce une activité de location de terrains et autres biens immobiliers a fait l'objet d'une vérification de comptabilité pour la période du 1er janvier au 31 décembre 2015. A l'issue de ce contrôle, l'administration a transmis à la SCI une proposition de rectification l'informant des rappels envisagés au titre de l'exercice clos en 2015 et, tirant les conséquences de cette rectification, a transmis une proposition à son gérant au titre de son impôt sur le revenu. Contrairement à M. B... qui s'était placé sous le régime de droit commun d'imposition des plus-values des particuliers, l'administration a estimé que le gain issu de l'opération de " prorogation " d'usufruit temporaire réalisée en 2015 par la SCI Tam Tam était imposable selon le barème progressif de l'impôt sur le revenu dans la catégorie des revenus fonciers. Contestés, les rehaussements ont été maintenus et les impositions ont été mises en recouvrement le 30 avril 2019. M. B... a présenté une réclamation préalable contre ces cotisations supplémentaires qui a fait l'objet d'une décision de rejet du 13 août 2019. Il relève appel du jugement du 12 janvier 2021 par lequel le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté la demande tendant à la décharge de ces imposition et pénalités.

Sur la régularité du jugement :

2. En premier lieu, il ressort des pièces du dossier et en particulier du jugement du 12 janvier 2021 que le tribunal administratif de Strasbourg, qui n'était pas tenu de répondre à tous les arguments avancés par les parties, a répondu, avec une motivation suffisante, aux moyens opérants soulevés par le contribuable. Par suite, M. B... n'est pas fondé à soutenir que le jugement serait, pour ce motif, entaché d'irrégularité.

3. En deuxième lieu, M. B... soutient que les premiers juges ont, d'une part, statué ultra petita en considérant qu'il s'était prévalu de l'application de la doctrine BOI-PAT-ISF-30-20-20-20120912 alors qu'il n'avait invoqué cette doctrine qu'au soutien de son argumentation relative à la possibilité de proroger une cession temporaire d'usufruit et, d'autre part, statué infra petita en ne répondant pas à ce moyen relatif à la possibilité juridique de conclure une telle prorogation. Toutefois, il ressort du jugement attaqué que les premiers juges qui, ainsi qu'il vient d'être dit, ont répondu à tous les moyens soulevés par le contribuable, n'ont pas dénaturé les écritures de ce dernier et n'ont pas interprété de manière erronée les conclusions dont ils étaient saisis et dont ils ont respecté les limites. Par suite, ils n'ont statué ni ultra ni infra petita.

Sur le bien-fondé de l'imposition :

En ce qui concerne l'application de la loi fiscale :

4. D'une part, aux termes de l'article 8 du code général des impôts : " Sous réserve des dispositions de l'article 6, les associés des sociétés en nom collectif et les commandités des sociétés en commandite simple sont, lorsque ces sociétés n'ont pas opté pour le régime fiscal des sociétés de capitaux, personnellement soumis à l'impôt sur le revenu pour la part de bénéfices sociaux correspondant à leurs droits dans la société. En cas de démembrement de la propriété de tout ou partie des parts sociales, l'usufruitier est soumis à l'impôt sur le revenu pour la quote-part correspondant aux droits dans les bénéfices que lui confère sa qualité d'usufruitier. Le nu-propriétaire n'est pas soumis à l'impôt sur le revenu à raison du résultat imposé au nom de l'usufruitier. / Il en est de même, sous les mêmes conditions :/ 1° Des membres des sociétés civiles (...) ". Aux termes du 5 de l'article 13 du code général des impôts issue de la loi n° 2012-1510 du 29 décembre 2012 de finances rectificative pour 2012 et applicable aux cessions à titre onéreux d'un usufruit temporaire intervenues à compter du 14 novembre 2012 : " 1°. Pour l'application du 3 et par dérogation aux dispositions du présent code relatives à l'imposition des plus-values, le produit résultant de la première cession à titre onéreux d'un même usufruit temporaire ou, si elle est supérieure, la valeur vénale de cet usufruit temporaire est imposable au nom du cédant, personne physique ou société ou groupement qui relève des articles 8 à 8 ter, dans la catégorie de revenus à laquelle se rattache, au jour de la cession, le bénéfice ou revenu procuré ou susceptible d'être procuré par le bien ou le droit sur lequel porte l'usufruit temporaire cédé. / (...) ". Enfin, le régime fiscal des plus-values immobilières réalisées par les particuliers est fixé par les articles 150 U à 150 VH du code général des impôts.

5. D'autre part, l'article 617 du code civil dispose : " L'usufruit s'éteint : (...) / Par l'expiration du temps pour lequel il a été accordé ; (...) " et l'article 619 précise : " L'usufruit qui n'est pas accordé à des particuliers ne dure que trente ans. ".

