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04/07/1991 | FRANCE | N°89NT01275

France | France, Cour administrative d'appel de Nantes, 04 juillet 1991, 89NT01275


VU la requête enregistrée au greffe de la Cour administrative d'appel de NANTES le 17 juillet 1989, sous le n° 89NT01275, présentée pour la VILLE D'ELBEUF (Seine-Maritime) représentée par son maire par la SCP DENESLE - MOISSON - BRAJEUX, avocat à la Cour de ROUEN ;
La VILLE D'ELBEUF demande à la Cour :
1°) de réformer un jugement du Tribunal administratif de ROUEN en date du 28 avril 1989 ;
2°) de condamner in solidum le cabinet d'architectes "ATAUB", la société "SOGETI" et l'entreprise "SETREC" à lui payer les sommes de 216 000 F, 67 000 F et 30 000 F, avec intérê

ts de droit à compter du 2 décembre 1983 ;
VU l'ensemble des pièces prod...

VU la requête enregistrée au greffe de la Cour administrative d'appel de NANTES le 17 juillet 1989, sous le n° 89NT01275, présentée pour la VILLE D'ELBEUF (Seine-Maritime) représentée par son maire par la SCP DENESLE - MOISSON - BRAJEUX, avocat à la Cour de ROUEN ;
La VILLE D'ELBEUF demande à la Cour :
1°) de réformer un jugement du Tribunal administratif de ROUEN en date du 28 avril 1989 ;
2°) de condamner in solidum le cabinet d'architectes "ATAUB", la société "SOGETI" et l'entreprise "SETREC" à lui payer les sommes de 216 000 F, 67 000 F et 30 000 F, avec intérêts de droit à compter du 2 décembre 1983 ;
VU l'ensemble des pièces produites et jointes au dossier ;
VU le code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;
VU la loi n° 87-1127 du 31 décembre 1987 ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience,
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 20 juin 1991 :
- le rapport de M. Y..., président-rapporteur,
- les observations de Me X..., se substituant à la SCP CASSARD - SALAUN - RUFFAULT, avocat de l'entreprise SETREC,
- et les conclusions de M. CADENAT, commissaire du gouvernement,

Sur la régularité du jugement :
Considérant que, dans son jugement, le tribunal administratif a explicitement indiqué qu'il entendait retenir la responsabilité de la société SETREC à raison de l'intervention de cette dernière dans la pose des canalisations de la piscine municipale d'ELBEUF (Seine-Maritime) ; que, par ailleurs, le tribunal n'était pas tenu de répondre à tous les arguments présentés par les parties ; que, dans ces conditions et dès lors que les premiers juges ont répondu à l'ensemble des conclusions et moyens dont ils étaient saisis, Me de Z..., liquidateur des biens de la société SETREC, n'est pas fondé à soutenir que le jugement attaqué serait insuffisamment motivé et, par suite, irrégulier en la forme ;
Sur les conclusions d'appel principal de la VILLE D'ELBEUF ;
En ce qui concerne les responsabilités :
Considérant qu'il résulte de l'instruction que, postérieurement à l'exécution de travaux de rénovation entrepris en 1980, la piscine municipale d'ELBEUF a dû subir diverses interruptions de fonctionnement qui ont pour origine directe l'obstruction des filtres destinés à assurer la propreté et la salubrité de l'eau ; que cette obstruction est elle-même liée à une valeur trop élevée du PH de l'eau contenue dans les bassins et, dans une moindre mesure, à l'existence de canalisations d'un diamètre inférieur à celui figurant sur les plans d'exécution initiaux ; qu'ainsi que l'a jugé à bon droit le tribunal administratif, les désordres en cause, eu égard à leur importance, sont de nature à rendre l'immeuble impropre à sa destination et à engager la responsabilité décennale des constructeurs sur le fondement des principes dont s'inspirent les articles 1792 et 2270 du code civil ;
Considérant que, ni le cabinet d'architectes ATAUB, ni le bureau d'études techniques SOGETI, chargé d'une mission d'ingénieur d'équipement, n'ont attiré l'attention du maître de l'ouvrage sur les impératifs d'exploitation de la piscine, en particulier en ce qui concerne l'utilisation du brome comme élément de stérilisation dans une eau de température élevée ; que, dans ces conditions, et alors qu'il n'est pas établi que la ville aurait disposé de services compétents pour apprécier toutes les conséquences d'un nouveau procédé de traitement de l'eau, ils ont manqué à leur devoir de conseil ; qu'ils ont également, eu égard à la mission complète de maîtrise d'oeuvre dont ils étaient investis, négligé leur devoir de surveillance en laissant la société SETREC mettre en place des canalisations d'un diamètre inférieur à celui qui était contractuellement prévu ; que, toutefois, après mise en service des installations, la ville a, notamment, procédé à des adjonctions de quantités excessives de carbonate de sodium qui ont concouru au colmatage des filtres d'épuration ; que, dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de laisser à la ville une charge égale à 40 % des sommes nécessaires à la réparation des désordres en cause, à l'exception, toutefois, des frais de remise en conformité des canalisations lesquels ne peuvent engager, contrairement à ce qu'a jugé le tribunal, que la responsabilité du maître d'ouvrage et de l'entrepreneur ;
En ce qui concerne les diverses indemnités :

