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16/05/2024 | FRANCE | N°23NC01997

France | France, Cour administrative d'appel de NANCY, 1ère chambre, 16 mai 2024, 23NC01997


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



Mme A... B... a demandé au tribunal administratif de Strasbourg d'annuler l'arrêté du 22 juin 2022 par lequel la préfète du Bas-Rhin lui a refusé la délivrance d'un titre de séjour, l'a obligée à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination, d'enjoindre à la préfète du Bas-Rhin de lui délivrer un titre de séjour sous astreinte de 100 euros par jour de retard à compter de la notification du jugement à intervenir ou, su

bsidiairement, réexaminer sa situation dans le délai d'un mois à compter de la notification du...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme A... B... a demandé au tribunal administratif de Strasbourg d'annuler l'arrêté du 22 juin 2022 par lequel la préfète du Bas-Rhin lui a refusé la délivrance d'un titre de séjour, l'a obligée à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination, d'enjoindre à la préfète du Bas-Rhin de lui délivrer un titre de séjour sous astreinte de 100 euros par jour de retard à compter de la notification du jugement à intervenir ou, subsidiairement, réexaminer sa situation dans le délai d'un mois à compter de la notification du jugement à intervenir et de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 400 euros au bénéfice de son conseil en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Par un jugement n° 2207537 du 6 février 2023, le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 22 juin 2023, Mme B... demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Strasbourg du 6 février 2023 ;

2°) d'annuler l'arrêté du 22 juin 2022 par lequel la préfète du Bas-Rhin lui a refusé la délivrance d'un titre de séjour, l'a obligée à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination ;

3°) d'enjoindre à la préfète du Bas-Rhin de lui délivrer un titre de séjour sous astreinte de 100 euros par jour de retard à compter de la notification du jugement à intervenir ou, subsidiairement, réexaminer sa situation dans le délai d'un mois à compter de la notification du jugement à intervenir ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat le versement à son conseil d'une somme de 2 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 au titre des frais de première instance et 2 000 au titre des frais d'appel.

Elle soutient que :

- la décision de refus de titre de séjour est entachée de vice de procédure et d'erreur manifeste d'appréciation de son état de santé ; elle porte une atteinte disproportionnée à son droit au respect de la vie privée et familiale et c'est à tort que le tribunal a écarté ce moyen ;

- l'obligation de quitter le territoire français et la décision fixant le pays de renvoi doivent être annulées en conséquence de l'illégalité de la décision de refus de titre de séjour.

La requête a été communiquée à la préfète du Bas-Rhin qui n'a pas produit de mémoire en défense.

Mme B... a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 22 mai 2023.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le président de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Le rapport de Mme Guidi, présidente, a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. Mme B..., ressortissante de République démocratique du Congo née en 1988, est entrée irrégulièrement en France le 9 octobre 2015 selon ses dires. Sa demande d'asile a été rejetée par l'Office français de protection des réfugiés et des apatrides le 23 janvier 2017 et par la Cour nationale du droit d'asile le 22 juin 2017. Elle a fait l'objet le 9 octobre 2017 d'une obligation de quitter le territoire français. Mme B... s'est cependant maintenue irrégulièrement sur le territoire français et a sollicité le 26 janvier 2018 son admission au séjour en se prévalant de son état de santé. Par un arrêté du 25 mars 2019, le préfet du Bas-Rhin a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligée à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination. Le 30 avril 2021, Mme B... a réitéré sa demande d'admission au séjour sur le même fondement. Par un arrêté du 22 juin 2022 la préfète du Bas-Rhin a rejeté cette demande, l'a obligée à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination. Mme B... relève appel du jugement du 6 février 2023 par lequel le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande.

En ce qui concerne la décision de refus de titre de séjour :

2. En premier lieu, aux termes de l'article L. 425-9 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger, résidant habituellement en France, dont l'état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait avoir pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité et qui, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans le pays dont il est originaire, ne pourrait pas y bénéficier effectivement d'un traitement approprié, se voit délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " d'une durée d'un an. La condition prévue à l'article L. 412-1 n'est pas opposable. La décision de délivrer cette carte de séjour est prise par l'autorité administrative après avis d'un collège de médecins du service médical de l'Office français de l'immigration et de l'intégration, dans des conditions définies par décret en Conseil d'Etat. Sous réserve de l'accord de l'étranger et dans le respect des règles de déontologie médicale, les médecins de l'office peuvent demander aux professionnels de santé qui en disposent les informations médicales nécessaires à l'accomplissement de cette mission. Les médecins de l'office accomplissent cette mission dans le respect des orientations générales fixées par le ministre chargé de la santé. Si le collège de médecins estime dans son avis que les conditions précitées sont réunies, l'autorité administrative ne peut refuser la délivrance du titre de séjour que par une décision spécialement motivée ".

