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01/02/2024 | FRANCE | N°20NC02536

France | France, Cour administrative d'appel, 1ère chambre, 01 février 2024, 20NC02536


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Strasbourg d'annuler la décision du 23 mai 2018 par laquelle la ministre du travail a rejeté son recours hiérarchique formé contre la décision de l'inspecteur du travail du 20 décembre 2017 autorisant le non-renouvellement de son contrat de mission.



Par un jugement n° 1804576 du 2 juillet 2020, le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté la requête de M. B....



Procédure devan

t la cour :



Par une requête enregistrée le 31 août 2020 et un mémoire enregistré le 18 décembre 202...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Strasbourg d'annuler la décision du 23 mai 2018 par laquelle la ministre du travail a rejeté son recours hiérarchique formé contre la décision de l'inspecteur du travail du 20 décembre 2017 autorisant le non-renouvellement de son contrat de mission.

Par un jugement n° 1804576 du 2 juillet 2020, le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté la requête de M. B....

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 31 août 2020 et un mémoire enregistré le 18 décembre 2020, M. B..., représenté par Me Saget, demande à la cour dans le dernier état de ses écritures :

1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Strasbourg du 2 juillet 2020 ;

2°) d'annuler la décision du 20 décembre 2017 ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat, le versement d'une somme de 3 000 euros sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- l'auteur de la décision de la demande d'autorisation de licenciement n'avait pas qualité pour la présenter ;

- la demande d'autorisation de non-renouvellement est en lien avec son mandat de conseiller du salarié ;

- les décisions d'autorisation de non renouvellement de son contrat de mission sont entachées d'erreur de droit et d'erreur d'appréciation dès lors qu'il bénéficiait d'un contrat à durée indéterminée à raison de la transmission tardive de son contrat et des avenants, de l'absence de mention de sa qualification professionnelle et de la durée totale de ses missions successives de travail temporaire.

Par un mémoire enregistré le 17 novembre 2020, la société par actions simplifiée (SAS) Sup Intérim 34, représentée par Me Klein, conclut au rejet de la requête et demande à la cour de mettre à la charge de M. B... une somme de 4 000 euros sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que les moyens soulevés par le requérant ne sont pas fondés.

La procédure a été communiquée au ministre du travail, du plein emploi et de l'insertion lequel n'a pas produit d'observations.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code du travail ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Peton, première conseillère,

- et les conclusions de Mme Antoniazzi, rapporteure publique.

Considérant ce qui suit :

1. M. B... a été recruté en contrat de mission temporaire au sein de la société Sup Interim 34 le 24 avril 2017 afin d'être mis à disposition d'une société utilisatrice au sens de l'application de l'article L. 1251-40 du code du travail. Ce contrat de mission a fait l'objet de deux avenants dont le dernier a été conclu pour la période courant du 3 juin au 22 décembre 2017. M B... était par ailleurs titulaire d'un mandat de conseiller du salarié et bénéficiait à ce titre d'un statut de salarié protégé. Le 24 novembre 2017, la SAS Sup Interim 34 a saisi l'inspecteur du travail afin de solliciter l'autorisation de ne pas renouveler le contrat de mission de M. B... à l'expiration du second avenant au motif qu'elle n'avait pas d'autres missions à lui proposer. L'inspecteur du travail a fait droit à cette demande par une décision du 20 décembre 2017. M. B... a saisi la ministre du travail d'un recours hiérarchique qui a été rejeté le 23 mai 2018. Il relève appel du jugement du 2 juillet 2020 par lequel le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision de la ministre du travail du 23 mai 2018 et de la décision de l'inspectrice du travail du 20 décembre 2017.

Sur le bien-fondé du jugement :

2. Aux termes de L. 2413-1 du code du travail : " L'interruption ou la notification du non-renouvellement de la mission d'un salarié temporaire par l'entrepreneur de travail temporaire ne peut intervenir qu'après autorisation de l'inspecteur du travail (...) ". Aux termes de l'article L. 2421-10 de ce code : " L'interruption ou la notification du non-renouvellement par l'entrepreneur de travail temporaire de la mission d'un salarié mentionné à l'article L. 2413-1 est soumise à la même procédure que celle prévue à la section 1, applicable en cas de licenciement. ". Aux termes de l'article L. 2421-1 du même code, inséré dans la section 1 visée par les dispositions précitées : " La demande d'autorisation de licenciement (...) d'un conseiller du salarié est adressée à l'inspecteur du travail (...) ". Aux termes de l'article L. 1232-7 du code du travail : " Le conseiller du salarié est chargé d'assister le salarié lors de l'entretien préalable au licenciement dans les entreprises dépourvues d'institutions représentatives du personnel. ". Et enfin l'article L. 1232-14 du même code prévoit que : " L'exercice de la mission de conseiller du salarié ne peut être une cause de rupture du contrat de travail. Le licenciement du conseiller du salarié est soumis à la procédure d'autorisation administrative (...) ".

