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06/10/2011 | FRANCE | N°09NT01575

France | France, Cour administrative d'appel de Nantes, 3ème chambre, 06 octobre 2011, 09NT01575


Vu la requête, enregistrée le 6 juillet 2009, présentée pour M. Michel X demeurant ..., par Me Apelbaum, avocat au barreau de Paris ; M. X demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement n° 08-75 en date du 12 mai 2009 du tribunal administratif de Caen en tant que par ledit jugement le tribunal n'a que partiellement fait droit à ses demandes indemnitaires en condamnant l'Etablissement français du sang, déclaré responsable de sa contamination par le virus de l'hépatite C, à lui verser la somme de 60 000 euros ;

2°) de condamner l'Etablissement français du sang à lui

verser la somme de 470 000 euros au titre de ses préjudices ;

3°) de mettr...

Vu la requête, enregistrée le 6 juillet 2009, présentée pour M. Michel X demeurant ..., par Me Apelbaum, avocat au barreau de Paris ; M. X demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement n° 08-75 en date du 12 mai 2009 du tribunal administratif de Caen en tant que par ledit jugement le tribunal n'a que partiellement fait droit à ses demandes indemnitaires en condamnant l'Etablissement français du sang, déclaré responsable de sa contamination par le virus de l'hépatite C, à lui verser la somme de 60 000 euros ;

2°) de condamner l'Etablissement français du sang à lui verser la somme de 470 000 euros au titre de ses préjudices ;

3°) de mettre les frais d'expertise à la charge de l'Etablissement français du sang ;

4°) de mettre à la charge du même établissement la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

.....................................................................................................................

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code de la santé publique ;

Vu le code de la sécurité sociale ;

Vu la loi n° 2008-1330 du 17 décembre 2008 ;

Vu l'article 8 du décret n°2010-252 du 11 mars 2010 ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 15 septembre 2011 :

- le rapport de M. Coiffet, président-assesseur ;

- les conclusions de M. Degommier, rapporteur public ;

- les observations de Me Favreau, substituant Me Verilhac, avocat de l'Etablissement français du sang ;

- et les observations de Me Sers, substituant Me Saumon, avocat de l'ONIAM ;

Considérant que M. X a été hospitalisé du 27 juin 1978 au 6 juillet 1978 au centre hospitalier régional universitaire (CHRU) de Caen pour y subir une extraction dentaire avec curetage d'un kyste ; qu'en raison de son hémophilie A atténuée, diagnostiquée dans le même service en 1974, l'intéressé a reçu, au cours de cette hospitalisation, plusieurs unités de cryoprécipités, produits dérivés du sang ; qu'alors qu'il était, en octobre 2001, hospitalisé pour des troubles du rythme cardiaque au centre hospitalier d'Alençon, sa contamination par le virus de l'hépatite C a été détectée ; que M. X, imputant cette contamination aux transfusions de produits sanguins reçues lors de son hospitalisation au CHRU de Caen en juin-juillet 1978, a demandé à cet établissement ainsi qu'à l'Etablissement français du sang (EFS) réparation des préjudices en résultant ; que, par un jugement du 12 mai 2009, le tribunal administratif de Caen, après avoir mis hors de cause le CHRU de Caen, a condamné l'EFS, déclaré responsable de sa contamination par le virus de l'hépatite C, à lui verser la somme de 60 000 euros ; que M. X relève appel dudit jugement en tant que le tribunal n'a que partiellement fait droit à ses demandes indemnitaires et demande à la cour de condamner l'EFS à lui verser, dans le dernier état de ses écritures, la somme de 490 000 euros au titre de ses différents préjudices ; que le Régime social des indépendants (RSI) de Basse-Normandie, par la voie de l'appel incident, demande la condamnation du même établissement à lui verser les sommes de 136 102,26 euros correspondant aux prestations versées pour le compte de M. X et de 955 euros au titre de l'indemnité forfaitaire de gestion ; que l'Office national des accidents médicaux et des infections nosocomiales (ONIAM) qui s'est substitué à l'EFS par application de l'article 67 de la loi du 17 décembre 2008 de financement de la sécurité sociale, en vigueur à la date du présent arrêt, et qui ne conteste pas le principe de sa responsabilité, demande, par la voie de l'appel incident, la réformation du jugement attaqué en tant qu'il a fixé à 60 000 euros la somme que cet établissement a été condamné à verser à M. X au titre des souffrances endurées et des troubles de toute nature dans ses conditions d'existence et d'ordonner, avant dire droit sur les préjudices extrapatrimoniaux subis par le requérant, une mesure d'expertise ;

Sur les préjudices à caractère patrimonial :

En ce qui concerne les dépenses de santé :

