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11/04/2024 | FRANCE | N°21NC01444

France | France, Cour administrative d'appel de NANCY, 1ère chambre, 11 avril 2024, 21NC01444


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



La SCI des Tournières a demandé au tribunal administratif de Châlons-en-Champagne d'annuler la délibération du 25 juillet 2019 par laquelle la communauté de communes de la région de Suippes a exercé son droit de préemption sur les parcelles ZE 64 et ZE 67 situées au lieu-dit Agnet à Suippes et de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros à verser à son conseil en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.



Par un j

ugement n° 1902417 du 18 mars 2021, le tribunal administratif de Châlons-en-Champagne rejeté sa requ...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La SCI des Tournières a demandé au tribunal administratif de Châlons-en-Champagne d'annuler la délibération du 25 juillet 2019 par laquelle la communauté de communes de la région de Suippes a exercé son droit de préemption sur les parcelles ZE 64 et ZE 67 situées au lieu-dit Agnet à Suippes et de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros à verser à son conseil en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Par un jugement n° 1902417 du 18 mars 2021, le tribunal administratif de Châlons-en-Champagne rejeté sa requête.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 18 mai 2021, la SCI des Tournières demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du 18 mars 2021 ;

2°) de mettre une somme de 3 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative à la charge de la communauté de communes de Suippes et de mettre à sa charge les dépens.

Elle soutient que :

- la requête est recevable dans la mesure où elle justifie d'un intérêt lui donnant qualité pour agir ;

- la décision de préemption est insuffisamment motivée ;

- il n'existe pas de projet suffisamment précis pour permettre l'exercice du droit de préemption ;

- la décision a été prise pour satisfaire une demande privée et non en vue de la réalisation d'un projet d'intérêt général ;

- la décision est entachée de détournement de pouvoir.

Par un mémoire en défense enregistré 16 aout 2021, la communauté de communes de la région de Suippes conclut au rejet de la requête et demande qu'une somme de 1 500 euros soit mise à la charge de la SCI des Tournières en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que les moyens ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la code de l'urbanisme ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Guidi, présidente,

- et les conclusions de Mme Antoniazzi, rapporteure publique.

Considérant ce qui suit :

1. La SCI Les Tournières a signé avec la société Immo Mousquetaires un compromis de vente des parcelles ZE 64 et ZE 67 situées au lieu-dit Agnet à Suippes pour un prix de 220 000 euros. Une déclaration d'intention d'aliéner datée du 18 juin 2019 a été adressée à la commune de Suippes. Par décision du 25 juillet 2019, la communauté de communes de la région de Suippes, titulaire du droit de préemption, a décidé de préempter les parcelles concernées. Par un jugement du 18 mars 2021, dont la SCI Les Tournières relève appel, le tribunal a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cette décision.

2. Aux termes de l'article L. 210-1 du code de l'urbanisme alors en vigueur : " Les droits de préemption institués par le présent titre sont exercés en vue de la réalisation, dans l'intérêt général, des actions ou opérations répondant aux objets définis à l'article L. 300-1, à l'exception de ceux visant à sauvegarder ou à mettre en valeur les espaces naturels, ou pour constituer des réserves foncières en vue de permettre la réalisation desdites actions ou opérations d'aménagement. (...) /Toute décision de préemption doit mentionner l'objet pour lequel ce droit est exercé. Toutefois, lorsque le droit de préemption est exercé à des fins de réserves foncières dans le cadre d'une zone d'aménagement différé, la décision peut se référer aux motivations générales mentionnées dans l'acte créant la zone. / Lorsque la commune a délibéré pour définir le cadre des actions qu'elle entend mettre en œuvre pour mener à bien un programme local de l'habitat ou, en l'absence de programme local de l'habitat, lorsque la commune a délibéré pour définir le cadre des actions qu'elle entend mettre en œuvre pour mener à bien un programme de construction de logements locatifs sociaux, la décision de préemption peut, sauf lorsqu'il s'agit d'un bien mentionné à l'article L. 211-4, se référer aux dispositions de cette délibération. Il en est de même lorsque la commune a délibéré pour délimiter des périmètres déterminés dans lesquels elle décide d'intervenir pour les aménager et améliorer leur qualité urbaine ". Aux termes de l'article L. 300-1 du code de l'urbanisme : " Les actions ou opérations d'aménagement ont pour objets de mettre en œuvre un projet urbain, une politique locale de l'habitat, d'organiser le maintien, l'extension ou l'accueil des activités économiques, de favoriser le développement des loisirs et du tourisme, de réaliser des équipements collectifs ou des locaux de recherche ou d'enseignement supérieur, de lutter contre l'insalubrité et l'habitat indigne ou dangereux, de permettre le renouvellement urbain, de sauvegarder ou de mettre en valeur le patrimoine bâti ou non bâti et les espaces naturels./ L'aménagement, au sens du présent livre, désigne l'ensemble des actes des collectivités locales ou des établissements publics de coopération intercommunale qui visent, dans le cadre de leurs compétences, d'une part, à conduire ou à autoriser des actions ou des opérations définies dans l'alinéa précédent et, d'autre part, à assurer l'harmonisation de ces actions ou de ces opérations (...) ".

