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04/05/1994 | FRANCE | N°92NT00380

France | France, Cour administrative d'appel de Nantes, 1e chambre, 04 mai 1994, 92NT00380


VU la requête, enregistrée au greffe de la Cour le 1er juin 1992 sous le n° 92NT00380, présentée par la CAISSE REGIONALE DE CREDIT AGRICOLE MUTUEL (C.R.C.A.M) DU CHER, ayant son siège social ... ;
La C.R.C.A.M DU CHER demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement n° 8850 du 26 mars 1992 par lequel le Tribunal administratif d'Orléans a rejeté sa demande en décharge des droits et pénalités de taxe sur la valeur ajoutée d'un montant de 217 556 F qui lui ont été réclamés au titre de la période du 1er janvier 1983 au 31 décembre 1984 par avis de mise en recouvrement du

24 février 1987 ;
2°) à titre subsidiaire, par la voie de la compensation...

VU la requête, enregistrée au greffe de la Cour le 1er juin 1992 sous le n° 92NT00380, présentée par la CAISSE REGIONALE DE CREDIT AGRICOLE MUTUEL (C.R.C.A.M) DU CHER, ayant son siège social ... ;
La C.R.C.A.M DU CHER demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement n° 8850 du 26 mars 1992 par lequel le Tribunal administratif d'Orléans a rejeté sa demande en décharge des droits et pénalités de taxe sur la valeur ajoutée d'un montant de 217 556 F qui lui ont été réclamés au titre de la période du 1er janvier 1983 au 31 décembre 1984 par avis de mise en recouvrement du 24 février 1987 ;
2°) à titre subsidiaire, par la voie de la compensation, de décider le remboursement de taxe sur la valeur ajoutée de 41 207 F au titre de l'année 1983 et de 57 393 F au titre de l'année 1984 ;
3°) de condamner l'Etat, sur le fondement de l'article L 8.1 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel, à lui verser la somme de 50 000 F ;
VU les autres pièces du dossier ;
VU la sixième directive du conseil des communautés européennes en date du 17 juin 1977 ;
VU la loi n° 91-716 du 26 juillet 1991 ;
VU le code général des impôts ;
VU le livre des procédures fiscales ;
VU le code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;
VU la loi n° 87-1127 du 31 décembre 1987 ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience,
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 30 mars 1994 :
- le rapport de Melle BRIN, conseiller,
- et les conclusions de M. ISAIA, commissaire du gouvernement,

Sur la régularité du jugement :
Considérant qu'il résulte des pièces du dossier que, par une décision du 27 septembre 1991, postérieure à l'enregistrement de la demande au tribunal administratif, le directeur des vérifications nationales et internationales a accordé un dégrèvement des indemnités de retard d'un montant de 20 355 F ; que la demande était, dans cette mesure, devenue sans objet ; qu'ainsi le tribunal administratif en rejetant ladite demande dans son intégralité, s'est mépris sur l'étendue des conclusions sur lesquelles il devait statuer ; qu'il y a lieu pour la Cour d'annuler sur ce point le jugement attaqué, d'évoquer les conclusions de la demande de la CAISSE REGIONALE DE CREDIT AGRICOLE MUTUEL (C.R.C.A.M) DU CHER devenues sans objet au cours de la procédure de première instance et de décider qu'il n'y a pas lieu d'y statuer ;
Sur les conclusions principales relatives aux opérations de change manuel :
Considérant que la CAISSE REGIONALE DE CREDIT AGRICOLE MUTUEL DU CHER a opté pour l'assujettissement de la taxe sur la valeur ajoutée des opérations portant sur les devises, les billets de banque et les monnaies ayant cours légal ; qu'elle conteste le bien-fondé du complément de taxe sur la valeur ajoutée qui lui a été réclamé en raison de la position de l'administration consistant, pour l'application de la règle dite du "prorata", posée par l'article 212 de l'annexe II au code général des impôts et relative à la taxe sur la valeur ajoutée déductible, à ne prendre en compte, dans le calcul des "recettes" visées par ledit article que le montant brut des profits réalisés par la caisse lors des opérations de change manuel, aux lieu et place de la totalité des sommes encaissées à l'occasion de ces transactions ;

