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27/03/1996 | FRANCE | N°93NT00770

France | France, Cour administrative d'appel de Nantes, 2e chambre, 27 mars 1996, 93NT00770


Vu la requête sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés au greffe de la cour les 21 juillet et 15 octobre 1993, présentés pour M. Victor A..., demeurant ..., par Me B..., avocat ;
M. A... demande à la cour :
1 ) d'annuler le jugement n 880154 en date du 13 mai 1993 du tribunal administratif de Rouen en ce qu'il a rejeté sa demande tendant à la décharge, en droits et pénalités, du complément d'impôt sur le revenu auquel il a été assujetti au titre des années 1981 à 1984 dans les rôles de la ville de Rouen ;
2 ) de faire droit à cette demande et de condam

ner l'Etat, sur le fondement de l'article R.207 du livre des procédures fisc...

Vu la requête sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés au greffe de la cour les 21 juillet et 15 octobre 1993, présentés pour M. Victor A..., demeurant ..., par Me B..., avocat ;
M. A... demande à la cour :
1 ) d'annuler le jugement n 880154 en date du 13 mai 1993 du tribunal administratif de Rouen en ce qu'il a rejeté sa demande tendant à la décharge, en droits et pénalités, du complément d'impôt sur le revenu auquel il a été assujetti au titre des années 1981 à 1984 dans les rôles de la ville de Rouen ;
2 ) de faire droit à cette demande et de condamner l'Etat, sur le fondement de l'article R.207 du livre des procédures fiscales, à lui rembourser les frais de procédure, et notamment d'avocat, afférents à la présente instance ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
Vu le code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;
Vu la loi n 87-1127 du 31 décembre 1987 ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience,
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 13 mars 1996 :
- le rapport de Mme Devillers, conseiller,
- et les conclusions de M. Cadenat, commissaire du gouvernement,

Considérant que M. A... demande à la cour d'annuler le jugement du 13 mai 1993 du tribunal administratif de Rouen en ce qu'il a rejeté sa demande en décharge du complément d'impôt sur le revenu auquel il a été assujetti, à la suite d'une vérification approfondie de situation fiscale (VASFE), par avis de mise en recouvrement du 31 décembre 1986 au titre des années 1981 à 1984 dans les rôles de la ville de Rouen ainsi que des pénalités exclusives de bonne foi dont cette imposition a été assortie ;
Sur la régularité du jugement :
Considérant que M. A... fait grief au tribunal administratif de ne pas avoir indiqué les motifs pour lesquels il écartait son argumentation relative tant aux justifications produites devant l'administration au sujet des sommes correspondant à des remboursements de prêts qu'aux retraits opérés sur son livret de caisse d'épargne au cours des années litigieuses et à l'existence d'un écart entre le montant des crédits bancaires taxés d'office et celui des crédits demeurés injustifiés ainsi qu'à des incohérences dans la détermination par l'administration des crédits à justifier ; que, toutefois, il ressort des termes du jugement attaqué que le tribunal administratif, qui n'était pas tenu de répondre à tous les arguments du requérant, a suffisamment motivé sa décision sur ces divers points ; que, par suite, M. A... n'est pas fondé à soutenir que le jugement est irrégulier ;
Sur la régularité de la procédure d'imposition :
En ce qui concerne le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions de l'article L.48 du livre des procédures fiscales :
Considérant qu'il résulte de l'instruction que les redressements litigieux ont été opérés à la suite de la VASFE dont M. A... a fait l'objet en 1985 et 1986 et non pas à la suite de la vérification de comptabilité à laquelle a été soumise la société en nom collectif Elbaz-Sabban dont il est le gérant ; que les dispositions de l'article L.48 du livre des procédures fiscales dans sa rédaction alors en vigueur ne s'appliquant qu'aux redressements envisagés à l'issue d'une vérification de comptabilité, le moyen tiré de leur méconnaissance est inopérant et doit donc être écarté ; qu'il en est de même, par voie de conséquence et en tout état de cause, de tous les autres moyens relatifs aux conditions d'application de cet article ou encore de la doctrine administrative 13-L-6-88 d'ailleurs postérieure à la mise en recouvrement des impositions contestées ;
En ce qui concerne le moyen tiré de l'imposition des sommes litigieuses en tant que revenus d'origine indéterminée :
Considérant qu'aux termes de l'article L.16 du livre des procédures fiscales : "En vue de l'établissement de l'impôt sur le revenu, l'administration peut demander au contribuable des éclaircissements ... Elle peut également lui demander des justifications lorsqu'elle a réuni les éléments lui permettant d'établir que le contribuable peut avoir des revenus plus importants que ceux qu'il a déclarés", et qu'à ceux de l'article L.69 du même livre : "Sous réserve des dispositions particulières au mode de détermination ... des bénéfices non commerciaux, sont taxés d'office à l'impôt sur le revenu les contribuables qui se sont abstenus de répondre aux demandes d'éclaircissements ou de justifications prévues à l'article L.16" ;

