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09/11/2023 | FRANCE | N°21NC01674

France | France, Cour administrative d'appel de Nancy, 2ème chambre, 09 novembre 2023, 21NC01674


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. C... A... B... a demandé au tribunal administratif de Châlons-en-Champagne de prononcer la décharge des cotisations d'impôt sur le revenu et de contribution exceptionnelle sur les hauts revenus auxquelles il a été assujetti au titre de l'année 2012 et des pénalités correspondantes.

Par un jugement n° 1601465 du 11 janvier 2018, le tribunal administratif de Châlons-en-Champagne a rejeté la demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 8 juin 2021, M. A...

B..., représenté par Me Chrevrier demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du 11 janvier...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. C... A... B... a demandé au tribunal administratif de Châlons-en-Champagne de prononcer la décharge des cotisations d'impôt sur le revenu et de contribution exceptionnelle sur les hauts revenus auxquelles il a été assujetti au titre de l'année 2012 et des pénalités correspondantes.

Par un jugement n° 1601465 du 11 janvier 2018, le tribunal administratif de Châlons-en-Champagne a rejeté la demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 8 juin 2021, M. A... B..., représenté par Me Chrevrier demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du 11 janvier 2018 par lequel le tribunal administratif de Châlons-en-Champagne a rejeté sa demande tendant à la décharge de ces impositions et pénalités ;

2°) de prononcer la décharge de ces impositions et des pénalités correspondantes ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- il a été privé d'une garantie procédurale dans la mesure où il n'a pas été mis en mesure de saisir la commission départementale des impôts ;

- son activité est exercée exclusivement à l'étranger, à Dubaï et en Guinée ; l'article 6 de la convention entre la France et les Emirats arabes unis et l'article 7 de la convention franco-guinéenne attribuent le droit d'imposer à l'Etat du lieu d'exercice de l'activité ;

- ses revenus n'auraient pas dû être taxés en tant que bénéfices non commerciaux mais en tant que revenus d'origine indéterminé puisque son revenu a été taxé de manière globale.

Par un mémoire en défense, enregistré le 14 septembre 2022, le ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique conclut au rejet de la requête.

Il soutient que :

- à titre principal que la requête enregistré plus de trois ans après la lecture du jugement est tardive et par suite irrecevable ;

- à titre subsidiaire, les moyens soulevés par M. A... B... ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la Constitution ;

- la convention entre la France et les Emirats arabes unis en vue d'éviter les doubles impositions signée le 19 juillet 1989, modifiée par avenant du 6 décembre 1993 ;

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Mosser,

- les conclusions de Mme Stenger, rapporteure publique.

Considérant ce qui suit :

1. M. A... B... a fait l'objet d'un examen contradictoire de sa situation fiscale personnelle au titre des années 2011 et 2012. Par proposition de rectification du 5 mai 2015, l'administration lui a notifié dans le cadre de la procédure de taxation d'office une cotisation à l'impôt sur le revenu au titre de l'année 2012 et la contribution exceptionnelle sur les hauts revenus, en qualité de résident fiscal français, à raison de sommes encaissées sur ses comptes bancaires. Cette imposition, assortie de l'intérêt de retard et des pénalités, a été mise en recouvrement le 31 août 2015 pour un montant total de 1 783 078 euros. M. A... B... a présenté une réclamation le 10 décembre 2015 visant à en obtenir la décharge et qui a été rejetée par l'administration le 10 juin 2016. M. A... B... relève appel du jugement du 11 janvier 2018 par lequel le tribunal administratif de Châlons-en-Champagne a rejeté la demande tendant à la décharge de ces imposition et pénalités.

Sur la qualité de résident fiscal français :

2. Si une convention bilatérale conclue en vue d'éviter les doubles impositions peut, en vertu de l'article 55 de la Constitution, conduire à écarter, sur tel ou tel point, la loi fiscale nationale, elle ne peut pas, par elle-même, directement servir de base légale à une décision relative à l'imposition. Par suite, il incombe au juge de l'impôt, lorsqu'il est saisi d'une contestation relative à une telle convention, de se placer d'abord au regard de la loi fiscale nationale pour rechercher si, à ce titre, l'imposition contestée a été valablement établie et, dans l'affirmative, sur le fondement de quelle qualification. Il lui appartient ensuite, le cas échéant, en rapprochant cette qualification des stipulations de la convention, de déterminer - en fonction des moyens invoqués devant lui ou même, s'agissant de déterminer le champ d'application de la loi, d'office - si cette convention fait ou non obstacle à l'application de la loi fiscale.

3. Aux termes de l'article 4 A du code général des impôts : " Les personnes qui ont en France leur domicile fiscal sont passibles de l'impôt sur le revenu en raison de l'ensemble de leurs revenus. (...) ". L'article 4 B du même code dispose : " 1. Sont considérées comme ayant leur domicile fiscal en France au sens de l'article 4 A : / a) Les personnes qui ont en France leur foyer ou le lieu de leur séjour principal ; b) Celles qui exercent en France une activité professionnelle, salariée ou non, à moins qu'elles ne justifient que cette activité y est exercée à titre accessoire ; c) Celles qui ont en France le centre de leurs intérêts économiques. ".

