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11/04/1991 | FRANCE | N°89NT00694

France | France, Cour administrative d'appel de Nantes, 11 avril 1991, 89NT00694


VU l'ordonnance en date du 13 janvier 1989 par laquelle le président de la 3ème sous-section de la section du contentieux du Conseil d'Etat a transmis à la Cour administrative d'appel de NANTES le dossier de la requête présentée par la VILLE DU HAVRE, représentée par son maire en exercice, et enregistrée au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat le 11 mai 1987 sous le n° O87261 ;
VU la requête susmentionnée enregistrée au greffe de la Cour sous le n° 89NTOO694 ;
La VILLE DU HAVRE demande à la Cour, en infirmant partiellement le jugement rendu par le Tribunal admin

istratif de ROUEN le 6 mars 1987, de condamner conjointement et solid...

VU l'ordonnance en date du 13 janvier 1989 par laquelle le président de la 3ème sous-section de la section du contentieux du Conseil d'Etat a transmis à la Cour administrative d'appel de NANTES le dossier de la requête présentée par la VILLE DU HAVRE, représentée par son maire en exercice, et enregistrée au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat le 11 mai 1987 sous le n° O87261 ;
VU la requête susmentionnée enregistrée au greffe de la Cour sous le n° 89NTOO694 ;
La VILLE DU HAVRE demande à la Cour, en infirmant partiellement le jugement rendu par le Tribunal administratif de ROUEN le 6 mars 1987, de condamner conjointement et solidairement M. Y... et les consorts X... :
1°) à lui payer :
- la somme de 1O.716.712,83 F, avec intérêts de droit à compter du 11 décembre 198O et capitalisation, ladite somme correspondant à l'ensemble des redevances échues le 27 août 198O et non recouvrées (1.525.217,O9 F), au remboursement des annuités d'emprunt postérieurement à l'arrêt de l'exploitation de la patinoire municipale intervenu le 27 août 198O et jusqu'à l'expiration de l'amortissement desdits emprunts (6.96O.586,3O F), aux redevances forfaitaires dues pendant cette même période (139.431,84 F), aux redevances forfaitaires révisables au-delà de la date d'amortissement des emprunts et jusqu'à la trentième année d'exploitation (2.O91.477,6O F) ;
- la somme de 76.O12,O6 F correspondant aux frais de remise en état des installations techniques de la patinoire qu'elle a reprise en régie, ladite somme étant assortie des intérêts de droit à compter du 13 octobre 1981 avec capitalisation ;
2°) à supporter les dépens de l'instance comprenant les frais d'expertise ;
VU l'ensemble des pièces produites et jointes au dossier ;
VU le code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;
VU la loi n° 87-1127 du 31 décembre 1987 ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience,
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 28 mars 1991 :
- le rapport de M. MARCHAND, président rapporteur,
- les observations de Me LE PRADO, avocat de M. Y... et des consorts X...,
- et les conclusions de M. CADENAT, commissaire du gouvernement,

Considérant que, par un contrat en date du 19 décembre 1972, la VILLE DU HAVRE (Seine-Maritime) avait concédé à MM. Y... et X... l'exploitation de la patinoire municipale ; qu'invoquant l'existence de difficultés financières graves et persistantes, ces derniers ont fait savoir au maire, le 27 août 198O, qu'il leur était impossible de poursuivre leur activité et d'envisager la réouverture de la patinoire ; que la VILLE DU HAVRE a alors repris en régie l'exploitation de cette installation sportive ; que, par une première requête enregistrée au greffe du Tribunal administratif de ROUEN sous le n° 2141, les anciens concessionnaires ont demandé, d'une part, l'annulation d'états exécutoires correspondant à des créances invoquées par la commune, d'autre part, le versement d'une indemnité en raison de l'existence d'une situation d'imprévision ; que, par une deuxième requête enregistrée devant le même tribunal sous le n° 2216, la VILLE DU HAVRE a sollicité la condamnation de M. Y... et des héritiers de M. X... à lui payer la somme de 1O.792.724,89 F avec intérêts de droit ; que le tribunal administratif, après avoir joint les deux requêtes, a, par jugement du 6 mars 1987, rejeté la demande des anciens concessionnaires et condamné ces derniers à verser à la ville la somme de 1.6O1.217 F avec intérêts de droit à compter du 13 octobre 1981 ; que la VILLE DU HAVRE fait appel dudit jugement en ce qu'il ne lui a pas, notamment, accordé la totalité de l'indemnité demandée ; que, de leur côté, les défendeurs présentent un recours incident tendant à l'annulation de ce même jugement, en contestant la condamnation prononcée à leur encontre, et demandent la prise en compte de leurs propres créances ainsi que de leur droit à indemnisation au titre de l'imprévision ;
Sur les responsabilités encourues :
Considérant que la VILLE DU HAVRE soutient que MM. Y... et X... ont commis une faute en cessant leur activité le 27 août 198O et en rompant ainsi unilatéralement les liens contractuels qui les unissaient à la commune ; que les défendeurs, qui invoquent l'existence d'une situation d'imprévision, affirment, quant à eux, que la VILLE DU HAVRE a méconnu la portée de ses obligations en ne recourant pas aux procédures prévues par le contrat de concession en cas de différend entre les parties ;