Considérant, en premier lieu, que le coût des interventions destinées à assurer une remise en état des filtres d'épuration s'élève à la somme non contestée de 216 000 F ; que, compte tenu du partage de responsabilités précédemment indiqué, la VILLE D'ELBEUF peut prétendre, de ce chef, au paiement d'une somme de 129 600 F ;
Considérant, en second lieu, que le coût des travaux de réfection des canalisations a été évalué à 67 000 F ; qu'il n'est ni établi, ni même allégué que ces travaux apporteraient une plus-value à l'ouvrage ; que, dans ces conditions, la VILLE D'ELBEUF est fondée à demander le paiement intégral de la somme de 67 000 F ;
Considérant, enfin, que si la ville sollicite le paiement d'une indemnité de 30 000 F destinée à couvrir les pertes d'exploitations liées aux fermetures temporaires de la piscine, elle n'assortit sa demande d'aucun commencement de justification ; que, par suite et contrairement à ce qu'ont estimé les premiers juges, ces conclusions indemnitaires doivent être rejetées ;
Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que la VILLE D'ELBEUF est fondée à demander la condamnation conjointe et solidaire du cabinet d'architectes ATAUB, du bureau d'études techniques SOGETI et de Me de Z..., liquidateur des biens de la société SETREC, au paiement d'une somme globale de 196 600 F ;
En ce qui concerne les intérêts :
Considérant que, conformément à sa demande, la VILLE D'ELBEUF a droit au paiement des intérêts au taux légal sur la somme de 196 600 F à compter du 3 décembre 1983, date d'enregistrement de sa réclamation devant le tribunal administratif ;
Sur les conclusions d'appel incident :
Considérant que, eu égard aux développements qui précèdent, ni le cabinet d'architectes ATAUB, ni le bureau d'études techniques SOGETI, ni Me de Z... ne sont fondés à demander à être déchargés de toute responsabilité à raison des désordres litigieux ; que, par suite, leurs conclusions incidentes tendant à ce qu'ils soient mis hors de cause ne peuvent qu'être rejetées ;
Sur les conclusions d'appel en garantie ;
En ce qui concerne les conclusions de Me de Z... :
Considérant qu'en appel Me de Z... demande à être garanti des condamnations qui pourraient être prononcées à son encontre en sa qualité de liquidateur des biens de la société SETREC, par le cabinet d'architectes ATAUB et le bureau d'études techniques SOGETI ; que de telles conclusions, qui ne sauraient être regardées comme ayant été implicitement présentées devant les premiers juges, sont irrecevables comme formulées pour la première fois en appel ;
En ce qui concerne les conclusions du bureau d'études techniques SOGETI :
Considérant que, s'agissant des désordres affectant les canalisations pour lesquels le coût des travaux de remise en état s'élève à 67 000 F, le bureau d'études techniques SOGETI demande à être garanti de la condamnation qui pourrait être prononcée à son encontre par le cabinet d'architectes ATAUB et la société SETREC ;

Considérant que, contrairement à ce qu'a jugé le tribunal administratif, l'existence d'un lien de solidarité entre architectes et bureau d'études vis à vis du maître de l'ouvrage ne fait pas obstacle à ce que, dans le cadre d'une action en responsabilité décennale, le bureau d'études techniques SOGETI demande à être garanti par les architectes des condamnations prononcées à son encontre ; que, par suite, c'est à tort que les premiers juges ont écarté la demande dudit bureau d'études et l'ont déclarée irrecevable ; qu'il y a lieu, sur ce point, d'annuler le jugement du tribunal administratif et pour la Cour, statuant par voie d'évocation, de se prononcer sur le bien fondé de cette demande en garantie ;
Considérant qu'il résulte de l'instruction que les défauts affectant les canalisations sont imputables à l'enteprise SETREC qui, en cours de chantier, a proposé d'en réduire le diamètre, à l'architecte qui a accepté cette modification et enfin au bureau d'études techniques SOGETI qui, aux termes du contrat qui le liait au maître de l'ouvrage, devait s'assurer du contrôle du respect de l'exécution avec les plans et prescriptions contractuelles ; que, dans les circonstances de l'espèce, il sera fait une juste appréciation des responsabilités encourues en condamnant le cabinet d'architectes ATAUB et Me de Z..., liquidateur de la société SETREC, à garantir le bureau d'études techniques SOGETI à concurrence, respectivement, de 30 % et de 40 % ;
Article 1er - Le montant des indemnités que le cabinet d'architectes ATAUB, le bureau d'études techniques SOGETI et la société SETREC ont été solidairement condamnés à payer à la VILLE D'ELBEUF par le jugement du Tribunal administratif de ROUEN en date du 28 avril 1989 est porté à cent quatre vingt seize mille six cent francs (196 600 F). Ladite somme portera intérêts au taux légal à compter du 2 décembre 1983.
Article 2 - L'article 3 du jugement du tribunal administratif est annulé.
Article 3 - Le cabinet d'architectes ATAUB et Me de Z..., liquidateur des biens de la société SETREC, garantiront le bureau d'études techniques SOGETI à concurrence, respectivement, de 30 % et de 40 % de la somme de soixante quatre mille francs (64 000 F).
Article 4 - L'article 5 du jugement du tribunal administratif est réformé en ce qu'il a de contraire aux dispositions de l'article 3 du présent arrêt.
Article 5 - Le surplus des conclusions de la requête de la VILLE D'ELBEUF, les recours incidents de Me de Z..., du cabinet d'architectes ATAUB et du bureau d'études techniques SOGETI, ensemble les conclusions d'appel en garantie de Me de Z... sont rejetés.
Article 6 - Le présent arrêt sera notifié à la VILLE D'ELBEUF, au cabinet d'architectes ATAUB, au bureau d'études techniques SOGETI, à Me de Z... et au ministre de l'intérieur.


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