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22/03/2010 | FRANCE | N°09NT00192

France | France, Cour administrative d'appel de Nantes, 1ère chambre, 22 mars 2010, 09NT00192


Vu la requête, enregistrée le 23 janvier 2009, présentée pour M. Philippe X, demeurant ..., par la Selarl OJIFI-ALISTER, avocats au barreau de Lyon ; M. X demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 07-3182 en date du 20 novembre 2008 par lequel le Tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande tendant à la décharge des cotisations supplémentaires à l'impôt sur le revenu auxquelles il a été assujetti au titre des années 2001 à 2003 ainsi que des pénalités y afférentes ;

2°) de prononcer la décharge demandée ;

3°) de mettre à la charge de

l'Etat une somme de 9 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice adminis...

Vu la requête, enregistrée le 23 janvier 2009, présentée pour M. Philippe X, demeurant ..., par la Selarl OJIFI-ALISTER, avocats au barreau de Lyon ; M. X demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 07-3182 en date du 20 novembre 2008 par lequel le Tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande tendant à la décharge des cotisations supplémentaires à l'impôt sur le revenu auxquelles il a été assujetti au titre des années 2001 à 2003 ainsi que des pénalités y afférentes ;

2°) de prononcer la décharge demandée ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 9 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

.....................................................................................................................

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la loi n° 71-1130 du 31 décembre 1971 portant réforme de certaines professions judiciaires et juridiques ;

Vu le décret n° 93-492 du 25 mars 1993 ;

Vu le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 22 février 2010 :

- le rapport de Mme Coiffet, premier conseiller ;

- et les conclusions de M. Hervouet, rapporteur public ;

Vu la note en délibéré en date du 24 février 2010 présentée pour M. X ;

Sur la qualification des revenus de M. X :

En ce qui concerne la loi fiscale :

Considérant qu'il résulte de l'instruction que M. X, qui exerçait jusqu'au 31 décembre 2001 la profession d'avocat à titre individuel, est devenu le 1er janvier 2002 associé de la SELAFA Kimbrough et associés ; qu'à la suite d'une vérification de comptabilité portant sur les années 2001 à 2003, l'administration a procédé au rehaussement des bénéfices non commerciaux déclarés par l'intéressé ; que M. X soutient que les revenus issus de son activité au sein de la société SELAFA Kimbrough constituent des traitements et salaires qui ne peuvent être contrôlés par la voie de la procédure de la vérification de comptabilité ; qu'il revendique également le bénéfice de l'abattement de 20 % sur les traitements et salaires prévu au a du 5 de l'article 158 du code général des impôts ; que ces moyens ne sont toutefois opérants qu'en ce qui concerne les années 2002 et 2003, M. X reconnaissant dans ses écrits avoir jusqu'au 31 décembre 2001 exercé sa profession de manière indépendante ;

Considérant qu'aux termes de l'article 92 du code général des impôts : 1. Sont considérés comme provenant de l'exercice d'une profession non commerciale ou comme revenus assimilés aux bénéfices non commerciaux, les bénéfices des professions libérales (...) ; qu'aux termes de l'article 7, dans sa rédaction applicable à l'espèce, de la loi susvisée du 31 décembre 1971 : L'avocat peut exercer sa profession soit à titre individuel, soit au sein d'une association, d'une société civile professionnelle, d'une société d'exercice libéral ou d'une société en participation prévues par la loi n° 90-1258 du 31 décembre 1990 relative à l'exercice sous forme de sociétés des professions libérales soumises à un statut législatif ou réglementaire ou dont le titre est protégé, soit en qualité de salarié ou de collaborateur non salarié d'un avocat ou d'une association ou société d'avocats. Il peut également être membre d'un groupement d'intérêt économique ou d'un groupement européen d'intérêt économique. Le contrat de collaboration ou le contrat de travail doit être établi par écrit. Il doit préciser les modalités de la rémunération. Le contrat de collaboration indique également les conditions dans lesquelles l'avocat collaborateur pourra satisfaire aux besoins de sa clientèle personnelle. L'avocat salarié ne peut avoir de clientèle personnelle. Dans l'exercice des missions qui lui sont confiées, il bénéficie de l'indépendance que comporte son serment et n'est soumis à un lien de subordination à l'égard de son employeur que pour la détermination de ses conditions de travail ; qu'aux termes de l'article 20 du décret 93-492 du 25 mars 1993 : un avocat associé exerçant au sein d'une société d'exercice libéral ne peut exercer sa profession à titre individuel, en qualité de membre d'une autre société, quelle qu'en soit la forme, ou en qualité d'avocat salarié ;

