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11/04/2024 | FRANCE | N°21NC00030

France | France, Cour administrative d'appel de NANCY, 1ère chambre, 11 avril 2024, 21NC00030


Vu la procédure suivante :



I. Par une requête enregistrée le 6 janvier 2021 sous le n° 21NC00030, la société Energies du Dôme Haut-Saônois, représentée par Me Balay, demande à la cour :



1°) d'annuler l'arrêté du préfet de la Haute-Saône du 4 novembre 2020 rejetant sa demande d'autorisation environnementale unique ;



2°) de délivrer ladite autorisation ;



3°) à titre subsidiaire, d'enjoindre au préfet de délivrer cette autorisation dans un délai d'un mois à compter de la notification de

l'arrêt à intervenir sous astreinte de 300 euros par jour de retard ;



4°) d'enjoindre au préfet de procéder ...

Vu la procédure suivante :

I. Par une requête enregistrée le 6 janvier 2021 sous le n° 21NC00030, la société Energies du Dôme Haut-Saônois, représentée par Me Balay, demande à la cour :

1°) d'annuler l'arrêté du préfet de la Haute-Saône du 4 novembre 2020 rejetant sa demande d'autorisation environnementale unique ;

2°) de délivrer ladite autorisation ;

3°) à titre subsidiaire, d'enjoindre au préfet de délivrer cette autorisation dans un délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir sous astreinte de 300 euros par jour de retard ;

4°) d'enjoindre au préfet de procéder aux mesures de publicité prévues à l'article R. 181-44 du code de l'environnement ;

5°) de mettre à la charge de l'Etat le versement de la somme de 5 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

La société soutient que :

- l'atteinte aux intérêts mentionnés à l'article L. 511-1 du code de l'environnement en raison de la présence d'un nid de cigogne noire à proximité du parc éolien n'est pas constituée dès lors que l'espèce est peu sensible aux éoliennes et que des mesures d'évitement et de réduction permettraient de réduire l'impact résiduel à un niveau faible et non significatif pour l'espèce ;

- dès lors qu'il n'existe pas de risque caractérisé pour l'espèce, il n'y a pas lieu de solliciter une dérogation sur le fondement de l'article L. 411-2 du code de l'environnement ;

- l'impact visuel du parc éolien sur la chapelle Notre-Dame-du-Haut de Ronchamp située à 12 km n'en modifie pas significativement la perception ;

- le préfet aurait pu assortir son arrêté de prescriptions permettant de prévenir les dangers et les inconvénients portés aux intérêts mentionnés à l'article L. 511-1 du code de l'environnement.

Par un mémoire en défense, enregistré le 1er avril 2022, le ministre de la transition écologique conclut au rejet de la requête

Il soutient que les moyens soulevés par la requérante ne sont pas fondés.

Par une intervention, enregistrée le 31 mars 2022, l'association de défense de l'environnement, de l'humain et du patrimoine " Que du vent 70 " représentée par Me Woldanski conclut au rejet de la requête.

Elle soutient que :

- les motifs tirés de la présence d'un nid de cigogne noire et de l'atteinte portée au site de la chapelle de Ronchamp sont de nature à fonder le refus d'autorisation ;

- l'implantation du projet de parc éolien en surplomb direct entraîne des effets d'écrasement sur certains villages dont Saulnot et dénature également certains chemins de grande randonnée dont le chemin de Compostelle ;

- il existe des risques de pollution des ressources en eau en raison de son implantation dans le périmètre rapproché des sources de la Baume.

Vu les autres pièces du dossier.

