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14/03/2024 | FRANCE | N°23NC01879

France | France, Cour administrative d'appel, 2ème chambre, 14 mars 2024, 23NC01879


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



M. D... A... a demandé au tribunal administratif de Strasbourg d'annuler l'arrêté du 16 novembre 2022 par lequel la préfète du Bas-Rhin a ordonné son transfert aux autorités bulgares et l'a assigné à résidence.



Par un jugement n° 2208024 du 13 décembre 2022, la magistrate désignée par le président du tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande.



Procédure devant la cour :



Par une requête et

un mémoire enregistrés respectivement les 12 juin 2023 et 12 février 2024, M. A..., représenté par Me Elsaesser, demande à la co...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. D... A... a demandé au tribunal administratif de Strasbourg d'annuler l'arrêté du 16 novembre 2022 par lequel la préfète du Bas-Rhin a ordonné son transfert aux autorités bulgares et l'a assigné à résidence.

Par un jugement n° 2208024 du 13 décembre 2022, la magistrate désignée par le président du tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire enregistrés respectivement les 12 juin 2023 et 12 février 2024, M. A..., représenté par Me Elsaesser, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du 13 décembre 2022 ;

2°) d'annuler l'arrêté du 16 novembre 2022 en tant qu'il le transfère aux autorités bulgares ;

3°) d'enjoindre à la préfète du Bas-Rhin d'enregistrer sa demande d'asile en procédure normale dans un délai de quinze jours sous astreinte de 100 euros par jour de retard à compter de la notification du présent arrêt ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros à verser à son conseil en application des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Il soutient que :

- l'arrêté de transfert est entaché d'un défaut d'examen réel et sérieux de sa situation ;

- il méconnaît l'article 4 du règlement (UE) n° 604-2013 dans la mesure où il n'est pas établi qu'il ait reçu l'intégralité des brochures dans une langue qu'il comprend ;

- il méconnaît l'article 5 du règlement (UE) n° 604-2013 dans la mesure où il n'est pas démontré que l'agent qui a mené l'entretien individuel était habilité pour ce faire ;

- il est entaché d'une erreur manifeste d'appréciation en raison des défaillances systémiques existant en Bulgarie dans l'accueil des demandeurs d'asile ;

- il méconnaît l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales eu égard aux maltraitances et humiliations qu'il a subies en Bulgarie ;

- il est entaché d'une erreur manifeste d'appréciation eu égard à l'article 17 du règlement n° 604-2013 dans la mesure où il démontre l'existence d'un motif humanitaire justifiant son maintien sur le territoire français pour l'examen de sa demande d'asile ;

La requête a été communiquée à la préfète du Bas-Rhin qui n'a pas présenté de mémoire en défense.

Les parties ont été informées, en application des dispositions de l'article R. 611-7 du code de justice administrative, de ce que l'arrêt était susceptible d'être fondé sur un moyen relevé d'office, tiré de ce qu'il n'y a plus lieu de statuer sur les conclusions à fins d'annulation de la décision de transfert attaquée. En effet, l'expiration du délai d'exécution du transfert de 6 mois défini à l'article 29 du règlement (UE) 604/2013 du 26 juin 2013, interrompu par le recours présenté devant le tribunal administratif et qui recommence à courir à compter de la date de notification au préfet du jugement se prononçant sur les conclusions à fin d'annulation de la décision de transfert, entraîne la caducité de cette décision et a pour conséquence que la France devient responsable de l'examen de la demande de protection internationale (cf Conseil d'Etat n° 420708 Mme C... 24 septembre 2018 et Conseil d'Etat n° 421276 Ministre de l'intérieur c/ Mme B...). La décision de transfert ne pouvant plus dès lors être légalement exécutée, les conclusions tendant à son annulation deviennent ainsi sans objet.

Par un mémoire enregistré le 1er décembre 2023, la préfète du Bas-Rhin a précisé que le délai de transfert de M. A... avait état porté à dix-huit mois et courrait jusqu'au 20 juin 2024 en raison de la méconnaissance des modalités de son assignation à résidence. Par suite, ses conclusions ne sont pas sans objet.

