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21/03/2024 | FRANCE | N°23NC01730

France | France, Cour administrative d'appel de NANCY, 1ère chambre, 21 mars 2024, 23NC01730


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



M. C... D... a demandé au tribunal administratif de Nancy d'annuler l'arrêté du préfet des Vosges du 18 juillet 2022 portant refus de séjour en France, obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours, fixant le pays de renvoi et lui faisant interdiction de retour sur le territoire français pour une durée d'un an, d'enjoindre au préfet des Vosges de lui délivrer une carte de séjour, subsidiairement de réexaminer sa demande et de lui délivrer une

autorisation provisoire de séjour sous astreinte de 50 euros par jour de retard dans un ...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. C... D... a demandé au tribunal administratif de Nancy d'annuler l'arrêté du préfet des Vosges du 18 juillet 2022 portant refus de séjour en France, obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours, fixant le pays de renvoi et lui faisant interdiction de retour sur le territoire français pour une durée d'un an, d'enjoindre au préfet des Vosges de lui délivrer une carte de séjour, subsidiairement de réexaminer sa demande et de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour sous astreinte de 50 euros par jour de retard dans un délai de 48 heures suivant la notification du jugement à intervenir, de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 800 euros à verser à son conseil en application des dispositions combinées du deuxième alinéa de l'article 37 de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 et de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Mme A... B... épouse D... a demandé au tribunal administratif de Nancy d'annuler l'arrêté du préfet des Vosges du 18 juillet 2022 portant refus de séjour en France, obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours, fixant le pays de renvoi et lui faisant interdiction de retour sur le territoire français pour une durée d'un an, d'enjoindre au préfet des Vosges de lui délivrer une carte de séjour, subsidiairement de réexaminer sa demande et de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour sous astreinte de 50 euros par jour de retard dans un délai de 48 heures suivant la notification du jugement à intervenir, de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 800 euros à verser à son conseil en application des dispositions combinées du deuxième alinéa de l'article 37 de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 et de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Par un jugement n° 2202506 du 10 novembre 2022, le tribunal administratif de Nancy a rejeté sa requête.

Procédure devant la cour :

I. Par une requête enregistrée sous le n° 23NC01730 le 1er juin 2023, M. D..., représenté par Me Gehin, demande à la cour :

1°) d'annuler l'arrêté du préfet des Vosges du 18 juillet 2022 portant refus de séjour en France, obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours, fixant le pays de renvoi et lui faisant interdiction de retour sur le territoire français pour une durée d'un an ;

2°) d'enjoindre au préfet des Vosges de lui délivrer une carte de séjour, subsidiairement de réexaminer sa demande et de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour sous astreinte de 50 euros par jour de retard dans un délai de 48 heures suivant la notification du jugement à intervenir ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 800 euros à verser à son conseil en application des dispositions combinées du deuxième alinéa de l'article 37 de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 et de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- la requête est recevable ;

- la décision de refus de titre de séjour est insuffisamment motivée ; elle est entachée de vice de procédure en raison de la violation du droit d'être entendu, de présenter des observations orales et du droit d'être assisté d'un avocat ; elle est entachée d'erreur de qualification juridique des faits au regard de l'article L. 423-23 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et d'une erreur manifeste d'appréciation quant à ses attaches privées et familiales en France et son intégration professionnelle en France ;

- l'obligation de quitter le territoire français est entachée de vice de procédure en raison de la violation du droit d'être entendu, de présenter des observations orales et du droit d'être assisté d'un avocat ; elle est fondée sur une décision de refus de titre de séjour illégale ; elle porte une atteinte disproportionnée à son droit au respect de la vie privée et familiale ; elle est contraire à l'article 3-1 de la convention internationale des droits de l'enfant ;

- la décision fixant le pays de renvoi est fondée sur une obligation de quitter le territoire français illégale, elle est contraire à l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- la décision d'interdiction de retour sur le territoire français est insuffisamment motivée ; elle est entachée d'incompétence ; elle est fondée sur une obligation de quitter le territoire français illégale ; elle porte une atteinte disproportionnée à son droit au respect de la vie privée et familiale.

Par un mémoire en défense enregistré le 8 septembre 2023, le préfet des Vosges conclut au rejet de la requête.

