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22/05/2006 | FRANCE | N°05NT00220

France | France, Cour administrative d'appel de Nantes, 1ere chambre b, 22 mai 2006, 05NT00220


Vu la requête, enregistrée au greffe de la Cour le 7 février 2005, présentée pour la société à responsabilité limitée EUROPE OCEANIS DISCOUNT CARS, dont le siège est ..., représentée par son gérant en exercice, par Me X..., avocat au barreau de Paris ; la société EUROPE OCEANIS DISCOUNT CARS demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 01-1468 en date du 3 décembre 2004 par lequel le Tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande en décharge du complément de taxe sur la valeur ajoutée qui lui a été réclamé pour la période du 2 février 1996 au 28 f

évrier 1999 par avis de mise en recouvrement du 11 mai 2000, ainsi que des pénalité...

Vu la requête, enregistrée au greffe de la Cour le 7 février 2005, présentée pour la société à responsabilité limitée EUROPE OCEANIS DISCOUNT CARS, dont le siège est ..., représentée par son gérant en exercice, par Me X..., avocat au barreau de Paris ; la société EUROPE OCEANIS DISCOUNT CARS demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 01-1468 en date du 3 décembre 2004 par lequel le Tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande en décharge du complément de taxe sur la valeur ajoutée qui lui a été réclamé pour la période du 2 février 1996 au 28 février 1999 par avis de mise en recouvrement du 11 mai 2000, ainsi que des pénalités dont il a été assorti ;

2°) de prononcer la décharge demandée ;

3°) de condamner l'Etat à lui verser une somme de 5 000 euros au titre de l'article L.761-1 du code de justice administrative ;

……………………………………………………………………………………………………...

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la sixième directive du Conseil des communautés européennes du 17 mai 1977 modifiée par la septième directive du 14 février 1994 ;

Vu le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 20 avril 2006 :

- le rapport de Mme Stefanski, rapporteur ;

- et les conclusions de M. Hervouet, commissaire du gouvernement ;

Sur l'étendue du litige :

Considérant que, par décision en date du 24 mars 2006 postérieure à l'introduction de la requête, le directeur des services fiscaux de Loire Atlantique a prononcé le dégrèvement en droits et pénalités, à concurrence d'une somme de 76 790 euros du complément de taxe sur la valeur ajoutée qui a été réclamé à la société EUROPE OCEANIS DISCOUNT CARS au titre de la période du 1er février 1996 au 1er février 1999 ; que les conclusions de la requête sont, dans cette mesure, sans objet ;

Sur la régularité de la procédure d'imposition :

Considérant qu'aux termes de l'article L.59 A du livre des procédures fiscales : “La commission départementale des impôts directs et des taxes sur le chiffre d'affaires intervient : 1° Lorsque le désaccord porte soit sur le montant du bénéfice industriel et commercial, du bénéfice agricole ou du chiffre d'affaires, déterminé selon un mode réel d'imposition…” ;

Considérant qu'il résulte de l'instruction qu'en l'espèce le désaccord entre la société EUROPE OCEANIS DISCOUNT CARS et le vérificateur, qui portait sur le point de savoir si la société avait à bon droit calculé la taxe sur la valeur ajoutée sur la marge qu'elle avait réalisée lors de la vente de véhicules, ne portait pas sur le montant du chiffre d'affaires réalisé par la société et ne relevait, dès lors, pas de la compétence de la commission départementale des impôts directs et des taxes sur le chiffre d'affaires ; qu'en tout état de cause, les constatations de fait, notamment quant à la nature de véhicules neufs de certains véhicules, ne faisaient pas l'objet d'un désaccord, seule étant contestée la qualification des opérations réalisées par la société au regard des règles relatives à la taxe sur la valeur ajoutée, question de droit qui échappait à la compétence de la commission ;

Sur le bien-fondé des impositions en litige :

Considérant qu'aux termes du V de l'article 256 du code général des impôts : “L'assujetti, agissant en son nom propre mais pour le compte d'autrui, qui s'entremet dans une livraison de bien ou une prestation de services, est réputé avoir personnellement acquis et livré le bien, ou reçu et fourni les services concédés” ; qu'aux termes du III de l'article 256 bis du même code : “Un assujetti, agissant en son nom propre mais pour le compte d'autrui, qui s'entremet dans une acquisition intracommunautaire, est réputé avoir personnellement acquis et livré le bien” ;

