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26/05/2004 | FRANCE | N°02NT01309

France | France, Cour administrative d'appel de Nantes, 1ere chambre, 26 mai 2004, 02NT01309


Vu la requête, enregistrée au greffe de la Cour le 8 août 2002, présentée pour M. Daniel X, demeurant ..., par Me BERTRAND, avocat au barreau de Paris ;

M. Daniel X demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 01.1866, en date du 6 juin 2002, par lequel le Tribunal administratif de Caen a rejeté sa demande tendant à la réduction de la cotisation supplémentaire d'impôt sur le revenu à laquelle il a été assujetti au titre de l'année 1999 ;

2°) de prononcer la décharge de l'imposition contestée ;

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B CNIJ n° 54-06-04-02

n° ...

Vu la requête, enregistrée au greffe de la Cour le 8 août 2002, présentée pour M. Daniel X, demeurant ..., par Me BERTRAND, avocat au barreau de Paris ;

M. Daniel X demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 01.1866, en date du 6 juin 2002, par lequel le Tribunal administratif de Caen a rejeté sa demande tendant à la réduction de la cotisation supplémentaire d'impôt sur le revenu à laquelle il a été assujetti au titre de l'année 1999 ;

2°) de prononcer la décharge de l'imposition contestée ;

.............................................................................................................

B CNIJ n° 54-06-04-02

n° 19-01-03-02-02

n° 19-04-02-07-01

n° 19-01-01-03-02

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

Vu le code du travail ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 28 avril 2004 :

- le rapport de M. MARTIN, premier conseiller,

- et les conclusions de M. LALAUZE, commissaire du gouvernement ;

Considérant que M. X a été recruté le 1er juillet 1994 par le Racing Club de Strasbourg en qualité d'entraîneur professionnel de football en vertu d'un contrat de travail se terminant le 30 juin 1997 ; que le contrat a été rompu unilatéralement le 6 avril 1995 par le club pour faute lourde et grave ; qu'estimant cette rupture injustifiée, M. X a saisi le Conseil de Prud'hommes de Strasbourg, lequel a, par un jugement du 24 septembre 1996, d'une part, qualifié le contrat de travail de contrat à durée indéterminée, d'autre part, dit que la rupture dudit contrat ne reposait sur aucune cause réelle et sérieuse, enfin, condamné le club à verser à M. X diverses indemnités ; que nonobstant la circonstance que celui-ci, ainsi que le club, ont fait appel de ce jugement, une somme de 1 577 997 F a été versée en 1997 par le club au requérant au titre de l'exécution provisoire du jugement ; que, par un arrêt du 6 mai 1999, la Cour d'appel de Colmar a requalifié le contrat de travail de contrat à durée déterminée, dit qu'aucune faute ne pouvait être reprochée à M. X et a substitué aux diverses indemnités allouées par le Conseil de Prud'hommes une indemnité unique, sur le fondement de l'article L.122-3-8 du code du travail, de 6 500 000 F ; qu'en exécution de cet arrêt, M. X a perçu en 1999 le reliquat d'indemnité lui revenant, assorti des intérêts légaux, pour un total de 5 088 945, 61 F ; qu'il n'a pas déclaré cette somme dans sa déclaration de revenus au titre de l'année 1999 ; que l'administration a regardé cette indemnité comme représentative, à hauteur de 4 963 059 F, de salaires imposables, et, à hauteur de 110 552 F, d'intérêts imposables dans la catégorie des revenus de capitaux mobiliers, alors que M. X a estimé que l'indemnité avait le caractère de dommages et intérêts non imposables ; que celui-ci fait appel du jugement en date du 6 juin 2002 par lequel le Tribunal administratif de Caen a rejeté sa demande tendant à la décharge du supplément d'impôt sur le revenu auquel il a été assujetti, au titre de l'année 1999, à raison de la réintégration de la somme susindiquée de 4 963 059 F dans ses revenus imposables dans la catégorie des traitements et salaires ;

Sur la régularité du jugement :

Considérant que si M. X soutient que le jugement attaqué est insuffisamment motivé, il résulte de l'examen de ce jugement que les premiers juges, qui ne sont pas tenus de répondre à l'ensemble des arguments exposés par les parties à l'appui de leurs moyens, ont cité les dispositions législatives dont ils ont fait application et mentionné les éléments de fait propres à l'affaire qui a concouru à former leur conviction ; qu'en refusant au requérant sur le terrain de la loi fiscale le bénéfice de l'exonération qu'il demandait en application de l'article 80 duodecies du code général des impôts, le tribunal a implicitement et nécessairement écarté le moyen tiré de ce que l'administration aurait ajouté à la loi en fondant l'imposition sur l'instruction administrative du 30 mai 2000 ;

Sur la régularité de la procédure d'imposition :