Il soutient qu'aucun des moyens soulevés par le requérant n'est fondé.

M. D... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision en date du 2 mai 2023.

II. Par une requête enregistrée sous le n° 23NC01731 le 1er juin 2023, Mme A... B... épouse D..., représentée par Me Gehin, demande à la cour :

1°) d'annuler l'arrêté du préfet des Vosges du 18 juillet 2022 portant refus de séjour en France, obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours, fixant le pays de renvoi et lui faisant interdiction de retour sur le territoire français pour une durée d'un an ;

2°) d'enjoindre au préfet des Vosges de lui délivrer une carte de séjour, subsidiairement de réexaminer sa demande et de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour sous astreinte de 50 euros par jour de retard dans un délai de 48 heures suivant la notification du jugement à intervenir ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 800 euros à verser à son conseil en application des dispositions combinées du deuxième alinéa de l'article 37 de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 et de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- la requête est recevable ;

- la décision de refus de titre de séjour est insuffisamment motivée ; elle est entachée de vice de procédure en raison de la violation du droit d'être entendue, de présenter des observations orales et du droit d'être assistée d'un avocat ; elle est entachée d'erreur de qualification juridique des faits au regard de l'article L. 423-23 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et d'une erreur manifeste d'appréciation quant à ses attaches privées et familiales en France et son intégration professionnelle en France ;

- l'obligation de quitter le territoire français est entachée de vice de procédure en raison de la violation du droit d'être entendue, de présenter des observations orales et du droit d'être assistée d'un avocat ; elle est fondée sur une décision de refus de titre de séjour illégale ; elle porte une atteinte disproportionnée à son droit au respect de la vie privée et familiale ; elle est contraire à l'article 3-1 de la convention internationale des droits de l'enfant ;

- la décision fixant le pays de renvoi est fondée sur une obligation de quitter le territoire français illégale, elle est contraire à l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- la décision d'interdiction de retour sur le territoire français est insuffisamment motivée ; elle est entachée d'incompétence ; elle est fondée sur une obligation de quitter le territoire français illégale ; elle porte une atteinte disproportionnée à son droit au respect de la vie privée et familiale ;

Par un mémoire en défense enregistré le 8 septembre 2023, le préfet des Vosges conclut au rejet de la requête.

Il soutient qu'aucun des moyens soulevés par la requérante n'est fondé.

Mme D... a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision en date du 2 mai 2023.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention internationale des droits de l'enfant

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le président de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Guidi, présidente,

- et les observations de Me Géhin, pour M. et Mme D....

Considérant ce qui suit :

1. M. D..., ressortissant arménien né en 1981 est entré en France le 22 mars 2016. Sa demande d'asile, déposée le 9 mars 2018, a été rejetée par l'Office français de protection des réfugiés et apatrides (OFPRA), le 31 mai 2018, puis par la Cour nationale du droit d'asile (CNDA), le 22 janvier 2019. Par un arrêté du 25 février 2019, le préfet des Vosges lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de renvoi. M. D..., qui n'a pas mis à exécution cette mesure, a été rejoint par son épouse de même nationalité, accompagnée de leurs deux enfants mineurs, le 9 mars 2019. La demande d'asile de Mme D... a été rejetée par l'OFPRA, le 5 août 2019, puis par la CNDA, le 20 novembre 2020. Par des arrêtés du 29 janvier 2020, le préfet des Vosges a fait obligation aux époux D... de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de renvoi. Le 7 juin 2021 les époux D... ont sollicité leur admission au séjour en France à titre exceptionnel. Par un arrêté du 17 juin 2021 le préfet des Vosges a rejeté leur demande de titre de séjour et a prononcé à leur encontre une nouvelle mesure d'éloignement. Après un contrôle de M. D... par les forces de l'ordre de Saint-Dié-des-Vosges le 20 novembre 2021, les intéressés ont de nouveau demandé leur admission au séjour sur les fondements des articles L. 421-3, L. 423-23 et L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Par deux arrêtés des 18 juillet et 29 juin 2022, le préfet des Vosges a refusé de leur délivrer un titre de séjour et leur a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours, a fixé le pays de renvoi et leur a interdit le retour sur le territoire français pour une durée d'un an. M. et Mme D... relèvent appel du jugement du 10 novembre 2022 par lequel le tribunal administratif de Nancy a rejeté leur requête.