M. A... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 2 mai 2023.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne ;

- le règlement (UE) n° 604/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 ;

- le règlement (UE) n° 603/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer ses conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de Mme Mosser a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. M. A..., ressortissant afghan a déclaré être entré irrégulièrement en France le 27 septembre 2022 et a présenté une demande d'asile. Le 5 octobre 2022, une attestation de demandeur d'asile en procédure " Dublin " lui a été remise. La consultation du fichier Eurodac a fait ressortir que l'intéressé a préalablement été identifié en Bulgarie. Le 11 octobre 2022, la préfète a saisi les autorités bulgares d'une demande de reprise en charge, lesquelles ont donné leur accord le 21 octobre suivant. Par un arrêté du 16 novembre 2022, la préfète du Bas-Rhin a ordonné son transfert aux autorités bulgares et l'a assigné à résidence. M. A... relève appel du jugement du 13 décembre 2022 par lequel la magistrate désignée par le président du tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté en tant qu'il le transfère aux autorités bulgares.

2. En premier lieu, il ne ressort ni des termes de l'arrêté en litige ni des pièces du dossier que la situation de M. A... n'aurait pas fait l'objet d'un examen réel et sérieux. Un tel examen ne saurait en revanche exiger que la préfète s'assure, préalablement au transfert, de l'état de l'instruction de la demande d'asile enregistrée dans l'Etat membre et de la capacité d'accueil de cet Etat dans des conditions adaptées à l'étranger.

3. En deuxième lieu, aux termes de l'article 4 du règlement (UE) n° 604/2013 du Parlement européen et du Conseil : " Dès qu'une demande de protection internationale est introduite au sens de l'article 20, paragraphe 2, dans un Etat membre, ses autorités compétentes informent le demandeur de l'application du présent règlement et notamment : / a) des objectifs du présent règlement et des conséquences de la présentation d'une autre demande dans un Etat membre différent ainsi que des conséquences du passage d'un Etat membre à un autre pendant les phases au cours desquelles l'Etat membre responsable en vertu du présent règlement est déterminé et la demande de protection internationale est examinée ; / b) des critères de détermination de l'Etat membre responsable, de la hiérarchie de ces critères au cours des différentes étapes de la procédure et de leur durée, y compris du fait qu'une demande de protection internationale introduite dans un Etat membre peut mener à la désignation de cet Etat membre comme responsable en vertu du présent règlement même si cette responsabilité n'est pas fondée sur ces critères ; / c) de l'entretien individuel en vertu de l'article 5 et de la possibilité de fournir des informations sur la présence de membres de la famille, de proches ou de tout autre parent dans les Etats membres, y compris des moyens par lesquels le demandeur peut fournir ces informations ; / d) de la possibilité de contester une décision de transfert et, le cas échéant, de demander une suspension du transfert ; / e) du fait que les autorités compétentes des Etats membres peuvent échanger des données le concernant aux seules fins d'exécuter leurs obligations découlant du présent règlement ; / f) de l'existence du droit d'accès aux données le concernant et du droit de demander que ces données soient rectifiées si elles sont inexactes ou supprimées si elles ont fait l'objet d'un traitement illicite, ainsi que des procédures à suivre pour exercer ces droits, y compris des coordonnées des autorités visées à l'article 35 et des autorités nationales chargées de la protection des données qui sont compétentes pour examiner les réclamations relatives à la protection des données à caractère personnel. (...). / 2. Les informations visées au paragraphe 1 sont données par écrit, dans une langue que le demandeur comprend ou dont on peut raisonnablement supposer qu'il la comprend. Les Etats membres utilisent la brochure commune rédigée à cet effet en vertu du paragraphe 3. / Si c'est nécessaire à la bonne compréhension du demandeur, les informations lui sont également communiquées oralement, par exemple lors de l'entretien individuel visé à l'article 5. / 3. La commission rédige, au moyen d'actes d'exécution, une brochure commune ainsi qu'une brochure spécifique pour les mineurs non accompagnés, contenant au minimum les informations visées au paragraphe 1 du présent article. Cette brochure commune comprend également des informations relatives à l'application du règlement (UE) n° 603/2013 et, en particulier, à la finalité pour laquelle les données relatives à un demandeur peuvent être traitées dans Eurodac (...) ".

