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14/03/2024 | FRANCE | N°23NC01272

France | France, Cour administrative d'appel, 2ème chambre, 14 mars 2024, 23NC01272


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Châlons-en-Champagne d'annuler l'arrêté du 9 novembre 2022 par lequel le préfet des Ardennes a refusé de l'admettre au séjour, l'a obligé à quitter le territoire national dans un délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel il pourrait être éloigné d'office.



Par un jugement n° 2202786 du 28 mars 2023, le tribunal administratif de Châlons-en-Champagne a rejeté cette demande.
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Procédure devant la cour :



Par une requête enregistrée le 24 avril 2023, M. A..., représe...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Châlons-en-Champagne d'annuler l'arrêté du 9 novembre 2022 par lequel le préfet des Ardennes a refusé de l'admettre au séjour, l'a obligé à quitter le territoire national dans un délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel il pourrait être éloigné d'office.

Par un jugement n° 2202786 du 28 mars 2023, le tribunal administratif de Châlons-en-Champagne a rejeté cette demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 24 avril 2023, M. A..., représenté par Me Aouidet, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) d'annuler l'arrêté attaqué ;

3°) d'enjoindre au préfet des Ardennes de lui délivrer un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale " ou à défaut la mention " salarié " dans un délai de quinze jours à compter de l'arrêt et sous astreinte de 100 euros par jour ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 500 euros au titre des frais exposés devant le tribunal administratif et de 3 000 euros au titre des frais de l'instance d'appel, sur les fondements des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Il soutient que :

- le refus de séjour : est insuffisamment motivé ; est entaché d'erreur de droit en ce que le préfet s'est refusé à examiner sa situation au regard de l'article L. 435-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et droit d'asile ; est entaché d'erreur d'appréciation et d'erreurs de fait au regard des conditions de l'article L. 423-22 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et droit d'asile en ce qu'il a justifié du sérieux de ses études et de sa formation professionnelle et qu'il ne saurait lui être fait grief de ne pas avoir un emploi à durée indéterminée alors que cette situation résulte de son absence de titre de séjour ce qui ne l'empêche pas d'occuper un emploi d'usineur et que les liens dans son pays d'origine ne saurait faire obstacle à la délivrance du titre de séjour ; est entaché d'erreur manifeste d'appréciation au regard des conditions de l'article L. 435-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et droit d'asile ; viole l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- l'obligation de quitter le territoire : est entachée d'incompétence de son auteur ; est privée de base légale du fait de l'illégalité du refus de séjour ; viole les articles L. 423-22 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et repose sur une appréciation manifestement erronée de ses conséquences sur sa situation.

M. A... a été admis à l'aide juridictionnelle totale par décision du 22 mai 2023.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la constitution ;

- le traité sur le fonctionnement de l'Union européenne ;

- la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne ;

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code des relations entre le public et l'administration ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le décret 91-1266 du 19 décembre 1991 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement convoquées à l'audience publique.

Le président de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer ses conclusions à l'audience publique.

Après avoir entendu au cours de l'audience publique le rapport de M. Agnel.

Considérant ce qui suit :

1. M. A..., né le 9 juin 2002 et de nationalité guinéenne, serait entré irrégulièrement en France le 16 octobre 2018 selon ses déclarations. Il a été placé, le 3 novembre 2018, auprès de l'aide sociale à l'enfance en raison de sa minorité. Le 17 juillet 2020, M. A... a déposé une demande de titre de séjour en se prévalant de sa formation professionnelle. Par arrêté du 9 novembre 2022, le préfet des Ardennes a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination. M. A... relève appel du jugement du 28 mars 2023 par lequel le tribunal administratif de Châlons-en-Champagne a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.

Sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de la requête :

2. Aux termes de l'article L. 435-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " A titre exceptionnel, l'étranger qui a été confié à l'aide sociale à l'enfance entre l'âge de seize ans et l'âge de dix-huit ans et qui justifie suivre depuis au moins six mois une formation destinée à lui apporter une qualification professionnelle peut, dans l'année qui suit son dix-huitième anniversaire, se voir délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " salarié " ou " travailleur temporaire ", sous réserve du caractère réel et sérieux du suivi de cette formation, de la nature de ses liens avec sa famille restée dans le pays d'origine et de l'avis de la structure d'accueil sur l'insertion de cet étranger dans la société française. La condition prévue à l'article L. 412-1 n'est pas opposable ".

3. Lorsqu'il examine une demande d'admission exceptionnelle au séjour en qualité de " salarié " ou " travailleur temporaire ", présentée sur le fondement des dispositions précitées de l'article L. 435-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, le préfet vérifie tout d'abord que l'étranger est dans l'année qui suit son dix-huitième anniversaire, qu'il a été confié à l'aide sociale à l'enfance entre l'âge de seize ans et dix-huit ans, qu'il justifie suivre depuis au moins six mois une formation destinée à lui apporter une qualification professionnelle et que sa présence en France ne constitue pas une menace pour l'ordre public. Il lui revient ensuite, dans le cadre du large pouvoir dont il dispose, de porter une appréciation globale sur la situation de l'intéressé, au regard notamment du caractère réel et sérieux du suivi de cette formation, de la nature de ses liens avec sa famille restée dans son pays d'origine et de l'avis de la structure d'accueil sur l'insertion de cet étranger dans la société française. Il appartient au juge administratif, saisi d'un moyen en ce sens, de vérifier que le préfet n'a pas commis d'erreur manifeste dans l'appréciation ainsi portée.