Considérant que le requérant soutient que la notification de redressement en date du 30 mai 2000 ne contenait aucune mention du nom, du grade et de la signature de l'agent dont émane ce redressement mais indiquait seulement que le signataire est le responsable du centre des impôts, méconnaîtrait ainsi les dispositions des articles L.54 B et L.57 du livre des procédures fiscales ; que s'agissant de l'absence de signature, le moyen manque en fait ; qu'en ce qui concerne la mention du nom et du grade du signataire, les dispositions susmentionnées ne prévoient pas l'obligation de telles mentions dans les notifications de redressement ; que l'administration a produit en première instance les pièces établissant que le signataire de la notification de redressement remplissait les conditions de grade fixées par l'article 350 terdecies I de l'annexe III au code général des impôts ; qu'à supposer que le requérant ait entendu se prévaloir de la doctrine qui prévoit d'indiquer le grade de l'agent signataire sur les notifications de redressement, celle-ci, qui est relative à la procédure d'imposition, ne saurait être utilement invoquée sur le fondement de l'article L.80 A du livre des procédures fiscales ;

Sur le bien-fondé de l'imposition :

En ce qui concerne l'application de la loi fiscale :

Considérant qu'aux termes de l'article 80 duodecies du code général des impôts, entré en vigueur à compter du 1er janvier 1999 : 1 ... constitue une rémunération imposable toute indemnité versée à l'occasion de la rupture du contrat de travail, à l'exception des indemnités de licenciement ou de départ volontaire versées dans le cadre d'un plan de sauvegarde de l'emploi au sens des articles L.321-4 et L.321-4-1 du code du travail, des indemnités mentionnées à l'article L.122-14-4 du même code ainsi que de la fraction des indemnités de licenciement ou de mise à la retraite qui n'excède pas le montant prévu par la convention collective de branche, par l'accord professionnel et interprofessionnel ou à défaut par la loi. La fraction des indemnités de licenciement ou de mise à la retraite exonérée en application du premier alinéa ne peut être inférieure ni à 50 % de leur montant ni à deux fois le montant de la rémunération annuelle brute perçue par le salarié au cours de l'année civile précédant la rupture de son contrat de travail, dans la limite de la moitié ou, pour les indemnités de mise à la retraite, du quart de la première tranche du tarif de l'impôt sur la fortune fixé à l'article 885 U. ;

Considérant que le requérant soutient que la fraction de l'indemnité en litige, qu'il a perçue en 1999, ne rentre pas dans le champ d'application des dispositions précitées au motif qu'elles ne visent pas expressément les indemnités versées dans le cadre d'une rupture abusive d'un contrat de travail à durée déterminée lesquelles sont qualifiées par la loi de dommages et intérêts ; que toutefois, dès lors que le législateur a prévu que ces dispositions s'appliquaient à toute indemnité versée à l'occasion de la rupture du contrat de travail, sans établir de distinction entre les contrats en fonction de leur durée, nonobstant la circonstance que les travaux parlementaires ayant précédé l'adoption de la loi de finances du 30 décembre 2000, d'où est issu l'article 80 duodecies, ne fassent pas mention de l'article L.122-3-8 du code du travail, le moyen doit être écarté ; qu'il suit de là que l'administration a pu à bon droit, sans ajouter à la loi, regarder la fraction de l'indemnité en litige comme entrant dans les prévisions dudit article ;

Considérant que M. X soutient que la fraction d'indemnité qui lui a été versée, si elle est regardée comme entrant dans le champ d'application de l'article 80 duodecies, constitue au sens de cet article une indemnité de licenciement dont la loi fixe le montant minimal ; qu'elle fait ainsi partie des indemnités qui, selon les dispositions précitées dudit article, échappent au moins en partie au principe d'imposition des indemnités versées à l'occasion de la rupture du contrat de travail ; qu'il fait valoir que la fraction de l'indemnité en litige doit ainsi être exonérée dans la limite légale qui lui est la plus favorable, à savoir la moitié de la première tranche du tarif de l'impôt de solidarité sur la fortune ; que l'administration fait valoir au contraire que l'exception au principe de l'imposition prévue par l'article 80 duodecies 1 pour la fraction des indemnités de licenciement qui n'excède pas le montant prévu par la loi ne s'applique pas aux réparations dues par l'employeur en application des dispositions de l'article L.122-3-8 du code du travail ;

Considérant que les dommages et intérêts qui sanctionnent, en vertu des dispositions de l'article L.122-3-8 du code du travail, la rupture anticipée injustifiée d'un contrat de travail à durée déterminée par l'une ou l'autre des parties, ne constituent pas une indemnité de licenciement au sens des dispositions précitées de l'article 80 duodecies 1 du code général des impôts et ne sauraient ouvrir droit à exonération en application desdites dispositions ;

Considérant que le moyen tiré par M. X de ce qu'il a perçu des allocations Assedic après la cessation de ses fonctions d'entraîneur est sans incidence sur l'appréciation par le juge de l'impôt du caractère imposable de la somme en cause ;

Considérant qu'il résulte de ce qui a été dit ci-dessus que l'indemnité litigieuse est intégralement imposable en vertu de la loi fiscale ; que M. X ne saurait utilement se prévaloir devant le juge de l'impôt qui n'est pas juge de la constitutionnalité des lois d'une prétendue violation du principe de l'égalité devant l'impôt du fait que le régime fiscal auquel sont soumises les indemnités versées à l'occasion de la rupture du contrat de travail diffère selon que le contrat est à durée déterminée ou indéterminée ;