II. Par une requête n° 21NC00037 enregistrée le 6 janvier 2021 et des pièces du 2 janvier 2024, la société Energies du Dôme Haut-Saônois 2 représentée par Me Balay demande, par des moyens identiques à ceux soulevés dans la requête n° 21NC00030, à la cour :

1°) d'annuler l'arrêté du préfet de la Haute-Saône du 4 novembre 2020 rejetant sa demande d'autorisation environnementale unique ;

2°) de délivrer ladite autorisation ;

3°) à titre subsidiaire, d'enjoindre au préfet de délivrer cette autorisation dans un délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir sous astreinte de 300 euros par jour de retard ;

4°) d'enjoindre au préfet de procéder aux mesures de publicité prévues à l'article R. 181-44 du code de l'environnement ;

5°) de mettre à la charge de l'Etat le versement de la somme de 5 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Par un mémoire en défense, enregistré le 1er avril 2022, le ministre de la transition écologique conclut au rejet de la requête

Il soutient que les moyens soulevés par la requérante ne sont pas fondés.

Par une intervention, enregistrée le 31 mars 2022, l'association de défense de l'environnement, de l'humain et du patrimoine " Que du vent 70 " représentée par Me Woldanski conclut au rejet de la requête.

Elle soutient que :

- les motifs tirés de la présence d'un nid de cigogne noire et de l'atteinte portée au site de la chapelle de Ronchamp sont de nature à fonder le refuser d'autorisation ;

- l'implantation du projet de parc éolien en surplomb direct entraîne des effets d'écrasement sur certains villages dont Saulnot et dénature également certains chemins de grande randonnée dont le chemin de Compostelle ;

- il existe des risques de pollution des ressources en eau en raison de son implantation dans le périmètre rapproché des sources de la Baume.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de l'environnement,

- le code de l'urbanisme,

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Barrois, première conseillère,

- les conclusions de Mme Antoniazzi, rapporteure publique,

- et les observations de Me Oliveira substituant Me Balay, pour les sociétés Energies du Dôme Haut-Saônois 1 et 2.

Une note en délibéré, enregistrée le 22 mars 2024, a été présentée pour l'association de défense de l'environnement, de l'humain et du patrimoine " Que du vent 70 ".

Considérant ce qui suit :

1. Par une demande du 29 septembre 2017, complétée le 14 février 2019, la société Energies du Dôme Haut-Saônois a sollicité une autorisation environnementale pour l'implantation et l'exploitation de cinq éoliennes (E1 à E5) et de deux postes de livraison sur le territoire de la commune de Granges-Le-Bourg et de Saulnot-zone ouest. Par une seconde demande du 29 septembre 2017, complétée le 14 février 2019, la société Energies du Dôme Haut-Saônois 2 a sollicité une autorisation environnementale pour l'implantation et l'exploitation de quatre éoliennes (E6 à E9) et d'un poste de livraison sur le territoire de la commune de Granges-Le-Bourg et de Saulnot-zone est. Par deux arrêtés datés du 4 novembre 2020, le préfet de la Haute-Saône leur a refusé les autorisations sollicitées. Par les requêtes n° 21NC00030 et n° 21NC00037, les deux sociétés demandent l'annulation de ces arrêtés.

2. Les deux requêtes présentées présentent à juger des mêmes questions. Il y a lieu de les joindre pour statuer par un seul arrêt.

Sur l'intervention volontaire :

3. L'association de défense de l'environnement, de l'humain et du patrimoine " Que du vent 70 " dont l'objet social est " de protéger l'environnement, l'humain et le patrimoine de Saulnot Malval, Corcelles et Gonvillars de ses hameaux et communes environnantes / faire annuler toute projet industriel (éolien ou autre) (...) impact sur la santé (effets visuels, sonores, dégradations des milieux (faune et flore) " justifie d'un intérêt suffisant au maintien des décisions attaquées. Ainsi son intervention est recevable.

Sur la légalité des arrêtés attaqués :

En ce qui concerne l'erreur dans l'appréciation des atteintes aux intérêts protégés par l'article L. 511-1 du code de l'environnement :

4. Aux termes de l'article L. 181-3 du code de l'environnement : " I. - L'autorisation environnementale ne peut être accordée que si les mesures qu'elle comporte assurent la prévention des dangers ou inconvénients pour les intérêts mentionnés aux articles L. 211-1 et L. 511-1 du code de l'environnement (...) ". Aux termes de l'article L. 511-1 du même code : " Sont soumis aux dispositions du présent titre les usines, ateliers, dépôts, chantiers et, d'une manière générale, les installations exploitées ou détenues par toute personne physique ou morale, publique ou privée, qui peuvent présenter des dangers ou des inconvénients soit pour la commodité du voisinage, soit pour la santé, la sécurité, la salubrité publiques, soit pour l'agriculture, soit pour la protection de la nature, de l'environnement et des paysages, soit pour l'utilisation économe des sols naturels, agricoles ou forestiers, soit pour l'utilisation rationnelle de l'énergie, soit pour la conservation des sites et des monuments ainsi que des éléments du patrimoine archéologique ".

