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29/02/2024 | FRANCE | N°23NC01787

France | France, Cour administrative d'appel, 5ème chambre, 29 février 2024, 23NC01787


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



Mme E... B... née C... a demandé au tribunal administratif de Strasbourg d'annuler l'arrêté du 1er août 2022, par lequel le préfet de la Moselle a rejeté sa demande de renouvellement d'un titre de séjour, l'a obligée à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel elle pourra être reconduite d'office.



Par un jugement n° 2208524 du 6 février 2023, le magistrat désigné par le président du tri

bunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande.



Procédure devant la cour :



Par ...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme E... B... née C... a demandé au tribunal administratif de Strasbourg d'annuler l'arrêté du 1er août 2022, par lequel le préfet de la Moselle a rejeté sa demande de renouvellement d'un titre de séjour, l'a obligée à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel elle pourra être reconduite d'office.

Par un jugement n° 2208524 du 6 février 2023, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 5 juin 2023, Mme B..., représentée par Me Pierre, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) d'annuler l'arrêté du préfet de la Moselle du 1er août 2022 ;

3°) d'enjoindre au préfet de la Moselle de réexaminer sa situation dans un délai de 15 jours à compter de la notification de l'arrêt à intervenir.

Elle soutient que :

- la décision de refus de titre de séjour et l'obligation de quitter le territoire français ont été prises à l'issue d'une procédure irrégulière dès lors que l'avis du collège des médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration ne lui a pas été communiqué, qu'il n'est pas établi que le médecin ayant rédigé le rapport médical ne siégeait pas au sein du collège de médecins et que les médecins du collège ont été régulièrement désignés ;

- la décision de refus de titre de séjour méconnaît les dispositions de l'article L. 425-9 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- elle a méconnu les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

Par un mémoire en défense, enregistré le 23 juin 2023, le préfet de la Moselle conclut au rejet de la requête.

Il soutient que les moyens soulevés par Mme B... ne sont pas fondés.

Mme B... a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 22 mai 2023.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- l'arrêté du 27 décembre 2016 relatif aux conditions d'établissement et de transmission des certificats médicaux, rapports médicaux et avis mentionnés aux articles R. 313-22, R. 313-23 et R. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code de justice administrative.

La présidente de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience publique.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de Mme Bourguet-Chassagnon a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. Mme B..., ressortissante kosovienne, née le 12 juin 1988, entrée sur le territoire français le 28 janvier 2013, munie de son passeport, a présenté en 2013 une demande d'asile qui a été rejetée par une décision du directeur général de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides, confirmée par la Cour nationale du droit d'asile. En 2014, elle a sollicité la délivrance d'un titre de séjour pour motif de santé. Le préfet de la Moselle lui a délivré plusieurs cartes de séjour temporaire et des récépissés de demande de titre de séjour pour la période allant du 10 juin 2014 au 3 juillet 2022. Le 4 octobre 2021, l'intéressée a présenté une demande de renouvellement de ce titre de séjour, sur le fondement des dispositions de l'article L. 425-9 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Par un arrêté du 1er août 2022, le préfet de la Moselle a refusé de lui délivrer le titre demandé, l'a obligée à quitter le territoire français dans le délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel elle pourra être reconduite d'office. Par un jugement du 6 février 2023, dont Mme B... relève appel, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.