3. Il résulte des dispositions des articles L. 210-1 et L. 300-1 du code de l'urbanisme que, pour exercer légalement ce droit, les collectivités titulaires du droit de préemption urbain doivent, d'une part, justifier, à la date à laquelle elles l'exercent, de la réalité d'un projet d'action ou d'opération d'aménagement répondant aux objets mentionnés à l'article L. 300-1 du code de l'urbanisme, alors même que les caractéristiques précises de ce projet n'auraient pas été définies à cette date, et, d'autre part, faire apparaître la nature de ce projet dans la décision de préemption.

4. En premier lieu, la délibération contestée mentionne, d'une part, la volonté de la communauté de communes de la région de Suippes de disposer d'une réserve foncière permettant la poursuite de son objectif de développement d'une zone d'activités commerciales de taille moyenne contribuant au dynamisme de la commune de Suippes, au renforcement de l'offre de services et de l'attractivité du bourg-centre et au développement de l'emploi. La décision précise qu'en 2010, le document d'urbanisme de la commune avait été révisé afin d'inscrire ces terrains en zone à urbaniser destinée à l'activité économique de nature commerciale (1AUI.b), une étude d'entrée de ville avait été réalisée et un schéma de principe d'aménagement de l'urbanisation adopté. La décision relève également qu'un projet d'installation d'une enseigne Bricomarché en 2010 n'a pas été concrétisé en raison des difficultés rencontrées par la société porteuse du projet et indique que la communauté de communes ne dispose d'aucune offre foncière permettant le développement de la zone commerciale prévue par le plan local d'urbanisme. D'autre part, la délibération du 25 juillet 2019 mentionne les considérations de droit sur le fondement desquelles la décision de préemption a été prise. Par suite, le moyen tiré du défaut de motivation doit être écarté.

5. En deuxième lieu, ainsi qu'il a été dit au point précédent, la communauté de communes de la région de Suippes a exercé le droit de préemption en vue de disposer d'une réserve foncière permettant la poursuite de son objectif de développement d'une zone d'activités commerciales de taille moyenne contribuant au dynamisme de la commune de Suippes, au renforcement de l'offre de services et de l'attractivité du bourg-centre et au développement de l'emploi alors qu'elle ne dispose d'aucune offre foncière permettant le développement de cette zone commerciale prévue par le plan local d'urbanisme. Dans ces conditions, la communauté de communes de la région de Suippes justifie de la réalité d'un projet d'action ou d'opération d'aménagement répondant à l'un des objets mentionnés à l'article L. 300-1 du code de l'urbanisme et a fait apparaitre la nature de cet éventuel projet dans la décision de préemption.

6. En troisième lieu, si la SCI des Tournières fait valoir que la décision de préempter n'a été prise que pour satisfaire la demande de la société Lidl, qui a été adressée à la communauté de commune de la région de Suippes le 8 juillet 2019, de procéder à un transfert de magasin et non pour permettre la mise en œuvre d'un projet d'aménagement au sens de l'article L. 210-1 du code de l'urbanisme, l'extension ou l'accueil d'activités économiques sont au nombre des actions ou opérations d'aménagement au sens de l'article L. 300-1 du code de l'urbanisme. Par suite, elle n'est pas fondée à soutenir que l'action ou l'opération d'aménagement justifiant la décision de préemption ne poursuivrait pas un objectif d'intérêt général, ni qu'elle serait entachée de détournement de pouvoir.