S'agissant de l'atteinte portée à la cigogne noire :

5. Il résulte de l'instruction que la cigogne noire est protégée au titre de l'annexe 1 de la directive " Oiseaux " n° 2009/147/CE du Parlement européen et du Conseil du 30 novembre 2009 concernant la conservation des oiseaux sauvages et est qualifiée d'espèce " vulnérable " en migration en France et d'espèce " en danger " en nidification en France. L'espèce nicheuse de la cigogne noire court tout particulièrement un risque majeur d'extinction en France en raison de ses très faibles effectifs (soixante-dix à quatre-vingt-dix individus en France dont dix couples dans la région) et dont le taux d'accroissement de la population est faible. L'enjeu de conservation très fort dont la cigogne noire nicheuse fait l'objet au niveau national est renforcé en région Bourgogne-Franche-Comté où l'espèce est considérée comme en " danger critique ".

6. Il résulte de l'instruction et notamment de l'étude Siteleco réalisée en septembre 2020 en partenariat avec l'Office national des forêts que la cigogne noire est une espèce forestière, que le projet de parc éolien est implanté dans un massif forestier et que son territoire s'étend aux zones ouvertes, ses zones de gagnage étant des cours d'eau. Les jeunes cigogneaux sont nourris 4 à 5 fois par jour et l'espèce chasse sur une distance de 10 à 20 km autour du nid. Il résulte par ailleurs de l'étude de la ligue de protection des oiseaux de 2020 sur la région Bourgogne-Franche-Comté qu'il existe un rayon de sensibilité très fort de 10 km autour des nids en raison du rayon d'action très important des individus en période de nourrissage avec des altitudes de vols similaires à celui des éoliennes. Or, en l'espèce, il est constant qu'un nid de cigogne noire, occupé par un couple et quatre cigogneaux, a été découvert à proximité du site d'implantation du projet à 900 mètres de l'éolienne la plus proche et à moins de 5 km par rapport aux autres éoliennes. Dès lors que le risque de collision et de dérangement de l'espèce en raison de l'implantation des éoliennes à proximité d'un nid est établi, le projet contesté est de nature à présenter des risques d'atteinte significative à cette espèce protégée en danger d'extinction.

7. Si la société exposante a proposé de supprimer les éoliennes 7, 8 et 9, de mettre en place un système de détection-réaction pour prévenir la survenance du risque de collision sur les éoliennes 5 et 6, d'adapter le tracé d'accès et de ne pas réaliser de travaux lourds dans un périmètre de 1,5 km autour du nid de mars à août, il résulte néanmoins de l'instruction que l'exposant n'établit pas que l'installation d'un tel système sur seulement trois éoliennes permettrait de détecter 100 % des cigognes noires volant autour de leur turbine et notamment des juvéniles dont la taille diffère et donc d'éviter une collision par arrêt de la turbine en temps utile alors que l'ensemble des éoliennes se situe dans un rayon de 3 km autour du nid et que l'éolienne 6 demeure toujours à environ 900 mètres du nid de cigogne noire. Or, le très fort enjeu de conservation de la cigogne noire nicheuse ne permet pas qu'un risque de destruction d'un individu de cette espèce, aussi minime soit-il, subsiste. Ces cigognes noires sont ainsi exposées à un risque de destruction suffisamment caractérisé, qu'aucune mesure d'évitement et de réduction ne serait de nature à réduire à un niveau acceptable. Ainsi, l'atteinte que le parc d'éoliennes projeté ferait peser sur la conservation de la population de cigognes noires nichant à proximité du site d'implantation constitue un grave danger pour l'environnement, qui ne peut être prévenu par d'éventuelles prescriptions. Par suite, le préfet de la Haute-Saône n'a pas commis d'erreur dans l'appréciation de l'atteinte portée à la cigogne noire en application des dispositions citées au point 4.

