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11/05/2012 | FRANCE | N°11NT00312

France | France, Cour administrative d'appel de Nantes, 1ère chambre, 11 mai 2012, 11NT00312


Vu la requête enregistrée le 3 février 2011, présentée pour la société MOBIDIS, dont le siège est aux Fougères à Saint-Georges-sur-Loire (49170), par Me Serpentier-Linares, avocat au barreau de Montpellier ; la SOCIÉTÉ MOBIDIS demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0802019 en date du 9 décembre 2010 par lequel le tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande tendant à la restitution de la taxe sur les achats de viande à laquelle elle a été assujettie au titre de la période allant du 1er janvier 2001 au 31 décembre 2002 ;

2°) de prononcer l

a restitution demandée, augmentée des intérêts moratoires ;

3°) de mettre à la cha...

Vu la requête enregistrée le 3 février 2011, présentée pour la société MOBIDIS, dont le siège est aux Fougères à Saint-Georges-sur-Loire (49170), par Me Serpentier-Linares, avocat au barreau de Montpellier ; la SOCIÉTÉ MOBIDIS demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0802019 en date du 9 décembre 2010 par lequel le tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande tendant à la restitution de la taxe sur les achats de viande à laquelle elle a été assujettie au titre de la période allant du 1er janvier 2001 au 31 décembre 2002 ;

2°) de prononcer la restitution demandée, augmentée des intérêts moratoires ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 200 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

...........................................................................................................................................................

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le traité instituant la Communauté européenne ;

Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, ensemble le premier protocole additionnel à cette convention ;

Vu le code rural ;

Vu le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

Vu l'ordonnance n° 59-2 du 2 janvier 1959 ;

Vu la loi n° 96-1139 du 26 décembre 1996 ;

Vu la loi n° 2000-1353 du 30 décembre 2000, notamment son article 35 ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 26 avril 2012 :

- le rapport de Mme Massias, président de chambre,

- et les conclusions de Mme Specht, rapporteur public ;

Sur le bien-fondé de la taxe acquittée au titre de la période allant du 1er janvier 2001 au 31 décembre 2002 :

Considérant, en premier lieu, qu'aux termes du paragraphe 1 de l'article 87 du traité instituant la Communauté européenne : " Sauf dérogations prévues par le présent traité, sont incompatibles avec le marché commun, dans la mesure où elles affectent les échanges entre Etats membres, les aides accordées par les Etats ou au moyen de ressources d'Etat sous quelque forme que ce soit, qui faussent ou qui menacent de fausser la concurrence en favorisant certaines entreprises ou certaines productions " ; qu'aux termes de l'article 88 du même traité : " 1. La Commission procède avec les Etats membres à l'examen permanent des régimes d'aides existant dans ces Etats. (...) / 2. Si (...) la Commission constate qu'une aide accordée par un Etat ou au moyen de ressources d'Etat n'est pas compatible avec le marché commun aux termes de l'article 87 (...) elle décide que l'Etat intéressé doit la supprimer ou la modifier (...) / 3. La Commission est informée, en temps utile pour présenter ses observations, des projets tendant à instituer ou à modifier des aides. Si elle estime qu'un projet n'est pas compatible avec le marché commun, aux termes de l'article 87, elle ouvre sans délai la procédure prévue au paragraphe précédent. L'Etat membre intéressé ne peut mettre à exécution les mesures projetées, avant que cette procédure ait abouti à une décision finale " ;

Considérant qu'il résulte de ces stipulations que, s'il ressortit à la compétence exclusive de la Commission européenne de décider, sous le contrôle de la Cour de justice de l'Union européenne, si une aide de la nature de celles mentionnées à l'article 87 du traité est ou non, compte tenu des dérogations prévues par ce traité, compatible avec le marché commun, il incombe, en revanche, aux juridictions nationales de sanctionner, le cas échéant, l'invalidité de dispositions de droit national qui auraient institué ou modifié une telle aide en méconnaissance de l'obligation, qu'impose aux Etats membres le paragraphe 3 de l'article 88 du traité, d'en notifier à la Commission, préalablement à toute mise à exécution, le projet ; que l'exercice de ce contrôle implique, notamment, de rechercher si les dispositions dont l'application est contestée instituent un régime d'aide, ou si une taxe fait partie intégrante d'une telle aide ;

Considérant qu'il résulte de la jurisprudence de la Cour de justice de l'Union européenne, d'une part, que les taxes n'entrent pas dans le champ d'application des stipulations précitées du traité instituant la Communauté européenne concernant les aides d'Etat, à moins qu'elles constituent le mode de financement d'une mesure d'aide, de sorte qu'elles font partie intégrante de cette mesure, d'autre part que, pour que l'on puisse juger qu'une taxe, ou une partie d'une taxe, fait partie intégrante d'une mesure d'aide, il doit exister un lien d'affectation contraignant entre la taxe et l'aide en vertu de la réglementation nationale pertinente, en ce sens que le produit de la taxe est nécessairement affecté au financement de l'aide ;

