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02/04/2024 | FRANCE | N°23NC01024

France | France, Cour administrative d'appel de NANCY, 4ème chambre, 02 avril 2024, 23NC01024


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



Mme A... B... a demandé au tribunal administratif de Nancy d'annuler la décision du 16 octobre 2019 par laquelle la directrice déléguée à l'administration interrégionale judiciaire a fixé le montant annuel de son indemnité de fonctions, de sujétions et d'expertise (IFSE) à 5 882,28 euros.

Par un jugement n° 1903773 du 2 février 2023, le tribunal administratif de Nancy a rejeté sa demande.





Procédure devant la cour :

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Par une requête, enregistrée le 31 mars 2023, Mme B..., représentée par

Me Gehin, demande à la cour :



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Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme A... B... a demandé au tribunal administratif de Nancy d'annuler la décision du 16 octobre 2019 par laquelle la directrice déléguée à l'administration interrégionale judiciaire a fixé le montant annuel de son indemnité de fonctions, de sujétions et d'expertise (IFSE) à 5 882,28 euros.

Par un jugement n° 1903773 du 2 février 2023, le tribunal administratif de Nancy a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 31 mars 2023, Mme B..., représentée par

Me Gehin, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) d'annuler la décision du 16 octobre 2019 ;

3°) d'enjoindre à l'Etat de réexaminer sa situation administrative et de statuer à nouveau, avec effet rétroactif au 1er janvier 2019, dans un délai d'un mois à compter de la notification de la décision à intervenir, sous astreinte de 50 euros par jour de retard ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat le versement de la somme de 1 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative au titre de la procédure de première instance et la somme de 1 500 euros au titre de la présente procédure.

Elle soutient que :

- le tribunal a entaché son jugement d'une irrégularité en inversant la charge de la preuve de l'existence d'une méconnaissance du principe d'égalité ;

- la décision contestée méconnaît le principe d'égalité entre agents publics en raison d'un traitement inégal en fonction de la date d'obtention du concours et de l'absence de prise en compte de son expérience.

Par un mémoire en défense enregistré le 10 janvier 2024, le garde des sceaux, ministre de la justice, conclut au rejet de la requête.

Il soutient qu'aucun moyen n'est fondé.

Par des mémoires enregistrés les 15 février et 1er mars 2024, Mme B..., représentée par Me Gehin, conclut aux mêmes fins par les mêmes moyens. Ils n'ont pas été communiqués.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le décret n° 2014-513 du 20 mai 2014 ;

- l'arrêté du 17 décembre 2018 pris pour l'application au corps des greffiers des services judiciaires des dispositions du décret n° 2014-513 du 20 mai 2014 ;

- la circulaire du garde des sceaux, ministre de la justice, du 3 juillet 2019, portant sur les modalités de gestion du régime indemnitaire du corps des directeurs des services de greffe judiciaires et greffiers des services judiciaires ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Denizot, premier conseiller,

- les conclusions de M. Michel, rapporteur public,

- et les observations de Me Gehin pour Mme B....

Considérant ce qui suit :

1. Par un arrêté du 20 décembre 2016, Mme B... a été promue au grade de greffier principal à compter du 3 juillet 2016. Dans le cadre de la mise en place du nouveau régime indemnitaire tenant compte des fonctions, des sujétions, de l'expertise et de l'engagement professionnel (RIFSEEP), la directrice déléguée à l'administration interrégionale judiciaire, par une décision du 16 octobre 2019, l'a classée dans le groupe de fonctions 3 et a fixé le montant annuel de son indemnité de fonctions, de sujétions et d'expertise (IFSE) à 5 882,28 euros à compter du 1er janvier 2019. Mme B... relève appel du jugement par lequel le tribunal administratif de Nancy a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cette décision en tant qu'elle fixait le montant de son IFSE.

Sur la régularité du jugement attaqué :

2. Mme B... soutient que le tribunal administratif de Nancy, dans le jugement attaqué, aurait inversé la charge de la preuve pour écarter l'existence d'une rupture d'égalité entre agents publics. Toutefois, un tel moyen relève de la contestation du bien-fondé du jugement et non de sa régularité.

3. Par suite, Mme B... n'est pas fondée à soutenir que le jugement attaqué est irrégulier.

Sur la légalité de la décision du 16 octobre 2019 :

4. Le principe d'égalité de traitement des fonctionnaires n'est applicable qu'aux fonctionnaires d'un même corps et aux agents se trouvant dans la même situation de droit et de fait. Le respect du principe d'égalité entre les agents publics ne s'oppose pas à l'institution de différences dans le régime indemnitaire dont ils bénéficient, fondées sur des différences dans les conditions d'exercice de leurs fonctions ou sur les nécessités du bon fonctionnement du service auquel ils appartiennent.