S'agissant de l'atteinte portée au site de la chapelle Notre-Dame-du-Haut à Ronchamp :

8. Aux termes de l'article R. 111-27 du code de l'urbanisme : " Le projet peut être refusé ou n'être accepté que sous réserve de l'observation de prescriptions spéciales si les constructions, par leur situation, leur architecture, leurs dimensions ou l'aspect extérieur des bâtiments ou ouvrages à édifier ou à modifier, sont de nature à porter atteinte au caractère ou à l'intérêt des lieux avoisinants, aux sites, aux paysages naturels ou urbains ainsi qu'à la conservation des perspectives monumentales ".

9. Il résulte de ces dispositions que, pour statuer sur une demande d'autorisation environnementale, il appartient à l'autorité administrative de s'assurer que le projet ne méconnaît pas l'exigence de protection des paysages et de conservation des sites et monuments et ne porte pas atteinte au caractère ou à l'intérêt des lieux avoisinants.

10. Pour rechercher l'existence d'une atteinte à un paysage de nature à fonder un refus d'autorisation ou les prescriptions spéciales accompagnant la délivrance de cette autorisation, il appartient au préfet d'apprécier, dans un premier temps, la qualité du site ou du paysage sur lequel l'installation est projetée puis d'évaluer, dans un second temps, l'impact que cette installation, compte tenu de sa nature et de ses effets, pourrait avoir sur le site, sur le monument ou sur le paysage.

11. Il résulte de l'instruction et notamment de l'étude d'aire d'influence paysagère d'avril 2020 commandée par la direction régionale de l'environnement, de l'aménagement et du logement et la direction régionale des affaires culturelles de Bourgogne-France-Comté que la chapelle Notre-Dame-du-Haut sur la colline de Boulémont à Ronchamp à 474 mètres d'altitude est protégée à la suite de son inscription sur la liste du patrimoine mondial de l'UNESCO depuis le 17 juillet 2016 avec seize autres sites répartis sur sept pays, issus de " l'œuvre architecturale de Le Corbusier, une contribution exceptionnelle au Mouvement Moderne ", et qu'en outre, la chapelle est classée monument historique depuis le 8 novembre 1967 et ses annexes depuis un arrêté du 11 juin 2004. Le classement de ce site, dont l'architecture a été conçue en dialogue avec les montagnes environnantes et les souvenirs de voyage de l'artiste qui lui ont inspiré cette forme et ses courbes particulières, trouve son fondement dans la protection et la conservation de l'œuvre de Le Corbusier, auteur d'un nouveau langage architectural en rupture avec le passé dont l'influence se mesure à l'échelle de la planète, ses œuvres subsistant dans onze pays sur quatre continents. Par suite, la qualité du site qui fait l'objet, à ce titre, d'un plan de gestion local est suffisamment établie.

12. En ce qui concerne l'impact du projet sur le site, ainsi que le cite l'unité départementale de l'architecture et du patrimoine dans son avis du 15 octobre 2020, Le Corbusier a conçu son œuvre en symbiose avec le paysage qui l'entoure " une personnalité remarquable était toutefois présente, c'était le paysage, les quatre horizons. Ce sont eux qui ont commandé ". L'architecture de la chapelle a été conçue comme une réponse aux horizons des paysages environnants et ce lien est partie intégrante de la valeur universelle exceptionnelle de la chapelle que l'impact visuel du parc éolien, dont l'implantation est prévue à une distance de 12 kilomètres en hauteur au sud de la chapelle est de nature à remettre en cause. Dans ces conditions, alors que tant la chapelle que les paysages qui l'entourent s'inscrivent dans l'œuvre à protéger, les projets éoliens, compte-tenu de la hauteur des aérogénérateurs et de la configuration des paysages dans lesquels ils s'insèrent, auront un impact visuel qu'aucune prescription supplémentaire ne serait susceptible d'atténuer suffisamment pour le rendre acceptable, et notamment pas la seule suppression de trois éoliennes. Le projet de parc éolien des sociétés requérantes présente en l'état des inconvénients pour la protection des paysages de nature à justifier le refus d'octroi de l'autorisation environnementale sollicitée. Par suite, les sociétés exposantes ne sont pas fondées à soutenir que les arrêtés méconnaîtraient les dispositions des articles L. 181-3 et L. 511-1 du code de l'environnement, ni qu'ils seraient entachés d'erreur manifeste d'appréciation au regard de l'article R. 111-27 du code de l'urbanisme.

