La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

26/01/2012 | FRANCE | N°11NT01280

France | France, Cour administrative d'appel de Nantes, 3ème chambre, 26 janvier 2012, 11NT01280


Vu la requête, enregistrée le 29 avril 2011, présentée pour M. Roger X, demeurant ..., par Me Bineteau, avocat au barreau de Paris ; M. X demande à la cour :

1°) de réformer le jugement n° 07-4741 du 24 février 2011 du tribunal administratif de Rennes en tant qu'il a limité à 1 500 euros la somme que l'Etat a été condamné à lui verser en réparation du préjudice subi en raison du blocage de sa carrière ;

2°) de condamner l'Etat à lui verser la somme de 80 000 euros avec intérêts au taux légal à compter de sa demande préalable ;

3°) de mettre à la

charge de l'Etat la somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice a...

Vu la requête, enregistrée le 29 avril 2011, présentée pour M. Roger X, demeurant ..., par Me Bineteau, avocat au barreau de Paris ; M. X demande à la cour :

1°) de réformer le jugement n° 07-4741 du 24 février 2011 du tribunal administratif de Rennes en tant qu'il a limité à 1 500 euros la somme que l'Etat a été condamné à lui verser en réparation du préjudice subi en raison du blocage de sa carrière ;

2°) de condamner l'Etat à lui verser la somme de 80 000 euros avec intérêts au taux légal à compter de sa demande préalable ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

....................................................................................................................

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Vu la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 modifiée portant droits et obligations des fonctionnaires ;

Vu la loi n° 84-16 du 11 janvier 1984 modifiée portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique d'Etat ;

Vu la loi n° 90-568 du 2 juillet 1990 relative à l'organisation du service public de La Poste et à France Télécom ;

Vu la loi n° 96-660 du 26 juillet 1996 relative à l'entreprise nationale France Télécom ;

Vu le décret n° 54-864 du 2 septembre 1954 ;

Vu le décret n° 90-1225 du 30 décembre 1990 relatif au statut particulier des corps du service des lignes de France Télécom ;

Vu les décrets nos 93-514 à 93-519 du 25 mars 1993, modifiés ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 5 janvier 2012:

- le rapport de M. Pouget, rapporteur ;

- les conclusions de M. Degommier, rapporteur public ;

- et les observations de Me Jacob, substituant Me Bineteau, avocat de M. X ;

Vu la note en délibéré, enregistrée le 6 janvier 2012, présentée pour M. X ;

Considérant que M. X, fonctionnaire de France Télécom depuis le 1er août 1982, titularisé le 28 juin 1984 dans le grade d'agent d'exploitation du service des lignes (AEXSL) a refusé, lors du changement de statut de son employeur, d'intégrer les corps dits de reclassification et a opté en faveur de la conservation de son grade ; que, par un courrier du 7 juin 2007, il a demandé à France Télécom et à l'Etat le versement de la somme de

80 000 euros en réparation des préjudices qu'il estime avoir subis du fait du blocage de sa carrière depuis 1993 ; qu'il relève appel du jugement du 24 février 2011 du tribunal administratif de Rennes en tant qu'il a limité à 1 500 euros la somme que l'Etat a été condamné à lui verser en réparation du préjudice subi ;

Sur la régularité du jugement attaqué :

Considérant, d'une part, que pour retenir la responsabilité de l'Etat à l'encontre de M. X à raison du préjudice subi par ce dernier du fait du blocage de sa carrière, le tribunal a précisément caractérisé les fautes distinctes commises et qui ont fait obstacle, pendant la période litigieuse, à toute promotion interne des fonctionnaires de France Télécom ayant refusé l'intégration dans l'un des corps dits de reclassification ; que, ce faisant, les premiers juges, qui n'étaient pas tenus de répondre à tous les arguments de l'intéressé, n'ont entaché leur jugement ni d'insuffisance de motivation, ni d'omission à statuer faute de s'être prononcés sur le moyen tiré de ce que l'Etat aurait, en tant qu'organe de tutelle de France Télécom, et indépendamment de la faute déjà identifiée, également commis une faute lourde ; qu'en jugeant, d'autre part, qu'il appartenait au requérant d'établir le caractère personnel, réel et certain du préjudice dont il demandait réparation, le tribunal n'a pas méconnu les stipulations de l'article 6§1 de la convention européenne des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Sur la responsabilité de l'Etat :

Considérant qu'aux termes de l'article 29 de la loi du 2 juillet 1990 relative à l'organisation du service public de La poste et à France Télécom : Les personnels de La Poste et de France Télécom sont régis par des statuts particuliers, pris en application de la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires et de la loi n° 84-16 du 11 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique de l'Etat (...) ; qu'aux termes de l'article 26 de la loi du 11 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique de l'Etat : En vue de favoriser la promotion interne, les statuts particuliers fixent une proportion de postes susceptibles d'être proposés au personnel appartenant déjà à l'administration (...), non seulement par voie de concours (...) mais aussi par la nomination de fonctionnaires (...) suivant l'une des modalités ci-après : / 1° Examen professionnel ; / 2° Liste d'aptitude établie après avis de la commission paritaire du corps d'accueil (...) / Chaque statut particulier peut prévoir l'application des deux modalités ci-dessus, sous réserve qu'elles bénéficient à des agents placés dans des situations différentes ; qu'aux termes de l'article 29-1 de la loi du 2 juillet 1990, dans sa rédaction issue de la loi du 26 juillet 1996 : 1. Au 31 décembre 1996, les corps de fonctionnaires de France Télécom sont rattachés à l'entreprise nationale France Télécom et placés sous l'autorité de son président qui dispose des pouvoirs de nomination et de gestion à leur égard. Les personnels fonctionnaires de l'entreprise nationale France Télécom demeurent soumis aux articles 29 et 30 de la présente loi. / L'entreprise nationale France Télécom peut procéder jusqu'au 1er janvier 2002 à des recrutements externes de fonctionnaires pour servir auprès d'elle en position d'activité (...) et qu'aux termes de l'article 34 : Le ministre chargé des postes et télécommunications veille, dans le cadre de ses attributions générales sur le secteur des postes et télécommunications, au respect des lois et règlements applicables au service public des postes et télécommunications et aux autres missions qui sont confiées par la présente loi aux exploitants publics (...) ;