4. Les conditions posées au a), b), et c) du 1. de l'article 4 B sont alternatives et permettent chacune de déterminer la domiciliation fiscale en France. Ainsi, M. A... n'est pas fondé à soutenir que les premiers juges n'ont pris en compte que des considérations familiales au sens du a) de ces dispositions pour apprécier sa qualité de résident fiscal en France.

5. Pour l'application des dispositions du a) du 1. de l'article 4 B précité, le foyer s'entend du lieu où le contribuable habite normalement et a le centre de ses intérêts familiaux, sans qu'il soit tenu compte des séjours effectués temporairement ailleurs en raison des nécessités de la profession ou de circonstances exceptionnelles. En l'espèce, il résulte de l'instruction que M. A... B... vit avec sa compagne et leurs deux enfants depuis le 17 juin 2011, chez les parents de cette dernière puis à Sainte Savine où il est propriétaire d'une maison depuis le 14 septembre 2012 et pour laquelle il a souscrit un contrat d'électricité pour une résidence principale depuis le 14 octobre 2012. De plus, l'analyse de ses comptes bancaires au titre de l'année 2012 fait apparaître des dépenses régulières et habituelles dans l'Aube et en particulier dans l'agglomération de Troyes où est située Sainte Savine. L'attestation produite par le requérant selon laquelle il a deux autres enfants nés à Brazzaville dont il contribue à l'entretien, précise que M. A... B... n'est pas marié avec la mère des enfants et que ces derniers vivent avec leur mère à Brazzaville. Elle n'est donc pas de nature à remettre en cause la qualité de résident fiscal français du contribuable. Enfin, si le contribuable se prévaut de sa nationalité congolaise et de sa qualité de contribuable de la Guinée équatoriale, d'une part, sa nationalité ne constitue pas un obstacle à sa qualité de résident fiscal français et d'autre part, la France n'a pas signé de convention bilatérale de lutte contre les doubles impositions avec la Guinée équatoriale. Dans ces conditions, c'est sans méconnaître les dispositions précitées que l'administration a estimé que M. A... B... avait la qualité de résident fiscal français.

6. Au titre de son activité alléguée de consultant à Dubaï, le contribuable se prévaut également de la convention entre la France et les Emirat arabes unis du 19 juillet 1989 modifiée et en particulier de son article 6 ayant pour objet d'éviter les doubles impositions pour les bénéfices d'entreprise implantée dans un Etat partie à la convention. Toutefois, il n'apporte aucun élément justifiant de l'exercice d'une quelconque activité lucrative dans cet Etat, ni en qualité de gérant ou associé d'une société immatriculée aux Emirat arabes unis, ni en tant que professionnel indépendant. Il s'ensuit que M. A... B... ne peut utilement se prévaloir de ces stipulations. En tout état de cause, à supposer même que ses revenus aient été imposés aux Emirats Arabes Unis conformément aux dispositions de la convention, ils sont également imposables en France dans la mesure où, ainsi qu'il a été dit, il est résident fiscal français. L'impôt payé aux Emirat Arabes Unis lui ouvrirait seulement, en vertu de l'article 19 de cette convention, un crédit d'impôt imputable sur l'impôt français dans la base duquel ces revenus sont compris. Cependant, M. A... B... ne produit aucune pièce justifiant qu'il aurait payé un impôt aux Emirats Arabes Unis et ne peut donc bénéficier d'aucun crédit d'impôt en France.

Sur la nature des revenus taxés :

7. Aux termes de l'article 92 du code général des impôts : " 1. Sont considérés comme provenant de l'exercice d'une profession non commerciale ou comme revenus assimilés aux bénéfices non commerciaux, les bénéfices des professions libérales, des charges et offices dont les titulaires n'ont pas la qualité de commerçants et de toutes occupations, exploitations lucratives et sources de profits ne se rattachant pas à une autre catégorie de bénéfices ou de revenus. (...) "

8. M. A... B... soutient que les crédits bancaires taxés auraient dû l'être en tant que revenus d'origine indéterminé dans la mesure où l'administration n'a ni déduit de frais professionnels, ni opéré de contrôle de comptabilité ou sur la provenance des fonds. Il résulte toutefois de l'instruction que le contribuable a indiqué de manière constante tout au long du contrôle que les sommes en cause étaient des commissions perçues dans le cadre de son activité d'apporteur d'affaires exercée exclusivement à l'étranger. Dans le cadre de la procédure de taxation d'office, eu égard à leur origine professionnelle non commerciale ainsi mentionnée, c'est à bon droit que l'administration a rattaché ces crédits bancaires à la catégorie des bénéfices non commerciaux.

