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16/04/2024 | FRANCE | N°23NC01741

France | France, Cour administrative d'appel de NANCY, 4ème chambre, 16 avril 2024, 23NC01741


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



M. C... B... a demandé au tribunal administratif de Nancy d'annuler l'arrêté du 4 novembre 2022 par lequel le préfet de Meurthe-et-Moselle a refusé de l'admettre au séjour, l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel il est susceptible d'être éloigné, d'enjoindre au préfet de Meurthe-et-Moselle de de lui délivrer un titre de séjour avec autorisation de travail, et de mettre à la charge de l'État u

ne somme de 2 000 euros sur le fondement des articles 37 de la loi du 10 juillet 1991 et L. 76...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. C... B... a demandé au tribunal administratif de Nancy d'annuler l'arrêté du 4 novembre 2022 par lequel le préfet de Meurthe-et-Moselle a refusé de l'admettre au séjour, l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel il est susceptible d'être éloigné, d'enjoindre au préfet de Meurthe-et-Moselle de de lui délivrer un titre de séjour avec autorisation de travail, et de mettre à la charge de l'État une somme de 2 000 euros sur le fondement des articles 37 de la loi du 10 juillet 1991 et L. 761-1 du code de justice administrative.

Par un jugement n° 2203684 du 16 mars 2023, le tribunal administratif de Nancy a rejeté les demandes de M. B....

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 2 juin 2023, M. B..., représenté par Me Moudni-Adam, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Nancy du 16 mars 2023 ;

2°) d'enjoindre au préfet de Meurthe-et-Moselle de lui délivrer un titre de séjour avec autorisation de travailler ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 2 000 euros au titre des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique.

Il soutient que :

- le préfet a méconnu les dispositions de l'article L. 423-23 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- il n'a pas été invité à présenter des observations écrites ou orales en méconnaissance des stipulations de l'article 41 de la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne consacrant le droit d'être entendu ;

- la décision portant refus de séjour méconnait les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- la décision est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation des conséquences sur sa vie personnelle.

Par un mémoire enregistré le 14 septembre 2023, le préfet de Meurthe-et-Moselle conclut au rejet de la requête.

Il soutient que les moyens soulevés par M. B... ne sont pas fondés.

M. B... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 22 mai 2023.

Par une ordonnance du 5 octobre 2023 la clôture de l'instruction a été fixée au 20 octobre 2023 à 12 h 00.

M. B... a adressé à la Cour des pièces le 10 janvier 2024 qui n'ont pas été communiquées.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le président de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Le rapport de Mme Peton, première conseillère, a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. M. B..., ressortissant marocain né le 1er octobre 1983, est entré en France le 30 août 2018 muni de son passeport et d'un visa. Il a sollicité la délivrance d'un titre de séjour sur le fondement de l'admission exceptionnelle au séjour et de son mariage avec une ressortissante marocaine séjournant régulièrement en France. Par un arrêté du 4 novembre 2022, le préfet de Meurthe-et-Moselle a refusé de l'admettre au séjour, l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel il pourrait être éloigné. M. B... relève appel du jugement du 16 mars 2023 par lequel le tribunal administratif de Nancy a rejeté sa demande d'annulation de cette décision.

Sur la légalité de la décision du 4 novembre 2022 :

2. En premier lieu, aux termes des dispositions de l'article L. 423-23 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger qui n'entre pas dans les catégories prévues aux articles L. 423-1, L. 423-7, L. 423-14, L. 423-15, L. 423-21 et L. 423-22 ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial, et qui dispose de liens personnels et familiaux en France tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus, se voit délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " d'une durée d'un an, sans que soit opposable la condition prévue à l'article L. 412-1. / Les liens mentionnés au premier alinéa sont appréciés notamment au regard de leur intensité, de leur ancienneté et de leur stabilité, des conditions d'existence de l'étranger, de son insertion dans la société française ainsi que de la nature de ses liens avec sa famille restée dans son pays d'origine. / L'insertion de l'étranger dans la société française est évaluée en tenant compte notamment de sa connaissance des valeurs de la République ". Aux termes des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui ".

3. M. B... soutient qu'il est présent sur le territoire français depuis 2018 et s'est marié avec une ressortissante marocaine titulaire d'une carte de résident le 22 mai 2021. Il fait valoir qu'il a transféré tous ses centres d'intérêt en France où il dispose de lien amicaux et familiaux intenses et anciens. Toutefois, il ressort des pièces du dossier que M. B... est entré en France à l'âge de trente-cinq ans après avoir toujours vécu dans son pays d'origine. Il ne produit aucun élément de nature à établir l'antériorité de sa relation par rapport à la date de son union. Par ailleurs, et contrairement à ce qu'il soutient, M. B... ne produit aucun élément de nature à établir la réalité de son insertion dans la société française et ne démontre pas être dépourvu d'attaches familiales dans son pays d'origine. Dans ces circonstances, eu égard à la durée et aux conditions de séjour en France de l'intéressé, la décision attaquée ne peut être regardée comme ayant porté à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au but en vue duquel elle a été prise. Il s'ensuit que les moyens tirés de la méconnaissance de l'article L. 423-23 du code de l'entrée et du séjour des étrangers, au demeurant inapplicable en l'espèce, et du droit d'asile et de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales doivent être écartés. Pour les mêmes motifs, le moyen tiré de l'erreur manifeste commise par le préfet dans l'appréciation de la situation personnelle de M. B... doit également être écarté.