Sur les conclusions à fin d'annulation :

En ce qui concerne le moyen commun à toutes les décisions :

2. Les arrêtés attaqués sont signés par M. David Percheron, secrétaire général de la préfecture, auquel le préfet des Vosges a, par un arrêté du 7 mai 2021, régulièrement publié au recueil des actes administratifs de la préfecture le même jour, délégué sa signature à l'effet de signer, notamment, les décisions en matière de refus de séjour et d'éloignement des étrangers. Le moyen tiré de l'incompétence du signataire des arrêtés attaqués doit, dès lors, être écarté.

En ce qui concerne la décision de refus de titre de séjour :

3. En premier lieu, les décisions par lesquelles le préfet des Vosges a refusé de délivrer un titre de séjour à M. et Mme D... comportent l'ensemble des considérations de droit et de fait qui les fondent révélant que le préfet des Vosges a procédé à un examen particulier de leur situation personnelle. Ces décisions sont ainsi suffisamment motivées en droit et en fait.

4. En deuxième lieu, il résulte de la jurisprudence de la Cour de Justice que le droit d'être entendu fait partie intégrante du respect des droits de la défense, principe général du droit de l'Union. Il appartient aux Etats membres, dans le cadre de leur autonomie procédurale, de déterminer les conditions dans lesquelles le respect de ce droit est assuré. Ce droit se définit comme celui de toute personne de faire connaître, de manière utile et effective, son point de vue au cours d'une procédure administrative avant l'adoption de toute décision susceptible d'affecter de manière défavorable ses intérêts. Il ne saurait cependant être interprété en ce sens que l'autorité nationale est tenue, dans tous les cas, d'entendre l'intéressé lorsque celui-ci a déjà eu la possibilité de présenter, de manière utile et effective, son point de vue sur la décision en cause.

5. Lorsqu'il sollicite la délivrance ou le renouvellement d'un titre de séjour, l'étranger, à l'occasion du dépôt de sa demande, est conduit à préciser à l'administration les motifs pour lesquels il demande que lui soit délivré un titre de séjour et à produire tous éléments susceptibles de venir au soutien de cette demande. Il lui appartient, lors du dépôt de cette demande, d'apporter à l'administration toutes les précisions qu'il juge utiles. Il lui est loisible, au cours de l'instruction de sa demande, de faire valoir auprès de l'administration toute observation complémentaire utile, au besoin en faisant état d'éléments nouveaux.

6. M. et Mme D... soutiennent que leur droit d'être entendus a été méconnu dès lors qu'ils n'ont pas pu présenter des observations orales alors même qu'ils en avaient fait la demande au moment du dépôt de leur dossier de demande de titre de séjour et qu'ils n'ont ainsi pas pu se faire assister d'un avocat au cours d'un entretien. Toutefois, les requérants ne font état d'aucun élément particulier qu'ils auraient été empêchés de faire valoir auprès de l'administration et qui aurait été jugé utile à la compréhension de leur situation. Ainsi, il ne ressort pas des pièces des dossiers que les intéressés, qui avaient la possibilité de consulter un avocat au cours de l'instruction de leur demande, auraient pu se prévaloir oralement de faits qui auraient conduit le préfet des Vosges à prendre des décisions différentes. Il ressort au demeurant des pièces du dossier que, préalablement aux arrêtés attaqués, par courrier du 9 décembre 2021, M. et Mme D... ont été invités par les services de la préfecture à faire part de leurs observations. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance du droit d'être entendu et du droit d'être assisté d'un avocat ne peut qu'être écarté.

7. En troisième lieu, aux termes de l'article L. 121-1 du code des relations entre le public et l'administration : " Exception faite des cas où il est statué sur une demande, les décisions individuelles qui doivent être motivées en application de l'article L. 211-2, ainsi que les décisions qui, bien que non mentionnées à cet article, sont prises en considération de la personne, sont soumises au respect d'une procédure contradictoire préalable ".