6. Il résulte de l'instruction que M. B... est, en sa qualité d'associé de la SCI Tam-Tam, personnellement soumis à l'impôt sur le revenu en application des dispositions précitées de l'article 8 du code général des impôts. Par acte notarié du 1er septembre 2004, la SCI Tam-Tam a cédé à la société à responsabilité limitée TAB 48 un usufruit temporaire sur un ensemble immobilier à compter du jour de l'acte et pour une durée de onze ans. En application de l'article 617 du code civil, le droit d'usufruit temporaire s'éteignait donc le 31 août 2015 par l'expiration du délai pour lequel il avait été accordé. Par acte notarié du 26 août 2015, les deux sociétés ont convenu, selon les termes de la convention, de " proroger " cet usufruit pour une durée supplémentaire de six ans à compter du 1er septembre 2015 en contrepartie de la somme de 120 000 euros. D'une part, il est constant que cette opération a été réalisée à titre onéreux, la somme de 120 000 euros constituant la contrepartie des fruits à venir. D'autre part, cet acte notarié fait courir l'usufruit pour une nouvelle période de six années à compter du 1er septembre 2015, soit à une date à laquelle l'usufruit cédé temporairement avait pris fin et à laquelle la SCI Tam-Tam aurait dû recouvrer la libre disposition et l'entière propriété de son bien. Dans ces conditions, l'opération réalisée par acte notarié du 26 août 2015, première opération intervenue postérieurement à la date précitée du 14 novembre 2012 retenue par la loi du 29 décembre 2012 pour l'application du dispositif spécial, doit être regardée comme constituant la première cession du nouvel usufruit à titre temporaire au sens et pour l'application du 5 de l'article 13 précité.

7. La seule circonstance que les dispositions du code civil ne s'opposent pas à la prorogation d'une cession temporaire d'usufruit à une société sous réserve qu'elle ne dépasse pas trente ans conformément à l'article 619 du code civil ne saurait, eu égard à l'objectif poursuvi par le législateur de lutter efficacement contre certains schémas d'optimisation fiscale en matière de cession d'usufruit, faire obstacle à l'application du dispositif spécial anti-abus conçu par la loi fiscale à titre dérogatoire et mis en œuvre par le 2 de l'article 13 du code général des impôts tel qu'analysé au point 6 ci-dessus.

En ce qui concerne le bénéfice de l'interprétation administrative de la loi fiscale :

8. Si la doctrine administrative portant la référence BOI-PAT-ISF-30-20-20-20120912, qui concerne au demeurant l'ancien impôt de solidarité sur la fortune et non l'impôt sur le revenu, permet à titre dérogatoire la prolongation d'une cession temporaire d'usufruit, elle l'autorise seulement pour des cessions à titre gratuit à des fondations ou des associations reconnues d'utilité publique, des associations cultuelles ou des établissements d'enseignement supérieur ou artistique. Ainsi, la situation de M. B..., qui ainsi qu'il a été dit plus haut, a participé via la SCI à une cession à titre onéreux d'un usufruit, n'entre pas dans les prévisions de cette doctrine qui ne concerne que les mutations à titre gratuit.

9. De même, M. B... ne peut utilement se prévaloir de la doctrine portant la référence BOI-PAT-IFI-20-20-30-10-20180608 n° 280, qui reprend cette possibilité dans le cadre de l'impôt sur la fortune immobilière et qui est, de surcroit, postérieure à l'année d'imposition en litige.

10. Par suite, c'est à bon droit que l'administration a inclus le produit de la cession de cet usufruit dans le résultat de la SCI Tam-Tam et a soumis M. B... à l'impôt sur le revenu à hauteur de la quote-part des revenus fonciers correspondant à ses droits dans la société.

11. Il résulte de tout ce qui précède que M. B... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande. Par suite, ses conclusions aux fins de décharge et sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent être rejetées.

D E C I D E :

Article 1er : La requête de M. B... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... B... et au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique.

Délibéré après l'audience du 12 octobre 2023, à laquelle siégeaient :

M. Martinez, président de chambre,

M. Agnel, président assesseur,

Mme Mosser, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 9 novembre 2023.

La rapporteure,

Signé : C. MosserLe président,

Signé : J. Martinez

La greffière,

Signé : C. Schramm

La République mande et ordonne au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition conforme,

La greffière,

C. Schramm

2

N° 21NC00702


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nancy
Formation : 2ème chambre
Numéro d'arrêt : 21NC00702
Date de la décision : 09/11/2023
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Autres

Composition du Tribunal
Président : M. MARTINEZ
Rapporteur ?: Mme Cyrielle MOSSER
Rapporteur public ?: Mme STENGER
Avocat(s) : SOCIETE D'AVOCATS FIDAL DE SCHILTIGHEIM

Origine de la décision
Date de l'import : 12/11/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nancy;arret;2023-11-09;21nc00702 ?
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