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21/02/1996 | FRANCE | N°93NT00568;93NT00583

France | France, Cour administrative d'appel de Nantes, 2e chambre, 21 février 1996, 93NT00568 et 93NT00583


Vu I) sous le n 93NT00568, la requête sommaire enregistrée au greffe de la cour le 1er juin 1993, présentée pour l'ENTREPRISE TINEL, dont le siège social est ..., représentée par son représentant légal en exercice, par Me A..., avocat aux conseils ;
L'ENTREPRISE TINEL demande à la cour :
1 ) d'annuler le jugement n 892339 du tribunal administratif de Rouen en date du 23 mars 1993 en ce qu'il l'a condamnée, d'une part, solidairement avec le département de la Seine-Maritime et l'association syndicale des rivières de Lillebonne et de Notre Dame de Y..., à verser au GAEC Deha

is, outre intérêts à compter du 20 novembre 1989, une indemnité de ...

Vu I) sous le n 93NT00568, la requête sommaire enregistrée au greffe de la cour le 1er juin 1993, présentée pour l'ENTREPRISE TINEL, dont le siège social est ..., représentée par son représentant légal en exercice, par Me A..., avocat aux conseils ;
L'ENTREPRISE TINEL demande à la cour :
1 ) d'annuler le jugement n 892339 du tribunal administratif de Rouen en date du 23 mars 1993 en ce qu'il l'a condamnée, d'une part, solidairement avec le département de la Seine-Maritime et l'association syndicale des rivières de Lillebonne et de Notre Dame de Y..., à verser au GAEC Dehais, outre intérêts à compter du 20 novembre 1989, une indemnité de 739 398,60 F en réparation du préjudice résultant de l'inondation des terres de celui-ci le 2 août 1988 ainsi que 6 000 F sur le fondement de l'article L.8-1 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel et à supporter les frais de l'expertise ordonnée en référé, d'autre part, à garantir le département de la Seine-Maritime de la totalité des condamnations prononcées à son encontre ;
2 ) de rejeter la demande de première instance du GAEC Dehais et à tout le moins de la mettre hors de cause ; subsidiairement, de rejeter les conclusions d'appel en garantie dirigées contre elle par le département de la Seine-Maritime et à tout le moins d'y faire droit seulement partiellement, de condamner le département de la Seine-Maritime, l'association syndicale des rivières de Lillebonne et de Notre Dame de Y... ainsi que l'Etat à la garantir des condamnations mises à sa charge ; très subsidiairement enfin, d'ordonner une expertise comptable aux frais du GAEC en vue de déterminer le montant du préjudice qu'il a subi ;
Vu les autres pièces du dossier ;

Vu II) sous le n 93NT00583, la requête enregistrée au greffe de la cour le 2 juin 1993, présentée pour l'ASSOCIATION SYNDICALE DES RIVIERES DE LILLEBONNE ET DE NOTRE DAME DE Y..., dont le siège social est à la mairie de Lillebonne (76170), représentée par son représentant légal en exercice, par la SCP Dubosc, Preschez et Chanson, avocat ;
L'association syndicale demande à la cour :
1 ) d'annuler le jugement n 892339 du tribunal administratif de Rouen en date du 23 mars 1993 en ce qu'il a retenu sa responsabilité dans les dommages causés au GAEC Dehais et subsidiairement, de réformer ce jugement en ce qu'il a fait du préjudice du GAEC une estimation exagérée ;
2 ) de rejeter les conclusions que le GAEC Dehais a dirigées contre elle en première instance et, subsidiairement, d'y faire droit partiellement seulement ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code des marchés publics ;
Vu les lois des 21 juin 1865 et 22 décembre 1888 sur les associations syndicales ;
Vu le code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;
Vu la loi n 87-1127 du 31 décembre 1987 ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience,
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 7 février 1996 :
- le rapport de Mme Devillers, conseiller,
- les observations de Me Barbin, avocat de la commune de Lillebonne,
- les observations de Me Z..., se substituant à Me Denesle, avocat du département de la Seine-Maritime,
- les observations de Me X..., se substituant à Me Chaumette, avocat de l'ASSOCIATION SYNDICALE DES RIVIERES DE LILLEBONNE ET DE NOTRE DAME DE Y...,
- et les conclusions de M. Cadenat, commissaire du gouvernement,