Considérant qu'il résulte de l'instruction que M. X a, lors de son intégration à la SELAFA Kimbrough et associés, reçu en contrepartie de l'apport de son cabinet une participation de l'ordre de 3 % au capital de la société ; que cette société qui a signé, le 31 décembre 2001, avec M. X un protocole d'accord relatif à l'exercice en commun de la profession d'avocat, n'a jamais établi de contrat de travail au profit de l'intéressé ainsi que pourtant l'exigent les dispositions précitées de l'article 7 de la loi du 31 décembre 1971 en cas de recrutement d'un avocat en qualité de salarié, et n'a ainsi jamais manifesté son intention de soumettre M. X à ce statut ; que ce protocole d'accord ne comporte, à l'exception du lieu d'exercice de l'activité, pas de disposition organisant de façon contraignante ses conditions de travail ; qu'il prévoit également que M. X sera rémunéré en rétrocession d'honoraires sans minimum garanti en cas d'absence d'encaissements en provenance des clients, qu'il disposera d'un compte bancaire personnel servant à sa profession pour effectuer toute dépense qui lui semble utile ainsi que d'un compte d'exploitation interne individuel relatif à son activité et qu'il a la responsabilité de la gestion de la relation client par rapport aux clients qu'il a apportés au cabinet ; que le contribuable a, par ailleurs, postérieurement à son intégration au cabinet Kimbrough, continué à déposer des déclarations de bénéfices non commerciaux ; que dans ces conditions, et nonobstant la circonstance que le contribuable ne pouvait développer de clientèle personnelle, c'est à bon droit que l'administration a estimé qu'il n'existait pas entre M. X et la société Kimbrough et associés un lien de subordination caractérisant l'exercice d'une activité salariée ; qu'il suit de là que M. X n'est pas fondé à soutenir que n'étant pas, en qualité de salarié, astreint à la tenue d'une comptabilité il ne pouvait faire l'objet d'une vérification de celle-ci ; qu'il ne peut, pour les mêmes raisons, revendiquer le bénéfice de l'abattement de 20 % prévu au a du 5 de l'article 158 du code général des impôts pour les contribuables imposables dans la catégorie des traitements et salaires ;

En ce qui concerne la doctrine administrative :

Considérant qu'aux termes de l'article L. 80 A du livre des procédures fiscales : Il ne sera procédé à aucun rehaussement d'impositions antérieures si la cause du rehaussement poursuivi par l'administration est un différend sur l'interprétation par le redevable de bonne foi du texte fiscal et s'il est démontré que l'interprétation sur laquelle est fondée la première décision a été, à l'époque, formellement admise par l'administration. Lorsque le redevable a appliqué un texte fiscal selon l'interprétation que l'administration avait fait connaître par ses instructions ou circulaires publiées et qu'elle n'avait pas rapportée à la date des opérations en cause, elle ne peut poursuivre aucun rehaussement en soutenant une interprétation différente. Sont également opposables à l'administration, dans les mêmes conditions, les instructions ou circulaires publiées relatives au recouvrement de l'impôt et aux pénalités fiscales ;

