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21/02/1996 | FRANCE | N°93NT00569;93NT00584

France | France, Cour administrative d'appel de Nantes, 2e chambre, 21 février 1996, 93NT00569 et 93NT00584


Vu I) sous le n 93NT00569, la requête sommaire enregistrée au greffe de la cour le 1er juin 1993, présentée pour l'ENTREPRISE TINEL, dont le siège social est ..., représentée par son représentant légal en exercice, par Me B..., avocat aux conseils ;
L'ENTREPRISE TINEL demande à la cour :
1 ) d'annuler le jugement n 90445 du tribunal administratif de Rouen en date du 23 mars 1993 en ce qu'il l'a condamnée, d'une part, solidairement avec le département de la Seine-Maritime et l'association syndicale des rivières de Lillebonne et de Notre Dame de Z..., à verser à M. Y..., o

utre intérêts à compter du 15 mai 1990, une indemnité de 64 237,43 F...

Vu I) sous le n 93NT00569, la requête sommaire enregistrée au greffe de la cour le 1er juin 1993, présentée pour l'ENTREPRISE TINEL, dont le siège social est ..., représentée par son représentant légal en exercice, par Me B..., avocat aux conseils ;
L'ENTREPRISE TINEL demande à la cour :
1 ) d'annuler le jugement n 90445 du tribunal administratif de Rouen en date du 23 mars 1993 en ce qu'il l'a condamnée, d'une part, solidairement avec le département de la Seine-Maritime et l'association syndicale des rivières de Lillebonne et de Notre Dame de Z..., à verser à M. Y..., outre intérêts à compter du 15 mai 1990, une indemnité de 64 237,43 F en réparation du préjudice résultant de l'inondation des terres de celui-ci le 2 août 1988 ainsi que 6 000 F sur le fondement de l'article L.8-1 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel et à supporter les frais de l'expertise ordonnée en référé, d'autre part, à garantir le département de la Seine-Maritime de la totalité des condamnations mises à sa charge ;
2 ) de rejeter la demande de première instance de M. Y..., et, à tout le moins, de la mettre hors de cause ; subsidiairement, de rejeter les conclusions d'appel en garantie dirigées contre elle par le département de la Seine-Maritime devant le tribunal administratif, et à tout le moins de n'y faire droit que partiellement, de condamner le département de la Seine-Maritime, l'association syndicale des rivières de Lillebonne et de Notre Dame de Z... ainsi que l'Etat à la garantir des condamnations mises à sa charge ; très subsidiairement, d'ordonner une expertise comptable aux frais de M. Y... en vue de déterminer le montant du préjudice qu'il a réellement subi ;
Vu les autres pièces du dossier ;

Vu II) sous le n 93NT00584, la requête enregistrée au greffe de la cour le 2 juin 1993, présentée pour l'ASSOCIATION SYNDICALE DES RIVIERES DE LILLEBONNE ET DE NOTRE DAME DE Z..., dont le siège social est à la mairie de Lillebonne (76170), par la SCP Dubosc, Preschez et Chanson, avocat ;
L'association syndicale demande à la cour :
1 ) d'annuler le jugement n 90445 du tribunal administratif de Rouen en date du 23 mars 1993 en ce qu'il a retenu sa responsabilité dans les dommages causés à M. Y... et, subsidiairement, de réformer ce jugement en ce qu'il a fait du préjudice de M. Y... une estimation exagérée ;
2 ) de rejeter la demande présentée devant le tribunal administratif par M. Y... et, subsidiairement, d'y faire droit partiellement seulement ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code des marchés publics ;
Vu les lois des 21 juin 1865 et 22 décembre 1888 sur les associations syndicales ;
Vu le code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;
Vu la loi n 87-1127 du 31 décembre 1987 ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience,
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 7 février 1996 :
- le rapport de Mme Devillers, conseiller,
- les observations de Me Barbin, avocat de la commune de Lillebonne,
- les observations de Me A..., se substituant à Me Denesle, avocat du département de la Seine-Maritime,
- les observations de Me X..., se substituant à Me Chaumette, avocat de l'ASSOCIATION SYNDICALE DES RIVIERES DE LILLEBONNE ET DE NOTRE DAME DE Z...,
- et les conclusions de M. Cadenat, commissaire du gouvernement,