Considérant que l'ENTREPRISE TINEL demande à la cour d'annuler le jugement en date du 23 mars 1993 du tribunal administratif de Rouen en ce qu'il l'a condamnée, d'une part, solidairement avec le département de la Seine-Maritime et l'ASSOCIATION SYNDICALE DES RIVIERES DE LILLEBONNE ET DE NOTRE DAME DE Y..., à verser au GAEC Dehais, outre intérêts, une indemnité de 739 398,60 F en réparation du préjudice résultant de l'inondation des terres de celui-ci le 2 août 1988 ainsi que 6 000 F sur le fondement de l'article L.8-1 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel et à supporter les frais de l'expertise ordonnée en référé, d'autre part, à garantir le département de la Seine-Maritime de la totalité des condamnations prononcées contre lui ; que l'ASSOCIATION SYNDICALE DES RIVIERES DE LILLEBONNE ET DE NOTRE DAME DE Y... demande à la cour l'annulation de ce jugement en ce qu'il a retenu sa responsabilité et subsidiairement de le réformer en ce qu'il a surestimé l'importance du préjudice du GAEC ; que ces requêtes étant dirigées contre le même jugement, il y a lieu de les joindre pour statuer par un seul arrêt ;
Sur la régularité du jugement attaqué :
Considérant que l'ENTREPRISE TINEL soutient que le jugement est entaché d'une omission à statuer et qu'il est insuffisamment motivé ;
Considérant, en premier lieu, que si l'ENTREPRISE TINEL avait demandé au tribunal administratif de prescrire une expertise comptable en vue de déterminer le préjudice du GAEC, ses conclusions sur ce point étaient présentées à titre uniquement subsidiaire au cas où le tribunal écarterait ses conclusions tendant à la réduction des prétentions du GAEC ; que les premiers juges ayant fait droit à ces dernières conclusions, ils n'avaient pas à se prononcer sur les conclusions à fin d'expertise ; qu'ainsi, le moyen tiré de l'omission à statuer sur lesdites conclusions doit être, en tout état de cause, écarté ;
Considérant, en second lieu, que le tribunal administratif a précisé dans les motifs du jugement les raisons justifiant le principe d'une condamnation conjointe et solidaire de l'association syndicale, d'une part, du département de la Seine-Maritime et de l'ENTREPRISE TINEL, d'autre part ; que le jugement n'est ainsi entaché d'aucun défaut de motivation sur ce point ;
Considérant qu'il résulte ainsi de ce qui précède que l'ENTREPRISE TINEL n'est pas fondée à soutenir que le jugement serait irrégulier ;
Sur la responsabilité de l'association syndicale, du département et de l'ENTREPRISE TINEL :
En ce qui concerne le lien de causalité :

Considérant qu'il résulte de l'instruction, notamment du rapport de l'expert qui n'est, en tout état de cause, pas sérieusement contredit par les requérantes, que l'inondation des terres du GAEC qui s'est produite le 2 août 1988 a pour origine non seulement l'insuffisante profondeur du lit de la rivière du fait d'un défaut de curage, lequel incombait à l'association, mais aussi le busage de la rivière réalisé par l'ENTREPRISE TINEL pour les besoins des travaux de déviation du chemin départemental 484 entrepris par le département ; qu'ainsi est établi le lien de causalité entre les dommages et l'état d'entretien de la rivière, d'une part, et entre ces mêmes dommages et les travaux publics, d'autre part ; que, par suite, ni l'ENTREPRISE TINEL ni l'association syndicale ne sont fondées à soutenir qu'elles sont étrangères à la survenance des désordres et qu'elles doivent être mises hors de cause ;
En ce qui concerne l'imputabilité des dommages :
Considérant que les dommages litigieux sont imputables pour partie à l'ASSOCIATION SYNDICALE DES RIVIERES DE LILLEBONNE ET DE NOTRE DAME DE Y... à laquelle incombait le curage du lit de la rivière et pour le surplus au département de la Seine-Maritime, maître d'ouvrage des travaux publics, ainsi qu'à l'ENTREPRISE TINEL, qui était chargée de les exécuter et dont la responsabilité pouvait, de ce seul fait, être recherchée par le GAEC ;
En ce qui concerne la responsabilité :
Considérant que le juge administratif, saisi de conclusions en ce sens, peut valablement condamner conjointement et solidairement les co-auteurs d'un dommage alors même que ceux-ci ont par des fautes distinctes concouru à sa réalisation ;
Considérant, d'une part, que l'association syndicale reconnaît ne pas avoir effectué le curage de la rivière depuis plus de quatre ans et ne rapporte donc pas la preuve de l'entretien normal du lit de la rivière ; que ce manquement à ses obligations engage sa responsabilité envers le GAEC, qui a vis-à-vis d'elle la qualité d'usager, sans qu'y fasse obstacle ni la circonstance qu'elle n'aurait pas reçu les subventions permettant le financement des travaux de curage qui lui incombaient ni celle qu'elle aurait effectué régulièrement un faucardage qui ne saurait suppléer à l'absence de curage ;