Considérant que M. X ne peut, sur le fondement de l'article L. 80 A précité du livre des procédures fiscales, utilement invoquer les dispositions des documentations administratives 5 F 1111 du 10 février 1999 et 5 G 116, n° 51, du 15 septembre 2000, ni celles issues de la réponse faite le 16 septembre 1996 à M. Cousin, député, dès lors qu'ayant déclaré ses revenus dans la catégorie des bénéfices non commerciaux, il ne peut être regardé comme ayant fait application des dispositions desdites directives conduisant à la qualification de traitements et salaires ; que n'étant pas imposable dans la catégorie des traitements et salaires, il n'est pas non plus fondé à invoquer la documentation administrative 5 F 3121 du 10 février 1999, ni l'instruction 5 F-9-94 du 7 octobre 1994 lesquelles concernent l'abattement de 20 % sur les traitements et salaires ; qu'enfin, la documentation administrative 5 G-52 n° 13 déterminant le champ d'application du dispositif de fractionnement du paiement de l'impôt est étrangère à la question de la détermination de la catégorie d'imposition des revenus du requérant ;

Sur la perte de l'abattement pour adhésion à une association agréée :

Considérant qu'aux termes du 4 bis de l'article 158 du code général des impôts : Les adhérents des centres de gestion et associations agréées définis aux articles 1649 quater C à 1649 quater H (...) bénéficient d'un abattement de 20 p. 100 sur leurs bénéfices déclarés soumis à un régime réel d'imposition ou au régime prévu à l'article 68 F. (....) L'établissement de la mauvaise foi d'un adhérent à l'occasion d'un redressement relatif à l'impôt sur le revenu ou à la taxe sur la valeur ajoutée auxquels il est soumis du fait de son activité professionnelle entraîne la perte de l'abattement et de la réduction d'impôt prévue à l'article 199 quater B, pour l'année au titre de laquelle le redressement est effectué ; qu'aux termes de l'article 256 dudit code : I. Sont soumises à la taxe sur la valeur ajoutée les livraisons de biens et les prestations de services effectuées à titre onéreux par un assujetti agissant en tant que tel ; que l'article 256 A dispose que : Sont assujetties à la taxe sur la valeur ajoutée les personnes qui effectuent de manière indépendante une des activités économiques mentionnées au cinquième alinéa, quels que soient le statut juridique de ces personnes, leur situation au regard des autres impôts et la forme ou la nature de leur intervention. Ne sont pas considérés comme agissant de manière indépendante : - les salariés et les autres personnes qui sont liés par un contrat de travail ou par tout autre rapport juridique créant des liens de subordination en ce qui concerne les conditions de travail, les modalités de rémunération et la responsabilité de l'employeur ; - les travailleurs à domicile dont les gains sont considérés comme des salaires, lorsqu'ils exercent leur activité dans les conditions prévues aux articles L. 721-1, L. 721-2 et L. 721-6 du code du travail. ; qu'enfin, en application du 3 de l'article 283 du même code, toute personne qui mentionne la TVA sur une facture est redevable de la taxe du seul fait de cette facturation ;

Considérant qu'il résulte de l'instruction que M. X a fait l'objet de rappels de TVA à raison de son activité d'avocat exercée tant à titre individuel au cours de l'année 2001, qu'au sein de la SELAFA Kimbrough et associés depuis le 1er janvier 2002 ; que l'administration considérant que le comportement du contribuable était constitutif de mauvaise foi a assorti les rappels de TVA des pénalités prévues à l'article 1729 du code général des impôts et lui a, sur le fondement des dispositions du 4 bis de l'article 158 du même code, supprimé le bénéfice de l'abattement de 20 % lié à son adhésion à une association de gestion agréée ; que M. X soutient pour la première fois en appel que les opérations effectuées avec la société Kimbrough et associés n'entraient pas dans le champ de la TVA dès lors qu'il n'exerçait pas une activité libérale et que lesdites opérations étaient internes au cabinet ; que, toutefois, il résulte de ce qui a été dit plus haut, que M. X doit être regardé comme ayant exercé son activité de manière indépendante même après son intégration à la société Kimbrough et associés ; que les rétrocessions d'honoraires versées au contribuable constituent des sommes versées par un tiers en contrepartie d'un service et entrent de ce fait dans le champ d'application de la TVA ; que, par suite, et sans qu'il soit besoin de se prononcer sur l'application des dispositions du 3 de l'article 283 du code général des impôts, le moyen tiré de ce que M. X ne serait pas assujetti à la TVA doit être rejeté ;