Considérant que l'ENTREPRISE TINEL demande à la cour d'annuler le jugement en date du 23 mars 1993 du tribunal administratif de Rouen en ce qu'il l'a condamnée, d'une part, solidairement avec le département de la Seine-Maritime et l'ASSOCIATION SYNDICALE DES RIVIERES DE LILLEBONNE ET DE NOTRE DAME DE Z..., à verser à M. Y..., outre intérêts, une indemnité de 64 237,43 F en réparation du préjudice résultant de l'inondation des terres de celui-ci le 2 août 1988 ainsi que 6 000 F sur le fondement de l'article L.8-1 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel et à supporter les frais de l'expertise ordonnée en référé, d'autre part, à garantir le département de la Seine-Maritime de la totalité des condamnations prononcées contre lui ; que l'ASSOCIATION SYNDICALE DES RIVIERES DE LILLEBONNE ET DE NOTRE DAME DE Z... demande à la cour l'annulation de ce jugement en ce qu'il a retenu sa responsabilité et subsidiairement de le réformer en ce qu'il a surestimé l'importance du préjudice de M. Y... ; que ces requêtes étant dirigées contre le même jugement, il y a lieu de les joindre pour statuer par un seul arrêt ;
Sur la régularité du jugement attaqué :
Considérant que l'ENTREPRISE TINEL soutient que le jugement est entaché d'une omission à statuer et qu'il est insuffisamment motivé ;
Considérant que l'ENTREPRISE TINEL avait demandé très subsidiairement au tribunal administratif de prescrire une expertise comptable en vue de déterminer le préjudice de M. Y... au cas où le tribunal écarterait ses conclusions tendant à sa mise hors de cause et subsidiairement, à la réduction des prétentions du GAEC ; que les premiers juges n'ayant pas fait droit à ces conclusions, ils étaient tenus de se prononcer sur les conclusions à fin d'expertise ; que, toutefois, l'omission à répondre explicitement à de telles conclusions n'est pas de nature à vicier le jugement s'il ressort clairement des motifs de fond retenus par le tribunal que celui-ci, eu égard auxdits motifs, a entendu, par voie de conséquence, écarter l'expertise comme sans intérêt pour la solution du litige ; qu'il ressort des motifs du jugement que le tribunal administratif disposait d'éléments lui permettant de déterminer le montant du préjudice de M. Y... sans recourir à une expertise ; que le jugement n'est ainsi entaché d'aucun défaut de motivation sur ce point ;
Considérant qu'il résulte ainsi de ce qui précède que l'ENTREPRISE TINEL n'est pas fondée à soutenir que le jugement serait irrégulier ;
Sur la responsabilité de l'association syndicale, du département et de l'ENTREPRISE TINEL :
En ce qui concerne le lien de causalité :