Considérant, d'une part, que si le RSI de Basse-Normandie fait valoir qu'il a exposé des débours d'un montant de 3 089,62 euros au titre des frais médicaux et de 64 596,10 euros au titre des frais pharmaceutiques, il n'établit pas, toutefois, par la production d'un tableau comportant simplement la mention de ces deux postes sans détails supplémentaires, que l'ensemble de ces frais serait imputable à la contamination de M. X par le virus de l'hépatite C, alors qu'il est constant que celui-ci souffrait par ailleurs d'une pathologie cardio-vasculaire ; qu'en l'absence de toute justification de l'imputabilité directe et exclusive de ces frais à la contamination du requérant par le VHC, et ainsi que l'ont justement rappelé les premiers juges, le RSI ne peut prétendre au remboursement de ces frais ; qu'en revanche, il résulte de l'instruction, et notamment du rapport d'expertise, que si les frais d'hospitalisation au centre hospitalier d'Alençon du 2 au 4 avril 2004 ne peuvent être rapportés à la maladie hépatique de M. X, ceux relatifs à l'hospitalisation de l'intéressé dans ce même établissement hospitalier du 3 au 4 décembre 2001 et le 14 février 2002 sont en lien de causalité directe et exclusive avec sa contamination par le virus de l'hépatite C ; que le RSI de Basse-Normandie est fondé à obtenir le remboursement de ces frais pour un montant total de 843,28 euros ;

Considérant, d'autre part, s'agissant des autres prestations, qu'il résulte de l'instruction que M. X a perçu, du 2 juillet 2003 au 30 juin 2006, des indemnités journalières versées par le RSI d'un montant total de 45 290,70 euros correspondant à des arrêts de travail liés à sa contamination par le virus de l'hépatite C ; que le RSI est ainsi fondé à obtenir le remboursement de ces indemnités ;

Considérant, enfin, que le RSI de Basse-Normandie fait valoir que M. X reçoit, depuis le 1er juillet 2006, en raison de son état de santé, une pension d'invalidité partielle et qu'il a perçu à ce titre du 1er juillet 2006 au 31 janvier 2009 des arrérages d'un montant de 20 907,56 euros ; que toutefois, et ainsi qu'il a été rappelé ci-dessus, M. X souffrait par ailleurs, et avant même la découverte de sa contamination par le virus VHC, d'une pathologie cardio-vasculaire ; que, dans ces conditions, et compte tenu des éléments versés au dossier qui permettent d'apprécier suffisamment l'aggravation de l'état de santé du requérant due à sa contamination et à ses incidences, il sera fait une juste appréciation de la part de la contamination dans l'état d'invalidité de M. X en la fixant à la moitié des sommes versées, soit 10 453,78 euros ; que le RSI est ainsi fondé à obtenir le remboursement de cette somme ;

En ce qui concerne les pertes de revenus :

Considérant que M. X, salarié dans une banque de 1973 à 1979, assureur de 1980 à 1982, agent général au sein d'une compagnie d'assurances de 1993 à 2000, puis devenu courtier en octobre 2000, a créé en association avec son fils son propre cabinet d'assureur conseil au mois de janvier 2001 ; qu'il se trouve, depuis le 2 juillet 2003, en arrêt de travail ; que l'intéressé soutient que, depuis cette dernière date, sa carrière professionnelle s'est achevée prématurément et invoque une perte de revenus qu'il évalue à la somme de 300 000 euros ; qu'il résulte toutefois de l'instruction, d'une part, que les revenus de M. X avaient déjà subi une baisse très sensible depuis l'année 2000, avant même que soit révélée sa contamination par le virus de l'hépatite C, baisse qui s'est poursuivie au cours de l'année 2001 et dont il n'est pas davantage établi en appel qu'en première instance qu'elle soit liée à son affection par le virus de l'hépatite C ; qu'en 2002, alors que son activité ne se trouvait pas encore perturbée par son état de santé consécutif à sa contamination, il a déclaré des revenus d'activité salariée d'un montant de 76 659 euros ; qu'il résulte, d'autre part, de l'instruction que pour les années 2003 à 2008, M. X a respectivement déclaré des revenus d'activité salariée de 76 173 euros, 102 867 euros, 118 277 euros, 42 665 euros, 15 150 euros et 13 727 euros ; que pour les trois dernières années, où ses revenus salariaux sont significativement en baisse, les avis d'impôt sur le revenu versés au dossier indiquent que M. X a cependant reçu à titre de pensions 54 004 euros, 110 366 euros et 112 083 euros ; qu'en outre, du 2 juillet 2003 au 30 juin 2006, il a perçu des indemnités journalières versées par le RSI de Basse-Normandie d'un montant total de 45 290,70 euros et perçoit depuis le 1er juillet 2006 une pension d'invalidité partielle servie par la caisse Organic de Basse-Normandie ; qu'il a reçu à ce titre du 1er juillet 2006 au 31 janvier 2009, des arrérages qui se sont élevés à un montant total de 20 907,56 euros ; qu'enfin, M. X, qui a décidé, en janvier 2001, après avoir connu des soucis professionnels à partir de décembre 1999, de créer son propre cabinet d'assureur conseil afin d'augmenter ses revenus, n'apporte aucune information sur les perspectives de développement dudit cabinet ; que, dans ces conditions, M. X ne justifie pas davantage en appel qu'en première instance du montant réclamé au titre des revenus dont il aurait été privé en raison de sa contamination par le VHC ;