3. Il résulte de ces dispositions que le travailleur temporaire, conseiller du salarié, est protégé en cas d'interruption ou de notification du non-renouvellement de sa mission lorsqu'un tel renouvellement est prévu au contrat de mission, ainsi que dans le cas où l'entreprise de travail temporaire lui a notifié sa décision de ne plus faire appel à lui par de nouveaux contrats de mission.

4. En premier lieu, M. B... soutient que la demande d'autorisation de non renouvellement a été présentée par une personne qui n'était pas salariée de la SAS Sup Intérim 34 et qui n'avait pas qualité pour solliciter une telle autorisation. Il ressort des pièces du dossier que la demande d'autorisation de non-renouvellement a été présentée par la responsable administrative de la société YV Invest, société holding présidente de la société Sup Intérim 34. A cette fin, la responsable administrative était habilitée par un mandat signé par le président de la société YV Invest le 21 novembre 2017 " pour formuler une demande d'autorisation de fin de mission de M. B... dans le cadre du contrat de mission au sein de la société Burkert conclu le 24 avril 2017 au 22 décembre 2017 ". L'inspectrice du travail a expressément visé ce mandat dans sa décision d'autorisation du 20 décembre 2017. En conséquence, M. B... n'est pas fondé à soutenir que la demande d'autorisation de non-renouvellement a été déposée par une autorité n'ayant pas qualité.

5. En deuxième lieu, l'article R. 2421-7 du code du travail prévoit que : " L'inspecteur du travail et, en cas de recours hiérarchique, le ministre examinent notamment si la mesure de licenciement envisagée est en rapport avec le mandat détenu, sollicité ou antérieurement exercé par l'intéressé ".

6. M. B... soutient que la demande de non-renouvellement de son contrat de mission est liée à son mandat de conseiller du salarié dès lors qu'il existe une concomitance entre la découverte d'une procédure prud'homale qu'il a engagée contre une société sœur de Sup Intérim 34 et la demande d'autorisation de non-renouvellement et fait valoir que la demande présentée par la société constituerait une mesure de rétorsion à son encontre. Il précise que l'entreprise utilisatrice pour laquelle il travaillait avait envisagé de lui proposer un contrat de travail à durée indéterminée et a brusquement mis fin à la relation de travail lors de la découverte de ce litige alors qu'elle cherchait dans le même temps des personnels qualifiés pour les mêmes postes que ceux qu'il occupait. Toutefois, il ne ressort d'aucune des pièces du dossier qu'il existerait un lien entre la demande et le mandat de M. B..., ni que l'entreprise utilisatrice aurait pris sa décision au regard de telles circonstances. A cet égard, M. B... a formalisé son statut de salarié protégé par un courrier du 22 avril 2017 et a introduit le litige devant le conseil des prud'hommes le 30 juin 2017 soit concomitamment au renouvellement de son contrat de mission pour la période courant du 3 juin au 22 décembre 2017. Dans ces conditions, M. B... n'est pas fondé à soutenir qu'il existerait un lien entre son mandat et la demande de non-renouvellement de son contrat de mission.

7. En troisième lieu, aux termes de l'article L. 1251-16 du code du travail : " Le contrat de mission est établi par écrit. Il comporte notamment : (...) 2° La qualification professionnelle du salarié ; (...) ". Aux termes de l'article L. 1251-17 de ce code : " Le contrat de mission est transmis au salarié au plus tard dans les deux jours ouvrables suivant sa mise à disposition. ". Aux termes de l'article L. 1251-35 du même code du travail, dans sa rédaction applicable au présent litige : " (...) Les conditions de renouvellement sont stipulées dans le contrat ou font l'objet d'un avenant soumis au salarié avant le terme initialement prévu. ". Et aux termes de l'article L. 1251-40 du même code, dans sa version applicable au litige : " Lorsqu'une entreprise utilisatrice a recours à un salarié d'une entreprise de travail temporaire en méconnaissance des dispositions des articles L. 1251-5 à L. 1251-7, L. 1251-10 à L. 1251-12, L. 1251-30 et L. 1251-35, ce salarié peut faire valoir auprès de l'entreprise utilisatrice les droits correspondant à un contrat de travail à durée indéterminée prenant effet au premier jour de sa mission. ".