3. Aux termes de l'article R. 425-11 du même code : " Pour l'application de l'article L. 425-9, le préfet délivre la carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " au vu d'un avis émis par un collège de médecins à compétence nationale de l'Office français de l'immigration et de l'intégration. L'avis est émis dans les conditions fixées par arrêté du ministre chargé de l'immigration et du ministre chargé de la santé au vu, d'une part, d'un rapport médical établi par un médecin de l'office et, d'autre part, des informations disponibles sur les possibilités de bénéficier effectivement d'un traitement approprié dans le pays d'origine de l'intéressé (...) ". Aux termes de l'article R. 425-12 dudit code : " Le rapport médical mentionné à l'article R. 425-11 est établi par un médecin de l'Office français de l'immigration et de l'intégration à partir d'un certificat médical établi par le médecin qui suit habituellement le demandeur ou par un médecin praticien hospitalier inscrits au tableau de l'ordre, dans les conditions prévues par l'arrêté mentionné au deuxième alinéa du même article. Le médecin de l'office peut solliciter, le cas échéant, le médecin qui suit habituellement le demandeur ou le médecin praticien hospitalier. Il en informe le demandeur. Il peut également convoquer le demandeur pour l'examiner et faire procéder aux examens estimés nécessaires. Le demandeur présente au service médical de l'office les documents justifiant de son identité. A défaut de réponse dans le délai de quinze jours, ou si le demandeur ne se présente pas à la convocation qui lui a été fixée, ou s'il n'a pas présenté les documents justifiant de son identité le médecin de l'office établit son rapport au vu des éléments dont il dispose et y indique que le demandeur n'a pas répondu à sa convocation ou n'a pas justifié de son identité. Il transmet son rapport médical au collège de médecins... ". L'article R. 425-13 dudit code dispose : " Le collège à compétence nationale mentionné à l'article R. 425-12 est composé de trois médecins, il émet un avis dans les conditions de l'arrêté mentionné au premier alinéa du même article. La composition du collège et, le cas échéant, de ses formations est fixée par décision du directeur général de l'Office français de l'immigration et de l'intégration. Le médecin ayant établi le rapport médical ne siège pas au sein du collège. Le collège peut délibérer au moyen d'une conférence téléphonique ou audiovisuelle. L'avis est rendu par le collège dans un délai de trois mois à compter de la transmission du certificat médical... ".

4. D'une part pour instruire la demande de titre de séjour pour raisons de santé présentée par Mme B..., la préfète du Bas-Rhin a consulté le collège de médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration, qui dans un avis émis le 4 août 2021, a estimé que l'état de santé de l'intéressée nécessitait une prise en charge médicale dont le défaut ne devrait pas entraîner de conséquences d'une exceptionnelle gravité et qu'elle pouvait voyager sans risque vers son pays d'origine. Eu égard au contenu de cet avis qui est suffisamment complet et précis, le collège de médecins n'avait pas à se prononcer sur la disponibilité des soins dans le pays d'origine de l'intéressée. Si la requérante fait valoir qu'un délai de dix mois s'est écoulé entre l'émission de cet avis et la date de la décision et produit des comptes-rendus d'hospitalisation en 2022 pour des interventions gynécologiques, elle n'établit pas que son état de santé se serait dégradé de telle sorte qu'un défaut de prise en charge médicale aurait des conséquences d'une exceptionnelle gravité, ni même qu'elle ne pourrait bénéficier d'un traitement approprié dans son pays d'origine. Il s'ensuit que Mme B... n'est pas fondée à soutenir que la décision attaquée a été prise au terme d'une procédure irrégulière.

5. D'autre part la préfète du Bas-Rhin, qui n'a pas méconnu l'étendue de sa compétence en s'appropriant les termes de l'avis du collège de médecins de l'OFII du 4 aout 2021, a estimé que l'état de santé de l'intéressée nécessitait une prise en charge médicale dont le défaut ne devrait pas entraîner de conséquences d'une exceptionnelle gravité et qu'elle pouvait voyager sans risque vers son pays d'origine. Les documents médicaux produits par Mme B..., qui se bornent à décrire sa pathologie et les soins dont elle a bénéficié, sans comporter aucune indication sur la gravité des conséquences qui résulteraient d'un défaut de prise en charge médicale, n'établissent pas qu'à la date de la décision en litige l'état de santé de l'intéressée nécessitait une prise en charge médicale dont le défaut aurait eu des conséquences d'une exceptionnelle gravité. Il s'ensuit que les éléments apportés par la requérante ne suffisent pas à remettre en cause l'appréciation à laquelle la préfète du Bas-Rhin s'est livrée concernant les conséquences d'un défaut d'une prise en charge médicale en se fondant notamment sur l'avis du collège de médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration du 4 aout 2021. Le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions de l'article L. 425-9 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile doit par suite être écarté.

