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02/04/2024 | FRANCE | N°22NC01258

France | France, Cour administrative d'appel de NANCY, 4ème chambre, 02 avril 2024, 22NC01258


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



Mme A... E... a demandé au tribunal administratif de Strasbourg d'annuler le compte rendu d'entretien professionnel pour l'année 2019, réalisé le 18 septembre 2020.





Par un jugement n° 2006472 du 12 avril 2022, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande.





Procédure devant la cour :



Par une requête et un mémoire enregistrés le 16 mai 2022 et

le 16 octobre 2023, Mme E..., représentée par Me C..., demande à la cour :







1°) d'annuler ce jugement du 12 avril 2022 du...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme A... E... a demandé au tribunal administratif de Strasbourg d'annuler le compte rendu d'entretien professionnel pour l'année 2019, réalisé le 18 septembre 2020.

Par un jugement n° 2006472 du 12 avril 2022, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire enregistrés le 16 mai 2022 et le 16 octobre 2023, Mme E..., représentée par Me C..., demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du 12 avril 2022 du magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Strasbourg ;

2°) d'annuler le compte rendu d'entretien professionnel réalisé le 18 septembre 2020, au titre de l'année 2019 ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat le versement de la somme de 5 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient, dans le dernier état de ses écrits, que :

- le jugement est insuffisamment motivé et méconnaît donc les dispositions de l'article L. 9 du code de justice administrative ; la motivation est particulièrement lapidaire en ce qui concerne la réponse aux moyens tirés de ce que l'entretien professionnel n'a pas été individuel et a été prérempli ;

- c'est à tort que le magistrat désigné a appliqué la jurisprudence " Danthony " du Conseil d'Etat au moyen tiré du vice de procédure :

. alors que l'entretien professionnel n'a pas été mené par son supérieur hiérarchique direct en méconnaissance de l'article 55 de la loi n° 84-16 du 11 janvier 1984 et de l'article 2 du décret n° 2010-888 du 28 juillet 2010, le magistrat désigné a considéré qu'elle n'avait pas été privée d'une garantie sans rechercher si ce vice de procédure n'avait pas été de nature à exercer une influence sur le sens de la décision ;

. l'évaluation par son supérieur hiérarchique direct constitue une garantie ; elle a donc été privée de cette garantie en étant évaluée par le N + 5 qui ne connaissait pas ses états de service ;

- c'est à tort que le magistrat désigné a mentionné dans le jugement qu'elle appartenait à la brigade de nuit sous l'autorité du responsable d'unité d'intervention d'aide et d'assistance de proximité alors qu'elle était, au moment de son évaluation, sous l'autorité du responsable d'intervention de la 2ème brigade de jour ;

- c'est à tort que le magistrat désigné a fait reposer sur elle l'intégralité de la charge de la preuve et ce, en méconnaissance de la décision du Conseil d'Etat du 26 novembre 2012, n° 354108 ; le jugement est entaché d'une " erreur de droit " ;

- la procédure a été viciée dans la mesure où le compte rendu d'entretien a été prérempli avant la tenue de l'entretien ; il ressort du compte rendu d'entretien professionnel lui-même que les appréciations du supérieur hiérarchique direct et de l'autorité territoriale ont été remplis respectivement le 12 mars 2020 et le 7 avril 2020 ;

- l'entretien a été mené en présence d'une tierce personne qui n'est pas intervenue ;

- le compte rendu comporte une durée d'entretien incorrectement relevée ;

- le compte rendu est entaché d'erreur manifeste d'appréciation de ses mérites.

Par un mémoire en défense enregistré le 27 septembre 2023, le ministre de l'intérieur et des outre-mer conclut au rejet de la requête.

Il soutient que les moyens soulevés par la requérante ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la loi n° 84-16 du 11 janvier 1984 ;

- le décret n° 2010-888 du 28 juillet 2010 ;

- la circulaire relative aux modalités d'application du décret n° 2010-888 du 28 juillet 2010 relatif aux conditions générales de l'appréciation de la valeur professionnelle des fonctionnaires de l'Etat ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Roussaux, première conseillère,

- les conclusions de M. Michel, rapporteur public,

- et les observations de M. C..., représentant Mme E....

Considérant ce qui suit :

1. Mme E..., gardien de la paix, a été mutée à compter de mars 2019, à la circonscription de la sécurité publique de Sélestat. Affectée initialement à la brigade de nuit de l'unité d'intervention, d'aide et d'assistance de proximité (UIAAP), elle a par la suite été affectée à la brigade de jour de l'UIAAP. Son entretien professionnel a eu lieu le 18 septembre 2020, au titre de l'année 2019, et a donné lieu à un compte rendu d'entretien professionnel. Mme E... relève appel du jugement du 12 avril 2022 du magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Strasbourg qui a rejeté sa demande tendant à l'annulation de ce compte rendu d'entretien professionnel.