Considérant, d'une part, que la possibilité offerte aux fonctionnaires qui sont demeurés dans les corps dits de reclassement de France Télécom de bénéficier, au même titre que les fonctionnaires ayant choisi d'intégrer les nouveaux corps dits de reclassification créés en 1993, de mesures de promotion organisées en vue de pourvoir des emplois vacants proposés dans ces corps de reclassification, ne dispensait pas le président de France Télécom, avant le 1er janvier 2002, de faire application des dispositions de la loi du 11 janvier 1984 relatives au droit à la promotion interne dans le cadre des corps de reclassement ; qu'il appartenait, en outre, au ministre chargé des postes et télécommunications de veiller de manière générale au respect par France Télécom de ce droit à la promotion interne, garanti aux fonctionnaires reclassés comme aux fonctionnaires reclassifiés de l'exploitant public par les dispositions combinées de la loi du 2 juillet 1990 et de la loi du 11 janvier 1984 ;

Considérant, d'autre part, que le législateur, en décidant par les dispositions précitées de l'article 29-1 de la loi du 2 juillet 1990, résultant de la loi du 26 juillet 1996, que les recrutements externes de fonctionnaires par France Télécom cesseraient au plus tard le 1er janvier 2002, n'a pas entendu priver d'effet, après cette date, les dispositions de l'article 26 de la loi du 11 janvier 1984 relatives au droit à la promotion interne à l'égard des fonctionnaires reclassés ; que, par suite, les décrets régissant les statuts particuliers des corps de reclassement, en ce qu'ils n'organisaient pas de voies de promotion interne autres que celles liées aux titularisations consécutives aux recrutements externes et privaient en conséquence les fonctionnaires reclassés de toute possibilité de promotion interne, sont devenus illégaux à compter de la cessation des recrutements externes le 1er janvier 2002 ; que des promotions internes pour les fonctionnaires reclassés non liées aux recrutements externes ne sont redevenues possibles, au sein de France Télécom, que par l'effet du décret du 26 novembre 2004 relatif aux dispositions statutaires applicables à certains corps de fonctionnaires de France Télécom ; qu'ainsi l'Etat a commis une faute en attendant le 26 novembre 2004 pour édicter les dispositions organisant les possibilités de promotion interne pour les fonctionnaires des corps de reclassement ; que cette faute est de nature à entraîner la responsabilité de l'Etat, mais n'ouvre droit à réparation au profit de M. X qu'à la condition qu'elle soit à l'origine d'un préjudice personnel, direct et certain subi par lui ;

Sur le préjudice :

Considérant qu'il ne résulte pas de l'instruction, en particulier des éléments versés au dossier lesquels ne permettent pas d'apprécier ses états de service, son aptitude et ses mérites comparés à ceux de ses collègues, que M. X aurait eu, comme il le soutient, alors même qu'il remplissait les conditions statutaires pour être promu, une chance sérieuse d'être nommé dans le grade de conducteur de travaux du service des lignes (CDTXL) eu égard à la nature des fonctions susceptibles de lui être confiées si des promotions avaient été organisées au bénéfice des fonctionnaires reclassés après 1993 ; que, par suite, les conclusions de M. X tendant à ce qu'une indemnité lui soit versée tant au titre de son préjudice professionnel que financier ne peuvent qu'être rejetées ;

Considérant, toutefois, que M. X a subi, du fait de l'atteinte portée à ses droits statutaires à raison des illégalités fautives relevées ci-dessus, des troubles dans ses conditions d'existence et un préjudice moral dont il sera fait une juste appréciation en les évaluant à la somme globale de 5 000 euros, tous intérêts confondus au jour du présent arrêt ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède que M. X est seulement fondé à demander la réformation du jugement attaqué à hauteur de la somme précisée ci-dessus ;

Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat le versement à M. X de la somme de 1 000 euros au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens ;

DÉCIDE :

Article 1er : La somme que l'Etat est condamné à verser à M. X est portée à 5 000 euros (cinq mille euros), tous intérêts confondus au jour du présent arrêt.

Article 2 : Le jugement du tribunal administratif de Rennes en date du 24 février 2011 est réformé en ce qu'il a de contraire à l'article 1er ci-dessus.

Article 3 : Le surplus des conclusions de la demande et de la requête de M. X est rejeté.

Article 4 : L'Etat versera à M. X la somme de 1 000 euros (mille euros) au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à M. Roger X, à France Télécom et au ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.

''

''

''

''

1

N° 11NT01280 2

1


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nantes
Formation : 3ème chambre
Numéro d'arrêt : 11NT01280
Date de la décision : 26/01/2012
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : M. COIFFET
Rapporteur ?: M. Laurent POUGET
Rapporteur public ?: M. DEGOMMIER
Avocat(s) : BINETEAU

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nantes;arret;2012-01-26;11nt01280 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award