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29/09/2005 | FRANCE | N°03NT00706

France | France, Cour administrative d'appel de Nantes, 3eme chambre, 29 septembre 2005, 03NT00706


Vu la requête, enregistrée le 12 mai 2003, présentée pour Mme Annie X, demeurant ..., par Me Cartron ; Mme Annie X demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 00-948 du 12 février 2003 du Tribunal administratif de Rennes en ce qu'il a limité à la somme de 7 500 euros l'indemnité que le centre hospitalier de Ploërmel a été condamné à lui verser en réparation des conséquences dommageables de l'intervention chirurgicale réalisée le 18 mars 1993 ;

2°) de condamner le centre hospitalier de Ploërmel à lui verser une somme globale de 31 556,95 euros en répar

ation des préjudices subis, avec intérêts au taux légal à compter du 5 décembre 199...

Vu la requête, enregistrée le 12 mai 2003, présentée pour Mme Annie X, demeurant ..., par Me Cartron ; Mme Annie X demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 00-948 du 12 février 2003 du Tribunal administratif de Rennes en ce qu'il a limité à la somme de 7 500 euros l'indemnité que le centre hospitalier de Ploërmel a été condamné à lui verser en réparation des conséquences dommageables de l'intervention chirurgicale réalisée le 18 mars 1993 ;

2°) de condamner le centre hospitalier de Ploërmel à lui verser une somme globale de 31 556,95 euros en réparation des préjudices subis, avec intérêts au taux légal à compter du 5 décembre 1997 et capitalisation à compter du 5 décembre 1998 et à chaque échéance annuelle ;

3°) de condamner le centre hospitalier de Ploërmel à lui verser une somme de 2 286,74 euros au titre de l'article L.761-1 du code de justice administrative ;

.....................................................................................................................

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code de la sécurité sociale ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 1er septembre 2005 :

- le rapport de M. Geffray, rapporteur ;

- les observations de Me Cartron, avocat de Mme X ;

- les observations de Me Clément, substituant Me Depasse, avocat du centre hospitalier de Ploërmel ;

- les conclusions de M. Millet, commissaire du gouvernement ;

Considérant que Mme X, victime d'un malaise, a appelé son médecin traitant le 17 mars 1993, lequel, envisageant une grossesse extra-utérine, l'a adressée au centre hospitalier de Ploërmel ; que Mme X y a subi une ligature de la trompe gauche la rendant définitivement stérile ; que, par un jugement du 12 février 2003, le Tribunal administratif de Rennes a déclaré le centre hospitalier de Ploërmel entièrement responsable de la stérilité de Mme X, dès lors qu'il n'avait pas recueilli son consentement préalable et qu'il n'y avait aucune nécessité thérapeutique pour procéder à cette ligature mais n'a pas retenu la responsabilité du centre hospitalier pour défaut de diagnostic décelant l'embolie pulmonaire dont Mme X a été également victime ; qu'estimant insuffisante la somme de 7 500 euros qui lui a été allouée par le Tribunal administratif en réparation des troubles dans les conditions d'existence et de son préjudice moral, Mme X demande la réformation du jugement ; que de son côté, la caisse primaire d'assurance maladie (CPAM) du Morbihan demande l'annulation du jugement en ce qu'il a rejeté sa demande tendant au remboursement de ses débours ;

Sur la responsabilité :

Considérant que le centre hospitalier de Ploërmel ne conteste pas sa responsabilité dans la survenance de la stérilité de Mme X à la suite d'une opération de ligature complémentaire de la trompe gauche qui a eu lieu sans son consentement, ni nécessité thérapeutique ; qu'il résulte de l'instruction, et notamment du rapport de l'expert médical désigné par ordonnance du juge des référés du Tribunal administratif de Rennes du 22 janvier 1998 qu'aucun lien direct entre cette ligature et les complications post-opératoires, notamment une embolie ou une atélectasie pulmonaire dont Mme X a été victime, n'est établi ; que toutefois, l'expert a relevé l'absence de diagnostic permettant de déceler l'apparition de ces complications pulmonaires, dès lors que le centre hospitalier de Ploërmel n'a ni procédé à des dosages des D-dimères plasmatiques, ni fait réaliser une scintigraphie pulmonaire lors de l'hospitalisation de la patiente du 6 au 12 avril 1993 ; que cette absence de diagnostic est constitutive d'une faute commise par le centre hospitalier qui est de nature à engager sa responsabilité envers Mme X ; que, par suite, Mme X est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Rennes n'a pas retenu cette faute ;