Considérant, d'autre part, que la responsabilité du département de la Seine-Maritime et de l'ENTREPRISE TINEL est également solidairement engagée envers le GAEC, qui est tiers vis-à-vis des travaux incriminés, du seul fait que le lien de causalité est établi, ainsi qu'il a été dit précédemment, entre les dommages et lesdits travaux ;
Considérant qu'il résulte de ce qui précède que c'est à bon droit que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif a condamné conjointement et solidairement l'association syndicale, d'une part, le département de la Seine-Maritime et l'ENTREPRISE TINEL, d'autre part, à indemniser le GAEC des dommages résultant respectivement du défaut de curage et du busage de la rivière ; qu'en l'absence de conclusions d'appel en garantie de l'association contre le département et l'entrepreneur et de ces derniers contre l'association syndicale, fondées sur la gravité respective des faits qui leur sont imputables, il n'appartenait pas au tribunal administratif de procéder à une répartition des condamnations ;
Sur le bien-fondé de la condamnation de l'ENTREPRISE TINEL à garantir le département :
Considérant que l'ENTREPRISE TINEL n'établit pas par les pièces produites devant la cour qu'un ordre de service de buser la rivière de Commerce lui aurait été donné ; qu'elle n'est ainsi pas fondée à remettre en cause sa condamnation à garantir le département des condamnations prononcées solidairement contre lui ;
Sur les appels en garantie de l'ENTREPRISE TINEL :
Considérant que les conclusions de l'ENTREPRISE TINEL tendant à être garantie des condamnations mises à sa charge par l'association syndicale, le département de la Seine-Maritime et l'Etat, d'ailleurs non assorties de moyens, sont nouvelles en appel et par suite irrecevables ;
Sur le préjudice :
Sans qu'il soit besoin d'ordonner l'expertise comptable sollicitée :
Considérant que les requérantes ne produisent aucun élément précis de nature à démontrer le caractère excessif de l'estimation du préjudice du GAEC laquelle, contrairement à ce qui est allégué, a tenu compte non seulement des pertes de recettes mais aussi des économies de charges résultant des dommages ;
Sur les conclusions de la commune de Lillebonne :
Considérant que la commune de Lillebonne demande à la cour d'annuler le jugement attaqué en ce qu'il a rejeté ses conclusions tendant à la condamnation du GAEC à lui payer la somme de 5 000 F au titre des frais exposés en première instance ; que, contrairement à ce qu'a estimé le tribunal, le GAEC avait la qualité de partie perdante envers la commune de Lillebonne qui a été mise hors de cause ; que, dans ces conditions, c'est à tort que les conclusions de la commune ont été rejetées ; que, dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de condamner le GAEC à verser 3 000 F à la commune sur le fondement de l'article L.8-1 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;
Sur les conclusions tendant à l'allocation des sommes non comprises dans les dépens :

Considérant qu'aux termes de l'article L.8-1 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel : "Dans toutes les instances devant les tribunaux administratifs et les cours administratives d'appel, le juge condamne la partie tenue aux dépens ou, à défaut, la partie perdante, à payer à l'autre partie la somme qu'il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Le juge tient compte de l'équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d'office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu'il n'y a pas lieu à cette condamnation" ;
Considérant que le GAEC Dehais qui n'a dirigé aucune conclusion contre la commune de Lillebonne devant la cour ne peut être regardé vis-à-vis d'elle comme partie perdante ; que la demande de la commune tendant à ce que le GAEC soit condamné à lui verser une somme au titre des frais qu'elle a exposés en appel doit, en conséquence, être rejetée ;
Considérant qu'il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, en application de ces mêmes dispositions, de condamner solidairement l'association syndicale, le département de la Seine-Maritime, ces deux personnes morales n'ayant d'ailleurs pas la qualité de partie perdante envers la commune contre laquelle elles n'ont pas dirigé de conclusions en appel, et l'ENTREPRISE TINEL à payer à la commune de Lillebonne une somme au titre des frais qu'elle a exposés devant la cour ;
Considérant, en revanche qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de condamner solidairement l'ENTREPRISE TINEL et l'ASSOCIATION SYNDICALE DES RIVIERES DE LILLEBONNE ET DE NOTRE DAME DE Y... à verser 4 000 F au GAEC Dehais ;
Article 1er - Le jugement du tribunal administratif de Rouen en date du 23 mars 1993 est annulé en ce qu'il a rejeté les conclusions de la commune de Lillebonne tendant à la condamnation du GAEC Dehais à lui payer une somme au titre des frais exposés non compris dans les dépens.
Article 2 - Le GAEC Dehais versera trois mille francs (3 000 F) à la commune de Lillebonne sur le fondement de l'article L.8-1 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel au titre des frais exposés en première instance.
Article 3 - Les requêtes de l'ENTREPRISE TINEL et de l'ASSOCIATION SYNDICALE DES RIVIERES DE LILLEBONNE ET DE NOTRE DAME DE Y... de même que les conclusions d'appel de la commune de Lillebonne tendant au bénéfice de l'article L.8-1 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel sont rejetées.
Article 4 - L'ASSOCIATION SYNDICALE DES RIVIERES DE LILLEBONNE ET DE NOTRE DAME DE Y..., le département de la Seine-Maritime et l'ENTREPRISE TINEL verseront solidairement quatre mille francs (4 000 F) au GAEC Dehais sur le fondement de l'article L.8-1 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel.
Article 5 - Le surplus des conclusions d'appel du GAEC Dehais tendant au bénéfice de l'article L.8-1 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel est rejeté.
Article 6 - Le présent arrêt sera notifié à l'ENTREPRISE TINEL, à l'ASSOCIATION SYNDICALE DES RIVIERES DE LILLEBONNE ET DE NOTRE DAME DE Y..., au département de la Seine-Maritime, à la commune de Lillebonne, au GAEC Dehais et au ministre de l'équipement, du logement, des transports et du tourisme.


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