8. Dès lors que les décisions portant refus de titre de séjour en litige interviennent en réponse aux demandes présentées par M. et Mme D..., le préfet des Vosges n'était pas tenu d'entendre leurs observations orales et les requérants ne peuvent utilement invoquer la méconnaissance des dispositions des articles L. 121-1 et L. 121-2 du code des relations entre le public et l'administration. En tout état de cause, et alors qu'ils ont été invités à présenter leurs observations par un courrier du 9 décembre 2021, les requérants n'établissent pas qu'ils auraient été empêchés de présenter des éléments utiles qui auraient pu influer sur le sens des décisions contestées.

9. En quatrième lieu aux termes de l'article L. 423-23 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger qui n'entre pas dans les catégories prévues aux articles L. 423-1, L. 423-7, L. 423-14, L. 423-15, L. 423-21 et L. 423-22 ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial, et qui dispose de liens personnels et familiaux en France tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus, se voit délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " d'une durée d'un an, sans que soit opposable la condition prévue à l'article L. 412-1. Les liens mentionnés au premier alinéa sont appréciés notamment au regard de leur intensité, de leur ancienneté et de leur stabilité, des conditions d'existence de l'étranger, de son insertion dans la société française ainsi que de la nature de ses liens avec sa famille restée dans son pays d'origine. L'insertion de l'étranger dans la société française est évaluée en tenant compte notamment de sa connaissance des valeurs de la République ".

10. Il ressort des pièces des dossiers que la durée de la présence en France de M. D... depuis 2016 et celle de Mme D... depuis 2019 s'explique pour l'essentiel par les démarches vaines qu'ils ont entreprises pour obtenir l'asile et par leur soustraction aux différentes mesures d'éloignement prononcées contre eux en 2020 et 2021. Par ailleurs, s'ils font valoir l'apprentissage de la langue française, une promesse d'embauche accordée à M. D..., la scolarité de leurs enfants en France, ils ne disposent pas d'attaches familiales en France où ils sont arrivés aux âges respectifs de 35 et 30 ans. Tous les deux en situation irrégulière, ils ne présentent pas d'éléments particuliers d'intégration, alors que la cellule familiale a vocation à se reconstituer dans leur pays d'origine. Dans ces conditions, c'est sans méconnaître les dispositions de l'article L. 423-23 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile que le préfet des Vosges a refusé de leur délivrer un titre de séjour.

11. En cinquième lieu, aux termes de l'article L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger dont l'admission au séjour répond à des considérations humanitaires ou se justifie au regard des motifs exceptionnels qu'il fait valoir peut se voir délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " salarié ", " travailleur temporaire " ou " vie privée et familiale ", sans que soit opposable la condition prévue à l'article L. 412-1 ".

12. S'il ressort des pièces des dossiers que les requérants étaient présents en France depuis respectivement 6 et 3 ans à la date des décisions attaqués et qu'ils ont manifesté leur volonté d'intégration, ces éléments sont insuffisants pour caractériser des circonstances humanitaires ou des motifs exceptionnels au sens des dispositions précitées de l'article L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance de ces dispositions doit être écarté.

13. En sixième lieu, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale. 2. Il ne peut y avoir d'ingérence d'une autorité publique dans l'exerce de ce droit que pour autant cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique est nécessaire à la sécurité nationale et à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale ou à la protection des droits et des libertés d'autrui ".

14. Pour les mêmes motifs que ceux qui sont exposés au point 10, le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales doit être écarté. La décision n'est pas davantage entachée d'une erreur manifeste d'appréciation des conséquences sur leur situation personnelle.

15. En dernier lieu, les requérants ne peuvent utilement se prévaloir des orientations générales, dépourvues de caractère réglementaire, que le ministre de l'intérieur a adressées aux préfets, par sa circulaire du 28 novembre 2012 pour les éclairer dans la mise en œuvre de leur pouvoir de régularisation.

En ce qui concerne l'obligation de quitter le territoire français :

16. En premier lieu, les requérants n'établissant pas l'illégalité des décisions du préfet des Vosges refusant de leur délivrer un titre de séjour, ils ne sont pas fondés à soutenir que les mesures leur faisant obligation de quitter le territoire français seraient illégales en raison de l'illégalité des décisions précédentes.