Considérant qu'aux termes de l'article 256 du code général des impôts, alors applicable et relatif aux opérations obligatoirement imposables : "I. Sont soumises à la taxe sur la valeur ajoutée les livraisons de biens meubles et les prestations de services effectuées à titre onéreux par un assujetti agissant en tant que tel. II. La livraison d'un bien meuble s'entend du transfert de propriété d'un bien meuble corporel même si ce transfert est opéré en vertu d'une réquisition de l'autorité publique ... III. Les opérations autres que celles définies au II et, notamment, la livraison de biens meubles incorporels, les travaux immobiliers et les opérations de commission et de façon, sont considérées comme des prestations de services" ; qu'aux termes de l'article 266 du même code : "I. La base d'imposition est constituée : a) pour les livraisons de biens et les prestations de services, par toutes les sommes, valeurs, biens ou services reçus ou à recevoir par le fournisseur ou le prestataire en contre-partie de la livraison ou de la prestation ..."; qu'aux termes de l'article 261 C du même code : "Sont exonérées de la taxe sur la valeur ajoutée : 1°) les opérations bancaires et financières suivantes : ... d. Les opérations, y compris la négociation, portant sur les devises, les billets de banque et les monnaies qui sont des moyens de paiement légaux à l'exception des monnaies et billets de collection ..."; qu'aux termes de l'article 260 B alors en vigueur, du même code : "Les opérations qui se rattachent aux activités bancaires, financières et, d'une manière générale, au commerce des valeurs et de l'argent, telles que ces activités sont définies par décret, peuvent, lorsqu'elles sont exonérées de taxe sur la valeur ajoutée, être soumises sur option à cette taxe ..." ; qu'aux termes de l'article 271 du même code : "I. La taxe sur la valeur ajoutée qui a grevé les éléments du prix d'une opération imposable est déductible de la taxe sur la valeur ajoutée applicable à cette opération" ; qu'aux termes de l'article 212 de l'annexe II audit code, pris pour l'application de l'article 273 I du code, relatif aux dispositions applicables aux entreprises qui ne sont pas assujetties à la taxe sur la valeur ajoutée pour l'ensemble de leurs activités : "Les assujettis qui ne réalisent pas exclusivement des opérations ouvrant droit à déduction sont autorisés à déduire une fraction de la taxe sur la valeur ajoutée qui a grevé les biens constituant des immobilisations égale au montant de cette taxe multipliée par le rapport existant entre le montant annuel des recettes afférentes à des opérations ouvrant droit à déduction et le montant annuel des recettes afférentes à l'ensemble des opérations réalisées ..." ;
Considérant qu'aux termes de l'article 7-1 de la loi susvisée du 26 juillet 1991, portant diverses dispositions d'ordre économique et financier : "Pour l'application de l'article 256 du code général des impôts, les opérations mentionnées au d) ... du 1° de l'article 261 C du même code sont considérées comme des prestations de service. Le chiffre d'affaires afférent à ces opérations est constitué par le montant des profits et autres rémunérations. Cette disposition présente un caractère interprétatif sous réserve des décisions de justice passées en force de chose jugée" ;

Considérant que cet article, à caractère interprétatif, dans la mesure où il dispose que les opérations mentionnées au d) du 1° de l'article 261 C du code général des impôts, parmi lesquelles figurent les opérations de change, notamment de change manuel, doivent être regardées comme des prestations de services dont le chiffre d'affaires est constitué par le montant des profits et autres rémunérations, se borne à expliciter la règle de droit déjà applicable, avant l'intervention dudit article, aux opérations de change ;
Considérant, en premier lieu, que la caisse requérante, dans le dernier état de ses écritures, abandonne le moyen tiré de l'incompatibilité desdites dispositions avec les objectifs de la 6° directive du 17 mai 1977 du conseil des communautés européennes ;
Considérant, en deuxième lieu, que ladite caisse ne saurait utilement invoquer, en tout état de cause, l'incompatibilité de l'article 7-1 avec le projet de 19ème directive soumis au Conseil des ministres de la Communauté le 5 décembre 1984, dès lors que ce texte, à défaut d'avoir été adopté par le Conseil des ministres et notifié aux Etats membres, n'est pas opposable à ces derniers ;
Considérant, en troisième lieu, que si l'instruction de la direction générale des impôts 3L-1-79 en date du 31 janvier 1979, reprise à la documentation administrative 3 L-5321 datée du 1er janvier 1984, qualifie les opérations de change manuel de "livraisons de biens meubles corporels", cette position n'a été admise qu'au point de vue de la territorialité et du fait générateur de l'impôt et ne concerne pas l'assiette de la taxe ou l'étendue du droit à déduction ; que la doctrine selon laquelle, en matière d'opérations de change manuel, le prorata se calcule dans les conditions de droit commun n'ajoute rien à la loi ; que la caisse requérante ne saurait donc s'en prévaloir sur le fondement de l'article L 80 A du livre des procédures fiscales ;
Considérant, en quatrième lieu, qu'ainsi qu'il a été dit ci-dessus l'imposition en litige est conforme tant à la loi fiscale interne qu'à la norme communautaire applicable ; que compte tenu de ce qu'aucune instruction administrative antérieure à la publication de la loi du 26 juillet 1991, dont l'article 7-1, comme il vient d'être dit, se borne à expliciter la règle de droit déjà applicable, avant son intervention, aux opérations de change et est compatible avec les objectifs de la 6° directive, n'a adopté le point de vue exprimé par la requérante et nonobstant la circonstance que des décisions de tribunaux administratifs et de cours administratives d'appel ont accueilli les conclusions d'autres caisses régionales de crédit agricole, la caisse requérante n'est en tout état de cause pas fondée à se prévaloir, contre les impositions contestées, des principes de la sécurité juridique et de la protection de la confiance légitime, à propos de l'application desquels il n'y a pas lieu de saisir la Cour de justice des communautés européennes d'une question préjudicielle ;

