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26/01/2012 | FRANCE | N°11NT00240

France | France, Cour administrative d'appel de Nantes, 3ème chambre, 26 janvier 2012, 11NT00240


Vu la requête, enregistrée le 25 janvier 2011, présentée pour M. Philippe X, demeurant ..., par Me Bineteau, avocat au barreau de Paris ; M. X demande à la cour :

1°) de réformer le jugement n° 05-4312 du 24 novembre 2010 du tribunal administratif de Nantes en tant qu'il a limité à 15 000 euros la somme que l'Etat et France Télécom ont été solidairement condamnés à lui verser en réparation du préjudice subi en raison du blocage de sa carrière ;

2°) de condamner solidairement France Télécom et l'Etat à lui verser la somme de 101 338,80 euros avec intérêts

au taux légal à compter de sa demande préalable ;

3°) de mettre à la charge solidai...

Vu la requête, enregistrée le 25 janvier 2011, présentée pour M. Philippe X, demeurant ..., par Me Bineteau, avocat au barreau de Paris ; M. X demande à la cour :

1°) de réformer le jugement n° 05-4312 du 24 novembre 2010 du tribunal administratif de Nantes en tant qu'il a limité à 15 000 euros la somme que l'Etat et France Télécom ont été solidairement condamnés à lui verser en réparation du préjudice subi en raison du blocage de sa carrière ;

2°) de condamner solidairement France Télécom et l'Etat à lui verser la somme de 101 338,80 euros avec intérêts au taux légal à compter de sa demande préalable ;

3°) de mettre à la charge solidaire de France Télécom et de l'Etat la somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

....................................................................................................................

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 modifiée portant droits et obligations des fonctionnaires ;

Vu la loi n° 84-16 du 11 janvier 1984 modifiée portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique d'Etat ;

Vu la loi n° 90-568 du 2 juillet 1990 relative à l'organisation du service public de La Poste et à France Télécom ;

Vu la loi n° 96-660 du 26 juillet 1996 relative à l'entreprise nationale France Télécom ;

Vu le décret n° 54-864 du 2 septembre 1954 ;

Vu le décret n° 58-777 du 25 août 1958 ;

Vu le décret n° 90-1225 du 31 décembre 1990 relatif au statut particulier des corps du service des lignes de France Télécom ;

Vu le décret n° 91-103 du 25 janvier 1991 relatif au statut particulier du corps des inspecteurs de La Poste et du corps des inspecteurs de France Télécom ;

Vu les décrets nos 93-514 à 93-519 du 25 mars 1993, modifiés ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 5 janvier 2012 :

- le rapport de M. Pouget, rapporteur ;

- les conclusions de M. Degommier, rapporteur public ;

- et les observations de Me Jacob, substituant Me Bineteau, avocat de M. X ;

Vu la note en délibéré, enregistrée le 6 janvier 2012, présentée pour M. X ;

Considérant que M. X, fonctionnaire de France Télécom depuis le 19 septembre 1977, titularisé le 19 septembre 1978 dans le grade d'agent d'exploitation du service des lignes (AEXSL) puis promu le 1er juillet 2006 dans le grade de conducteur de travaux du service des lignes (CDTXL) a refusé, lors du changement de statut de son employeur, d'intégrer les corps dits de reclassification et a opté en faveur de la conservation de son grade ; que, par un courrier du 19 avril 2005, il a demandé à France Télécom et à l'Etat le versement de la somme de

80 000 euros en réparation des préjudices qu'il estime avoir subis du fait du blocage de sa carrière depuis 1993 ; qu'il relève appel du jugement du 24 novembre 2010 du tribunal administratif de Nantes en tant qu'il a limité à 15 000 euros la somme que l'Etat et France Télécom ont été condamnés à lui verser en réparation du préjudice subi en raison du blocage de sa carrière ;

Sur la responsabilité de France Télécom et de l'Etat :