5. Aux termes de l'article premier du décret du 20 mai 2014 susvisé portant création d'un régime indemnitaire tenant compte des fonctions, des sujétions, de l'expertise et de l'engagement professionnel dans la fonction publique de l'Etat (RIFSEEP) : " Les fonctionnaires relevant de la loi du 11 janvier 1984 susvisée peuvent bénéficier, d'une part, d'une indemnité de fonctions, de sujétions et d'expertise et, d'autre part, d'un complément indemnitaire annuel lié à l'engagement professionnel et à la manière de servir, dans les conditions fixées par le présent décret (...) ".

6. Aux termes de l'article 2 du même décret : " Le montant de l'indemnité de fonctions, de sujétions et d'expertise est fixé selon le niveau de responsabilité et d'expertise requis dans l'exercice des fonctions. / Les fonctions occupées par les fonctionnaires d'un même corps (...) sont réparties au sein de différents groupes au regard des critères professionnels suivants : / 1° Fonctions d'encadrement, de coordination, de pilotage ou de conception ; / 2° Technicité, expertise, expérience ou qualification nécessaire à l'exercice des fonctions ; / 3° Sujétions particulières ou degré d'exposition du poste au regard de son environnement professionnel. / Le nombre de groupes de fonctions est fixé pour chaque corps ou statut d'emploi par arrêté du ministre chargé de la fonction publique et du ministre chargé du budget et, le cas échéant, du ministre intéressé. / Ce même arrêté fixe les montants minimaux par grade (...), les montants maximaux afférents à chaque groupe de fonctions (...) ". Selon son article 3 : " Le montant de l'indemnité de fonctions, de sujétions et d'expertise fait l'objet d'un réexamen : / 1° En cas de changement de fonctions ; / 2° Au moins tous les quatre ans, en l'absence de changement de fonctions et au vu de l'expérience acquise par l'agent ; / 3° En cas de changement de grade à la suite d'une promotion. ". Aux termes de l'article 6 de ce décret : " Lors de la première application des dispositions du présent décret, le montant indemnitaire mensuel perçu par l'agent au titre du ou des régimes indemnitaires liés aux fonctions exercées ou au grade détenu et, le cas échéant, aux résultats, à l'exception de tout versement à caractère exceptionnel, est conservé au titre de l'indemnité de fonctions, de sujétions et d'expertise jusqu'à la date du prochain changement de fonctions de l'agent, sans préjudice du réexamen au vu de l'expérience acquise prévu au 2° de l'article 3. ". L'arrêté interministériel du 17 décembre 2018 pris pour l'application au corps des greffiers des services judiciaires du décret du 20 mai 2014 portant création du RIFSEEP a fixé à trois le nombre de groupes de fonctions dans lesquels doivent être classés les greffiers des services judiciaires, les plafonds annuels de l'IFSE afférents à chacun de ces trois groupes, ainsi que les montants minimaux annuels de l'indemnité pour chacun des deux grades de ce corps.

7. La circulaire du garde des sceaux, ministre de la justice, du 3 juillet 2019, portant sur les modalités de gestion du régime indemnitaire du corps des directeurs des services de greffe judiciaires et greffiers des services judiciaires prévoit, d'une part, à son paragraphe 1.2, que ce qu'elle qualifie de " socle indemnitaire " " correspond à un montant minimum et non pas à un montant indemnitaire unique par groupe. Au sein d'un même groupe de fonctions, les agents peuvent ainsi bénéficier de montants individuels différents en raison, notamment, de la diversité de leurs parcours professionnels ". L'annexe 3 de cette circulaire fixe le " socle indemnitaire " de l'IFSE pour chacun des trois groupes des greffiers, en distinguant ceux qui exercent leurs fonctions à l'administration centrale du ministère de la justice et ceux qui exercent dans les juridictions, les services déconcentrés et les écoles de formation. Le garde des sceaux, ministre de la justice, a fixé à 5 800 euros le montant minimum de l'IFSE pour les fonctionnaires membres du corps des greffiers affectés en juridictions et classés dans le groupe 3, quel que soit leur grade. A son paragraphe 6, cette circulaire dispose, d'autre part, que : " Le changement de grade se traduit par une revalorisation automatique du montant de l'IFSE perçu par l'agent avant sa promotion, dans la limite du plafond réglementaire applicable au groupe de fonctions correspondant au poste occupé par l'agent. / Les montants de revalorisation, fixés par la présente circulaire, sont forfaitaires et identiques pour tous les périmètres d'affectation " et renvoie à l'annexe 4 la fixation à 1 000 euros du montant de cette revalorisation pour les greffiers qui deviennent greffiers principaux à compter de son entrée en vigueur le 1er janvier 2019.