Considérant, en premier lieu, que l'existence d'une situation d'imprévision n'autorise pas le concessionnaire à rompre unilatéralement les relations contractuelles qui le lient à l'autorité concédante et à cesser son activité mais seulement, le cas échéant, à solliciter une résiliation par le juge du contrat ou à demander une indemnisation à raison des difficultés rencontrées dans l'exploitation de la concession ; qu'à cet égard, MM. Y... et les héritiers de M. X... ne sauraient, pour établir l'existence d'un état d'imprévision de nature à leur ouvrir un droit à indemnité, utilement se fonder ni sur la circonstance que l'exploitation de la patinoire aurait été chroniquement déficitaire, ni sur le caractère excessif des redevances exigées par la ville, lesquelles avaient été calculées en application des stipulations du contrat ; que si, par ailleurs, les défendeurs soutiennent que les concessionnaires n'auraient pu mener la politique commerciale de leur choix, ils n'apportent pas la preuve de leurs allégations et n'établissent l'existence d'aucun autre événement extérieur au contrat et susceptible d'avoir bouleversé l'économie de ce dernier ;
Considérant, en second lieu, que si les articles 26 et 27 du contrat signé le 19 décembre 1972 organisaient des procédures de conciliation et de résiliation applicables en cas de difficultés survenant dans l'exécution dudit contrat, aucune stipulation de ce dernier ne faisait obligation à l'autorité concédante de prendre l'initiative de recourir à ces procédures ;
Considérant qu'il résulte de ce qui précède qu'en cessant unilatéralement l'exploitation de leur concession, le 27 août 198O, MM. Y... et X... ont commis une faute de nature à engager leur responsabilité vis à vis de la VILLE DU HAVRE ; qu'en revanche, aucune faute ne peut être mise à la charge de cette dernière dans le processus qui a conduit à la rupture du contrat ;
Sur les conclusions en indemnité présentées par la VILLE DU HAVRE :
Considérant, qu'eu égard à la faute commise par son cocontractant, la VILLE DU HAVRE a droit à être indemnisée tant des pertes subies que du manque à gagner consécutif à la cessation d'activité imputable à MM. Y... et X... ;
Considérant, en ce qui concerne les pertes subies, que le préjudice de la ville s'élève aux sommes, non sérieusement contestées, de 1.525.217,O9 F et de 76.O12,O6 F correspondant, d'une part à l'ensemble des redevances contractuelles échues le 27 août 198O, d'autre part, au coût des travaux de remise en état de la patinoire ;