Sur les conclusions à fin d'annulation du compte rendu d'entretien professionnel :

2. Aux termes de l'article 55 de la loi du 11 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique de l'Etat, dans sa version alors applicable : " L'appréciation de la valeur professionnelle des fonctionnaires se fonde sur un entretien professionnel annuel conduit par le supérieur hiérarchique direct, qui donne lieu à un compte rendu ".

3. Aux termes de l'article 2 du décret du 28 juillet 2010 relatif aux conditions générales de l'appréciation de la valeur professionnelle des fonctionnaires de l'Etat : " Le fonctionnaire bénéficie chaque année d'un entretien professionnel qui donne lieu à compte rendu. Cet entretien est conduit par le supérieur hiérarchique direct (...) ". Aux termes de l'article 4 de ce même décret : " Le compte rendu de l'entretien professionnel est établi et signé par le supérieur hiérarchique direct du fonctionnaire. Il comporte une appréciation générale exprimant la valeur professionnelle de ce dernier. / Il est communiqué au fonctionnaire qui le complète, le cas échéant, de ses observations. Il est visé par l'autorité hiérarchique qui peut formuler, si elle l'estime utile, ses propres observations. / Le compte rendu est notifié au fonctionnaire qui le signe pour attester qu'il en a pris connaissance puis le retourne à l'autorité hiérarchique qui le verse à son dossier ".Aux termes de la circulaire relative aux modalités d'application du décret n° 2010-888 du 28 juillet 2010 relatif aux conditions générales de l'appréciation de la valeur professionnelle des fonctionnaires de l'Etat : " En cas de changement d'affectation de l'agent en cours d'année, géographique ou fonctionnel, l'entretien est assuré par le SHD dont il dépend au moment de la campagne d'évaluation. Ce dernier pourra toutefois recueillir l'avis de l'ancien SHD de l'agent pour l'évaluer pleinement. Dans le cas d'un changement de SHD en cours d'année, le support, établi par le nouveau SHD, peut être complété par l'ancien, s'agissant du bilan de l'année écoulée "

4. Il résulte de ces dispositions que l'entretien d'évaluation du fonctionnaire doit être conduit par son supérieur direct à peine d'irrégularité de la procédure d'évaluation.

5. Il ressort des pièces du dossier qu'au moment de son entretien professionnel réalisé le 18 septembre 2020 et qui a donné lieu au compte rendu d'entretien professionnel litigieux, Mme E... était affectée à la " brigade de jour police secours " qu'elle a rejointe à compter du 19 janvier 2020. Selon l'organigramme produit à l'instance, son supérieur hiérarchique direct était donc, à cette date, M. B.... Or, il est constant que cet entretien d'évaluation a été mené par M. D..., chef de circonscription adjoint qui était alors son N + 2. Dans ces conditions, alors même que Mme E... exerçait dans une autre brigade l'année pour laquelle elle a été évaluée et dès lors que l'administration ne justifie d'aucun motif qui aurait justifié ce choix, le moyen tiré de l'irrégularité de la procédure est fondé. Il y a lieu donc d'annuler le compte rendu d'entretien professionnel de Mme E... au titre de l'année 2019.

6. Il résulte de ce qui précède, et sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de la requête, et notamment ceux tirés de l'irrégularité du jugement attaqué, que Mme E... est fondée à soutenir que c'est à tort que, par ce jugement, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande tendant à l'annulation du compte rendu d'entretien professionnel au titre de l'année 2019.

Sur les frais liés à l'instance :

7. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 000 euros au titre des frais exposés par Mme E... et non compris dans les dépens.

D E C I D E :

Article 1er : Le jugement n° 2006472 du 12 avril 2022 du magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Strasbourg et le compte rendu d'entretien professionnel de Mme E... au titre de l'année 2019 sont annulés.

Article 2 : L'Etat versera à Mme E... une somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à Mme A... E... et au ministre de l'intérieur et des outre-mer.

Délibéré après l'audience du 12 mars 2024, à laquelle siégeaient :

- Mme Ghisu-Deparis, présidente,

- Mme Samson-Dye, présidente assesseure,

- Mme Roussaux, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 2 avril 2024.

La rapporteure,

Signé : S. RoussauxLa présidente,

Signé : V. Ghisu-Deparis

La greffière,

Signé : F. Dupuy

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition conforme,

La greffière,

F. Dupuy

2

N° 22NC01258


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de NANCY
Formation : 4ème chambre
Numéro d'arrêt : 22NC01258
Date de la décision : 02/04/2024
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : Mme GHISU-DEPARIS
Rapporteur ?: Mme Sophie ROUSSAUX
Rapporteur public ?: M. MICHEL
Avocat(s) : BERARD JEMOLI SANTELLI BURKATZKI BIZZARRI

Origine de la décision
Date de l'import : 07/04/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2024-04-02;22nc01258 ?
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