8. M. B... soutient que son contrat de mission doit être requalifié en contrat à durée indéterminée dès lors que le contrat et les avenants lui ont été transmis tardivement en méconnaissance des dispositions des articles L. 1251-17 et L. 1251-35 du code du travail. Une telle circonstance est toutefois sans incidence sur une décision d'autorisation de non-renouvellement dès lors que l'article L. 1251-40 du même code ne prévoit pas que la méconnaissance du délai prévu par l'article L. 1251-17 du code du travail permet au salarié de faire valoir les droits correspondant à un contrat de travail à durée indéterminée. Au demeurant, il ressort des pièces du dossier, et en particulier du message électronique envoyé le jeudi 27 avril 2017 par M. B... à la SAS Sup Intérim 34 et des mentions postales sur l'enveloppe d'envoi du document, que ce contrat lui a été transmis le 26 avril 2017 pour une mise à disposition débutant le lundi 24 avril 2017. Par suite, le contrat de mission a été transmis à M. B... dans les deux jours ouvrables suivant sa mise à disposition. D'autre part, M. B... ne peut utilement se prévaloir de l'article L. 1251-35 du code du travail qui ne prévoit aucune obligation en matière de délai de transmission au salarié des avenants renouvelant un contrat de mission. En tout état de cause, ces deux avenants ont été transmis au salarié au plus tard dans la semaine qui a suivi le renouvellement du contrat de mission ce qui ne correspond pas à un délai excessif dès lors que la date de mise à disposition du premier avenant était suivie par un week-end et un jour férié et que le second avenant a été transmis par voie électronique avant d'être envoyé par courrier.

9. M. B... soutient ensuite que son contrat de mission doit être requalifié en contrat à durée indéterminée au motif que le contrat et ses avenants ne comportent pas la mention de sa qualification professionnelle en méconnaissance des dispositions de l'article L. 1251-16 du code du travail. Si l'article L. 1251-16 du code du travail prévoit en effet que le contrat doit mentionner la qualification professionnelle du salarié, l'absence d'une telle mention n'est pas au nombre des motifs énumérés à l'article L. 1251-40 du code du travail permettant de requalifier un contrat en un contrat à durée indéterminée.

10. Enfin, M. B... soutient, en se prévalant des dispositions de l'article L. 1251-5 du code du travail, qu'il bénéficiait d'un contrat à durée indéterminée au motif qu'il a exercé une mission de 7 mois et 28 jours pour l'entreprise utilisatrice et qu'il a occupé un emploi lié à l'activité durable de l'entreprise. Toutefois, le contrat de mission de M. B... a été conclu au motif que l'entreprise utilisatrice connaissait une augmentation d'activité. Dès lors, la société Sup Intérim 34, qui disposait d'un motif de recours à un travailleur temporaire, n'a commis aucun manquement qui aurait pu conduire à requalifier la relation de travail.

11. Il s'ensuit que M. B... n'est pas fondé à soutenir que l'inspecteur du travail et la ministre ont commis une erreur de droit en autorisant le non-renouvellement de son contrat de mission au motif qu'il aurait bénéficié d'un contrat de travail à durée indéterminée.

12. Il résulte de ce qui précède que M. B... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande.

Sur les conclusions présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

13. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de la SAS Sup Intérim 34, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, la somme que M. B... demande au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de M. B... une somme de 1 500 euros à verser à la SAS Sup Intérim 34 au titre des frais de même nature.

D É C I D E :

Article 1er : La requête de M. B... est rejetée.

Article 2 : M. B... versera à la SAS Sup Intérim 34 la somme de 1 500 euros en application de l'article L. 761- 1 du code de justice administrative.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... B..., à la SAS Sup Intérim 34 et à la ministre du travail, de la santé et des solidarités.

Délibéré après l'audience du 11 janvier 2024, à laquelle siégeaient :

- M. Wallerich, président de chambre,

- Mme Guidi, présidente-assesseure,

- Mme Peton, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe, le 1er février 2024.

La rapporteure,

Signé : N. PetonLe président,

Signé : M. Wallerich

La greffière,

Signé : S. Robinet

La République mande et ordonne à la ministre du travail, de la santé et des solidarités en ce qui la concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition conforme,

La greffière,

S. Robinet

N°20NC02536002


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de NANCY
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 20NC02536
Date de la décision : 01/02/2024
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. WALLERICH
Rapporteur ?: Mme Nolwenn PETON
Rapporteur public ?: Mme ANTONIAZZI
Avocat(s) : SAGET

Origine de la décision
Date de l'import : 11/02/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2024-02-01;20nc02536 ?
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