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27/10/2011 | FRANCE | N°10NT00555

France | France, Cour administrative d'appel de Nantes, 1ère chambre, 27 octobre 2011, 10NT00555


Vu la requête, enregistrée le 17 mars 2010, présentée pour la SA LA RETRAITE, dont le siège est 22 rue Maurice Saumuroise à Angers (49000), par Me Mossé, avocat au barreau de Lyon ; la SA LA RETRAITE demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement n°s 0701936, 0904556 et 0905050 du 4 février 2010 par lequel le tribunal administratif de Nantes a rejeté, d'une part, ses demandes tendant à la décharge des cotisations à la taxe sur les salaires auxquelles elle a été assujettie au titre des années 2005, 2006, et 2007 et des pénalités dont elles ont été assorties, d'autre

part, sa réclamation transmise par l'administration en vertu de l'article R...

Vu la requête, enregistrée le 17 mars 2010, présentée pour la SA LA RETRAITE, dont le siège est 22 rue Maurice Saumuroise à Angers (49000), par Me Mossé, avocat au barreau de Lyon ; la SA LA RETRAITE demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement n°s 0701936, 0904556 et 0905050 du 4 février 2010 par lequel le tribunal administratif de Nantes a rejeté, d'une part, ses demandes tendant à la décharge des cotisations à la taxe sur les salaires auxquelles elle a été assujettie au titre des années 2005, 2006, et 2007 et des pénalités dont elles ont été assorties, d'autre part, sa réclamation transmise par l'administration en vertu de l'article R. 199-1 du livre des procédures fiscales tendant à la décharge de la cotisation à la taxe sur les salaires à laquelle elle a été assujettie au titre de l'année 2008 et des pénalités dont elle a été assortie ;

2°) de prononcer la décharge demandée, à hauteur de 18 591 euros, assortie des intérêts moratoires en application de l'article L. 208 du livre des procédures fiscales, et le cas échéant, de poser à la CJUE à titre préjudiciel sur le fondement de l'article 234 du traité instituant la communauté européenne la question de la compatibilité de la taxe sur les salaires avec l'article 1er de la directive TVA et les articles 43 et 49 du traité CE ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat le versement d'une somme de 10 000 euros sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

.....................................................................................................................

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le traité instituant la Communauté européenne ;

Vu la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne ;

Vu la sixième directive n° 77/388/CEE du Conseil des communautés européennes du 17 mai 1977 en matière d'harmonisation des législations des Etats membres relatives aux taxes sur le chiffre d'affaires ;

Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et le premier protocole additionnel à cette convention ;

Vu le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 6 octobre 2011 :

- le rapport de Mlle Wunderlich, premier conseiller ;

- et les conclusions de Mme Specht, rapporteur public ;

Considérant, d'une part, qu'aux termes de l'article 43 du traité instituant la Communauté européenne en vigueur pendant les années d'imposition en litige : Dans le cadre des dispositions ci-après, les restrictions à la liberté d'établissement des ressortissants d'un Etat membre dans le territoire d'un autre Etat membre sont interdites. Cette interdiction s'étend également aux restrictions à la création d'agences, de succursales ou de filiales par les ressortissants d'un Etat membre établis sur le territoire d'un Etat membre. / La liberté d'établissement comporte l'accès aux activités non salariées et leur exercice, ainsi que la constitution et la gestion d'entreprises, et notamment de sociétés au sens de l'article 48, deuxième alinéa, dans les conditions définies par la législation du pays d'établissement pour ses propres ressortissants (...) ; que les stipulations de l'article 48 de ce traité également en vigueur étendent aux sociétés l'application de ces stipulations ; qu'aux termes de l'article 49 de ce traité également en vigueur : Dans le cadre des dispositions visées ci-après, les restrictions à la libre prestation des services à l'intérieur de la Communauté sont interdites à l'égard des ressortissants des États membres établis dans un pays de la Communauté autre que celui du destinataire de la prestation. (...) ;

Considérant, d'autre part, qu'aux termes de l'article 33 de la sixième directive n° 77/388/CEE du 17 mai 1977 alors en vigueur, dont les dispositions sont reprises à l'article 401 de la directive 2006/112/CE du 28 novembre 2006 relative au système commun de taxe sur la valeur ajoutée : Sans préjudice d'autres dispositions communautaires, notamment celles prévues par les dispositions communautaires en vigueur relatives au régime général, à la détention, à la circulation et aux contrôles des produits soumis à accise, les dispositions de la présente directive ne font pas obstacle au maintien ou à l'introduction par un Etat membre des taxes sur les contrats d'assurance, sur les jeux et paris, d'accises, de droits d'enregistrement, et plus généralement de tous les impôts, droits et taxes n'ayant pas le caractère de taxe sur le chiffre d'affaires, à condition, toutefois, que ces impôts, droits et taxes ne donnent pas lieu dans les échanges entre les Etats membres à des formalités liées au passage d'une frontière ;