Considérant qu'il résulte de ces dispositions que, contrairement à ce que soutient M. A..., l'administration est en droit, lorsque le contribuable est en situation d'être taxé d'office, de rattacher les sommes, notamment les crédits bancaires, dont la provenance n'a pas été justifiée au revenu global de l'intéressé sans être tenue d'établir à quelle catégorie particulière de revenus ressortissaient ces sommes ; que le moyen tiré de ce que lesdites sommes auraient dû être rattachées aux bénéfices non commerciaux de M. A... n'est ainsi pas fondé ;
En ce qui concerne le moyen tiré de ce que la réponse à la demande de justifications en date du 19 septembre 1985 ne pouvait être assimilée à un refus de réponse :
Considérant qu'il résulte de l'instruction que l'administration, après avoir constaté que M. A... pouvait disposer de revenus provenant d'autres sources que ceux à raison desquels il avait été imposé, lui a adressé le 30 avril 1985, sur le fondement de l'article L.16 précité, une demande de justifications de ses crédits bancaires ; que l'intéressé ayant expliqué la plupart de ces crédits par des remboursements de prêts consentis à des amis ou à des parents, l'administration l'a invité, par une demande complémentaire du 19 septembre 1985, à justifier de la réalité de ces prêts et remboursements ; qu'estimant que les réponses apportées étaient insuffisantes, l'administration a taxé d'office les sommes injustifiées, en application de l'article L.69 du livre des procédures fiscales ; que l'intéressé soutient au contraire que, compte tenu des éléments de réponse fournis, l'administration n'était pas en droit de taxer d'office les crédits bancaires correspondant aux remboursements de prêts intervenus au cours des années 1981 à 1983 ;
Considérant, en premier lieu, que si l'administration a fait référence dans sa demande de justifications du 19 septembre 1985, en ce qui concerne les prêts, aux dispositions de l'article 23 L de l'annexe IV au code général des impôts relatives à l'obligation de déclarer les prêts d'un montant supérieur à 5 000 F, elle ne s'est pas fondée sur leur méconnaissance pour taxer d'office ces crédits bancaires ;

