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26/01/2012 | FRANCE | N°11NT00695

France | France, Cour administrative d'appel de Nantes, 3ème chambre, 26 janvier 2012, 11NT00695


Vu la requête, enregistrée le 28 février 2011, présentée pour M. Michel X, demeurant ..., par Me Bineteau, avocat au barreau de Paris ; M. X demande à la cour :

1°) de réformer le jugement n° 05-3818 du 29 décembre 2010 du tribunal administratif de Nantes en tant qu'il a limité à 15 000 euros la somme que l'Etat et France Télécom ont été solidairement condamnés à lui verser en réparation du préjudice subi en raison du blocage de sa carrière ;

2°) de condamner solidairement France Télécom et l'Etat à lui verser la somme de

80 000 euros avec intér

ts au taux légal à compter de sa demande préalable ;

3°) de mettre à la charge solidaire d...

Vu la requête, enregistrée le 28 février 2011, présentée pour M. Michel X, demeurant ..., par Me Bineteau, avocat au barreau de Paris ; M. X demande à la cour :

1°) de réformer le jugement n° 05-3818 du 29 décembre 2010 du tribunal administratif de Nantes en tant qu'il a limité à 15 000 euros la somme que l'Etat et France Télécom ont été solidairement condamnés à lui verser en réparation du préjudice subi en raison du blocage de sa carrière ;

2°) de condamner solidairement France Télécom et l'Etat à lui verser la somme de

80 000 euros avec intérêts au taux légal à compter de sa demande préalable ;

3°) de mettre à la charge solidaire de France Télécom et de l'Etat la somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

....................................................................................................................

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 modifiée portant droits et obligations des fonctionnaires ;

Vu la loi n° 84-16 du 11 janvier 1984 modifiée portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique d'Etat ;

Vu la loi n° 90-568 du 2 juillet 1990 relative à l'organisation du service public de La Poste et à France Télécom ;

Vu la loi n° 96-660 du 26 juillet 1996 relative à l'entreprise nationale France Télécom ;

Vu le décret n° 72-420 du 24 mai 1972 portant statut particulier du corps des techniciens des installations des télécommunications ;

Vu le décret n° 90-1231 du 31 décembre 1990 relatif au statut particulier du corps des techniciens des installations de La Poste et du corps des techniciens des installations de France Télécom ;

Vu les décrets nos 93-514 à 93-519 du 25 mars 1993, modifiés ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 5 janvier 2012 :

- le rapport de M. Pouget, rapporteur;

- les conclusions de M. Degommier, rapporteur public ;

- et les observations de Me Jacob, substituant Me Bineteau, avocat de M. X ;

Vu la note en délibéré, enregistrée le 6 janvier 2012, présentée pour M. X ;

Considérant que M. X, fonctionnaire de France Télécom depuis le 1er juillet 1980, titularisé le 1er juillet 1981 dans le grade d'aide technicien de 2ème classe (ATIN2) puis promu le 1er juillet 1992 dans le grade d'aide technicien (ATIN) et dans le grade de technicien des installations (TINT) en juillet 2007, a refusé, lors du changement de statut de son employeur, d'intégrer les corps dits de reclassification et a opté en faveur de la conservation de son grade ; que par un courrier du 21 mars 2005 il a demandé à France Télécom et à l'Etat le versement de la somme de 80 000 euros en réparation des préjudices qu'il estime avoir subis du fait du blocage de sa carrière depuis 1993 ; qu'il relève appel du jugement du 29 décembre 2010 du tribunal administratif de Nantes en tant qu'il a limité à 15 000 euros la somme que l'Etat et France Télécom ont été solidairement condamnés à lui verser en réparation du préjudice subi en raison du blocage de sa carrière ;

Sur la responsabilité de France Télécom et de l'Etat :