7. En quatrième lieu, aux termes de l'article L. 213-2 du code de l'urbanisme : " Toute aliénation visée à l'article L. 213-1 est subordonnée, à peine de nullité, à une déclaration préalable faite par le propriétaire à la mairie de la commune où se trouve situé le bien. Cette déclaration comporte obligatoirement l'indication du prix et des conditions de l'aliénation projetée ou, en cas d'adjudication, l'estimation du bien ou sa mise à prix, ainsi que les informations dues au titre de l'article L. 514-20 du code de l'environnement. Le titulaire du droit de préemption peut, dans le délai de deux mois prévu au troisième alinéa du présent article, adresser au propriétaire une demande unique de communication des documents permettant d'apprécier la consistance et l'état de l'immeuble, ainsi que, le cas échéant, la situation sociale, financière et patrimoniale de la société civile immobilière. La liste des documents susceptibles d'être demandés est fixée limitativement par décret en Conseil d'Etat. La déclaration d'intention d'aliéner peut être dématérialisée. Le cas échéant, cette déclaration comporte également les informations dues au titre des articles L. 303-2 et L. 741-1 du code de la construction et de l'habitation. ".

8. Il ressort des pièces du dossier que si la SCI des Tournières et la société Immo Mousquetaires Est ont inséré une clause de non concurrence dans le compromis de vente qu'elles ont conclu avant d'adresser la déclaration d'intention d'aliéner à la communauté de communes le 19 juin 2019, l'existence de cette clause n'a été portée à la connaissance de l'établissement public de coopération intercommunale que le 12 aout 2019, soit postérieurement à la délibération du 25 juin 2019 portant décision de préemption. Dans ces conditions, cette clause de non concurrence, alors même qu'elle aurait été déterminante du consentement de la SCI des Tournières et de la société Immo Mousquetaires Est à conclure la vente, ne saurait être valablement opposée à la communauté de communes de la région de Suippes qui a exercé son droit de préemption selon les conditions contractuelles mentionnées dans la déclaration d'intention d'aliéner. Par suite, le moyen tiré de ce que le projet pour la réalisation duquel la décision de préemption a été exercée méconnaît une clause ne non concurrence doit être écarté.

9. Il résulte de l'ensemble de ce qui précède que SCI Les Tournières n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Châlons-en-Champagne a rejeté sa demande.

Sur les frais de l'instance :

10. Aux termes de l'article L. 761-1 du code de justice administrative : " Dans toutes les instances, le juge condamne la partie tenue aux dépens, ou à défaut la partie perdante, à payer à l'autre partie la somme qu'il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Le juge tient compte de l'équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d'office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu'il n'y a pas lieu à cette condamnation ".

11. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de la communauté de communes de la région de Suippes qui n'est pas dans la présente instance la partie perdante, les sommes demandées par la SCI des Tournières au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Il y a lieu en revanche de mettre une somme de 1 500 euros à la charge de la SCI des Tournières à verser à la communauté de communes de la région de Suippes au titre des frais de l'instance.

D E C I D E :

Article 1er : La requête de la SCI des Tournières est rejetée.

Article 2 : La SCI des Tournières versera une somme de 1 500 euros à la communauté de communes de la région de Suippes en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à la SCI des Tournières et à la communauté de communes de la région de Suippes.

Copie en sera adressée au préfet de la Marne et à la société Immo Mousquetaires Est.

Délibéré après l'audience du 21 mars 2024, à laquelle siégeaient :

- M. Wallerich, président de chambre,

- Mme Guidi, présidente-assesseure,

- Mme Barrois, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe, le 11 avril 2024.

La rapporteure,

Signé : L. Guidi Le président,

Signé : M. Wallerich

La greffière,

Signé : S. Robinet

La République mande et ordonne au préfet de la Marne en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition conforme,

La greffière,

S. Robinet

2

N° 21NC01444


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de NANCY
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 21NC01444
Date de la décision : 11/04/2024
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. WALLERICH
Rapporteur ?: Mme Laurie GUIDI
Rapporteur public ?: Mme ANTONIAZZI
Avocat(s) : SCP BADRE HYONNE SENS-SALIS SANIAL DENIS ROGER

Origine de la décision
Date de l'import : 21/04/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2024-04-11;21nc01444 ?
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