La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

26/06/2007 | FRANCE | N°06NT02008

France | France, Cour administrative d'appel de Nantes, 1ère chambre, 26 juin 2007, 06NT02008


Vu la requête et les mémoires complémentaires, enregistrés respectivement les 30 novembre, 8 et 19 décembre 2006, présentés pour la SAS FROMAGERIE PERRAULT, qui a son siège 6, rue de Bellitourne, Aze à Château-Gontier (53200), par Me Tournes, avocat au barreau des Hauts-de-Seine ; la SAS FROMAGERIE PERRAULT demande à la Cour :

1°) d'annuler l'ordonnance n° 06-4549 en date du 13 novembre 2006 par laquelle le juge des référés du Tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande tendant à ce que l'Etat lui verse une provision en réparation du préjudice résul

tant du caractère manifestement insuffisant des taux d'intérêt appliqués p...

Vu la requête et les mémoires complémentaires, enregistrés respectivement les 30 novembre, 8 et 19 décembre 2006, présentés pour la SAS FROMAGERIE PERRAULT, qui a son siège 6, rue de Bellitourne, Aze à Château-Gontier (53200), par Me Tournes, avocat au barreau des Hauts-de-Seine ; la SAS FROMAGERIE PERRAULT demande à la Cour :

1°) d'annuler l'ordonnance n° 06-4549 en date du 13 novembre 2006 par laquelle le juge des référés du Tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande tendant à ce que l'Etat lui verse une provision en réparation du préjudice résultant du caractère manifestement insuffisant des taux d'intérêt appliqués pour le calcul de la rémunération de sa créance sur le Trésor ;

2°) de condamner l'Etat à lui verser, à titre de provision, la somme de 183 284 euros ;

3°) de condamner l'Etat à lui verser, en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, une somme de 5 000 euros ;
……………………………………………………………………………………………………...

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la sixième directive 77/388/CEE du Conseil des communautés européennes du 17 mai 1977 en matière d'harmonisation des législations des Etats membres relatives aux taxes sur le chiffre d'affaires ;

Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et son premier protocole additionnel ;

Vu la loi de finances rectificative pour 1993 n° 93-859 du 22 juin 1993 ;

Vu le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 18 juin 2007 :

- le rapport de M. Martin, rapporteur ;

- les observations de Me Bertacchi, substituant Me Tournes, avocat de la SAS FROMAGERIE PERRAULT ;

- et les conclusions de M. Hervouet, commissaire du gouvernement ;


Considérant que les dispositions du II de l'article 2 de la loi de finances rectificative pour 1993 du 22 juin 1993, reprises sous l'article 271 A du code général des impôts, ont eu pour objet d'étaler sur plusieurs années la réalisation du transfert de trésorerie, au détriment du budget de l'Etat et à l'avantage des assujettis à la taxe sur la valeur ajoutée, corrélatif à l'abandon, opéré par les dispositions du I du même article 2 de ladite loi, de la règle du “décalage d'un mois” jusqu'alors maintenue en vigueur, pour la déduction des taxes ayant grevé les biens ne constituant pas des immobilisations et les services, au titre des dérogations autorisées par l'article 28 paragraphe 3 d de la sixième directive du Conseil des communautés européennes, en faveur de la règle de “déduction immédiate” fixée par l'article 18 paragraphe 2 de cette même directive ; que le procédé retenu à cette fin a consisté à convertir en créance sur le Trésor, donnant lieu à des remboursements fractionnés dont les derniers sont effectivement intervenus en 2002 et rémunérée par des intérêts dont le taux a été fixé à 4,5 % pour l'année 1993, à 1 % pour l'année 1994 et à 0,1 % pour chacune des années suivantes, un montant de droits à déduction, dit “de référence”, égal à la moyenne mensuelle des droits acquis au cours des mois d'août 1992 à juillet 1993, et que les assujettis ont dû soustraire du montant de la taxe déductible, exceptionnellement accrue de celle d'un mois, mentionné sur leur première déclaration comportant application du principe de “déduction immédiate” ;

Considérant que la SAS FROMAGERIE PERRAULT, qui détenait une créance sur le Trésor née de la mise en oeuvre du dispositif sus-décrit, estime avoir subi un préjudice à raison du caractère manifestement insuffisant des taux de 4,5 %, 1 % et 0,1 % arrêtés par le ministre du budget et appliqués pour le calcul de la rémunération de sa créance ; qu'elle fait appel de l'ordonnance par laquelle le juge des référés du Tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande tendant au versement d'une allocation provisionnelle à valoir sur l'indemnisation dudit préjudice ;

