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20/06/2000 | FRANCE | N°98NT02277

France | France, Cour administrative d'appel de Nantes, 3e chambre, 20 juin 2000, 98NT02277


Vu le recours du ministre de l'intérieur, enregistré au greffe de la Cour le 14 septembre 1998 ;
Le ministre de l'intérieur demande à la Cour :
1 ) d'annuler le jugement nos 972175 - 972218 du 25 juin 1998 par lequel le Tribunal administratif d'Orléans a annulé, à la demande de M. Djordje X..., l'arrêté du 16 septembre 1997 prononçant l'expulsion de ce dernier du territoire français ;
2 ) de rejeter la demande présentée par M. Djordje X... devant le Tribunal administratif d'Orléans ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu la Convention européenne de sauvegarde

des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
Vu l'ordonnance n 45-2...

Vu le recours du ministre de l'intérieur, enregistré au greffe de la Cour le 14 septembre 1998 ;
Le ministre de l'intérieur demande à la Cour :
1 ) d'annuler le jugement nos 972175 - 972218 du 25 juin 1998 par lequel le Tribunal administratif d'Orléans a annulé, à la demande de M. Djordje X..., l'arrêté du 16 septembre 1997 prononçant l'expulsion de ce dernier du territoire français ;
2 ) de rejeter la demande présentée par M. Djordje X... devant le Tribunal administratif d'Orléans ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
Vu l'ordonnance n 45-2658 du 2 novembre 1945 relative aux conditions d'entrée et de séjour des étrangers en France ;
Vu le décret n 82-440 du 26 mai 1982 portant application des articles 24 et 33 de l'ordonnance susvisée n 45-2658 du 2 novembre 1945 ;
Vu le code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;
Vu la loi n 87-1127 du 31 décembre 1987 ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 23 mai 2000 :
- le rapport de M. LAINE, premier conseiller,
- et les conclusions de Mme COËNT-BOCHARD, commissaire du gouvernement ;

Considérant qu'aux termes de l'article 8 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : "1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. - 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sécurité publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui" ;
Considérant que M. Djordje X... est arrivé de Yougoslavie en France en 1973, à l'âge de huit ans, et y réside depuis lors avec toute sa famille proche, dont un frère, de nationalité française ; qu'il ressort des pièces du dossier qu'il a commis, outre des violences volontaires en août 1990 et des vols en janvier et avril 1992, plusieurs infractions à la législation sur les stupéfiants de 1989 à 1996 qui lui ont valu diverses condamnations, notamment, en dernier lieu, une peine d'emprisonnement de quatre ans pour usage et commerce d'héroïne ; qu'eu égard à la nature de ces faits et à leur gravité, qui n'est pas atténuée par l'état de dépendance toxicomaniaque invoqué par l'intéressé, la mesure d'expulsion prise à son encontre n'a pas porté au droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée à ce qui était nécessaire à la préservation de l'ordre public en vue duquel elle a été décidée, et n'a pas ainsi méconnu les stipulations précitées de l'article 8 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; que, par suite, c'est à tort que le Tribunal administratif d'Orléans s'est fondé sur une telle méconnaissance pour annuler la décision du ministre de l'intérieur du 16 septembre 1997 prononçant l'expulsion de M. X... ;
Considérant, toutefois, qu'il appartient à la Cour administrative d'appel, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par M. X... devant le Tribunal administratif d'Orléans ;
Considérant que, Mme Claudine Y..., signataire de la décision contestée du 16 septembre 1997 ayant reçu délégation par un arrêté du ministre de l'intérieur du 5 juin 1997, publié au Journal officiel de la République française du 10 juin, le moyen tiré de l'incompétence du signataire de l'arrêté attaqué manque en fait ;

Considérant que l'avis défavorable émis par la commission départementale d'expulsion ne peut être utilement invoqué, dès lors qu'il ne liait pas le ministre ; que la prétendue méconnaissance de la circulaire du ministre de l'intérieur du 8 septembre 1993, laquelle est dénuée de tout caractère réglementaire, est également sans influence sur la légalité de la décision attaquée ; qu'est encore inopérant le fait que M. X... entrerait dans le champ d'application du 3 de l'article 25 de l'ordonnance du 2 novembre 1945 susvisée, et ne pourrait faire l'objet d'un arrêté d'expulsion, dès lors qu'aux termes de l'article 26 du même texte, sur le fondement duquel a été prise la décision litigieuse : "L'expulsion peut être prononcée : ...b) Lorsqu'elle constitue une nécessité impérieuse pour la sûreté de l'Etat ou la sécurité publique, par dérogation à l'article 25 ..." ;
Considérant, enfin, que compte tenu de la gravité du comportement délictueux de M. X..., et nonobstant le fait que celui-ci envisageait d'effectuer une cure de désintoxication, le ministre de l'intérieur a pu estimer, sans commettre d'erreur d'appréciation, que son expulsion constituait une nécessité impérieuse pour la sécurité publique, qui, contrairement à ce que soutient le requérant, ne vise pas uniquement le cas des étrangers coupables d'activités terroristes ;
Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que le ministre de l'intérieur est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif d'Orléans a annulé son arrêté du 16 septembre 1997 prononçant l'expulsion de M. X... ;
Article 1er : Le jugement du Tribunal administratif d'Orléans du 25 juin 1998 est annulé.
Article 2 : La demande présentée par M. Djordje X... devant le Tribunal administratif d'Orléans est rejetée.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié au ministre de l'intérieur et à M. Djordje X....


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nantes
Formation : 3e chambre
Numéro d'arrêt : 98NT02277
Date de la décision : 20/06/2000
Type d'affaire : Administrative

Analyses

DROITS CIVILS ET INDIVIDUELS - CONVENTION EUROPEENNE DES DROITS DE L'HOMME - DROITS GARANTIS PAR LA CONVENTION - DROIT AU RESPECT DE LA VIE FAMILIALE (ART - 8) - VIOLATION - EXPULSION.

ETRANGERS - EXPULSION - MOTIFS.

ETRANGERS - EXPULSION - DROIT AU RESPECT DE LA VIE FAMILIALE.


Références :

Ordonnance 45-2658 du 02 novembre 1945 art. 25


Composition du Tribunal
Rapporteur ?: M. LAINE
Rapporteur public ?: Mme COËNT-BOCHARD

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nantes;arret;2000-06-20;98nt02277 ?
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