6. En deuxième lieu, aux termes de l'article L. 423-23 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger qui n'entre pas dans les catégories prévues aux articles L. 423-1, L. 423-7, L. 423-14, L. 423-15, L. 423-21 et L. 423-22 ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial, et qui dispose de liens personnels et familiaux en France tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus, se voit délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " d'une durée d'un an, sans que soit opposable la condition prévue à l'article L. 412-1. / Les liens mentionnés au premier alinéa sont appréciés notamment au regard de leur intensité, de leur ancienneté et de leur stabilité, des conditions d'existence de l'étranger, de son insertion dans la société française ainsi que de la nature de ses liens avec sa famille restée dans son pays d'origine. / L'insertion de l'étranger dans la société française est évaluée en tenant compte notamment de sa connaissance des valeurs de la République ". Aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui ".

7. Ni l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, ni l'article L. 423-23 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ne garantissent à l'étranger le droit de choisir le lieu le plus approprié pour développer une vie privée et familiale. Mme B... se prévaut de la durée de sa présence sur le territoire français où elle déclare vivre depuis 2015 et de sa relation avec un compatriote, titulaire d'une carte de séjour pluriannuelle, avec lequel elle s'est mariée postérieurement à la décision en litige. Il ressort cependant des pièces du dossier que l'intéressée s'est maintenue irrégulièrement sur le territoire français et s'est soustraite aux mesures d'éloignement prises à son encontre le 9 octobre 2017 et le 25 mars 2019. Elle n'établit pas que la vie commune avec un compatriote serait antérieure au 1er septembre 2021, soit moins d'un an avant l'édiction de la décision attaquée. Mme B... n'apporte aucun élément précis ou probant de nature à établir l'intensité de ses liens avec les enfants de son concubin. Si Mme B... se prévaut de la présence en France de son frère et de sa sœur qui vivent à Paris, ils ont chacun créé leur propre cellule familiale. Enfin, la requérante n'établit pas être dépourvue d'attaches dans son pays d'origine où elle a vécu jusqu'à l'âge de 27 ans. Dans ces conditions, eu égard à la durée et aux conditions du séjour en France de Mme B..., la préfète du Bas-Rhin n'a pas porté au droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée par rapport au but en vue duquel la décision a été prise et n'a, par suite, méconnu ni l'article L. 423-23 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, ni l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. La décision attaquée n'est pas davantage entachée d'une erreur manifeste dans l'appréciation de ses conséquences sur la situation personnelle de l'intéressée.

En ce qui concerne l'obligation de quitter le territoire français et la décision fixant le pays de renvoi :

8. Ainsi qu'il a été dit précédemment, Mme B... n'établit pas que la décision portant refus de titre de séjour serait illégale. Par suite, elle n'est pas fondée à en exciper l'illégalité à l'encontre de l'obligation de quitter le territoire français et de la décision fixant le pays de renvoi.

9. Il résulte de tout ce qui précède que Mme B... n'est pas fondée à demander l'annulation du jugement du tribunal administratif de Strasbourg du 6 février 2023. Ses conclusions à fin d'injonction et tendant à ce que les frais de l'instance soient mis à la charge de l'Etat doivent par conséquent également être rejetées.

D É C I D E :

Article 1er : La requête de Mme B... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme A... B... et au ministre de l'intérieur et des outre-mer.

Copie en sera adressée à la préfète du Bas-Rhin.

Délibéré après l'audience du 11 avril 2024, à laquelle siégeaient :

- M. Wallerich, président de chambre,

- Mme Guidi, présidente-assesseure,

- Mme Barrois, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe, le 16 mai 2024.

La rapporteure,

Signé : L. GuidiLe président,

Signé : M. Wallerich

La greffière,

Signé : S. Robinet

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition conforme,

La greffière,

S. Robinet

2

N° 23NC01997


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de NANCY
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 23NC01997
Date de la décision : 16/05/2024
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. WALLERICH
Rapporteur ?: Mme Laurie GUIDI
Rapporteur public ?: Mme ANTONIAZZI
Avocat(s) : SULTAN

Origine de la décision
Date de l'import : 26/05/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2024-05-16;23nc01997 ?
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