Sur l'absence de demande de dérogation en application de l'article L. 411-2 du code de l'environnement :

13. Aux termes de l'article L. 411-1 du code de l'environnement : " I. - Lorsqu'un intérêt scientifique particulier, le rôle essentiel dans l'écosystème ou les nécessités de la préservation du patrimoine naturel justifient la conservation de sites d'intérêt géologique, d'habitats naturels, d'espèces animales non domestiques ou végétales non cultivées et de leurs habitats, sont interdits: / 1° La destruction ou l'enlèvement des œufs ou des nids, la mutilation, la destruction, la capture ou l'enlèvement, la perturbation intentionnelle, la naturalisation d'animaux de ces espèces ou, qu'ils soient vivants ou morts, leur transport, leur colportage, leur utilisation, leur détention, leur mise en vente, leur vente ou leur achat ; (...) / 3° La destruction, l'altération ou la dégradation de ces habitats naturels ou de ces habitats d'espèces (...) ". Aux termes de l'article L. 411-2 du même code: " I. - Un décret en Conseil d'Etat détermine les conditions dans lesquelles sont fixées : (...) / 4° La délivrance de dérogations aux interdictions mentionnées aux 1°, 2° et 3° de l'article L. 411-1, à condition qu'il n'existe pas d'autre solution satisfaisante, pouvant être évaluée par une tierce expertise menée, à la demande de l'autorité compétente, par un organisme extérieur choisi en accord avec elle, aux frais du pétitionnaire, et que la dérogation ne nuise pas au maintien, dans un état de conservation favorable, des populations des espèces concernées dans leur aire de répartition naturelle : a) Dans l'intérêt de la protection de la faune et de la flore sauvages et de la conservation des habitats naturels ; / b) Pour prévenir des dommages importants notamment aux cultures, à l'élevage, aux forêts, aux pêcheries, aux eaux et à d'autres formes de propriété ; / c) Dans l'intérêt de la santé et de la sécurité publiques ou pour d'autres raisons impératives d'intérêt public majeur, y compris de nature sociale ou économique, et pour des motifs qui comporteraient des conséquences bénéfiques primordiales pour l'environnement ; / d) A des fins de recherche et d'éducation, de repeuplement et de réintroduction de ces espèces et pour des opérations de reproduction nécessaires à ces fins, y compris la propagation artificielle des plantes ; / e) Pour permettre, dans des conditions strictement contrôlées, d'une manière sélective et dans une mesure limitée, la prise ou la détention d'un nombre limité et spécifié de certains spécimens (...) ". Aux termes de l'article R. 411-6 du même code : " Les dérogations définies au 4° de l'article L. 411-2 sont accordées par le préfet, sauf dans les cas prévus aux articles R. 411-7 et R. 411-8. / Le silence gardé pendant plus de quatre mois par l'autorité administrative sur une demande de dérogation vaut décision de rejet. / Toutefois, lorsque la dérogation est sollicitée pour un projet entrant dans le champ d'application de l'article L. 181-1, l'autorisation environnementale prévue par cet article tient lieu de la dérogation définie par le 4° de l'article L. 411-2. La demande est alors instruite et délivrée dans les conditions prévues par le chapitre unique du titre VIII du livre Ier pour l'autorisation environnementale et les dispositions de la présente sous-section ne sont pas applicables ".