4. En second lieu, le droit d'être entendu, qui fait partie intégrante du respect des droits de la défense, principe général du droit de l'Union, se définit comme celui de toute personne de faire connaître, de manière utile et effective, son point de vue au cours d'une procédure administrative avant l'adoption de toute décision susceptible d'affecter de manière défavorable ses intérêts. Ce droit ne saurait cependant être interprété en ce sens que l'autorité nationale compétente est tenue, dans tous les cas, d'entendre l'intéressé lorsque celui-ci a déjà eu la possibilité de présenter, de manière utile et effective, son point de vue sur la décision en cause.

5. Dans le cas prévu au 3° de l'article L. 611-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, où la décision faisant obligation de quitter le territoire français est prise concomitamment au refus de délivrance d'un titre de séjour, l'obligation de quitter le territoire français découle nécessairement du refus de titre de séjour. Le droit d'être entendu n'implique alors pas que l'administration ait l'obligation de mettre l'intéressé à même de présenter ses observations de façon spécifique sur la décision l'obligeant à quitter le territoire français, dès lors qu'il a pu être entendu avant que n'intervienne la décision refusant de lui délivrer un titre de séjour. A l'occasion du dépôt de sa demande de titre de séjour, l'intéressé en situation irrégulière est conduit à préciser à l'administration les motifs pour lesquels il demande que lui soit délivré un titre de séjour et à produire tous éléments susceptibles de venir au soutien de cette demande. Il lui appartient, lors du dépôt de cette demande, lequel doit en principe faire l'objet d'une présentation personnelle du demandeur en préfecture, d'apporter à l'administration toutes les précisions qu'il juge utiles. Il lui est loisible, au cours de l'instruction de sa demande, de faire valoir auprès de l'administration toute observation complémentaire utile, au besoin en faisant état d'éléments nouveaux. Le droit de l'intéressé d'être entendu, ainsi satisfait avant que n'intervienne le refus de titre de séjour, n'impose pas à l'autorité administrative de le mettre à même de réitérer ses observations ou de présenter de nouvelles observations, de façon spécifique, sur l'obligation de quitter le territoire français qui est prise concomitamment et en conséquence du refus de titre de séjour.

6. Il ressort des pièces du dossier que M. B... a déposé une demande d'admission au séjour par courrier reçu en préfecture le 20 janvier 2022. Dès lors, il lui appartenait, au besoin au cours de l'instruction de cette demande, de présenter à l'administration ses observations, sans que le préfet ait à les solliciter expressément. Il ne ressort pas des pièces du dossier qu'il aurait été fait obstacle à ce qu'il présente les éléments qu'il entendait faire valoir. Dans ces conditions, le requérant n'est pas fondé à soutenir qu'il aurait été privé de son droit à être entendu. Dans ces conditions, le moyen tiré de la méconnaissance du droit d'être entendu doit être écarté.

7. Il résulte de ce qui précède que les conclusions de M. B... tendant à l'annulation de l'arrêté du 4 novembre 2022 portant obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et fixant le pays à destination duquel il pourrait être éloigné doivent être rejetées et que ce dernier n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif a rejeté sa demande.

Sur les conclusions à fin d'injonction :

8. Le présent arrêt n'implique aucune mesure d'exécution. Par suite, il y a lieu de rejeter les conclusions à fin d'injonction présentées par M. B....

Sur les frais liés à l'instance :

9. Les dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'Etat, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie tenue aux dépens ou la partie perdante, la somme demandée par le requérant au bénéfice de son conseil au titre des frais exposés et non compris dans les dépens.

D E C I D E :

Article 1er : La requête de M. B... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. C... B..., Me Moudni-Adam et au ministre de l'intérieur et des outre-mer.

Copie en sera adressée au préfet de Meurthe-et-Moselle.

Délibéré après l'audience du 26 mars 2024, à laquelle siégeaient :

- Mme Guidi, présidente

- Mme Peton, première conseillère,

- Mme Mosser, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe, le 16 avril 2024.

La rapporteure,

Signé : N. PetonLa présidente,

Signé : L. Guidi

La greffière,

Signé : M. A...

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition conforme,

La greffière,

M. A...

2

N° 23NC01741


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de NANCY
Formation : 4ème chambre
Numéro d'arrêt : 23NC01741
Date de la décision : 16/04/2024
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : Mme GUIDI
Rapporteur ?: Mme Nolwenn PETON
Rapporteur public ?: Mme ANTONIAZZI
Avocat(s) : MOUDNI ADAM

Origine de la décision
Date de l'import : 21/04/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2024-04-16;23nc01741 ?
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