2. En premier lieu, aux termes de l'article L. 425-9 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger, résidant habituellement en France, dont l'état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait avoir pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité et qui, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans le pays dont il est originaire, ne pourrait pas y bénéficier effectivement d'un traitement approprié, se voit délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " d'une durée d'un an. La condition prévue à l'article L. 412-1 n'est pas opposable. / La décision de délivrer cette carte de séjour est prise par l'autorité administrative après avis d'un collège de médecins du service médical de l'Office français de l'immigration et de l'intégration, dans des conditions définies par décret en Conseil d'Etat (...) ". Aux termes du premier alinéa de l'article R. 425-13 du même code : " Le collège à compétence nationale mentionné à l'article R. 425-12 est composé de trois médecins, il émet un avis dans les conditions de l'arrêté mentionné au premier alinéa du même article. La composition du collège et, le cas échéant, de ses formations est fixée par décision du directeur général de l'Office français de l'immigration et de l'intégration. Le médecin ayant établi le rapport médical ne siège pas au sein du collège ". Aux termes de l'article 5 de l'arrêté du 27 décembre 2016 : " Le collège de médecins à compétence nationale de l'office comprend trois médecins instructeurs des demandes des étrangers malades, à l'exclusion de celui qui a établi le rapport. (...) ". Enfin, aux termes de l'article 6 du même arrêté : " (...) un collège de médecins (...) émet un avis (...) précisant : a) si l'état de santé du demandeur nécessite ou non une prise en charge médicale ; / b) si le défaut de prise en charge peut ou non entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité sur son état de santé ; / c) si, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé du pays dont le ressortissant étranger est originaire, il pourrait ou non y bénéficier effectivement d'un traitement approprié ; / d) la durée prévisible du traitement. / Dans le cas où le ressortissant étranger pourrait bénéficier effectivement d'un traitement approprié, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé du pays dont il est originaire, le collège indique, au vu des éléments du dossier du demandeur, si l'état de santé de ce dernier lui permet de voyager sans risque vers ce pays. / (...) / Le collège peut délibérer au moyen d'une conférence téléphonique ou audiovisuelle. / L'avis émis à l'issue de la délibération est signé par chacun des trois médecins membres du collège ".

3. D'une part, il ressort de l'avis du collège des médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration (OFII) du 3 juin 2022, lequel a été produit par le préfet en première instance, que le médecin-rapporteur ayant rédigé le rapport préalable du 18 mai 2022 sur l'état de santé de Mme B..., le Dr A... D..., n'a pas siégé au sein du collège des médecins de l'office. Par ailleurs, les docteurs Mbomeyo, Mesbahy et Horrach ont été régulièrement désignés pour siéger au collège des médecins à compétence nationale de l'OFII par une décision de son directeur général du 11 avril 2022, publiée sur le site de l'office.

4. D'autre part, s'il est saisi, à l'appui de conclusions tendant à l'annulation de la décision de refus, d'un moyen relatif à l'état de santé du demandeur, aux conséquences de l'interruption de sa prise en charge médicale ou à la possibilité pour lui d'en bénéficier effectivement dans le pays dont il est originaire, il appartient au juge administratif de prendre en considération l'avis médical rendu par le collège des médecins de l'OFII. Si le demandeur entend contester le sens de cet avis, il appartient à lui seul de lever le secret relatif aux informations médicales qui le concernent, afin de permettre au juge de se prononcer en prenant en considération l'ensemble des éléments pertinents, notamment l'entier dossier du rapport médical au vu duquel s'est prononcé le collège des médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration, en sollicitant sa communication, ainsi que les éléments versés par le demandeur au débat contradictoire.

5. Dans son avis du 3 juin 2022, le collège des médecins de l'OFII précise que l'état de santé de Mme B... nécessite une prise en charge médicale dont le défaut ne devrait pas entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité et qu'au vu des éléments du dossier et à la date de l'avis, elle peut voyager sans risque vers son pays d'origine.

6. La requérante soutient que la décision attaquée est entachée d'une erreur d'appréciation au regard de sa situation médicale et fait valoir qu'elle souffre d'une pathologie psychiatrique, qu'elle est atteinte d'une surdité profonde bilatérale, qu'elle ne peut se déplacer seule et s'est d'ailleurs vue reconnaître la qualité de travailleur handicapé par la Maison Départementale pour les Personnes Handicapées. Pour contredire l'avis du collège des médecins de l'OFII, Mme B... produit un certificat médical établi le 6 août 2022 par un médecin généraliste, lequel se borne à mentionner les pathologies et handicaps dont elle est atteinte sans apporter aucune précision sur les traitements et soins dont l'intéressée bénéficierait pour la prise en charge de son état de santé. Ce seul document qui ne compte ainsi aucune précision sur les conséquences d'un défaut de prise en charge, ne saurait, dès lors, remettre en cause l'appréciation portée par le collège des médecins del'OFII dans son avis du 3 juin 2022. Le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions de l'article L. 425-9 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile doit, par suite, être écarté.