Considérant qu'il résulte de l'instruction que les recettes portées par M. X sur les déclarations mensuelles CA 3 étaient inférieures, pour 2001 à celles mentionnées sur la déclaration annuelle de résultat n° 2035 d'environ 40 %, et pour 2002 et 2003 à celles reconstituées à partir des notes d'honoraires et des crédits bancaires d'environ 90 % ; que, par suite, l'administration établit, compte tenu de la nature, de l'importance et de la répétition des insuffisances de chiffre d'affaires déclaré, l'intention de M. X d'éluder l'impôt ; que la circonstance que les déclarations de TVA ont été remplies par le service comptable de la société Kimbrough et associés est sans incidence sur l'appréciation du comportement du contribuable redevable de la taxe ;

Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que c'est à bon droit que l'administration a exclu M. X du bénéfice de l'abattement prévu au 4 bis de l'article 158 du code général des impôts ;

Sur la détermination des recettes imposables de l'année 2002 et des charges déductibles de l'année 2003 :

Considérant qu'aux termes de l'article L. 192 du livre des procédures fiscales : Lorsque l'une des commissions visées à l'article L. 59 est saisie d'un litige ou d'une rectification, l'administration supporte la charge de la preuve en cas de réclamation, quel que soit l'avis rendu par la commission. Toutefois, la charge de la preuve incombe au contribuable lorsque la comptabilité comporte de graves irrégularités et que l'imposition a été établie conformément à l'avis de la commission. La charge de la preuve des graves irrégularités invoquées par l'administration incombe, en tout état de cause, à cette dernière lorsque le litige ou la rectification est soumis au juge. Elle incombe également au contribuable à défaut de comptabilité ou de pièces en tenant lieu (...) ;

Considérant qu'il résulte de l'instruction que la reconstitution des bénéfices non commerciaux de M. X est fondée sur l'absence de présentation d'une comptabilité et que la commission départementale des impôts directs et des taxes sur le chiffre d'affaires a émis l'avis le 23 mai 2006 de maintenir les redressements notifiés ; qu'en application des dispositions précitées de l'article L. 192 du livre des procédures fiscales, il appartient à M. X d'établir l'exagération des bases d'imposition ;

Considérant que pour reconstituer les recettes issues de l'activité de M. X au titre de l'année 2002, le vérificateur a effectué un rapprochement entre d'une part, les recettes brutes et gains divers figurant sur la déclaration 2035 déposée par le contribuable et d'autre part, les encaissements reconstitués à partir des comptes bancaires à usage professionnel et mixte présentés lors du contrôle et des notes d'honoraires encaissées ; qu'il a constaté un écart de recettes non déclarées de 6 521 euros qu'il a réintégrées dans les bases imposables ; que M. X, qui ne conteste pas les modalités de la reconstitution de ses recettes, n'apporte aucun élément de nature à établir que la somme de 6 521 euros réintégrée ne se rattacherait pas à l'exercice de son activité professionnelle ;

Considérant que pour l'application des dispositions de l'article 93 du code général des impôts, il appartient au contribuable qui réalise des bénéfices non commerciaux de justifier que les dépenses qu'il a portées en charges déductibles sont nécessitées par l'exercice de sa profession ;

Considérant que M. X n'établit pas davantage qu'en première instance que les frais de restaurant, de déplacements, de location d'appartement en litige étaient nécessités par l'exercice de sa profession ; que par suite, le moyen par lequel l'administration ne pouvait réintégrer lesdites charges dans son résultat imposable doit être écarté ;

Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que M. X n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, lequel est suffisamment motivé, le Tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande ;

Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

Considérant que ces dispositions font obstacle à ce qu'il soit mis à la charge de l'Etat, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, la somme que M. X demande au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens ;

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de M. X est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. Philippe X et au ministre du budget, des comptes publics, de la fonction publique et de la réforme de l'Etat.

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N° 09NT00192 2

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Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nantes
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 09NT00192
Date de la décision : 22/03/2010
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : M. LEMAI
Rapporteur ?: Mme Valérie COIFFET
Rapporteur public ?: M. HERVOUET
Avocat(s) : CAVAILLE

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nantes;arret;2010-03-22;09nt00192 ?
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