17. En deuxième lieu, s'il résulte de la jurisprudence de la Cour de Justice de l'Union européenne que le droit d'être entendu fait partie intégrante du respect des droits de la défense, principe général du droit de l'Union, ce droit ne saurait cependant être interprété en ce sens que l'autorité nationale compétente est tenue, dans tous les cas, d'entendre l'intéressé lorsque celui-ci a déjà eu la possibilité de présenter, de manière utile et effective, son point de vue sur la décision en cause. A l'occasion du dépôt de sa demande de titre de séjour, l'étranger ne saurait ignorer qu'en cas de refus, il pourra faire l'objet d'une mesure d'éloignement. A cette occasion, il est conduit à préciser à l'administration les motifs pour lesquels il demande que lui soit délivré un titre de séjour et à produire tous éléments susceptibles de venir au soutien de cette demande. Il lui appartient, lors du dépôt de cette demande, d'apporter à l'administration toutes les précisions qu'il juge utiles. Il lui est loisible, au cours de l'instruction de sa demande, de faire valoir auprès de l'administration toute observation complémentaire utile, au besoin en faisant état d'éléments nouveaux. Le droit de l'intéressé d'être entendu, ainsi satisfait avant que n'intervienne le refus de titre de séjour, n'impose pas à l'autorité administrative de mettre l'intéressé à même de réitérer ses observations ou de présenter de nouvelles observations, de façon spécifique, sur l'obligation de quitter le territoire français ni sur la décision fixant le pays de renvoi, prises concomitamment et en conséquence du refus de titre de séjour.

18. En l'espèce, M. et Mme D..., qui avaient la possibilité de consulter un avocat au cours de l'instruction de leur demande de titre de séjour, se bornent à soutenir que leur droit d'être entendus aurait été méconnu en l'absence d'entretien oral au cours duquel ils auraient pu être assistés d'un avocat et ne démontrent pas qu'ils disposaient d'informations pertinentes tenant à leur situation personnelle qu'ils auraient été ainsi empêchés de porter à la connaissance de l'administration avant que ne soient prise les mesures d'éloignement contestées et qui auraient été de nature à faire obstacle à ces décisions. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance du droit d'être entendu, ne peut qu'être écarté.

19. En troisième lieu, il ressort de l'ensemble des dispositions du livre VI du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, que le législateur a entendu déterminer l'ensemble des règles de procédure administrative et contentieuse auxquelles sont soumises l'intervention et l'exécution des décisions par lesquelles l'autorité administrative signifie à l'étranger l'obligation dans laquelle il se trouve de quitter le territoire français dans un délai déterminé, fixe le pays à destination duquel il pourra, le cas échéant, être éloigné d'office et prononce à son encontre une interdiction de retour sur le territoire français. Dès lors, le moyen, tiré de ce que les décisions d'éloignement attaquées n'auraient pas été précédées de l'organisation de la procédure contradictoire préalable, telle que prévue par les dispositions précitées de l'article L. 122-1 du code des relations entre le public et l'administration, doit être écarté comme inopérant.

20. En quatrième lieu, pour les mêmes motifs qu'exposés au point 10, le moyen, dirigé contre les mesures d'éloignement et tiré de la méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, doit être écarté.

21. En dernier lieu, aux termes des stipulations de l'article 3-1 de la convention internationale des droits de l'enfant : " Dans toutes les décisions qui concernent les enfants, qu'elles soient le fait d'institutions publiques ou privées de protection sociale, des tribunaux, des autorités administratives ou des organes législatifs, l'intérêt supérieur de l'enfant doit être une considération primordiale ". Il résulte de ces stipulations que, dans l'exercice de son pouvoir d'appréciation, l'autorité administrative doit accorder une attention primordiale à l'intérêt supérieur des enfants dans toutes les décisions les concernant.

22. Les mesures d'éloignement prononcées à l'encontre de M. et Mme D... n'ont ni pour objet ni pour effet de séparer les enfants mineurs de leurs parents. Par ailleurs, il n'est pas établi que la scolarité des deux enfants ne puisse se poursuivre dans leur pays d'origine dans lequel ils ont vécu jusque 2019, soit jusqu'aux âges de huit et six ans. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations de l'article 3-1 de la convention internationale des droits de l'enfant doit être écarté.

En ce qui concerne la décision fixant le pays de renvoi :

23. La décision de refus de séjour n'étant pas entachée d'illégalité, le moyen invoqué par la voie de l'exception à l'encontre de la décision portant obligation de quitter le territoire, tiré de l'exception d'illégalité de cette décision, doit être écarté.