Considérant qu'il résulte de l'instruction, notamment du rapport de l'expert qui n'est, en tout état de cause, pas sérieusement contredit par les requérantes, que l'inondation des terres de M. Y... qui s'est produite le 2 août 1988 a pour origine non seulement l'insuffisante profondeur du lit de la rivière du Commerce du fait du défaut de curage qui incombait à l'association, mais aussi le busage de cette même rivière, réalisé par l'ENTREPRISE TINEL pour les besoins des travaux de déviation du chemin départemental 484 entrepris par le département ; qu'ainsi est établi le lien de causalité entre les dommages et l'état d'entretien de la rivière, d'une part, et entre ces mêmes dommages et les travaux publics, d'autre part ; que, par suite, ni l'ENTREPRISE TINEL ni l'association syndicale ne sont fondées à soutenir qu'elles sont étrangères à la survenance des désordres dont a été victime M. Y... et qu'elles doivent être mises hors de cause ;
En ce qui concerne l'imputabilité des dommages :
Considérant que les dommages litigieux sont imputables pour partie à l'ASSOCIATION SYNDICALE DES RIVIERES DE LILLEBONNE ET DE NOTRE DAME DE Z... à laquelle incombait le curage du lit de la rivière du Commerce et pour le surplus au département de la Seine-Maritime, maître d'ouvrage des travaux publics, ainsi qu'à l'ENTREPRISE TINEL, qui était chargée de les exécuter et dont la responsabilité pouvait, de ce seul fait, être recherchée par M. Y... ;
En ce qui concerne la responsabilité :
Considérant que le juge administratif, saisi de conclusions en ce sens, peut valablement condamner conjointement et solidairement les co-auteurs d'un dommage alors même que ceux-ci ont par des fautes distinctes concouru à sa réalisation ;
Considérant, d'une part, que l'association syndicale reconnaît ne pas avoir effectué le curage de la rivière depuis plus de quatre ans et ne rapporte donc pas la preuve de l'entretien normal du lit de la rivière ; que, quelles qu'en soient les raisons, ce manquement à ses obligations engage sa responsabilité envers M. Y... qui a, à son égard, la qualité de tiers ;
Considérant, d'autre part, que la responsabilité du département de la Seine-Maritime et de l'ENTREPRISE TINEL est également solidairement engagée envers M. Y..., qui est tiers vis-à-vis des travaux incriminés, du seul fait que le lien de causalité est établi, ainsi qu'il a été dit précédemment, entre les dommages et lesdits travaux ;
Considérant qu'il résulte de ce qui précède que c'est à bon droit que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif a condamné conjointement et solidairement l'association syndicale, d'une part, le département de la Seine-Maritime et l'ENTREPRISE TINEL, d'autre part, à indemniser M. Y... des dommages résultant respectivement du défaut de curage et du busage de la rivière ; qu'en l'absence de conclusions d'appel en garantie de l'association contre le département et l'entrepreneur et de ces derniers contre l'association syndicale, fondées sur la gravité respective des faits qui leur sont imputables, il n'appartenait pas au tribunal administratif de procéder à une répartition des condamnations ;
Sur le bien-fondé de la condamnation de l'ENTREPRISE TINEL à garantir le département :

Considérant que l'ENTREPRISE TINEL n'établit pas par les pièces produites devant la cour qu'un ordre de service de buser la rivière du Commerce lui aurait été donné ; qu'elle n'est ainsi pas fondée à remettre en cause sa condamnation à garantir le département des condamnations prononcées solidairement contre lui ;
Sur les appels en garantie de l'ENTREPRISE TINEL :
Considérant que les conclusions de l'ENTREPRISE TINEL tendant à être garantie des condamnations mises à sa charge par l'association syndicale, le département de la Seine-Maritime et l'Etat, d'ailleurs non assorties de moyens, sont nouvelles en appel et par suite irrecevables ;
Sur le préjudice et l'indemnité :
Sans qu'il soit besoin d'ordonner l'expertise comptable sollicitée :
Considérant qu'il résulte de l'instruction, notamment du rapport de l'expert, lequel n'est pas sérieusement combattu par les requérantes, que, du fait du sinistre incriminé, M. Y... a subi une perte de chiffre d'affaires d'un montant de 52 370 F et qu'il a engagé des travaux d'un montant de 11 867,43 F pour limiter les conséquences de ce dernier et remettre son exploitation en état ; que le préjudice d'exploitation de M. Y... doit être déterminé en tenant compte non de la perte de son chiffre d'affaires, mais de celle de son bénéfice ; que les requérantes sont ainsi fondées à soutenir que le tribunal administratif a surestimé ledit préjudice en le fixant à 52 370 F ; que dans les circonstances de l'affaire, il en sera fait une exacte appréciation en le fixant, compte tenu d'économies de charges liées aux pertes de produit, à 46 370 F ; qu'en conséquence, l'indemnité mise à la charge des requérantes doit être ramenée à 58 237,43 F ; que le jugement doit, en conséquence, être réformé sur ce point ;
Sur les conclusions de la commune de Lillebonne :
Considérant que la commune de Lillebonne demande à la cour d'annuler le jugement attaqué en ce qu'il a rejeté ses conclusions tendant à la condamnation de M. Y... à lui payer la somme de 5 000 F au titre des frais exposés en première instance ; que, contrairement à ce qu'a estimé le tribunal, l'intéressé avait, envers la commune de Lillebonne qui a été mise hors de cause, la qualité de partie perdante ; que, dans ces conditions, c'est à tort que les conclusions de la commune ont été rejetées ; que, dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de condamner M. Y... à verser 3 000 F à la commune sur le fondement de l'article L.8-1 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;
Sur les conclusions tendant à l'allocation des sommes non comprises dans les dépens :