Sur l'évaluation du préjudice :

Considérant que, d'une part, Mme X est atteinte d'une incapacité permanente partielle évaluée par l'expert médical à 15 % en raison de sa stérilité définitive ; que, toutefois, la gravité des troubles dans les conditions de l'existence de l'intéressée, provoqués par sa stérilisation, est atténuée par les circonstances que l'intéressée est mère de deux enfants, qu'elle était âgée de quarante ans au moment de l'intervention litigieuse, qu'elle n'exprimait aucun désir d'une nouvelle grossesse et qu'elle portait d'ailleurs un stérilet avant sa stérilité ; que le préjudice dû au titre des troubles dans les conditions d'existence doit être évalué à une somme de 20 000 euros ; que, d'autre part, compte tenu de ce que l'absence de diagnostic des complications pulmonaires subies par Mme X a entraîné une incapacité temporaire totale de onze jours, soit du 6 au 16 avril 1993, et des souffrances physiques évaluées par l'expert à 3 sur une échelle de 7, le préjudice doit être fixé à ce titre à une somme de 10 000 euros ; qu'en outre, les indemnités journalières perçues par Mme X pendant la période allant du 6 avril au 20 juin 1993 se sont élevées à la somme de 1 805,76 euros et les frais médicaux, pharmaceutiques, d'appareillage, d'hospitalisation et de transport résultant directement des conséquences dommageables de l'embolie pulmonaire à la somme de 5 749,27 euros ; que le préjudice total subi par Mme X s'élève, en conséquence, à la somme de 37 555,03 euros ;

Sur les droits de la CPAM du Morbihan :

Considérant qu'aux termes de l'article L.376-1 du code de la sécurité sociale : Lorsque, sans entrer dans les cas régis par les dispositions législatives applicables aux accidents du travail, la lésion dont l'assuré ou son ayant droit est atteint est imputable à un tiers, l'assuré ou ses ayants droit conserve contre l'auteur de l'accident le droit de demander la réparation du préjudice causé conformément aux règles du droit commun, dans la mesure où ce préjudice n'est pas réparé par application du présent livre... Si la responsabilité du tiers est entière ou si elle est partagée avec la victime, la caisse est admise à poursuivre le remboursement des prestations mises à sa charge à due concurrence de la part d'indemnité mise à la charge du tiers qui répare l'atteinte à l'intégrité physique de la victime, à l'exclusion de la part d'indemnité, de caractère personnel, correspondant aux souffrances physiques ou morales par elle endurées et au préjudice esthétique et d'agrément... La personne victime, les établissements de santé, le tiers responsable et son assureur sont tenus d'informer la caisse de la survenue des lésions causées par un tiers dans des conditions fixées par décret... L'intéressé ou ses ayants droit doivent indiquer, en tout état de la procédure, la qualité d'assuré social de la victime de l'accident ainsi que les caisses de sécurité sociale auxquelles celle-ci est ou était affiliée pour les divers risques. Ils doivent appeler ces caisses en déclaration de jugement commun. A défaut du respect de l'une de ces obligations, la nullité du jugement sur le fond pourra être demandée pendant deux ans, à compter de la date à partir de laquelle ledit jugement est devenu définitif, soit à la requête du ministère public, soit à la demande des caisses de sécurité sociale intéressées ou du tiers responsable, lorsque ces derniers y auront intérêt ;

Considérant que, compte tenu, d'une part, du lien qu'établissent ces dispositions entre la détermination des droits de la victime et celle des droits de la caisse et, d'autre part, de l'obligation qu'elles instituent de mettre en cause la caisse de sécurité sociale à laquelle est affiliée la victime en tout état de la procédure afin de la mettre en mesure de poursuivre le remboursement de ses débours par l'auteur de l'accident, une caisse régulièrement mise en cause en première instance mais qui n'a pas interjeté appel dans les délais de jugement rejetant aussi bien ses conclusions que celles de la victime tendant à la condamnation de l'auteur de l'accident est néanmoins recevable à reprendre ses conclusions tendant au remboursement de ses frais, augmentés le cas échéant des prestations nouvelles servies depuis l'intervention du jugement de première instance, lorsque la victime a elle-même régulièrement exercé cette voie de recours ;