Considérant qu'aux termes de l'article 29 de la loi du 2 juillet 1990 relative à l'organisation du service public de La poste et à France Télécom : Les personnels de La Poste et de France Télécom sont régis par des statuts particuliers, pris en application de la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires et de la loi n° 84-16 du 11 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique de l'Etat (...) ; qu'aux termes de l'article 26 de la loi du 11 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique de l'Etat : En vue de favoriser la promotion interne, les statuts particuliers fixent une proportion de postes susceptibles d'être proposés au personnel appartenant déjà à l'administration (...), non seulement par voie de concours (...) mais aussi par la nomination de fonctionnaires (...) suivant l'une des modalités ci-après : / 1° Examen professionnel ; / 2° Liste d'aptitude établie après avis de la commission paritaire du corps d'accueil (...) / Chaque statut particulier peut prévoir l'application des deux modalités ci-dessus, sous réserve qu'elles bénéficient à des agents placés dans des situations différentes ; qu'aux termes de l'article 29-1 de la loi du 2 juillet 1990, dans sa rédaction issue de la loi du 26 juillet 1996 : 1. Au 31 décembre 1996, les corps de fonctionnaires de France Télécom sont rattachés à l'entreprise nationale France Télécom et placés sous l'autorité de son président qui dispose des pouvoirs de nomination et de gestion à leur égard. Les personnels fonctionnaires de l'entreprise nationale France Télécom demeurent soumis aux articles 29 et 30 de la présente loi. / L'entreprise nationale France Télécom peut procéder jusqu'au 1er janvier 2002 à des recrutements externes de fonctionnaires pour servir auprès d'elle en position d'activité (...) et qu'aux termes de l'article 34 : Le ministre chargé des postes et télécommunications veille, dans le cadre de ses attributions générales sur le secteur des postes et télécommunications, au respect des lois et règlements applicables au service public des postes et télécommunications et aux autres missions qui sont confiées par la présente loi aux exploitants publics (...) ;

Considérant, d'une part, que la possibilité offerte aux fonctionnaires qui sont demeurés dans les corps dits de reclassement de France Télécom de bénéficier, au même titre que les fonctionnaires ayant choisi d'intégrer les nouveaux corps dits de reclassification créés en 1993, de mesures de promotion organisées en vue de pourvoir des emplois vacants proposés dans ces corps de reclassification, ne dispensait pas le président de France Télécom, avant le 1er janvier 2002, de faire application des dispositions de la loi du 11 janvier 1984 relatives au droit à la promotion interne dans le cadre des corps de reclassement ; qu'il appartenait, en outre, au ministre chargé des postes et télécommunications de veiller de manière générale au respect par France Télécom de ce droit à la promotion interne, garanti aux fonctionnaires reclassés comme aux fonctionnaires reclassifiés de l'exploitant public par les dispositions combinées de la loi du 2 juillet 1990 et de la loi du 11 janvier 1984 ;

Considérant, d'autre part, que le législateur, en décidant par les dispositions précitées de l'article 29-1 de la loi du 2 juillet 1990, résultant de la loi du 26 juillet 1996, que les recrutements externes de fonctionnaires par France Télécom cesseraient au plus tard le 1er janvier 2002, n'a pas entendu priver d'effet, après cette date, les dispositions de l'article 26 de la loi du 11 janvier 1984 relatives au droit à la promotion interne à l'égard des fonctionnaires reclassés ; que, par suite, les décrets régissant les statuts particuliers des corps de reclassement, en ce qu'ils n'organisaient pas de voies de promotion interne autres que celles liées aux titularisations consécutives aux recrutements externes et privaient en conséquence les fonctionnaires reclassés de toute possibilité de promotion interne, sont devenus illégaux à compter de la cessation des recrutements externes le 1er janvier 2002 ; qu'en faisant application de ces décrets illégaux et en refusant de prendre toute mesure de promotion interne au bénéfice des fonctionnaires reclassés après cette date, le président de France Télécom a, de même, commis une illégalité fautive engageant la responsabilité de cette société ; que des promotions internes pour les fonctionnaires reclassés non liées aux recrutements externes ne sont redevenues possibles, au sein de France Télécom, que par l'effet du décret du 26 novembre 2004 relatif aux dispositions statutaires applicables à certains corps de fonctionnaires de France Télécom ; qu'ainsi l'Etat a également commis une faute en attendant le 26 novembre 2004 pour édicter les dispositions organisant les possibilités de promotion interne pour les fonctionnaires des corps de reclassement ; que ces fautes sont de nature à entraîner la responsabilité de l'Etat et de France Télécom, mais n'ouvrent droit à réparation au profit de M. X qu'à la condition qu'elles soient à l'origine d'un préjudice personnel, direct et certain subi par lui ;