En ce qui concerne le bénéfice de l'interprétation de la loi fiscale donnée par l'administration :

Considérant que le requérant n'est pas fondé en tout état de cause à invoquer des doctrines relatives au régime d'imposition des indemnités versées à l'occasion d'une rupture du contrat de travail antérieures à l'entrée en vigueur de l'article 80 duodecies qui ne comportent aucune interprétation de cet article ; qu'en revanche, il doit être regardé comme étant fondé à se prévaloir, sur le fondement de l'article L.80 A du livre des procédures fiscales, de l'instruction administrative du 30 mai 2000 (5 F 8 00 n° 5) publiée le 26 juin 2000, selon laquelle, s'agissant des indemnités versées sur le fondement de l'article L.122.3.8 du code du travail considérées comme imposables à concurrence de leur montant minimum qui correspond aux rémunérations que le salarié concerné aurait perçues jusqu'au terme du contrat, il sera admis que l'excédent éventuel soit soumis au régime des indemnités de licenciement, c'est à dire soit exonéré dans les conditions et limites prévues par le second alinéa du 1 de l'article 80 duodecies ;

Considérant qu'il résulte de l'instruction, et en particulier de l'arrêt de la Cour d'appel de Colmar précité, que l'indemnité d'un montant total de 6 500 000 F a eu pour objet, d'une part, de compenser, à hauteur de 3 546 521 F, la perte de la rémunération fixe, prime d'animation comprise, que M. X aurait perçue si son contrat était allé à son terme, d'autre part, de réparer la perte de chance de percevoir les autres primes mentionnées dans le contrat de travail sans que le montant alloué à ce titre soit borné à la moyenne des primes perçues durant la période d'exécution du contrat rapportée à la période restant à courir, soit 1 493 991 F, enfin, d'indemniser le préjudice moral et professionnel nécessairement subi par l'intéressé à raison de l'atteinte portée à sa notoriété professionnelle et de la nécessité pour lui de retrouver un emploi ; qu'il sera fait en fonction de ces indications données dans l'arrêt une juste application de l'instruction administrative précitée, en fixant à 1 300 000 F la part de l'indemnité décidée par la Cour d'appel qui excède le montant des rémunérations que le requérant aurait perçues jusqu'au terme de son contrat ; que, cette somme correspondant à 20 % du montant de l'indemnité totale, M. X est fondé à obtenir que la fraction d'indemnité réintégrée dans ses revenus dans la catégorie des traitements et salaires au titre de l'année 1999, d'un montant de 4 963 059 F, soit exonérée à hauteur de 20 % de son montant, soit 992 612 F (151 322,72 euros) ;

Considérant, enfin, que M. X sollicite l'application de l'abattement de 20 % à la base d'imposition constituée par la fraction de l'indemnité en litige, prévu par l'article 158, 5, a du code général des impôts, dont le bénéfice lui a été refusé par l'administration au motif qu'il n'a pas déclaré spontanément ladite somme ; qu'il soutient que la circonstance qu'il a spontanément porté à la connaissance de l'administration fiscale l'arrêt de la Cour d'appel de Colmar susmentionné du 6 mai 1999 doit le faire regarder comme ayant déclaré spontanément la part de l'indemnité qu'il a perçue en 1999 ; qu'il est constant cependant qu'il n'a pas mentionné cette part sur sa déclaration de revenus souscrite au titre de l'année 1999 ; que s'il a communiqué l'arrêt de la Cour d'appel à l'administration pour tenter de faire reconnaître le caractère non imposable de l'indemnité, il ne peut pas, pour autant, être regardé comme ayant satisfait aux conditions prévues par l'article 158, 5, a du code pour bénéficier de l'abattement ; que le moyen doit, par suite, être écarté ;

Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que M. X est seulement fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Caen a rejeté la totalité de sa demande ;

DÉCIDE :

Article 1er :

La base du complément d'impôt sur le revenu auquel M. Daniel X a été assujetti au titre de l'année 1999 dans la catégorie des traitements et salaires est réduite d'un montant de 151 322,72 euros (cent cinquante et un mille trois cent vingt deux euros soixante douze centimes).

Article 2 :

M. Daniel X est déchargé des cotisations à l'impôt sur le revenu correspondant à la réduction de la base d'imposition définie à l'article 1er ci-dessus.

Article 3 :

Le jugement du Tribunal administratif de Caen en date du 6 juin 2002 est réformé en ce qu'il a de contraire au présent arrêt.

Article 4 :

Le surplus des conclusions de la requête de M. Daniel X est rejeté.

Article 5 :

Le présent arrêt sera notifié à M. Daniel X et au ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.

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Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nantes
Formation : 1ere chambre
Numéro d'arrêt : 02NT01309
Date de la décision : 26/05/2004
Sens de l'arrêt : Satisfaction partielle
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Autres

Composition du Tribunal
Président : M. LEMAI
Rapporteur ?: M. Luc MARTIN
Rapporteur public ?: M. LALAUZE
Avocat(s) : BERTRAND

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nantes;arret;2004-05-26;02nt01309 ?
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