Considérant, en deuxième lieu, que si elle a invité le requérant à fournir les contrats de prêts, elle ne s'est pas fondée sur le défaut de production de ces contrats pour taxer les sommes correspondant aux prétendus remboursements de ces prêts mais sur l'absence de tout élément susceptible d'établir l'existence des prêts et par conséquent le caractère de remboursement de prêts de ces crédits bancaires ;
Considérant, en troisième lieu, que les allégations de M. A... relatives à l'existence des prêts et des remboursements n'étaient, sauf en ce qui concerne M. C..., assorties d'aucun élément justificatif ; que si M. A... a produit la copie d'un chèque et d'une traite qui lui ont été remis en 1974 et 1975 par M. C... ainsi qu'une attestation de ce dernier, en date du 16 janvier 1987, selon laquelle il aurait versé à M. A... 165 000 F en remboursement de sommes qu'il lui devait depuis quelques années, sans précision de la date de ce versement ni de celle du prêt, ces documents ne permettaient pas de corroborer ni même de vérifier les allégations de M. A... ; que, dans ces conditions, l'administration a pu à bon droit regarder M. A... comme ayant refusé de répondre à sa demande de justification concernant les remboursements de prêts et le taxer d'office à l'impôt sur le revenu sur les crédits bancaires correspondants en application des dispositions ci-dessus mentionnées de l'article L.69 du livre des procédures fiscales au titre des années 1981 à 1983 ;
Considérant, en quatrième lieu, que le requérant ne saurait utilement se prévaloir de la doctrine contenue dans le commentaire d'un arrêt du Conseil d'Etat du 3 juillet 1974 publié au BO du 13 avril 1975, qui ne comporte aucune interprétation de la loi fiscale autre que celle dont il a été question ci-dessus ;
En ce qui concerne le moyen tiré de l'absence de prise en compte d'un livret de caisse d'épargne :
Considérant que si M. A... soutient que la VASFE est irrégulière du fait que l'administration n'a pas pris en compte le livret qu'il détenait à la caisse d'épargne, un tel moyen est inopérant dès lors que cette omission résulte du fait que l'intéressé a laissé le vérificateur dans l'ignorance de l'existence dudit compte ; qu'il a d'ailleurs pu, en cours d'instance, faire valoir tous moyens relatifs à l'incidence de ce compte ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède que le requérant n'est pas fondé à soutenir que la procédure d'imposition est irrégulière ;
Sur le bien-fondé des impositions :
Considérant, en premier lieu, qu'il résulte de l'instruction que les sommes que l'administration a demandé à M. A... de justifier le 30 avril 1985 s'élevaient à 238 186 F, 361 238 F, 498 512 F et 127 898 F au titre respectivement des années 1981, 1982, 1983 et 1984 ; que l'intéressé a fourni des justifications qui ont été admises à concurrence de 3 940 F pour 1981, 78 557 F pour 1982, 180 803 F pour 1983 et 96 113 F pour 1984 ; qu'ont été en revanche regardées comme dépourvues de toutes justification et taxables d'office immédiatement les sommes de 68 268 F pour 1981, de 50 798 F pour 1982, de 33 804 F pour 1983 et de 31 785 F pour 1984 ; que M. A... ayant, pour les versements restant en litige, apporté des commencements de preuve de remboursements de prêts, l'administration l'a invité, par une demande du 19 septembre 1985 qui ne se substitue pas à la demande initiale, à établir la réalité de ces prêts et à lui donner des éclaircissements sur des versements en espèces d'un montant de 232 278 F sur son compte bancaire en 1983 ; qu'en réponse à cette demande, l'intéressé n'a pu justifier que de 9 182 F pour 1982 et de 43 984 F pour 1983 ; que les sommes taxées d'office comme revenus d'origine indéterminée s'élevant à 234 246 F au titre de 1981, à 273 499 F au titre de 1982, à 506 463 F au titre de 1983 et à 31 785 F au titre de 1984, il n'existe, contrairement à ce qu'affirme M. A..., aucun écart entre le montant des revenus non justifiés et celui des revenus taxés ;

Considérant, en deuxième lieu, qu'il ressort des termes des demandes de justifications des 30 avril et 19 septembre 1985 que les sommes devant être justifiées correspondaient à des crédits bancaires dont les montants ainsi que les dates de versement étaient individualisés ; que M. A... ne peut donc sérieusement soutenir qu'il ignorait le mode de détermination par l'administration des sommes à justifier ;
Considérant, en troisième lieu, que M. A... soutient que les sommes taxées d'office ne constituaient pas des revenus ; que s'il allègue que ses crédits bancaires auraient pour origine les retraits opérés sur son livret de caisse d'épargne au cours des années 1981 à 1983, il ne résulte pas de l'instruction, compte tenu des dates et des montants desdits retraits, qu'une corrélation puisse être regardée comme établie entre ces retraits et les sommes taxées d'office ; qu'il ne produit aucun élément susceptible de prouver que les sommes taxées correspondraient, pour partie, à des remboursements de prêts consentis à M. Z... ; que ni les copies d'un chèque et d'une traite d'un montant respectif de 100 000 F qui lui ont été remis en 1974 et 1975 par M. C..., ni l'attestation imprécise rédigée par ce dernier en 1987, ne démontrent l'existence d'un prêt de 200 000 F qu'il lui aurait accordé en 1974 et par conséquent la nature de remboursement du versement de 165 000 F effectué en espèces le 27 avril 1983 ; que la réalité de la vente d'une partie de son mobilier en 1982 et 1983 n'est pas établie par une attestation d'un commerçant dont il ressort seulement que M. A... lui avait acheté du mobilier au cours des années 1975 et 1976 ; que si M. A... fait valoir que la somme de 60 000 F déposée en espèces sur son compte bancaire le 4 juin 1982 proviendrait d'un retrait de 70 000 F effectué la veille, faute de produire un document bancaire révélant l'existence de ce retrait, il ne l'établit pas ; que, l'administration ayant abandonné les redressements relatifs aux sommes qu'il a reversées à l'association Keren X...
Y... (KKL) et à la société AMAP, les moyens les concernant sont inopérants ;
Considérant qu'il résulte de ce qui précède que M. A... ne démontre pas que les sommes taxées n'avaient pas le caractère de revenus ;
Considérant, en quatrième lieu, que M. A... soutient que son imposition devait, au titre des années 1983 et 1984, être calculée en retenant trois parts puisque ses deux enfants majeurs, qui étaient étudiants, se trouvaient à sa charge ; que, toutefois, il ne résulte pas de l'instruction que l'intéressé aurait demandé, dans le délai imparti pour souscrire la déclaration du revenu global, le rattachement de ses enfants majeurs à son foyer fiscal ; que, dans ces conditions, son moyen relatif au quotient familial doit être écarté ; que, par suite, il n'est pas fondé à soutenir que le montant du complément d'imposition litigieux est exagéré ;
Sur les pénalités exclusives de bonne foi :