Considérant qu'aux termes de l'article L.8-1 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel : "Dans toutes les instances devant les tribunaux administratifs et les cours administratives d'appel, le juge condamne la partie tenue aux dépens ou, à défaut, la partie perdante, à payer à l'autre partie la somme qu'il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Le juge tient compte de l'équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d'office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu'il n'y a pas lieu à cette condamnation" ;
Considérant que le GAEC Dehais qui n'est pas partie au présent litige ne peut, en tout état de cause, être regardé vis-à-vis de la commune de Lillebonne comme partie perdante ; que la demande de la commune tendant à ce que le GAEC soit condamné à lui verser une somme au titre des frais qu'elle a exposés en appel doit, en conséquence, être rejetée ;
Considérant qu'il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, en application de ces mêmes dispositions, de condamner solidairement l'association syndicale, le département de la Seine-Maritime, ces deux personnes morales n'ayant d'ailleurs pas la qualité de partie perdante envers la commune contre laquelle elles n'ont pas dirigé de conclusions en appel, et l'ENTREPRISE TINEL à payer à la commune de Lillebonne une somme au titre des frais qu'elle a exposés devant la cour ;
Considérant que M. Y... succombe dans la présente instance ; que sa demande tendant à ce que l'ENTREPRISE TINEL et l'association syndicale soient condamnées solidairement à lui verser une somme au titre des frais qu'il a exposés doit, en conséquence, être rejetée ;
Article 1er - L'article 5 du jugement du tribunal administratif de Rouen en date du 23 mars 1993 est annulé en ce qu'il a rejeté les conclusions de la commune de Lillebonne tendant à la condamnation de M. Y... à lui payer une somme au titre des frais exposés non compris dans les dépens.
Article 2 - M. Y... versera trois mille francs (3 000 F) à la commune de Lillebonne sur le fondement de l'article L.8-1 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel au titre des frais exposés en première instance.
Article 3 - L'indemnité de soixante quatre mille deux cent trente sept francs quarante trois centimes (64 237,43 F), mise à la charge de l'ENTREPRISE TINEL et de l'association syndicale par le jugement du 23 mars 1993 du tribunal administratif de Rouen est ramenée à cinquante huit mille deux cent trente sept francs quarante trois centimes (58 237,43 F).
Article 4 - Le jugement du tribunal administratif de Rouen en date du 23 mars 1993 est réformé en ce qu'il a de contraire au présent arrêt.
Article 5 - Le surplus des conclusions des requêtes de l'ENTREPRISE TINEL et de l'ASSOCIATION SYNDICALE DES RIVIERES DE LILLEBONNE ET DE NOTRE DAME DE Z... de même que les conclusions d'appel de la commune de Lillebonne et de M. Y... tendant au bénéfice de l'article L.8-1 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel sont rejetés.
Article 6 - Le présent arrêt sera notifié à l'ENTREPRISE TINEL, à l'ASSOCIATION SYNDICALE DES RIVIERES DE LILLEBONNE ET DE NOTRE DAME DE Z..., au département de la Seine-Maritime, à la commune de Lillebonne, à M. Y..., au GAEC Dehais et au ministre de l'équipement, du logement, des transports et du tourisme.


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nantes
Formation : 2e chambre
Numéro d'arrêt : 93NT00569;93NT00584
Date de la décision : 21/02/1996
Type d'affaire : Administrative

Analyses

PROCEDURE - JUGEMENTS - REDACTION DES JUGEMENTS - MOTIFS.

PROCEDURE - POUVOIRS ET DEVOIRS DU JUGE - QUESTIONS GENERALES - CONCLUSIONS.

RESPONSABILITE DE LA PUISSANCE PUBLIQUE - REPARATION - MODALITES DE LA REPARATION - SOLIDARITE.


Références :

Code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel L8-1


Composition du Tribunal
Rapporteur ?: Mme Devillers
Rapporteur public ?: M. Cadenat

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nantes;arret;1996-02-21;93nt00569 ?
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