Considérant qu'aux termes de l'article 29 de la loi du 2 juillet 1990 relative à l'organisation du service public de La poste et à France Télécom : Les personnels de La Poste et de France Télécom sont régis par des statuts particuliers, pris en application de la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires et de la loi n° 84-16 du 11 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique de l'Etat (...) ; qu'aux termes de l'article 26 de la loi du 11 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique de l'Etat : En vue de favoriser la promotion interne, les statuts particuliers fixent une proportion de postes susceptibles d'être proposés au personnel appartenant déjà à l'administration (...), non seulement par voie de concours (...) mais aussi par la nomination de fonctionnaires (...) suivant l'une des modalités ci-après : / 1° Examen professionnel ; / 2° Liste d'aptitude établie après avis de la commission paritaire du corps d'accueil (...) / Chaque statut particulier peut prévoir l'application des deux modalités ci-dessus, sous réserve qu'elles bénéficient à des agents placés dans des situations différentes ; qu'aux termes de l'article 29-1 de la loi du 2 juillet 1990, dans sa rédaction issue de la loi du 26 juillet 1996 : 1. Au 31 décembre 1996, les corps de fonctionnaires de France Télécom sont rattachés à l'entreprise nationale France Télécom et placés sous l'autorité de son président qui dispose des pouvoirs de nomination et de gestion à leur égard. Les personnels fonctionnaires de l'entreprise nationale France Télécom demeurent soumis aux articles 29 et 30 de la présente loi. / L'entreprise nationale France Télécom peut procéder jusqu'au 1er janvier 2002 à des recrutements externes de fonctionnaires pour servir auprès d'elle en position d'activité (...) et qu'aux termes de l'article 34 : Le ministre chargé des postes et télécommunications veille, dans le cadre de ses attributions générales sur le secteur des postes et télécommunications, au respect des lois et règlements applicables au service public des postes et télécommunications et aux autres missions qui sont confiées par la présente loi aux exploitants publics (...) ;

Considérant, d'une part, que la possibilité offerte aux fonctionnaires qui sont demeurés dans les corps dits de reclassement de France Télécom de bénéficier, au même titre que les fonctionnaires ayant choisi d'intégrer les nouveaux corps dits de reclassification créés en 1993, de mesures de promotion organisées en vue de pourvoir des emplois vacants proposés dans ces corps de reclassification, ne dispensait pas le président de France Télécom, avant le 1er janvier 2002, de faire application des dispositions de la loi du 11 janvier 1984 relatives au droit à la promotion interne dans le cadre des corps de reclassement ; qu'il appartenait, en outre, au ministre chargé des postes et télécommunications de veiller de manière générale au respect par France Télécom de ce droit à la promotion interne, garanti aux fonctionnaires reclassés comme aux fonctionnaires reclassifiés de l'exploitant public par les dispositions combinées de la loi du 2 juillet 1990 et de la loi du 11 janvier 1984 ;

Considérant, d'autre part, que le législateur, en décidant par les dispositions précitées de l'article 29-1 de la loi du 2 juillet 1990, résultant de la loi du 26 juillet 1996, que les recrutements externes de fonctionnaires par France Télécom cesseraient au plus tard le 1er janvier 2002, n'a pas entendu priver d'effet, après cette date, les dispositions de l'article 26 de la loi du 11 janvier 1984 relatives au droit à la promotion interne à l'égard des fonctionnaires reclassés ; que, par suite, les décrets régissant les statuts particuliers des corps de reclassement, en ce qu'ils n'organisaient pas de voies de promotion interne autres que celles liées aux titularisations consécutives aux recrutements externes et privaient en conséquence les fonctionnaires reclassés de toute possibilité de promotion interne, sont devenus illégaux à compter de la cessation des recrutements externes le 1er janvier 2002 ; qu'en faisant application de ces décrets illégaux et en refusant de prendre toute mesure de promotion interne au bénéfice des fonctionnaires reclassés après cette date, le président de France Télécom a, de même, commis une illégalité fautive engageant la responsabilité de cette société ; que des promotions internes pour les fonctionnaires reclassés non liées aux recrutements externes ne sont redevenues possibles, au sein de France Télécom, que par l'effet du décret du 26 novembre 2004 relatif aux dispositions statutaires applicables à certains corps de fonctionnaires de France Télécom ; qu'ainsi l'Etat a également commis une faute en attendant le 26 novembre 2004 pour édicter les dispositions organisant les possibilités de promotion interne pour les fonctionnaires des corps de reclassement ; que ces fautes sont de nature à entraîner la responsabilité de l'Etat et de France Télécom, mais n'ouvrent droit à réparation au profit de M. X qu'à la condition qu'elles soient à l'origine d'un préjudice personnel, direct et certain subi par lui ;