14. Le système de protection des espèces résultant des dispositions citées ci-dessus, qui concerne les espèces de mammifères terrestres et d'oiseaux figurant sur les listes fixées par les arrêtés du 23 avril 2007 et du 29 octobre 2009, impose d'examiner si l'obtention d'une dérogation est nécessaire dès lors que des spécimens de l'espèce concernée sont présents dans la zone du projet, sans que l'applicabilité du régime de protection dépende, à ce stade, ni du nombre de ces spécimens, ni de l'état de conservation des espèces protégées présentes.

15. Le pétitionnaire doit obtenir une dérogation " espèces protégées " si le risque que le projet comporte pour les espèces protégées est suffisamment caractérisé. A ce titre, les mesures d'évitement et de réduction des atteintes portées aux espèces protégées proposées par le pétitionnaire doivent être prises en compte. Dans l'hypothèse où les mesures d'évitement et de réduction proposées présentent, sous le contrôle de l'administration, des garanties d'effectivité telles qu'elles permettent de diminuer le risque pour les espèces au point qu'il apparaisse comme n'étant pas suffisamment caractérisé, il n'est pas nécessaire de solliciter une dérogation " espèces protégées ".

16. Il résulte de ce qui est exposé au point 7 qu'il existe un risque caractérisé pour la conservation de la cigogne noire qu'aucune mesure de prescription ne permettrait de diminuer. Par suite, alors même que les sociétés avaient été invitées par le préfet à solliciter une dérogation sur le fondement des dispositions précitées, une telle demande aurait, en tout état de cause, en l'état du dossier était refusée. Le moyen tiré de l'absence de nécessité de solliciter une dérogation est écarté.

17. Les vices tirés de l'atteinte que le parc en projet ferait peser sur la conservation de la population de cigognes noires nicheuses à proximité du site d'implantation des éoliennes ainsi que sur la chapelle de Ronchamp et des paysages qui l'entourent, étant liés à l'emplacement choisi par les sociétés pétitionnaires sont insusceptibles d'être régularisés par la procédure définie par l'article L. 181-18 du code de l'environnement.

18. Il résulte de tout ce qui précède que la société Energies du Dôme Haut-Saônois et la société Energies du Dôme Haut-Saônois 2 ne sont pas fondées à demander l'annulation des arrêtés du 4 novembre 2020 du préfet de la Haute-Saône leur refusant les autorisations d'exploiter sollicitées. Par voie de conséquence, leurs conclusions à fin d'injonction ainsi que celles présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ne peuvent qu'être rejetées.

D É C I D E :

Article 1er : L'intervention de l'association de défense de l'environnement, de l'humain et du patrimoine " Que du vent 70 " est admise.

Article 2 : La requête n° 21NC00030 de la société Energies du Dôme Haut-Saônois est rejetée.

Article 3 : La requête n° 21NC00037 de la société Energies du Dôme Haut-Saônois 2 est rejetée.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à la société Energies du Dôme Haut-Saônois, la société Energies du Dôme Haut-Saônois 2, au ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires, au préfet de la Haute-Saône et à l'Association de défense de l'environnement, de l'humain et du patrimoine " Que du vent 70 ".

Délibéré après l'audience du 21 mars 2024, à laquelle siégeaient :

- M. Wallerich, président de chambre,

- Mme Guidi, présidente-assesseure,

- Mme Barrois, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe, le 11 avril 2024.

La rapporteure,

Signé : M. BarroisLe président,

Signé : M. Wallerich

La greffière,

Signé : S. RobinetLa République mande et ordonne au de la transition écologique et de la cohésion des territoires en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition conforme,

La greffière,

S. Robinet

2

N° 21NC00030-21NC00037


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de NANCY
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 21NC00030
Date de la décision : 11/04/2024
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : M. WALLERICH
Rapporteur ?: Mme Marion BARROIS
Rapporteur public ?: Mme ANTONIAZZI
Avocat(s) : WOLDANSKI

Origine de la décision
Date de l'import : 21/04/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2024-04-11;21nc00030 ?
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