7. En dernier lieu, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1° Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance ; 2° Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale ou à la protection des droits et libertés d'autrui ".

8. Le moyen tiré d'une atteinte au droit à la vie familiale garanti par l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales est inopérant pour contester le refus de renouveler un titre de séjour en qualité d'étranger malade, sauf dans l'hypothèse où le préfet examine d'office si l'étranger est susceptible de se voir délivrer un titre sur un autre fondement. En l'espèce, pour refuser de renouveler le titre de séjour précédemment accordé à Mme B..., le préfet n'a pas examiné d'office si elle pouvait prétendre à la délivrance d'un titre de séjour sur un autre fondement ou si sa décision était susceptible de porter atteinte à la vie privée et familiale de l'intéressée. Par suite, la requérante ne peut utilement invoquer le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales au soutien de ses conclusions à fin d'annulation du refus de titre de séjour en litige.

9. Mme B..., entrée en France en janvier 2013, fait valoir qu'elle séjourne habituellement en France depuis plus de 9 ans à la date de la décision contestée, qu'elle a épousé en France en 2016 un compatriote, que le couple a eu deux enfants nés en 2017 et 2021 dont l'aînée est scolarisée en maternelle depuis 2020, que sa sœur et sa mère séjournent régulièrement en France et qu'elle n'a plus d'attaches familiales au Kosovo. Toutefois, la naissance d'un enfant sur le territoire français n'ouvre aucun droit particulier au séjour. A la date de la décision attaquée, il n'est par ailleurs pas contesté que les époux se trouvaient tous deux en situation irrégulière sur le territoire français. Mme B..., dont la durée de séjour sur le territoire français résulte seulement du temps nécessaire à l'instruction de sa demande d'asile puis à la prise en charge médicale de son état de santé par la France, ne fait état d'aucune circonstance particulière l'empêchant de poursuivre, avec son époux et leurs enfants en bas âge, sa vie familiale au Kosovo où elle a vécu jusqu'à l'âge de 24 ans. Par suite, compte tenu des circonstances de l'espèce, la décision de refus de titre de séjour contestée ne peut être regardé comme ayant porté à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels elle a été prise. Par suite, la requérante n'est, en tout état de cause, pas fondée à soutenir que cette décision aurait été prise en méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

10. Il résulte de tout ce qui précède que Mme B... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande. Par suite, sa requête doit être rejetée en toutes ses conclusions, y compris celles à fin d'injonction.

D E C I D E :

Article 1er : La requête de Mme B... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme E... B... née C..., au ministre de l'intérieur et des outre-mer et à Me Pierre.

Copie en sera adressée au préfet de la Moselle.

Délibéré après l'audience du 8 février 2024, à laquelle siégeaient :

- Mme Kohler, présidente,

- Mme Bourguet-Chassagnon, première conseillère,

- M. Denizot, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 29 février 2024.

La rapporteure,

Signé : M. Bourguet-ChassagnonLa présidente,

Signé : J. Kohler

La greffière,

Signé : A. Heim

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition conforme,

La greffière,

A. Heim

2

N° 23NC01787


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de NANCY
Formation : 5ème chambre
Numéro d'arrêt : 23NC01787
Date de la décision : 29/02/2024
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : Mme KOHLER
Rapporteur ?: Mme Mariannick BOURGUET-CHASSAGNON
Rapporteur public ?: Mme PICQUE
Avocat(s) : PIERRE

Origine de la décision
Date de l'import : 03/03/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2024-02-29;23nc01787 ?
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