4. Il ressort des pièces du dossier que M. A... s'est vu remettre le 5 octobre 2022 par les services de la préfecture du Bas-Rhin contre signature, deux documents dont l'un est intitulé " J'ai demandé l'asile dans l'Union européenne - quel pays sera responsable de l'analyse de ma demande ' " (brochure A), et l'autre est intitulé " Je suis sous procédure Dublin - qu'est-ce que cela signifie ' " (brochure B). Ces documents, rédigés en langue pachto que le requérant a déclaré comprendre, comportent l'ensemble des éléments d'information énumérés par les dispositions précitées de l'article 4 du règlement (UE) n° 604/2013. En outre, si M. A... soutient que l'intégralité de ces brochures ne lui a pas été remise, seule la page de garde comportant sa signature, il ressort du compte-rendu de l'entretien individuel dont il a bénéficié le 5 octobre 2022, et pendant lequel il a bénéficié de l'assistance d'un interprète en pachto, que l'information sur les règlements européens lui a été remise et que l'intéressé a déclaré avoir compris la procédure engagée à son encontre. Il ne ressort pas des pièces du dossier que M. A... aurait fait état avant l'adoption de l'arrêté attaqué, de l'incomplétude des documents qui lui a été remis ou demandé des brochures complètes. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance de ces dispositions doit être écarté.

5. En troisième lieu, aux termes de l'article 5 du règlement (UE) n° 604/2013 : " 1. Afin de faciliter le processus de détermination de l'Etat membre responsable, l'Etat membre procédant à cette détermination mène un entretien individuel avec le demandeur. (...) / 4. L'entretien individuel est mené dans une langue que le demandeur comprend ou dont on peut raisonnablement supposer qu'il la comprend et dans laquelle il est capable de communiquer. Si nécessaire, les Etats membres ont recours à un interprète capable d'assurer une bonne communication entre le demandeur et la personne qui mène l'entretien individuel. / 5. L'entretien individuel a lieu dans des conditions garantissant dûment la confidentialité. Il est mené par une personne qualifiée en vertu du droit national. (...) ".

6. S'il ne résulte ni des dispositions citées au point 5 ni d'aucun principe que devrait figurer sur le compte-rendu de l'entretien individuel la mention de l'identité de l'agent qui a mené l'entretien, il appartient à l'autorité administrative, en cas de contestation sur ce point, d'établir par tous moyens que l'entretien a bien, en application des dispositions précitées de l'article 5.5 du règlement du 26 juin 2013, été " mené par une personne qualifiée en vertu du droit national ".

7. Il ressort des pièces du dossier que M. A... a bénéficié d'un entretien individuel le 5 octobre 2022 et qu'il était assistée d'un interprète en langue pachto pendant toute la durée de ses échanges avec les services de la préfecture. La préfète du Bas-Rhin soutient sans être utilement contestée que l'entretien a été mené par un agent du guichet unique de la préfecture. Le caractère succinct du compte-rendu de l'entretien produit n'est de nature à démontrer ni qu'il n'aurait pas été régulièrement mené, ni à remettre en cause la qualité ou la qualification de l'agent l'ayant mené. Enfin, l'absence de mention, sur le compte-rendu de l'entretien individuel, de l'identité et de la qualité de l'agent qui a mené l'entretien, n'a pas privé l'intéressé d'une garantie. Dans ces conditions, et eu égard notamment au caractère très peu étayé de la contestation soulevée par le requérant, le moyen tiré de la méconnaissance de l'article 5 du règlement du 26 juin 2013 doit être écarté.