Considérant qu'il suit de là que la caisse primaire d'assurance maladie du Morbihan est recevable à demander, par un mémoire enregistré après l'expiration du délai d'appel, le remboursement des débours résultant pour elle de l'embolie pulmonaire subie par son assurée ; que la caisse justifie de débours s'élevant à la somme de 7 555,03 euros au titre des indemnités journalières et frais médicaux, pharmaceutiques, d'appareillage, d'hospitalisation et de transport ; qu'il y a lieu, par suite, de fixer l'indemnité due à la caisse à cette somme ;

Sur les droits de Mme X :

Considérant qu'en conséquence de ce qui précède, Mme X peut prétendre au paiement de la somme de 30 000 euros correspondant à son préjudice à caractère personnel ; que, par suite, Mme X est seulement fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Rennes a limité à la somme de 7 500 euros la condamnation qu'il a prononcée à l'encontre du centre hospitalier de Ploërmel ;

Sur les intérêts et la capitalisation :

Considérant que Mme X a droit aux intérêts au taux légal de la somme de 30 000 euros à compter du 5 décembre 1997, comme elle le demande ; que la CPAM du Morbihan a droit aux intérêts de la somme de 7 555,03 euros à compter du 18 mai 2000, date de son premier mémoire devant le Tribunal administratif de Rennes ;

Considérant que Mme X a demandé pour la première fois au Tribunal administratif de Rennes la capitalisation des intérêts le 14 mars 2000 ; qu'à cette date, les intérêts étaient dus pour au moins une année entière ; qu'il y a lieu, dès lors, de faire droit à cette demande tant à cette date qu'à chaque échéance annuelle à compter de cette date ;

Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L.761-1 du code de justice administrative :

Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, en application de ces dispositions, de condamner le centre hospitalier de Ploërmel à payer à Mme X une somme de 1 500 euros et à la CPAM du Morbihan une somme de 1 000 euros au titre des frais exposés par elles et non compris dans les dépens ;

DÉCIDE :

Article 1er : La somme de 7 500 euros (sept mille cinq cents euros) que le centre hospitalier de Ploërmel a été condamné à verser à Mme X est portée à 30 000 euros (trente mille euros). Cette somme portera intérêts au taux légal à compter du 5 décembre 1997. Les intérêts échus le 14 mars 2000 et à chaque échéance annuelle à compter de cette date seront capitalisés à chacune de ces dates pour produire eux-mêmes intérêts.

Article 2 : L'article 1er du jugement du Tribunal administratif de Rennes du 12 février 2003 est réformé en ce qu'il a de contraire au présent arrêt.

Article 3 : L'article 2 du jugement du Tribunal administratif de Rennes du 12 février 2003 est annulé.

Article 4 : Le centre hospitalier de Ploërmel est condamné à verser à la caisse primaire d'assurance maladie du Morbihan la somme de 7 555,03 euros (sept mille cinq cent cinquante-cinq euros et trois centimes) avec intérêts au taux légal à compter du 18 mai 2000.

Article 5 : Le surplus des conclusions de la requête de Mme X est rejeté.

Article 6 : Le centre hospitalier de Ploërmel versera à Mme X une somme de 1 500 euros (mille cinq cents euros) au titre de l'article L.761-1 du code de justice administrative.

Article 7 : Le centre hospitalier de Ploërmel versera à la caisse primaire d'assurance maladie du Morbihan une somme de 1 000 euros (mille euros) au titre de l'article L.761-1 du code de justice administrative.

Article 8 : Le présent arrêt sera notifié à Mme Annie X, à la caisse primaire d'assurance maladie du Morbihan, au centre hospitalier de Ploërmel et au ministre de la santé et des solidarités.

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N° 03NT00706

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Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nantes
Formation : 3eme chambre
Numéro d'arrêt : 03NT00706
Date de la décision : 29/09/2005
Sens de l'arrêt : Satisfaction partielle
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : M. SALUDEN
Rapporteur ?: M. Jean-Eric GEFFRAY
Rapporteur public ?: M. MILLET
Avocat(s) : CARTRON

Origine de la décision
Date de l'import : 05/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nantes;arret;2005-09-29;03nt00706 ?
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