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03/02/2004 | FRANCE | N°03NT00290

France | France, Cour administrative d'appel de Nantes, 2eme chambre, 03 février 2004, 03NT00290


Vu la requête enregistrée au greffe de la Cour le 27 février 2003, présentée pour Mme Maryvonne X, demeurant ..., par Me CAZIN, avocat au barreau de Paris ;

Mme X demande à la Cour :

1°) de réformer le jugement n° 99-2582 du 6 janvier 2003 par lequel le Tribunal administratif de Rennes a condamné l'Etablissement français du sang à lui verser une indemnité de 20 000 euros, qu'elle estime insuffisante, en réparation des conséquences dommageables de sa contamination par le virus de l'hépatite C, lors de transfusions pratiquées au centre hospitalier de Saint-Brieuc e

n juillet 1987 ;

2°) de condamner l'Etablissement français du sang à lui ve...

Vu la requête enregistrée au greffe de la Cour le 27 février 2003, présentée pour Mme Maryvonne X, demeurant ..., par Me CAZIN, avocat au barreau de Paris ;

Mme X demande à la Cour :

1°) de réformer le jugement n° 99-2582 du 6 janvier 2003 par lequel le Tribunal administratif de Rennes a condamné l'Etablissement français du sang à lui verser une indemnité de 20 000 euros, qu'elle estime insuffisante, en réparation des conséquences dommageables de sa contamination par le virus de l'hépatite C, lors de transfusions pratiquées au centre hospitalier de Saint-Brieuc en juillet 1987 ;

2°) de condamner l'Etablissement français du sang à lui verser la somme de 437 666,38 euros en réparation des préjudices subis ;

3°) de condamner l'Etablissement français du sang à lui verser une somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

.................................................................................................................

C CNIJ n° 60-02-01-01-02-02-03

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code de la sécurité sociale ;

Vu le code de la santé publique ;

Vu la loi n° 52-854 du 21 janvier 1952, modifiée, relative aux établissements agréés en vue de la préparation des produits sanguins ;

Vu la loi n° 2002-303 du 4 mars 2002, notamment, son article 102 ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 6 janvier 2004 :

- le rapport de Mme WEBER-SEBAN, premier conseiller,

- les observations de Me CAZIN, avocat de Mme X,

- les observations de Me LEROI, substituant Me BILLAUD, avocat de l'Etablissement français du sang ;

- et les conclusions de M. COËNT, commissaire du gouvernement ;

Considérant que Mme X a subi, le 9 et le 18 juillet 1987, au centre hospitalier de Saint-Brieuc (Côtes-d'Armor), une transfusion sanguine à l'occasion d'une intervention chirurgicale ; que l'intéressée, dont la contamination par le virus de l'hépatite C a été découverte en janvier 1997, a saisi le Tribunal administratif de Rennes d'une demande tendant à ce que le centre de transfusion sanguine de Saint-Brieuc, fournisseur des produits sanguins, soit condamné à l'indemniser du préjudice subi ; que Mme X interjette appel du jugement du 6 janvier 2003 du tribunal administratif en tant qu'il n'a pas fait entièrement droit à sa demande d'indemnité ; que, par la voie de l'appel incident, l'Etablissement français du sang, venant aux droits du centre de transfusion sanguine de Saint-Brieuc, demande l'annulation du jugement attaqué en contestant le lien de causalité entre les transfusions subies par Mme X et sa contamination par le virus de l'hépatite C ; que, pour sa part, la Caisse primaire d'assurance maladie des Côtes-d'Armor demande l'annulation du jugement attaqué en tant qu'il n'a fait que partiellement droit à sa demande de condamnation de l'Etablissement français du sang à lui rembourser ses débours envers son assurée sociale ;

Sur la régularité du jugement attaqué :

Considérant que Mme X soutient que les premiers juges ont omis de statuer sur ses conclusions aux fins de versement des intérêts au taux légal de la somme de 20 000 euros que l'Etablissement français du sang a été condamné à lui verser et de capitalisation desdits intérêts ; que, toutefois, il résulte des termes mêmes du jugement attaqué que cette somme a été fixée tous intérêts compris ; qu'ainsi, contrairement à ce que soutient Mme X, le jugement attaqué n'est pas entaché d'une omission à statuer sur lesdites conclusions ;

Sur la responsabilité :

Considérant qu'en vertu de la loi du 21 janvier 1952 modifiée par la loi du 2 août 1961, les centres de transfusion ont le monopole des opérations de contrôle médical des prélèvements sanguins, du traitement, du conditionnement et de la fourniture aux utilisateurs des produits sanguins ; qu'eu égard, tant à la mission qui leur est ainsi confiée qu'aux risques que présente la fourniture de produits sanguins, les centres de transfusion sont responsables, même en l'absence de faute, des conséquences dommageables de la mauvaise qualité des produits fournis ;

Considérant qu'aux termes de l'article 102 de la loi du 4 mars 2002 susvisée : En cas de contestation relative à l'imputabilité d'une contamination par le virus de l'hépatite C antérieure à la date d'entrée en vigueur de la présente loi, le demandeur apporte des éléments qui permettent de présumer que cette contamination a pour origine une transfusion de produits sanguins labiles ou une injection de médicaments dérivés du sang. Au vu de ces éléments, il incombe à la partie défenderesse de prouver que cette transfusion ou cette injection n'est pas à l'origine de la contamination. Le juge forme sa conviction après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d'instruction qu'il estime utiles. Le doute profite au demandeur. Cette disposition est applicable aux instances en cours n'ayant pas donné lieu à une décision irrévocable. ;