8. En troisième lieu, aux termes du 2 de l'article 3 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 : " Lorsqu'il est impossible de transférer un demandeur vers l'Etat membre initialement désigné comme responsable parce qu'il y a de sérieuses raisons de croire qu'il existe dans cet Etat membre des défaillances systémiques dans la procédure d'asile et les conditions d'accueil des demandeurs, qui entraînent un risque de traitement inhumain ou dégradant au sens de l'article 4 de la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne, l'Etat membre procédant à la détermination de l'Etat membre responsable poursuit l'examen des critères énoncés au chapitre III afin d'établir si un autre Etat membre peut être désigné comme responsable (...) ". Aux termes de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Nul ne peut être soumis à la torture ni à des traitements inhumains ou dégradants ".

9. Ces dispositions doivent être appliquées dans le respect des droits garantis par la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne et la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. Par ailleurs, eu égard au niveau de protection des libertés et des droits fondamentaux dans les Etats membres de l'Union européenne, lorsque la demande de protection internationale a été introduite dans un Etat autre que la France, que cet Etat a accepté de prendre ou de reprendre en charge le demandeur et en l'absence de sérieuses raisons de croire qu'il existe dans cet Etat membre des défaillances systémiques dans la procédure d'asile et les conditions d'accueil des demandeurs, qui entraînent un risque de traitement inhumain ou dégradant au sens de l'article 4 de la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne, les craintes dont le demandeur fait état quant au défaut de protection dans cet Etat membre doivent en principe être présumées non fondées, sauf à ce que l'intéressé apporte, par tout moyen, la preuve contraire.

10. M. A... soutient que son transfert vers la Bulgarie l'expose à un risque de subir des traitements inhumains et dégradants en raison des défaillances systémiques dans la procédure d'asile et les conditions d'accueil des demandeurs d'asile qui existent dans ce pays. Toutefois, en se référant à la lettre de mise en demeure adressée par la Commission européenne aux autorités bulgares le 18 novembre 2018 et à l'avis motivé adressé le 29 juillet 2019 pour transposition incomplète de la directive (UE) n° 2013/32 relative aux procédures d'asile, alors que la Commission n'a déclenché aucune procédure en manquement à l'encontre de la Bulgarie et n'a pas recommandé de suspendre les transferts de demandeurs d'asile vers cet Etat, le requérant n'établit pas la réalité de ses craintes quant au défaut de protection des demandeurs d'asile dans ce pays, partie tant à la convention de Genève du 28 juillet 1951 sur le statut des réfugiés, complétée par le protocole de New York, qu'à la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. De même, s'il se prévaut de la circonstance que le taux d'admission au statut de réfugié des demandeurs d'asile afghans serait plus faible en Bulgarie que pour les demandeurs d'asile d'autres nationalités ou que dans d'autres Etats membres, ainsi que de trois arrêts de la Cour européenne des droits de l'homme condamnant la Bulgarie mais portant sur des faits survenus en 2016 et antérieurement, des travaux du comité contre la torture des Nations Unies datant du 15 décembre 2017, de rapports généraux émanant d'organisations non gouvernementales relatifs à la Bulgarie portant principalement sur la période 2017-2019 et des articles de presse faisant état d'un tir à la frontière bulgaro-turque en décembre 2022, ces éléments ne suffisent pas à établir qu'il existerait, à la date de l'arrêté en litige, des défaillances systémiques dans la procédure d'asile et les conditions d'accueil des demandeurs d'asile en Bulgarie, entraînant un risque de traitement inhumain ou dégradant. En outre, M. A... n'établit pas qu'il risquerait d'être personnellement exposé à de tels traitements en se bornant à alléguer que lors de son passage en Bulgarie, il aurait été enfermé dans un camps et que ses empreintes ont été recueillies sans qu'il ait été informé au préalable de la procédure dans une langue qu'il comprend. S'il allègue sans l'établir qu'il n'aurait pas pu présenter utilement les motifs justifiant de sa demande de protection, il ne soutient pas avoir été effectivement empêché de le faire ou qu'il serait empêché de le faire à l'issue de son transfert. Enfin, dans ces conditions, et alors que cette obligation ne ressort d'ailleurs pas des dispositions précitées, la préfète n'est pas tenue, préalablement à l'édiction de la décision de transfert, d'obtenir des garanties individuelles de la part des autorités bulgares quant à l'effectivité du droit de solliciter l'asile et de bénéficier des garanties procédurales et matérielles conformes au droit européen. Par suite, les moyens tirés de ce que l'arrêté en litige serait contraire au 2 de l'article 3 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 et à l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales doivent être écartés.