Considérant, enfin, que la taxe sur les salaires est régie par les dispositions du 1 de l'article 231 du code général des impôts, aux termes desquelles, dans leur rédaction alors en vigueur : Les sommes payées à titre de rémunérations sont soumises à une taxe sur les salaires égale à 4,25 % de leur montant (...), à la charge des personnes ou organismes, à l'exception des collectivités locales et de leurs groupements, des services départementaux de lutte contre l'incendie, des centres d'action sociale dotés d'une personnalité propre lorsqu'ils sont subventionnés par les collectivités locales, du centre de formation des personnels communaux et des caisses des écoles, qui paient ces rémunérations lorsqu'ils ne sont pas assujettis à la taxe sur la valeur ajoutée ou ne l'ont pas été sur 90 % au moins de leur chiffre d'affaires au titre de l'année civile précédant celle du paiement desdites rémunérations. L'assiette de la taxe due par ces personnes ou organismes est constituée par une partie des rémunérations versées, déterminée en appliquant à l'ensemble de ces rémunérations le rapport existant, au titre de cette même année, entre le chiffre d'affaires qui n'a pas été passible de la taxe sur la valeur ajoutée et le chiffre d'affaires total. Le chiffre d'affaires qui n'a pas été assujetti à la taxe sur la valeur ajoutée en totalité ou sur 90 % au moins de son montant, ainsi que le chiffre d'affaires total mentionné au dénominateur du rapport s'entendent du total des recettes et autres produits, y compris ceux correspondant à des opérations qui n'entrent pas dans le champ d'application de la taxe sur la valeur ajoutée. Le chiffre d'affaires qui n'a pas été passible de la taxe sur la valeur ajoutée mentionné au numérateur du rapport s'entend du total des recettes et autres produits qui n'ont pas ouvert droit à déduction de la taxe sur la valeur ajoutée (...) ; qu'en vertu du 2 de l'article 51 de l'annexe III au même code, la taxe sur les salaires est calculée sur le montant total des rémunérations effectivement payées par ces personnes à l'ensemble de leur personnel, y compris la valeur des avantages en nature, quels que soient l'importance des rémunérations et le lieu du domicile des bénéficiaires ;

Considérant, en premier lieu, qu'il résulte de la combinaison des dispositions des articles 231 précité du code général des impôts et 51 susmentionné de l'annexe III audit code que la taxe sur les salaires est due par tout employeur établi en France à raison des rémunérations qu'il verse à son personnel salarié, même si celui-ci est employé hors de France ; qu'une personne morale établie en France entrant dans le champ de la taxe sur les salaires est ainsi soumise indistinctement au paiement de cet impôt pour les rémunérations versées à l'ensemble des salariés qu'elle emploie, que ceux-ci exercent leurs fonctions en France ou dans un autre Etat membre ; que la création par cette personne morale d'une filiale dans un autre Etat membre se traduit par l'application du même régime d'imposition que celui de ses établissements secondaires situés en France ; qu'enfin, l'assujettissement à la taxe sur les salaires dépend uniquement de l'établissement de l'employeur en France et non de la circonstance que la prestation rendue soit destinée à un preneur domicilié en France ou dans un autre Etat membre ; qu'ainsi, la taxe sur les salaires n'est pas, au regard des effets incitatifs dont la SA LA RETRAITE soutient qu'ils lui sont attachés, constitutive d'une restriction, prohibée par les articles 43 et 48 et 49 précités du traité instituant la Communauté européenne, à la liberté d'établissement des ressortissants d'un Etat membre dans le territoire d'un autre Etat membre ou à la liberté de prestation de services à l'intérieur de la Communauté européenne ; que la possibilité offerte à la personne morale de créer un établissement indépendant dans un autre Etat membre plutôt qu'une filiale, ou de muter son personnel plutôt que de le détacher afin de ne pas être soumise à la taxe, ne saurait constituer, par elle-même, une entrave à ces libertés ;

Considérant, en deuxième lieu, que l'objet de l'article 33 précité de la sixième directive est d'éviter que soient instaurés ou maintenus des impôts, droits et taxes qui, du fait qu'ils grèvent la circulation des biens et des services d'une façon comparable à la taxe sur la valeur ajoutée, compromettent le fonctionnement du système commun de cette dernière ; que doivent être considérés comme tels les impôts, droits et taxes qui présentent les caractéristiques essentielles de cette taxe ; que cet article ne fait en revanche pas obstacle au maintien ou à l'introduction d'autres types d'impôts, droits et taxes, et en particulier de taxes assises sur les salaires versés par les entreprises, dès lors que ces impôts, droits ou taxes ne présentent pas les caractéristiques essentielles de la taxe sur la valeur ajoutée ;