Considérant, enfin, que les impositions litigieuses ayant été établies légalement sur le fondement des dispositions susmentionnées du code général des impôts l'appréciation du bien-fondé de ces impositions ne saurait, dès lors, dépendre du point de savoir si la neutralité de la taxe sur la valeur ajoutée constitue ou non un principe général du droit ; qu'il n'appartient pas au juge administratif d'apprécier la conformité de la loi aux principes généraux du droit ; que, par suite, la caisse requérante, qui n'excipe de l'illégalité d'aucun texte réglementaire, ne peut, en tout état de cause, valablement demander à la Cour de "dire que la neutralité de taxe sur la valeur ajoutée n'a pas valeur de principe général du droit, aussi bien en droit interne qu'en droit communautaire" ;
Considérant qu'il résulte de ce qui précède que la caisse requérante n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que par le jugement attaqué, sous réserve de l'omission partielle à statuer susmentionnée, le Tribunal administratif d'Orléans, a rejeté les conclusions de sa demande ;
Sur les conclusions subsidiaires relatives à un nouveau calcul du "prorata" à raison des recettes afférentes aux opérations exonérées de taxe sur la valeur ajoutée :
Considérant que la CAISSE REGIONALE DE CREDIT AGRICOLE MUTUEL requérante fait valoir que les prêts qu'elle consent à ses clients proviennent en grande partie d'avances que lui fait la caisse nationale de Crédit Agricole à raison desquelles elle supporte des charges financières ; que le chiffre d'affaires qu'elle réalise effectivement à l'occasion de ses opérations de prêts ne correspondrait pas au montant des intérêts versés par ses clients mais représenterait ce montant diminué desdites charges ; que, prétendant que pour le calcul du "prorata" défini à l'article 212 de l'annexe II au code le chiffre d'affaires des opérations imposables de plein droit ou par option à la taxe sur la valeur ajoutée est limité au seul "profit brut", elle sollicite que le volume d'affaires afférent aux opérations de prêts, lesquelles sont exonérées, ne figure au dénominateur que pour celui qui résulte de la "marge brute sur intérêts" ;