11. Aux termes de l'article 17 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 : " 1. Par dérogation à l'article 3, paragraphe 1, chaque État membre peut décider d'examiner une demande de protection internationale qui lui est présentée par un ressortissant de pays tiers ou un apatride, même si cet examen ne lui incombe pas en vertu des critères fixés dans le présent règlement. (...) ". La mise en œuvre par les autorités françaises de l'article 17 doit être assurée à la lumière des exigences définies par le second alinéa de l'article 53-1 de la Constitution, aux termes duquel : " les autorités de la République ont toujours le droit de donner asile à tout étranger persécuté en raison de son action en faveur de la liberté ou qui sollicite la protection de la France pour un autre motif ". Aux termes de l'article L. 571-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " (...) / Le présent article ne fait pas obstacle au droit souverain de l'Etat d'accorder l'asile à toute personne dont l'examen de la demande relève de la compétence d'un autre Etat ". La faculté laissée à chaque Etat membre, par l'article 17 du règlement (UE) n° 604/2013 précité, de décider d'examiner une demande de protection internationale qui lui est présentée par un ressortissant de pays tiers ou un apatride, même si cet examen ne lui incombe pas en vertu des critères fixés dans ce règlement, est discrétionnaire et ne constitue nullement un droit pour les demandeurs d'asile.

12. Ainsi qu'il a été exposé ci-dessus, le requérant ne démontre pas que sa demande d'asile, enregistrée par les autorités bulgares, ne sera pas examinée dans des conditions conformes à l'ensemble des garanties exigées par le respect du droit d'asile, ni qu'il existerait des défaillances systémiques dans la procédure d'asile et les conditions d'accueil des demandeurs d'asile en Bulgarie, ni enfin que les autorités bulgares le renverront en Afghanistan sans réel examen des risques auxquels il y serait exposé. Par suite, et alors que le requérant n'établit l'existence d'aucune circonstance particulière susceptible de déroger au critère de détermination de l'Etat responsable de l'examen de sa demande d'asile, la préfète du Bas-Rhin n'a pas commis d'erreur de droit et d'erreur manifeste d'appréciation en ne faisant pas usage de la clause discrétionnaire prévue à l'article 17 du règlement (UE) n° 604/2013. Ce moyen doit ainsi être écarté.

13. Il résulte de tout ce qui précède que M. A... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, ses conclusions à fin d'injonction ainsi que celles présentées sur le fondement des dispositions combinées des articles 37 de la loi du 10 juillet 1991 et L. 761-1 du code de justice administrative ne peuvent qu'être rejetées.

D E C I D E :

Article 1er : La requête de M. A... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. D... A..., au ministre de l'intérieur et des outre-mer et à Me Elsaesser.

Une copie du présent arrêt sera adressée à la préfète du Bas-Rhin.

Délibéré après l'audience du 15 février 2024, à laquelle siégeaient :

M. Martinez, président,

M. Agnel, président assesseur,

Mme Mosser, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 14 mars 2024.

La rapporteure,

Signé : C. MosserLe président,

Signé : J. Martinez

La greffière,

Signé : C. Schramm

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition conforme,

La greffière,

C. Schramm

2

N° 23NC01879


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de NANCY
Formation : 2ème chambre
Numéro d'arrêt : 23NC01879
Date de la décision : 14/03/2024
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. MARTINEZ
Rapporteur ?: Mme Cyrielle MOSSER
Rapporteur public ?: Mme STENGER
Avocat(s) : ELSAESSER

Origine de la décision
Date de l'import : 20/03/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2024-03-14;23nc01879 ?
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