8. Ainsi que le mentionne au demeurant cette circulaire, la fixation par le ministre de la justice d'un " socle indemnitaire ", qu'il définit comme le montant minimum d'indemnité de fonctions, de sujétions et d'expertise garanti à un agent en raison des fonctions exercées, pour chacun des trois groupes de fonctions des greffiers des services judiciaires, ne fait pas obstacle à ce que le montant de l'indemnité de fonctions, de sujétions et d'expertise attribué aux membres d'un même groupe de fonctions soit différent entre ces agents pour tenir compte de l'expérience et de la technicité acquise par chacun dans l'exercice de ces fonctions, sous réserve de ne pas dépasser le plafond annuel de cette indemnité fixé par arrêté interministériel. En prévoyant que les greffiers des services judiciaires exerçant dans les juridictions et classés dans le groupe de fonctions n° 3 bénéficient d'un socle indemnitaire d'un montant de 5 300 euros au 1er janvier 2019, l'annexe 3 de cette circulaire n'a pas entendu interdire que l'expérience et la technicité acquise par un greffier et reconnue notamment par sa réussite à l'examen professionnel de greffier principal avant la mise en œuvre du nouveau régime indemnitaire au 1er janvier 2019 soit prise en compte par l'attribution par son gestionnaire d'un montant d'indemnité de fonctions, de sujétions et d'expertise au moins égal au montant attribué aux greffiers qui accèdent à ce grade à compter de cette date, majoré de la revalorisation de 1 000 euros prévue par l'annexe 4 de cette circulaire.

9. D'une part, pour les mêmes motifs qu'exposés précédemment, la décision du

16 octobre 2019 qui fixe le montant de l'IFSE de Mme B... à 5 882,28 euros, en application des dispositions précitées de la circulaire du 3 juillet 2019, ne méconnaît pas le principe d'égalité entre agents appartenant au même corps, au seul motif que le montant de l'IFSE est différent selon la date de promotion au grade de greffier principal. D'autre part, en se bornant à se prévaloir de la différence entre le montant de l'IFSE perçu par les greffiers principaux promus après le 1er janvier 2019 occupant le même poste qu'elle et le montant qui lui est versé, Mme B... n'établit pas avoir été dans une situation identique à ces autres agents, alors que, selon la circulaire précitée, les agents appartenant à un même groupe de fonctions peuvent bénéficier de montants individuels différents en raison, notamment, de la diversité de leurs parcours professionnels. Enfin, il ressort des écritures du garde des sceaux produites en première instance et non utilement contestées que le montant de l'indemnité de la requérante a été revalorisée dans le cadre du régime indemnitaire applicable à la date de sa promotion. Elle n'est par suite pas fondée à soutenir que la rupture d'égalité résulterait de l'absence de revalorisation de sa promotion.

10. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance du principe d'égalité de traitement entre agents publics doit, dans toutes ses branches, être écarté.

11. Il résulte de tout ce qui précède que Mme B... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nancy a rejeté sa demande.

Sur les frais liés aux litiges :

12. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mis à la charge de l'Etat, qui n'est pas, en première instance et dans la présente instance d'appel, la partie perdante, le versement de la somme que Mme B... demande au titre des frais exposés et non compris dans les dépens.

D E C I D E :

Article 1er : La requête de Mme B... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme A... B... et au garde des sceaux, ministre de la justice.

Délibéré après l'audience du 12 mars 2024, à laquelle siégeaient :

- Mme Ghisu-Deparis, présidente,

- Mme Samson-Dye, présidente-assesseure,

- M. Denizot, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 2 avril 2024.

Le rapporteur,

Signé : A. DenizotLa présidente,

Signé : V. Ghisu-Deparis

La greffière,

Signé : F. Dupuy

La République mande et ordonne au garde des sceaux, ministre de la justice, en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition conforme,

La greffière,

F. Dupuy

N° 23NC01024 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de NANCY
Formation : 4ème chambre
Numéro d'arrêt : 23NC01024
Date de la décision : 02/04/2024
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : Mme GHISU-DEPARIS
Rapporteur ?: M. Arthur DENIZOT
Rapporteur public ?: M. MICHEL
Avocat(s) : GEHIN - GERARDIN

Origine de la décision
Date de l'import : 07/04/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2024-04-02;23nc01024 ?
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