Sur le préjudice :

Considérant qu'il ne résulte pas de l'instruction que M. X, promu dans le grade de conducteur de travaux du service des lignes (CDTXL) le 30 juin 2006 avec une ancienneté prise en compte rétroactivement au 12 mars 2004 aurait eu avant cette date, alors même qu'il satisfaisait depuis l'année 1998 aux conditions posées par les statuts pour figurer sur la liste d'aptitude pour l'accès à ce grade, et compte tenu des appréciations portées sur sa manière de servir, une chance sérieuse d'accéder antérieurement au dit grade, puis à celui d'inspecteur (IN), eu égard à la nature des fonctions susceptibles de lui être confiées si des promotions avaient été organisées au bénéfice des fonctionnaires reclassés après 1993 ; que par suite, les conclusions de M. X tendant à ce qu'une indemnité lui soit versée tant au titre de son préjudice financier qu'au titre de son préjudice professionnel ne peuvent qu'être rejetées ; qu'il résulte de ce qui précède que le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nantes a accordé la somme de 10 000 euros à M. X en réparation de tels préjudices ;

Considérant, en revanche, que M. X a subi, du fait de l'atteinte portée à ses droits statutaires à raison des illégalités fautives relevées ci-dessus, des troubles dans ses conditions d'existence et un préjudice moral dont il sera fait une juste appréciation en les évaluant à la somme globale de 5 000 euros, tous intérêts confondus, laquelle sera supportée solidairement par l'Etat et France Télécom ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède qu'il y a lieu de réformer le jugement attaqué du tribunal administratif de Nantes et de ramener à 5 000 euros le montant de l'indemnité allouée à M. X ;

Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

Considérant que ces dispositions font obstacle à ce que soit mise à la charge de France Télécom et de l'Etat, qui ne sont pas les parties perdantes dans la présente instance, la somme que demande M. X au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens ; qu'il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de M. X la somme que France Télécom demande au titre des mêmes dispositions ;

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de M. X est rejetée.

Article 2 : La somme que le tribunal administratif de Nantes a condamné solidairement l'Etat et France Télécom à verser à M. X est ramenée à 5 000 euros (cinq mille euros), tous intérêts confondus au jour du présent arrêt.

Article 3 : Le jugement du tribunal administratif de Nantes en date du 24 novembre 2010 est réformé en ce qu'il a de contraire à l'article 1er.

Article 4 : Les surplus des conclusions du ministre de l'économie, des finances et de l'industrie, ainsi que les conclusions présentées par France Télécom sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, sont rejetées.

Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à M. Philippe X, au ministre de l'économie, des finances et de l'industrie et à France Télécom.

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Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nantes
Formation : 3ème chambre
Numéro d'arrêt : 11NT00240
Date de la décision : 26/01/2012
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : M. COIFFET
Rapporteur ?: M. Laurent POUGET
Rapporteur public ?: M. DEGOMMIER
Avocat(s) : BINETEAU

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nantes;arret;2012-01-26;11nt00240 ?
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