Considérant qu'il résulte de l'instruction et notamment, du rapport de l'expert désigné par le juge des référés du Tribunal administratif de Rennes que Mme X a reçu, au cours des transfusions réalisées au centre hospitalier de Saint-Brieuc, six culots globulaires dont l'un émane d'un donneur qui présentait en 1998 une sérologie positive au virus de l'hépatite C, dont l'expert n'a pu obtenir, malgré ses demandes, le génotype ; qu'ainsi, l'Etablissement français du sang, qui se borne à faire valoir que Mme X a fait l'objet de soins dentaires répétés et de nombreuses interventions chirurgicales entre 1972 et 1992, ce qui la rendait sujette statistiquement à une contamination par voie d'infection nosocomiale, sans faire état d'aucun élément propre aux modalités d'intervention de ces soins permettant d'établir une telle contamination, ne démontre pas l'innocuité des produits sanguins qui ont été transfusés à l'intéressée en juillet 1987 au centre hospitalier de Saint-Brieuc ; que, par suite, l'Etablissement français du sang n'est pas fondé à soutenir, par la voie de l'appel incident, que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Rennes l'a déclaré responsable de la contamination de Mme X par le virus de l'hépatite C ;

Sur la réparation :

Considérant qu'il résulte de l'instruction et notamment, du rapport d'expertise précité, que Mme X, qui n'a pas suivi de traitement spécifique lié à sa contamination par l'hépatite C, reste atteinte d'une incapacité partielle permanente de 20 % due, notamment, à sa grande fatigabilité et qu'elle a enduré des souffrances évaluées à 2,5 dans une échelle de 7 ; que s'il résulte de l'attestation du 1er mars 1999 de son dernier employeur, que l'état de fatigue dans lequel elle se trouvait l'a conduite à démissionner en 1989 de son poste de vendeuse à temps partiel dans une boulangerie, l'intéressée qui ne présentait pas, à la date de son examen par l'expert, en 2000, de signe clinique patent de la maladie, n'établit pas que l'hépatite non active dont elle était atteinte l'aurait placée dans l'impossibilité d'exercer, ultérieurement, une activité professionnelle ; que, toutefois, compte tenu des éléments qui précèdent, il sera fait une juste appréciation des troubles de toutes natures éprouvés par Mme X dans ses conditions et moyens d'existence du fait de sa contamination, en portant à 30 000 euros le montant de la réparation qui lui a été allouée par le Tribunal administratif de Rennes ;

Sur les droits de la Caisse primaire d'assurance maladie des Côtes-d'Armor :

Considérant que par le jugement attaqué, le tribunal a, d'une part, fait droit à la demande de la Caisse primaire d'assurance maladie des Côtes-d'Armor tendant à ce que l'Etablissement français du sang soit condamné à lui payer la somme de 1 328,81 euros en remboursement des frais d'hospitalisation et des frais médicaux et pharmaceutiques qu'elle a engagés pour le compte de son assurée, Mme X, pendant la période comprise entre les mois de février 1997 et d'avril 2001, d'autre part, rejeté ses conclusions tendant à ce qu'il lui soit donné acte de ses réserves concernant des débours ultérieurs ; que si, en appel, la Caisse primaire d'assurance maladie demande le versement d'une somme supplémentaire d'un montant total de 616,37 euros, il résulte de l'instruction qu'une fraction de 167 euros n'a pas été comprise dans sa demande soumise aux premiers juges alors qu'elle correspondait à des débours exposés postérieurement au mois d'avril 2001 et antérieurement au jugement attaqué, et que l'autre fraction de 449,37 euros concerne des frais futurs dont il n'est pas établi, ni même allégué, qu'ils résulteraient d'une aggravation de l'état de santé de Mme X ; qu'ainsi, de telles conclusions ne sont pas recevables et ne peuvent qu'être rejetées de même, par voie de conséquence, que celles relatives à la majoration de l'indemnité forfaitaire prévue par l'article L. 376-1 du code de la santé publique ;

Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

Considérant, d'une part, que ces dispositions font obstacle à ce que Mme X, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, soit condamnée à payer à l'Etablissement français du sang la somme qu'il demande au titre des frais exposés et non compris dans les dépens ; qu'il y a lieu, d'autre part, dans les circonstances de l'espèce, en application de ces mêmes dispositions, de condamner l'Etablissement français du sang à payer à Mme X une somme de 1 000 euros au titre des frais de même nature exposés par cette dernière ;

DÉCIDE :

Article 1er : La somme que l'Etablissement français du sang a été condamné à payer à Mme X par le jugement du 6 janvier 2003 du Tribunal administratif de Rennes est portée à 30 000 euros (trente mille euros).

Article 2 : Le jugement du 6 janvier 2003 du Tribunal administratif de Rennes est réformé en ce qu'il a de contraire au présent arrêt.

Article 3 : L'Etablissement français du sang versera à Mme X, une somme de 1 000 euros (mille euros) au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : Le surplus des conclusions de Mme X, les conclusions de la Caisse primaire d'assurance maladie des Côtes-d'Armor et les conclusions incidentes de l'Etablissement français du sang, sont rejetés.

Article 5 : Les conclusions de l'Etablissement français du sang tendant au bénéfice des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 6 : Le présent arrêt sera notifié à Mme Maryvonne X, à l'Etablissement français du sang, à la Caisse primaire d'assurance maladie des Côtes-d'Armor et au ministre de la santé, de la famille et des personnes handicapées.

- 2 -


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nantes
Formation : 2eme chambre
Numéro d'arrêt : 03NT00290
Date de la décision : 03/02/2004
Sens de l'arrêt : Satisfaction partielle
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : M. DUPUY
Rapporteur ?: Mme Catherine WEBER-SEBAN
Rapporteur public ?: M. COENT
Avocat(s) : CAZIN

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nantes;arret;2004-02-03;03nt00290 ?
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