Sur la régularité de la procédure d'imposition :

9. Aux termes de l'article L. 56 du livre des procédures fiscales : " La procédure de rectification contradictoire n'est pas applicable : (...) / 4° Dans les cas de taxation ou évaluation d'office des bases d'imposition ; (...) ". L'article L. 66 du livre des procédures fiscales dispose : " Sont taxés d'office : / 1° A l'impôt sur le revenu, les contribuables qui n'ont pas déposé dans le délai légal la déclaration d'ensemble de leurs revenus ou qui n'ont pas déclaré, en application des articles 150-0 E et 150 VG du code général des impôts, les gains nets et les plus-values imposables qu'ils ont réalisés, sous réserve de la procédure de régularisation prévue à l'article L 67 ; (...) ". Enfin, aux termes de l'article L. 69 du même livre : " Sous réserve des dispositions particulières au mode de détermination des bénéfices industriels et commerciaux, des bénéfices agricoles et des bénéfices non commerciaux, sont taxés d'office à l'impôt sur le revenu les contribuables qui se sont abstenus de répondre aux demandes d'éclaircissements ou de justifications prévues à l'article L. 16. "

10. Il est constant que M. A... B... n'a pas déposé dans le délai légal de déclaration de l'ensemble de ses revenus et n'a pas régularisé sa situation dans un délai de trente jours à la suite de la mise en demeure qui lui a été adressée le 6 novembre 2014. M. A... B... a donc été taxé d'office en application des dispositions précitées de l'article L. 66 du livre des procédures fiscales. En vertu de l'article L. 56 du même livre, la procédure de redressement contradictoire n'est pas applicable dans les cas de taxation d'office des bases d'imposition. Par ailleurs, la commission départementale des impôts directs et des taxes sur le chiffre d'affaires ne peut être saisie par un contribuable taxé d'office que dans le seul cas où l'administration a mis en œuvre la procédure visée à l'article L. 69 du livre des procédures fiscales, ce qui n'est pas le cas en l'espèce puisqu'ainsi qu'il a été dit au point 8, les crédits bancaires ont été imposés à bon droit en tant que bénéfices non commerciaux. Dès lors, le litige relatif à l'impôt sur le revenu auquel a été assujetti M. A... B... selon la procédure de taxation d'office n'avait pas à être soumis à la commission départementale des impôts directs et des taxes sur le chiffre d'affaires. Par suite, le contribuable ne peut utilement soutenir qu'il a été privé d'une garantie procédurale sur ce point.

Sur le montant des bénéfices non commerciaux :

11. Aux termes de l'article L. 193 du livre des procédures fiscales : " Dans tous les cas où une imposition a été établie d'office la charge de la preuve incombe au contribuable qui demande la décharge ou la réduction de l'imposition. ". L'article R. 193-1 du même livre dispose : " Dans le cas prévu à l'article L. 193 le contribuable peut obtenir la décharge ou la réduction de l'imposition mise à sa charge en démontrant son caractère exagéré. ".

12. Ainsi qu'il a été dit, M. A... B... a été régulièrement imposé selon la procédure de taxation d'office. Par suite, en application des dispositions précitées, il lui appartient de démontrer du caractère exagéré des impositions mises à sa charge.

13. Il résulte de la proposition de rectification du 5 mai 2015 qu'en dépit des demandes en ce sens faites par l'administration, M. A... B... n'a produit aucun document justifiant des frais qu'il aurait exposés pour gagner les sommes en cause. En outre, le ministre fait valoir, sans être contredit par le requérant, que l'étude des débits bancaires n'a pas permis d'évaluer ou d'isoler les sommes qui auraient pu constituer des frais professionnels. Dans ces conditions, l'administration n'a pas été mise à même d'imputer des frais sur ces sommes dans la mesure où le contribuable n'en a justifié d'aucun et qu'aucuns frais professionnels n'étaient apparents sur les débits bancaires figurant sur les relevés bancaires des comptes correspondants. Il s'ensuit qu'en l'absence du moindre élément justificatif apporté par le contribuable et ce malgré les interrogations formulées par le service sur la nature des dépenses professionnelles alléguées, M. A... B... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que l'administration a taxé l'intégralité des revenus en cause dans la catégorie des bénéfices non commerciaux.

14. Il résulte de tout ce qui précède, et sans qu'il soit besoin de statuer sur la fin de non-recevoir opposée par le ministre, que M. A... B... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Châlons-en-Champagne a rejeté sa demande. Par suite, ses conclusions aux fins de décharge et sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent être rejetées.

D E C I D E :

Article 1er : La requête de M. A... B... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. C... A... B... et au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique.

Délibéré après l'audience du 12 octobre 2023, à laquelle siégeaient :

M. Martinez, président de chambre,

M. Agnel, président assesseur,

Mme Mosser, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 9 novembre 2023.

La rapporteure,

Signé : C. MosserLe président,

Signé : J. Martinez

La greffière,

Signé : C. Schramm

La République mande et ordonne au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition conforme,

La greffière,

C. Schramm

2

N° 21NC01674


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nancy
Formation : 2ème chambre
Numéro d'arrêt : 21NC01674
Date de la décision : 09/11/2023
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Autres

Composition du Tribunal
Président : M. MARTINEZ
Rapporteur ?: Mme Cyrielle MOSSER
Rapporteur public ?: Mme STENGER
Avocat(s) : CHEVRIER

Origine de la décision
Date de l'import : 12/11/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nancy;arret;2023-11-09;21nc01674 ?
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