Considérant que la société requérante ne conteste pas que la taxe sur les salaires ne présente pas les caractéristiques essentielles de la taxe sur la valeur ajoutée ; que la circonstance que cette taxe ne frappe que les entreprises exonérées de taxe sur la valeur ajoutée ou non soumises à cette taxe sur au moins 90 % de leur chiffre d'affaires n'a pas pour effet de lui conférer le caractère d'une taxe sur le chiffre d'affaires prohibée par l'article 33 de la sixième directive ; que, contrairement à ce que soutient la SA LA RETRAITE, la taxe sur les salaires, dont le fait générateur et la base d'imposition sont, quand bien même les dispositions précitées de l'article 231 du code général des impôts fixent l'assiette de l'imposition à la taxe sur les salaires à proportion inverse du chiffre d'affaires réalisé dans le cadre d'opérations soumises à la taxe sur la valeur ajoutée, spécifiques, est, en tout état de cause, indépendante de la taxe sur la valeur ajoutée ;

Considérant, en troisième lieu, que la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne, proclamée par le Conseil européen le 7 décembre 2000 et reprise dans un acte inter-institutionnel publié le 18 décembre 2000, était dépourvue, en l'état du droit à la date du fait générateur des impositions contestées, de la force juridique qui s'attache à un traité une fois introduit dans l'ordre juridique interne et ne figurait pas au nombre des actes du droit communautaire dérivé susceptibles d'être invoqués devant les juridictions nationales ; que le moyen tiré de sa méconnaissance ne peut, dès lors en tout état de cause, qu'être écarté ;

Considérant, en quatrième et dernier lieu, qu'aux termes de l'article 14 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : La jouissance des droits et libertés reconnus dans la présente convention doit être assurée, sans distinction aucune, fondée notamment sur le sexe, la race, la couleur, la langue, la religion, les opinions politiques ou toutes autres opinions, l'origine nationale ou sociale, l'appartenance à une minorité nationale, la fortune, la naissance ou toute autre situation ; qu'aux termes de l'article 1er du premier protocole additionnel à cette convention : Toute personne physique ou morale a droit au respect de ses biens. Nul ne peut être privé de sa propriété que pour cause d'utilité publique et dans les conditions prévues par la loi et les principes généraux du droit international. / Les dispositions précédentes ne portent pas atteinte au droit que possèdent les Etats de mettre en vigueur les lois qu'ils jugent nécessaires pour réglementer l'usage des biens conformément à l'intérêt général ou pour assurer le paiement des impôts ou d'autres contributions ou des amendes ; qu'une distinction entre des personnes placées dans une situation analogue est discriminatoire, au sens de l'article 14 précité de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, si elle n'est pas assortie de justifications objectives et raisonnables, c'est-à-dire si elle ne poursuit pas un objectif d'utilité publique ou si elle n'est pas fondée sur des critères objectifs et rationnels en rapport avec les buts de la loi ;

Considérant que le montant de la taxe sur les salaires est calculé à partir d'un barème progressif appliqué à la masse salariale imposable, ces règles d'imposition étant les mêmes pour l'ensemble des entreprises relevant d'un même secteur d'activité ; que le barème de la taxe sur les salaires tient compte de la différence de situation entre les contribuables qui ne relèvent pas des mêmes secteurs d'activité ; qu'il s'ensuit que le législateur a assujetti de manière différente à la taxe sur les salaires des entreprises qui ne sont pas, nonobstant une masse salariale identique, dans une situation analogue ; que le moyen tiré de ce que l'article 231 précité du code général des impôts est incompatible avec les stipulations précitées des articles 14 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et 1er du premier protocole additionnel à cette convention ne peut, dès lors, qu'être écarté ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède, sans qu'il soit besoin de saisir la Cour de justice de l'Union européenne d'une question préjudicielle, que la SA LA RETRAITE n'est pas fondée à soutenir que, par le jugement attaqué, lequel est suffisamment motivé, le tribunal administratif de Nantes, qui n'a pas dénaturé les moyens dont il était saisi, a rejeté sa demande ;

Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'Etat, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, la somme que la SA LA RETRAITE demande au titre des frais exposés et non compris dans les dépens ;

DECIDE :

Article 1er : La requête de la SA LA RETRAITE est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à la SA LA RETRAITE et au ministre du budget, des comptes publics et de la réforme de l'Etat, porte-parole du Gouvernement.

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N° 10NT005552

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Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nantes
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 10NT00555
Date de la décision : 27/10/2011
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Autres

Composition du Tribunal
Président : Mme MASSIAS
Rapporteur ?: Mme Anne-Catherine WUNDERLICH
Rapporteur public ?: Mme SPECHT
Avocat(s) : MOSSE

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nantes;arret;2011-10-27;10nt00555 ?
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