Considérant, en premier lieu, qu'il résulte de l'instruction, que par notifications des 17 décembre 1985 et 3 avril 1986, en ce qui concerne respectivement l'année 1981 et les autres années en litige, l'administration a informé M. A... des motifs pour lesquels les impositions seraient assorties des majorations prévues par l'article 1729 du code général des impôts lorsque la bonne foi du contribuable ne peut être retenue ;
Considérant, en deuxième lieu, que dans les circonstances de l'espèce, l'administration établit l'absence de bonne foi de M. A... en faisant référence au caractère répété et à l'importance des omissions de revenus ; que, dans ces conditions, M. A... n'est pas fondé à demander la décharge des pénalités dont l'imposition en litige a été assortie ;
Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que M. A... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Rouen a rejeté sa demande ;
Sur les conclusions tendant au remboursement des frais exposés :
Considérant que si M. A... demande, sur le fondement des dispositions de l'article R.207-1 du livre des procédures fiscales, le remboursement des frais exposés dans le cadre de l'instance, il ne justifie d'aucun frais de la nature de ceux qui ouvrent droit à remboursement ; que sa demande doit, en conséquence, et en tout état de cause être rejetée ;
Considérant que dans la mesure où les conclusions de l'intéressé pourraient être regardées comme fondées également sur les dispositions de l'article L.8-1 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel, en l'absence de chiffrage, elles devraient être, en tout état de cause, rejetées ;
Article 1er - La requête de M. A... est rejetée.
Article 2 - Le présent arrêt sera notifié à M. A... et au ministre de l'économie et des finances.


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nantes
Formation : 2e chambre
Numéro d'arrêt : 93NT00770
Date de la décision : 27/03/1996
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux fiscal

Analyses

CONTRIBUTIONS ET TAXES - GENERALITES - REGLES GENERALES D'ETABLISSEMENT DE L'IMPOT - CONTROLE FISCAL - VERIFICATION APPROFONDIE DE SITUATION FISCALE D'ENSEMBLE (OU ESFP).

CONTRIBUTIONS ET TAXES - GENERALITES - AMENDES - PENALITES - MAJORATIONS - PENALITES POUR MAUVAISE FOI.

CONTRIBUTIONS ET TAXES - IMPOTS SUR LES REVENUS ET BENEFICES - REGLES GENERALES - IMPOT SUR LE REVENU - ETABLISSEMENT DE L'IMPOT - TAXATION D'OFFICE - POUR DEFAUT DE REPONSE A UNE DEMANDE DE JUSTIFICATIONS (ARTICLES L - 16 ET L - 69 DU LIVRE DES PROCEDURES FISCALES).


Références :

CGI 1729
CGI Livre des procédures fiscales L48, L16, L69, R207-1
CGIAN4 23 L
Code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel L8-1


Composition du Tribunal
Rapporteur ?: Mme Devillers
Rapporteur public ?: M. Cadenat

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nantes;arret;1996-03-27;93nt00770 ?
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