Sur le préjudice :

Considérant qu'il résulte de l'instruction que M. X, agent de France Télécom, satisfaisait, à compter de l'année 1999, aux conditions posées par les statuts pour figurer sur la liste d'aptitude pour l'accès au grade de technicien des installations (TINT), régi par le décret du 24 mai 1972 susvisé ; que les documents évaluant sa manière de servir font état d'excellentes appréciations, alors même qu'il occupe un poste d'un niveau supérieur à son grade depuis 1993 ; qu'il a également été jugé capable d'exercer des fonctions d'un niveau supérieur à plusieurs reprises par ses supérieurs hiérarchiques ; qu'il en résulte que les fautes commises tant par France Télécom que par l'Etat ont privé M. X d'une chance sérieuse d'accéder au grade hiérarchiquement supérieur de technicien supérieur des installations si des promotions avaient été organisées au bénéfice des fonctionnaires reclassés après 1993 ; qu'ainsi l'intéressé a subi un préjudice professionnel et financier ; qu'eu égard au niveau de rémunération auquel l'intéressé pouvait prétendre et à la durée pendant laquelle ce préjudice a été subi, il sera fait une plus exacte appréciation de celui-ci en le portant à la somme de 21 000 euros, tous intérêts confondus, à laquelle il conviendra d'ajouter 5 000 euros, tous intérêts confondus, au titre de la réparation du préjudice moral et des troubles dans les conditions d'existence également subis par M. X ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède que M. X est seulement fondé à demander la réformation du jugement attaqué dans la mesure des sommes précisées ci-dessus ; qu'en revanche, le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie n'est pas fondé à demander l'annulation du jugement attaqué ;

Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge solidaire de France Télécom et de l'Etat le versement à M. X de la somme de 1 000 euros au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens ; que les conclusions présentées sur le fondement des mêmes dispositions par France Télécom, partie perdante dans la présente instance, doivent être rejetées.

DÉCIDE :

Article 1er : La somme que France Télécom et l'Etat ont été solidairement condamnés à verser à M. X est portée à 26 000 euros (vingt-six mille euros), tous intérêts confondus au jour du présent arrêt.

Article 2 : Le jugement du tribunal administratif de Nantes en date du 29 décembre 2010 est réformé en ce qu'il a de contraire à l'article 1er ci-dessus.

Article 3 : Le surplus des conclusions de la demande et de la requête de M. X et les conclusions du ministre de l'économie, des finances et de l'industrie sont rejetés.

Article 4 : France Télécom et l'Etat verseront solidairement à M. X la somme de 1 000 euros (mille euros) au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 5 : Les conclusions de France Télécom présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 6 : Le présent arrêt sera notifié à M. Michel X, au ministre de l'économie, des finances et de l'industrie et à France Télécom.

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Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nantes
Formation : 3ème chambre
Numéro d'arrêt : 11NT00695
Date de la décision : 26/01/2012
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : M. COIFFET
Rapporteur ?: M. Laurent POUGET
Rapporteur public ?: M. DEGOMMIER
Avocat(s) : BINETEAU

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nantes;arret;2012-01-26;11nt00695 ?
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