Sur les préjudices à caractère personnel :

Considérant qu'il résulte de l'instruction, notamment du rapport d'expertise, que l'hépatite C chronique dont est atteint M. X, âgé de 50 ans à la date de découverte de sa maladie en octobre 2001, a résisté à trois traitements qui ont cependant permis de stabiliser le bilan hépatique et la charge virale ; que l'intéressé poursuit aujourd'hui, après 2 bithérapies et 1 trithérapie, un quatrième traitement qui impose la prise de nombreux médicaments ; que, du fait de sa maladie hépatique et des effet secondaires des traitements entrepris, il a souffert d'asthénie, d'arthralgies se manifestant par des douleurs articulaires permanentes liées à une cryoglobulinémie elle-même en lien avec l'hépatite C, d'un syndrome dépressif, d'amaigrissement, de prurit et d'une perte de la libido ; que l'expert, qui n'a pas fixé de taux d'incapacité permanente partielle en l'absence de consolidation de l'état de santé du requérant, a évalué ses préjudices physiques et son préjudice sexuel respectivement à 4 et à 3 sur une échelle de 7, préjudices pour lesquels M. X demande 40 000 et 30 000 euros auxquels s'ajoutent les sommes de 80 000 euros pour préjudice moral et 20 000 euros au titre du préjudice d'agrément ; que, toutefois, le requérant, s'agissant de ce dernier chef de préjudice, ne justifie pas des activités sportives ou de loisirs qu'il exerçait avant sa contamination par le VHC et qu'il serait dans l'impossibilité de pratiquer depuis lors ; que compte tenu de l'ensemble de ces éléments, et sans qu'il soit besoin d'ordonner une expertise sur ce point, les premiers juges n'ont pas fait une insuffisante appréciation des préjudices à caractère personnel subis par M. X en les évaluant à la somme globale de 60 000 euros ;

Sur les droits de M. X et du RSI de Basse-Normandie :

Considérant qu'il résulte de ce qui précède, d'une part, que M. X n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Caen n'a fait que partiellement droit à sa demande en condamnant l'Etablissement français du sang, auquel est substitué l'ONIAM, à lui verser la somme de 60 000 euros au titre des préjudices résultant de sa contamination par le virus de l'hépatite C ; que, d'autre part, et ainsi qu'il a été rappelé ci-dessus, le RSI de Basse-Normandie est fondé à obtenir de l'ONIAM le remboursement de la somme totale de 56 587,76 euros au titre des prestations servies à M. X en relation directe et exclusive avec sa contamination par le virus de l'hépatite C ainsi qu'une somme de 955 euros au titre de l'indemnité forfaitaire de gestion ; que le jugement attaqué doit, en conséquence, être réformé dans cette mesure ;

Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mis à la charge de l'ONIAM qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante à l'égard de M. X, le versement de la somme que celui-ci demande au titre des frais exposés et non compris dans les dépens ; qu'il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire droit aux conclusions présentées sur ce fondement par le RSI de Basse-Normandie et par l'ONIAM ;

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de M. X est rejetée.

Article 2 : L'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales, substitué à l'Etablissement français du sang, versera au Régime social des indépendants de Basse-Normandie les sommes de 56 587,76 euros (cinquante-six mille cinq cent quatre-vingt-sept euros et soixante-seize centimes) au titre de ses débours et de 955 euros (neuf cent cinquante-cinq euros) au titre de l'indemnité forfaitaire de gestion.

Article 3 : Le jugement n° 08-75 du tribunal administratif de Caen en date du 12 mai 2009 est réformé en ce qu'il a de contraire à l'article 2 ci-dessus.

Article 4 : Les conclusions présentées par l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales et le surplus des conclusions présentées par le Régime social des indépendants de Basse-Normandie sont rejetées.

Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à M. Michel X, à l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales, à l'Etablissement français du sang et au Régime social des indépendants de Basse-Normandie.

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N° 09NT01575 2

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Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nantes
Formation : 3ème chambre
Numéro d'arrêt : 09NT01575
Date de la décision : 06/10/2011
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : Mme PERROT
Rapporteur ?: M. Olivier COIFFET
Rapporteur public ?: M. DEGOMMIER
Avocat(s) : VERILHAC

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nantes;arret;2011-10-06;09nt01575 ?
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