Considérant que si la société requérante admet qu'elle avait la qualité de “mandataire opaque” pour les opérations réalisées avec ses fournisseurs français, elle fait valoir qu'en ce qui concerne les véhicules achetés à des fournisseurs situés dans un autre Etat membre de l'Union européenne, elle a agi au nom et pour le compte de ses clients en tant “qu'intermédiaire transparent” et non en son nom propre ; qu'il résulte, toutefois, de l'instruction que les factures émises par les fournisseurs étaient libellées au nom de la société EUROPE OCEANIS DISCOUNT CARS et non au nom de ses mandants ; qu'ainsi, et alors même que la société avait conclu des contrats de mandat avec ses clients et que les fournisseurs auraient établi des “certificats de cession” mentionnant le nom des clients de la société, il ne résulte pas de l'instruction que la société intervenait, auprès des fournisseurs, au nom de ses clients ; que, dans ces conditions, elle doit être regardée comme ayant la qualité de “mandataire opaque” pour l'ensemble de ses opérations ; que les dispositions précitées du code général des impôts lui sont, dès lors, applicables ;

Considérant que la société requérante ne peut utilement se prévaloir, sur le fondement de l'article L.80 A du livre des procédures fiscales, ni de l'instruction 3 CA-92 du 31 juillet 1992, qui ne donne pas d'autre définition de la notion “d'intermédiaire transparent” que celle dont il est fait application dans le présent arrêt, ni de l'instruction 3 L-1-99 du 3 août 1999, postérieure à la période d'imposition ; que le visa du service des impôts, apposé sur chaque certificat d'acquisition n° 1993 VT CDI, est assorti de la mention selon laquelle “le présent certificat est délivré pour les seuls besoins de l'immatriculation du véhicule… L'administration se réserve le droit de remettre en cause les mentions relatives à la TVA” ; qu'il en résulte que le contrôle exercé par l'administration à l'occasion de la délivrance des certificats, n'avait pas pour objet de vérifier la qualité de “mandataire opaque” ou “transparent” de la société et qu'elle ne constitue pas une prise de position formelle du service au sens de l'article L.80 B du livre des procédures fiscales ;

En ce qui concerne les véhicules neufs :

Considérant qu'aux termes du 1 de l'article 256 du code général des impôts : “Sont soumises à la taxe sur la valeur ajoutée les livraisons de biens… effectuées à titre onéreux par un assujetti agissant en tant que tel…” ; qu'aux termes de l'article 298 sexies du même code : “I. Sont également soumises à la taxe sur la valeur ajoutée les acquisitions intracommunautaires de moyens de transport neufs… III 2. Sont considérés comme moyens de transport neufs ; … b) les véhicules terrestres dont la livraison est effectuée dans les six mois suivant la première mise en service ou qui ont parcouru moins de 6 000 kilomètres…” ;

Considérant que neuf des véhicules regardés par la société EUROPE OCEANIS DISCOUNT CARS comme des véhicules d'occasion soumis à la taxe sur la valeur ajoutée sur la différence entre leur prix de vente et leur prix d'achat, ont été requalifiés par l'administration de biens neufs imposables à la taxe sur la valeur ajoutée sur la totalité de leur prix de vente ; que la société requérante, qui ne conteste pas qu'il s'agissait de véhicules neufs, fait valoir qu'elle a agi au nom et pour le compte de ses clients en ce qui concerne les véhicules achetés à l'étranger ; que, toutefois, ainsi qu'il a été dit ci-dessus, la société doit être regardée dans tous les cas comme ayant la qualité de “mandataire opaque” et, en conséquence, comme étant réputée avoir personnellement acquis et livré ces véhicules ; que, dans ces conditions, c'est à bon droit que l'administration a imposé les opérations correspondantes sur la valeur de la totalité de chaque transaction ;

En ce qui concerne les véhicules d'occasion :

Considérant qu'aux termes du 1° de l'article 256 bis du code général des impôts : “Sont également soumises à la taxe sur la valeur ajoutée les acquisitions intracommunautaires de biens meubles corporels effectuée à titre onéreux par un assujetti agissant en tant que tel… lorsque le vendeur est un assujetti agissant en tant que tel et qui ne bénéficie pas dans son Etat du régime particulier de franchise des petites entreprises…” ; qu'aux termes du 2° bis du même article, pris pour la transposition de l'article 26 bis de la sixième directive n° 77/388/CEE du Conseil des Communautés européennes en date du 17 mai 1977 introduit par la septième directive n° 94/5/CE du 14 février 1994 instaurant un régime particulier de taxe sur la valeur ajoutée dans le domaine des biens d'occasion : “Les acquisitions intracommunautaires de biens d'occasion… effectuées à titre onéreux par un assujetti agissant en tant que tel ou par une personne morale non assujettie ne sont pas soumises à la taxe sur la valeur ajoutée lorsque le vendeur ou l'assujetti est un assujetti revendeur qui a appliqué dans l'Etat membre de départ de l'expédition ou du transport du bien les dispositions de la législation de cet Etat prises pour la mise en oeuvre des B ou C de l'article 26 bis de la directive n° 77/388/CEE du Conseil des Communautés européennes du 17 mai 1977” ; qu'aux termes de l'article 297 A du même code : “I 1° La base d'imposition des livraisons par un assujetti revendeur de biens d'occasion… qui lui ont été livrés par un non redevable de la taxe sur la valeur ajoutée ou par une personne qui n'est pas autorisée à facturer la taxe sur la valeur ajoutée au titre de cette livraison est constituée de la différence entre le prix de vente et le prix d'achat...” ; qu'aux termes de l'article 297 E du même code : “Les assujettis qui appliquent les dispositions de l'article 297 A ne peuvent pas faire apparaître la taxe sur la valeur ajoutée sur leurs factures ou tous autres documents en tenant lieu” ;