Considérant que la VILLE DU HAVRE sollicite, au titre du manque à gagner, le paiement des redevances et annuités calculées en application de l'article 23 du contrat pour la durée de la concession restant à courir après le 27 août 198O et s'élevant à la somme totale de 9.191.495,74 F ; que la rupture anticipée du contrat de concession a effectivement privé la VILLE DU HAVRE du versement desdites redevances et indemnités dont elle est fondée à demander le paiement ; que, pour contester cette créance de la ville, les défendeurs ne sauraient invoquer le seul fait que cette dernière perçoit des recettes après mise en régie de la patinoire dès lors qu'ils n'établissent ni même n'allèguent que les résultats financiers de l'exploitation, qui avaient été déficitaires durant toute la durée de la concession et jusqu'au 27 août 198O, seraient devenus bénéficiaires après cette date ; qu'il y a lieu, dans ces conditions, de fixer le préjudice subi par la ville du fait du manque à gagner, à la somme, dûment justifiée, de 9.191.495,74 F ;
Sur les conclusions incidentes en indemnité présentées par les défendeurs :
Considérant, d'une part, que si les défendeurs sollicitent le versement d'une indemnité au titre de l'imprévision, leur demande ne peut, pour les motifs précédemment exposés et en l'absence de toute situation d'imprévision, qu'être rejetée ;
Considérant, d'autre part, qu'il en va de même de la demande en paiement d'une somme de 4OO.OOO F représentant la valeur de divers matériels mobiliers qui auraient été repris par la commune dès lors que la reprise desdits matériels n'est que la conséquence de la cessation fautive d'activité imputable à MM. Y... et X... ;
Sur les intérêts et la capitalisation des intérêts :
Considérant que, conformément à sa demande, la VILLE DU HAVRE a droit au paiement des intérêts au taux légal, d'une part, à compter du 11 décembre 198O sur les sommes précitées de 1.525.217,O9 F et de 9.191.495,74 F, d'autre part, à compter du 13 octobre 1981 sur la somme de 76.O12,16 F ; que, plus d'une année s'étant écoulée à la date du 11 mai 1987 à laquelle elle a présenté sa demande de capitalisation d'intérêts, les intérêts échus à cette date devront être capitalisés pour produire eux-mêmes intérêts ;
Sur les frais d'expertise :
Considérant que les conclusions de l'expertise ordonnée le 13 octobre 198O par le tribunal administratif n'ont pas été utiles à la solution du présent litige ; qu'il n'y a pas lieu en conséquence de mettre à la charge de M. Y... et des héritiers de M. X... les frais de ladite expertise ;
Article 1er - Le montant de l'indemnité que M. Y... et les héritiers de M. X... ont été condamnés à payer à la VILLE DU HAVRE par le jugement du Tribunal administratif de ROUEN en date du 6 mars 1987 est porté de un million six cent un mille deux cent dix sept francs (1.6O1.217 F) à dix millions sept cent quatre vingt douze mille sept cent vingt quatre francs et quatre vingt neuf centimes (1O.792.724,89 F).
Article 2 - Les sommes de un million cinq cent vingt cinq mille deux cent dix sept francs et neuf centimes (1.525.217,O9 F) et de neuf millions cent quatre vingt onze mille quatre cent quatre vingt quinze francs et soixante quatorze centimes (9.191.495,74 F) porteront intérêts à compter du 11 décembre 198O. La somme de soixante seize mille douze francs et six centimes (76.O12,O6 F) portera intérêts à compter du 13 octobre 1981. Les intérêts échus le 11 mai 1987 seront capitalisés à cette date pour produire eux-mêmes intérêts.
Article 3 - Le surplus des conclusions de la requête et le recours incident de M. Y... et des héritiers de M. X... sont rejetés.
Article 4 - Le présent arrêt sera notifié au maire de la VILLE DU HAVRE, à M. Y... et aux héritiers de M. X... ainsi qu'au ministre de l'intérieur.


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nantes
Numéro d'arrêt : 89NT00694
Date de la décision : 11/04/1991
Type d'affaire : Administrative

Analyses

MARCHES ET CONTRATS ADMINISTRATIFS - NOTION DE CONTRAT ADMINISTRATIF - DIVERSES SORTES DE CONTRATS - CONCESSIONS.

MARCHES ET CONTRATS ADMINISTRATIFS - EXECUTION TECHNIQUE DU CONTRAT - ALEAS DU CONTRAT - IMPREVISION.

MARCHES ET CONTRATS ADMINISTRATIFS - FIN DES CONTRATS - FIN DES CONCESSIONS.

MARCHES ET CONTRATS ADMINISTRATIFS - FIN DES CONTRATS - FIN DES CONCESSIONS - RESILIATION - EFFETS.


Composition du Tribunal
Rapporteur ?: MARCHAND
Rapporteur public ?: CADENAT

Origine de la décision
Date de l'import : 06/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nantes;arret;1991-04-11;89nt00694 ?
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