Considérant que la prestation d'avances effectuée par la caisse nationale de Crédit Agricole au profit des caisses régionales, dès lors que la première est une entité juridique différente des secondes, est distincte de la prestation de crédit rendue par celles-ci au profit de leurs emprunteurs avec qui elles sont liées par un contrat de prêt conclu exclusivement avec eux ; qu'ainsi la recette procurée par chacune de ces opérations doit être déterminée indépendamment l'une de l'autre ; que l'intérêt inhérent à l'opération de prêts des caisses régionales est le prix réclamé à leurs clients à raison de la prestation qui leur est consentie ; qu'il constitue la rémunération que perçoivent ces caisses en contrepartie du service rendu ; que cet intérêt répond à la notion de recette telle qu'elle résulte des termes précités de l'article 266-1° a du code général des impôts et de l'article 212 de l'annexe II audit code ; que cette définition s'applique aussi bien aux opérations imposables à la taxe sur la valeur ajoutée qu'à celles qui en sont exonérées et recouvre, d'ailleurs, celle de "montant brut du profit" retenue pour les opérations de change manuel ; que cette notion ne saurait être étendue au "bénéfice brut" rapporté par l'opération de prêts et préconisé par la requérante ; que, pour la détermination du pourcentage général de déduction, la recette afférente aux opérations de prêts dont s'agit est donc celle procurée par lesdites opérations soit les intérêts versés par les emprunteurs des caisses régionales sans que puissent être déduites du montant de ces intérêts les charges financières inhérentes aux opérations d'avances qui lient lesdites caisses à la caisse nationale de Crédit Agricole ;
Considérant qu'il suit de là que la caisse requérante n'est pas fondée à soutenir que la détermination du volume d'affaires faite par l'administration procéderait de deux méthodes différentes selon qu'il s'agit d'opérations imposables ou d'opérations exonérées ; que, dès lors que l'opération d'avance effectuée par la caisse nationale de Crédit Agricole est distincte de celle de prêt consentie par les caisses régionales à leurs clients, la requérante ne saurait valablement alléguer que la "rémunération d'un même crédit" est retenue, pour l'établissement du "prorata", à la fois au niveau de la caisse nationale et à celui des caisses régionales ; que, par suite, le calcul du pourcentage général de déduction procédant de l'application de la loi fiscale, elle ne saurait utilement invoquer que les établissements du groupe bancaire auquel elle appartient seraient traités défavorablement par rapport à d'autres établissements financiers ou bancaires ;
Considérant qu'il résulte de ce qui précède que les conclusions de la caisse requérante, qu'elle entende les fonder sur les dispositions de l'article L 205 du livre des procédures fiscales ou sur celles de l'article L 119 C du même livre, ne peuvent, en tout état de cause, être accueillies ;
Sur les conclusions tendant à l'allocation des sommes non comprises dans les dépens :

Considérant qu'aux termes de l'article L.8.1 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel : "Dans toutes les instances devant les tribunaux administratifs et les cours administratives d'appel, le juge condamne la partie tenue aux dépens ou, à défaut, la partie perdante, à payer à l'autre partie la somme qu'il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Le juge tient compte de l'équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d'office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu'il n'y a pas lieu à cette condamnation ..." ;
Considérant que la caisse régionale de Crédit Agricole succombe dans la présente instance ; que sa demande tendant à ce que l'Etat soit condamné à lui verser une somme au titre des frais qu'elle a exposés doit, en conséquence, être rejetée ;
Article 1er - Le jugement en date du 26 mars 1992 du Tribunal administratif d'Orléans est annulé en tant qu'il a statué sur la somme de vingt mille trois cent cinquante cinq francs (20 355 F) correspondant aux indemnités de retard.
Article 2 - A concurrence de la somme de vingt mille trois cent cinquante cinq francs (20 355 F), en ce qui concerne les rappels de taxe sur la valeur ajoutée réclamés à la CAISSE REGIONALE DE CREDIT AGRICOLE MUTUEL DU CHER au titre de la période du 1er janvier 1982 au 31 décembre 1984, il n'y a pas lieu de statuer sur les conclusions de ladite caisse.
Article 3 - Le surplus des conclusions de la requête de la C.R.C.A.M DU CHER est rejeté.
Article 4 - Le présent arrêt sera notifié à la CAISSE REGIONALE DE CREDIT AGRICOLE MUTUEL DU CHER et au ministre du budget.


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nantes
Formation : 1e chambre
Numéro d'arrêt : 92NT00380
Date de la décision : 04/05/1994
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux fiscal

Analyses

19-06-02-08-03-03 CONTRIBUTIONS ET TAXES - TAXES SUR LE CHIFFRE D'AFFAIRES ET ASSIMILEES - TAXE SUR LA VALEUR AJOUTEE - LIQUIDATION DE LA TAXE - DEDUCTIONS - CAS DES ENTREPRISES QUI N'ACQUITTENT PAS LA TVA SUR LA TOTALITE DE LEURS AFFAIRES


Références :

CEE Directive 388-77 du 17 mai 1977 Conseil
CGI 256, 266, 261, 260 B, 271, 273, 261 C
CGI Livre des procédures fiscales L80 A, L205, L119 C
CGIAN2 212
Code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel L8-1
Instruction 3L-1-79 du 31 janvier 1979
Loi 91-716 du 26 juillet 1991 art. 7-1


Composition du Tribunal
Rapporteur ?: Melle BRIN
Rapporteur public ?: M. ISAIA

Origine de la décision
Date de l'import : 06/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nantes;arret;1994-05-04;92nt00380 ?
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