Considérant que la société EUROPE OCEANIS DISCOUNT CARS a revendu, en appliquant le régime de la marge prévu par les dispositions précitées de l'article 297 A du code général des impôts, des voitures d'occasion provenant d'Etats membres de l'Union européenne, qu'elle avait acquises auprès d'intermédiaires situés en France ou dans d'autres Etats de l'Union européenne ; que l'administration a remis en cause ce régime de taxe sur la valeur ajoutée appliquée par la société au motif qu'il ressortait des documents d'immatriculation que les véhicules avaient été à l'origine la propriété d'assujettis utilisateurs qui pouvaient récupérer la taxe sur la valeur ajoutée dans les conditions de droit commun et qu'en conséquence, les opérations ultérieures ne pouvaient bénéficier du régime de la marge ;

Considérant qu'il n'est pas contesté par l'administration et qu'il résulte de l'instruction que les factures adressées à la société EUROPE OCEANIS DISCOUNT CARS par ses fournisseurs, qu'ils soient situés en France ou dans un autre Etat de l'Union européenne, soit ne faisaient pas apparaître de taxe sur la valeur ajoutée récupérable, soit faisaient en outre mention de l'application de la septième directive ; qu'il n'incombait pas à la société requérante, dès lors que son fournisseur se présentait en qualité d'assujetti revendeur et qu'il n'était pas manifeste qu'il n'était pas autorisé à revendiquer cette qualité, de vérifier en tant qu'acheteur, la régularité de l'application du régime de la marge ; qu'à supposer même, ce qui n'est pas établi, que la société ait eu connaissance des documents d'immatriculation indiquant que les propriétaires d'origine des véhicules étaient des professionnels de l'automobile, cette circonstance ne suffisait pas à rendre manifeste l'erreur éventuellement commise par les fournisseurs dès lors qu'elle ne permettait pas de déterminer avec certitude si l'opération en cause avait ou non ouvert un droit à déduction à ces propriétaires ;qu'ainsi, l'administration n'était pas en droit de remettre en cause l'application du régime d'imposition à la marge appliquée par la société EUROPE OCEANIS DISCOUNT CARS ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède que, s'agissant de l'imposition restant en litige, la société EUROPE OCEANIS DISCOUNT CARS est seulement fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Nantes a rejeté en totalité sa demande ;

Sur l'application de l'article L.761-1 du code de justice administrative :

Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, en application de ces dispositions, de condamner l'Etat à payer à la société EUROPE OCEANIS DISCOUNT CARS une somme de 1 500 euros au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens ;

DÉCIDE :

Article 1er : Il n'y a pas lieu de statuer à concurrence de la somme de 76 790 euros (soixante-seize mille sept cent quatre-vingt-dix euros) en ce qui concerne le complément de taxe sur la valeur ajoutée mis à la charge de la société EUROPE OCEANIS DISCOUNT CARS par avis de mise en recouvrement du 30 avril 2000.

Article 2 : La société EUROPE OCEANIS DISCOUNT CARS est déchargée du complément de taxe sur la valeur ajoutée auquel elle a été assujettie pour la période allant du 30 juin 1997 au 28 février 1999, en tant qu'il provient de redressements relatifs à la vente de véhicules d'occasion, ainsi que des pénalités dont il a été assorti.

Article 3 : Le jugement du Tribunal administratif de Nantes en date du 3 décembre 2004 est réformé en ce qu'il a de contraire au présent arrêt.

Article 4 : Le surplus des conclusions de la requête de la société EUROPE OCEANIS DISCOUNT CARS est rejeté.

Article 5 : L'Etat versera à la société EUROPE OCEANIS DISCOUNT CARS une somme de 1 500 euros (mille cinq cents euros) au titre de l'article L.761-1 du code du justice administrative.

Article 6 : Le présent arrêt sera notifié à la société EUROPE OCEANIS DISCOUNT CARS et au ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.

N° 05NT00220

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Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nantes
Formation : 1ere chambre b
Numéro d'arrêt : 05NT00220
Date de la décision : 22/05/2006
Sens de l'arrêt : Satisfaction partielle
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Autres

Composition du Tribunal
Président : M. GRANGE
Rapporteur ?: Mme Colette STEFANSKI
Rapporteur public ?: M. HERVOUET
Avocat(s) : BARANEZ

Origine de la décision
Date de l'import : 04/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nantes;arret;2006-05-22;05nt00220 ?
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