Considérant qu'aux termes de l'article R. 541-1 du code de justice administrative : “Le juge des référés peut, même en l'absence d'une demande au fond, accorder une provision au créancier qui l'a saisi lorsque l'existence de l'obligation n'est pas sérieusement contestable (…)” ;

Considérant, en premier lieu, que, pour établir que l'indemnisation du préjudice, objet de sa demande de provision, constitue une obligation à la charge de l'Etat non sérieusement contestable, la société requérante soutient qu'en rémunérant sa créance par des intérêts d'un montant dérisoire, l'Etat a porté une atteinte disproportionnée à son droit au respect de ses biens, droit garanti par les stipulations de l'article 1er du premier protocole à la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; que ce moyen porte sur une question de droit qui soulève, en l'absence de décision juridictionnelle ayant statué en ce sens, une difficulté sérieuse ; que, par suite, eu égard à l'office du juge du référé-provision, il n'est pas de nature à établir le caractère non sérieusement contestable de l'obligation invoquée devant ledit juge par la société ; que celle-ci ne peut utilement soutenir dans le cadre de la présente instance qu'en ne répondant pas au fond à son moyen, la Cour la priverait du droit à un recours effectif devant une instance nationale, en violation des stipulations de l'article 13 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Considérant, en second lieu que la SAS FROMAGERIE PERRAULT soutient également que son droit à percevoir des intérêts moratoires d'un montant supérieur à ceux qui lui ont été versés est fondé sur les dispositions de l'article 1153 du code civil ; que si ces dispositions peuvent trouver à s'appliquer, sauf disposition législative spéciale, en cas de retard pris par une personne publique à exécuter une obligation consistant dans le paiement d'une somme d'argent, il est constant qu'en l'espèce, le législateur a pris une disposition spéciale constituée par l'article 271 A du code général des impôts qui s'oppose à leur application ; que si la société requérante soutient que le ministre du budget, en fixant, comme l'y autorisait l'article 271 A, par trois arrêtés successifs les taux d'intérêts à 4,5, 1 et 0,1 %, aurait excédé sa compétence, commis un détournement de pouvoir et une fraude à la loi, elle ne l'établit pas ; qu'il suit de là que la créance dont se prévaut la SAS FROMAGERIE PERRAULT, quel que soit le mode de calcul qu'elle retient pour en déterminer le montant, ne présente pas le caractère non sérieusement contestable prévu par l'article R. 541-1 du code de justice administrative ;

Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que la SAS FROMAGERIE PERRAULT n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par l'ordonnance attaquée, le juge des référés du Tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande ;

Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

Considérant que ces dispositions font obstacle, d'une part, à ce que l'Etat, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, soit condamné à payer à la SAS FROMAGERIE PERRAULT la somme que celle-ci demande au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens et, d'autre part, à ce que l'Etat, qui n'a pas eu recours au ministère d'avocat et ne se prévaut pas de frais spécifiques exposés par lui en indiquant leur nature, obtienne que la SAS FROMAGERIE PERRAULT soit condamnée à lui payer la somme que demande à ce titre le ministre du budget, des comptes publics et de la fonction publique ;

Sur les conclusions tendant au prononcé d'une amende pour recours abusif :

Considérant que la faculté d'infliger au requérant une amende pour recours abusif constitue un pouvoir propre du juge ; que, dès lors, les conclusions subsidiaires du ministre tendant au prononcé d'une telle amende à l'encontre de la SAS FROMAGERIE PERRAULT ne sont pas recevables et doivent être rejetées ;

DÉCIDE :
Article 1er : La requête de la SAS FROMAGERIE PERRAULT est rejetée.
Article 2 : Les conclusions du ministre du budget, des comptes publics et de la fonction publique tendant, d'une part, à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, d'autre part, au prononcé d'une amende pour recours abusif sont rejetées.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à la SAS FROMAGERIE PERRAULT et au ministre du budget, des comptes publics et de la fonction publique.

N° 06NT02008
2

1


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nantes
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 06NT02008
Date de la décision : 26/06/2007
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Autres

Composition du Tribunal
Président : M. LEMAI
Rapporteur ?: M. Luc MARTIN
Rapporteur public ?: M. HERVOUET
Avocat(s) : TOURNES

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nantes;arret;2007-06-26;06nt02008 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award