4. Il ressort des pièces du dossier que M. A... a saisi le préfet des Ardennes de sa demande de titre de séjour le 17 juillet 2020, en faisant valoir son parcours depuis son départ de Guinée, sa situation de jeune majeur ayant été pris en charge par l'aide sociale à l'enfance entre l'âge de seize ans et l'âge de dix-huit ans et son inscription au lycée professionnel afin de préparer un bac professionnel de carrossier. Il ressort de cette demande que l'intéressé n'a précisément visé aucune disposition particulière du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et que compte tenu des termes utilisés, il doit être regardé comme ayant invoqué à la fois tant les dispositions de l'article L. 423-22 que celles de l'article L. 435-3 de ce code, respectivement les anciens articles L. 313-11 et L. 313-14. Il ressort des pièces du dossier que l'autorité préfectorale, au lieu de statuer sur cette demande, a délivré à l'intéressé neuf récépissés de demandes de titre de séjour et s'est finalement prononcée par l'arrêté attaqué en ne l'examinant qu'au regard des dispositions de l'article L. 423-22 et en appréciant la situation de l'intéressé à la date de sa décision alors qu'il n'était même plus dans l'année qui suivait son dix-huitième anniversaire pour en conclure qu'il ne suivait plus une formation professionnelle. Il ressort toutefois des pièces du dossier que M. A..., à la date de sa demande, suivait une formation professionnelle en classe de première en vue d'un baccalauréat professionnel de carrossier, que les rapports des structures d'accueil sont favorables et qu'il a bénéficié du renouvellement de son contrat jeune majeur, que s'il n'a pas obtenu son diplôme, il s'est de nouveau inscrit en établissement afin de l'obtenir ou à défaut de préparer le certificat d'aptitude professionnelle. Il ressort également des pièces du dossier que M. A... est désormais salarié de l'industrie et maîtrise la langue française. En opposant à M. A... l'absence de " caractère réel et sérieux du suivi d'une activité salariée ", condition prévue par aucun texte, en statuant au regard des conditions de l'article L. 423-22 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile alors que l'intéressé n'était plus dans sa dix-huitième année sans examiner la demande également au regard de l'article L. 435-3 du même code et en appréciant sa situation à la date à laquelle il a statué, le préfet des Ardennes a commis plusieurs erreurs de droit. Par suite, M. A... est fondé à demander l'annulation du refus de séjour qui lui a été opposé, ainsi que, par voie de conséquence, celles de toutes les décisions contenues dans l'arrêté attaqué.

5. Il résulte de ce qui précède que M. A... est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Châlons-en-Champagne a rejeté sa demande en annulation.

Sur les conclusions aux fins d'injonction :

6. Compte tenu des éléments ci-dessus analysés, l'annulation ci-dessus prononcée implique dans les circonstances de l'espèce, qu'il soit enjoint au préfet des Ardennes de délivrer au requérant une carte de séjour temporaire portant la mention " salarié ". Par suite, il y a lieu, sur le fondement de l'article L. 911-1 du code de justice administrative, de l'enjoindre d'y procéder selon les modalités figurant au dispositif du présent arrêt.

Sur les frais liés au litige :

En ce qui concerne l'instance devant le tribunal administratif :

7. M. A... a été admis à l'aide juridictionnelle totale. Par suite, son avocat peut se prévaloir des dispositions de l'article 37 de la loi ci-dessus visée du 10 juillet 1991. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat le versement à Me Aouidet, sous réserve de sa renonciation à la part contributive de l'Etat à l'aide juridique, d'une somme de 1 000 euros au titre des frais que M. A... aurait exposés dans cette instance s'il n'avait pas été admis à l'aide juridictionnelle.

En ce qui concerne l'instance d'appel :

8. M. A... a été admis à l'aide juridictionnelle totale. Par suite, son avocat peut se prévaloir des dispositions de l'article 37 de la loi ci-dessus visée du 10 juillet 1991. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat le versement à Me Aouidet, sous réserve de sa renonciation à la part contributive de l'Etat à l'aide juridique, d'une somme de 1 000 euros au titre des frais que M. A... aurait exposés dans la présente instance d'appel s'il n'avait pas été admis à l'aide juridictionnelle.

D E C I D E :

Article 1er : Le jugement n° 2202786 du 28 mars 2023 du tribunal administratif de Châlons-en-Champagne ainsi que l'arrêté du préfet des Ardennes du 9 novembre 2022 sont annulés.

Article 2 : Il est enjoint au préfet des Ardennes de délivrer à M. A... une carte de séjour temporaire portant la mention " salarié " dans un délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt.

Article 3 : L'Etat versera à Me Aouidet, sous réserve de sa renonciation à la part contributive à l'aide juridique, une somme de 2 000 euros en application de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... A..., à Me Aouidet et au ministre de l'intérieur et des outre-mer.

Copie du présent arrêt sera transmise au préfet des Ardennes.

Délibéré après l'audience du 15 février 2024, à laquelle siégeaient :

M. Martinez, président de chambre,

M. Agnel, président assesseur,

Mme Mosser, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 14 mars 2024.

Le rapporteur,

Signé : M. AgnelLe président,

Signé : J. Martinez

La greffière,

Signé : C. Schramm

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition conforme,

La greffière,

C. Schramm

N° 23NC01272 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de NANCY
Formation : 2ème chambre
Numéro d'arrêt : 23NC01272
Date de la décision : 14/03/2024
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. MARTINEZ
Rapporteur ?: M. Marc AGNEL
Rapporteur public ?: Mme STENGER
Avocat(s) : AOUIDET

Origine de la décision
Date de l'import : 20/03/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2024-03-14;23nc01272 ?
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