24. En second lieu, aux termes de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou des traitements inhumains ou dégradants ".

25. En se bornant à soutenir, sans davantage de précision, que les décisions fixant le pays de retour sont contraires à l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, M. et Mme D..., dont la demande d'asile a été rejetée, n'établissent pas qu'ils risquent d'être soumis à la torture ou à des peines ou traitements inhumains ou dégradants en cas de retour dans leur pays d'origine.

En ce qui concerne la décision d'interdiction de retour sur le territoire français :

26. Aux termes de l'article L. 612-8 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Lorsque l'étranger n'est pas dans une situation mentionnée aux articles L. 612-6 et L. 612-7, l'autorité administrative peut assortir la décision portant obligation de quitter le territoire français d'une interdiction de retour sur le territoire français. Les effets de cette interdiction cessent à l'expiration d'une durée, fixée par l'autorité administrative, qui ne peut excéder cinq ans à compter de l'exécution de l'obligation de quitter le territoire français ". Aux termes de l'article L. 612-10 du même code : " Pour fixer la durée des interdictions de retour mentionnées aux articles L. 612-6 et L. 612-7, l'autorité administrative tient compte de la durée de présence de l'étranger sur le territoire français, de la nature et de l'ancienneté de ses liens avec la France, de la circonstance qu'il a déjà fait l'objet ou non d'une mesure d'éloignement et de la menace pour l'ordre public que représente sa présence sur le territoire français. Il en est de même pour l'édiction et la durée de l'interdiction de retour mentionnée à l'article L. 612-8 (...) ".

27. En premier lieu, les requérants n'établissant pas l'illégalité des décisions du préfet des Vosges leur faisant obligation de quitter le territoire français, ils ne sont pas fondés à soutenir que les décisions leur interdisant le retour sur le territoire français seraient illégales en raison de l'illégalité des décisions précédentes.

28. En deuxième lieu, les décisions par lesquelles le préfet des Vosges a fait interdiction de retour sur le territoire français à M. et Mme D..., pour une durée d'un an, comportent les considérations de droit et de fait qui en constituent le fondement. Par suite, le moyen tiré de leur insuffisante motivation doit être écarté comme manquant en fait.

29. En dernier lieu, il ne ressort pas des pièces des dossiers, au regard notamment des éléments de faits rappelés au point 10, que les décisions par lesquelles le préfet des Vosges a pris à l'encontre des époux D... des mesures d'interdiction de retour sur le territoire français pendant une durée d'un an porteraient une atteinte disproportionnée à leur droit au respect de leur vie privée et familiale.

30. Il résulte de tout ce qui précède que M. et Mme D... ne sont pas fondés à demander l'annulation des arrêtes du 18 juillet 2022 du préfet des Vosges.

Sur les conclusions à fin d'injonction et d'astreinte :

31. Le présent arrêt, qui ne fait pas droit aux conclusions en annulation, n'implique aucune mesure particulière d'exécution. Les conclusions en injonction et astreinte des requêtes doivent par conséquent être rejetées.

Sur les frais liés à l'instance :

32. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 font obstacle à ce qu'une somme soit mise à la charge de l'Etat, qui n'est pas la partie perdante dans les présentes instances, au titre des frais d'instance.

D É C I D E :

Article 1er : Les requêtes de M. et Mme D... sont rejetées.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. C... D..., à Mme A... D... et au ministre de l'intérieur et des outre-mer.

Copie en sera adressée à la préfète des Vosges.

Délibéré après l'audience du 21 février 2024, à laquelle siégeaient :

- M. Wallerich, président de chambre,

- Mme Guidi, présidente-assesseure,

- M. Sibileau, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe, le 21 mars 2024.

La rapporteure,

Signé : L. GuidiLe président,

Signé : M. Wallerich

La greffière,

Signé : S. Robinet

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition conforme,

La greffière,

S. Robinet

2

N° 23NC01730-23NC01731


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de NANCY
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 23NC01730
Date de la décision : 21/03/2024
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. WALLERICH
Rapporteur ?: Mme Laurie GUIDI
Rapporteur public ?: Mme ANTONIAZZI
Avocat(s) : GEHIN - GERARDIN

Origine de la décision
Date de l'import : 31/03/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2024-03-21;23nc01730 ?
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