Considérant que l'article 1er de la loi du 26 décembre 1996 relative à la collecte et à l'élimination des cadavres d'animaux et des déchets d'abattoirs et modifiant le code rural a inséré dans le code général des impôts un article 302 bis ZD instituant, à compter du 1er janvier 1997, une taxe sur les achats de viande due par les personnes qui réalisent des ventes au détail de viande, dont le produit était affecté à un fonds faisant l'objet d'une comptabilité distincte, ayant pour objet de financer la collecte et l'élimination des cadavres d'animaux et des saisies d'abattoirs reconnus impropres à la consommation humaine et animale, activités correspondant au service public de l'équarrissage défini à l'article 264 du code rural en vigueur au cours des années d'imposition en litige ; que le II de l'article 35 de la loi du 30 décembre 2000 de finances rectificative pour 2000, entré en vigueur le 1er janvier 2001, a limité à la période du 1er janvier 1997 au 31 décembre 2000 l'affectation de la taxe sur les achats de viande au fonds mentionné ci-dessus ; qu'en conséquence, à compter du 1er janvier 2001, en l'absence de dispositions prévoyant l'affectation de cette taxe, celle-ci est devenue une recette du budget général de l'Etat ; qu'à compter de cette même date, le service public de l'équarrissage a été financé au moyen d'une dotation inscrite au budget général de l'Etat ;

Considérant qu'aux termes du premier alinéa de l'article 18 de l'ordonnance du 2 janvier 1959 portant loi organique relative aux lois de finances, en vigueur au cours des années d'imposition en litige : " Il est fait recette du montant intégral des produits, sans contraction entre les recettes et les dépenses. L'ensemble des recettes assurant l'exécution de l'ensemble des dépenses, toutes les recettes et toutes les dépenses sont imputées à un compte unique, intitulé budget général " ; qu'en vertu du principe à valeur constitutionnelle d'universalité budgétaire résultant de ces dispositions, les recettes et les dépenses doivent figurer au budget de l'Etat pour leur montant brut, sans être contractées, et l'affectation d'une recette déterminée à la couverture d'une dépense déterminée est interdite, sous réserve des exceptions prévues au second alinéa de l'article 18 ; qu'en application de ce principe et de la législation nationale relative à la taxe sur les achats de viande, et sans qu'il soit besoin de se référer aux travaux parlementaires dont est issu l'article 35 de la loi du 30 décembre 2000, à compter du 1er janvier 2001, il n'existait juridiquement aucun lien d'affectation contraignant entre la taxe et le service public de l'équarrissage, et aucun rapport entre le produit de la taxe et le montant du financement public attribué à ce service ; qu'en exécution des règles ainsi applicables, à compter de cette même date, la taxe sur les achats de viande était une recette du budget général, dépourvue de tout lien avec le budget du ministère de l'agriculture et la dotation inscrite à ce budget servant à financer le service public de l'équarrissage ; que la taxe sur les achats de viande n'entrant pas, ainsi, depuis le 1er janvier 2001, dans le champ d'application des stipulations précitées du traité instituant la Communauté européenne concernant les aides d'Etat, la société MOBIDIS ne peut invoquer, au soutien de sa demande en restitution de l'imposition en litige, une éventuelle méconnaissance par les autorités françaises, à l'occasion de la modification du mode de financement du service public de l'équarrissage résultant des dispositions de l'article 35 de la loi du 30 décembre 2000, des obligations qu'imposent les première et la dernière phrases du paragraphe 3 de l'article 88 du traité instituant la Communauté européenne ;

Considérant, en deuxième lieu, qu'aux termes de l'article 23 du traité instituant la Communauté européenne : " I. La communauté est fondée sur une union douanière qui s'étend à l'ensemble des échanges de marchandises et qui comporte l'interdiction entre les Etats membres des droits de douane à l'importation et à l'exportation de toutes taxes d'effet équivalent [...] " ; qu'aux termes de l'article 25 du même traité : " Les droits de douane à l'importation et à l'exportation ou taxes d'effet équivalent sont interdits entre les Etats membres. Cette interdiction s'applique également aux droits de douane à caractère fiscal " ; que, pour qu'une taxe puisse être qualifiée de taxe d'effet équivalent à un droit de douane interdite par l'article 25 précité du traité, les recettes procurées par cette taxe doivent être affectées au profit des seuls produits nationaux ; que la taxe sur les achats de viande ayant été, ainsi qu'il a été dit, affectée à compter du 1er janvier 2001 au budget général de l'Etat, compte tenu du principe d'universalité budgétaire, le moyen tiré de ce qu'elle constituerait une taxe d'effet équivalent à un droit de douane ne peut qu'être écarté ;

Considérant, en troisième lieu, que la taxe sur les achats de viande n'assurant pas dans le cadre d'un lien d'affectation contraignant, à compter du 1er janvier 2001, le financement du service public de l'équarrissage, le moyen tiré de la méconnaissance du principe pollueur-payeur doit, en tout état de cause, être écarté ;

Sur la remise en cause, par l'administration, de sa décision de dégrèvement :

Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que la société MOBIDIS, après avoir déclaré conformément aux dispositions de l'article 302 bis ZD du code général des impôts alors en vigueur la valeur de ses achats et payé la taxe sur les achats de viande qu'elle estimait en conséquence devoir au titre de la période du 1er janvier 2001 au 31 décembre 2002, en a demandé la restitution ; que l'administration a prononcé le dégrèvement des impositions en litige par une décision du 30 septembre 2004 ; qu'elle a adressé à la société le 15 novembre 2004 une lettre l'informant qu'elle envisageait de revenir sur ce dégrèvement ; que, par courrier du 21 décembre 2004, l'administration lui a adressé une proposition de rectification interruptive de prescription portant sur les mêmes impositions, puis a émis un avis de mise en recouvrement le 4 octobre 2007 ;

Considérant, en premier lieu, qu'aux termes de l'article 1er du premier protocole additionnel à la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Toute personne physique ou morale a droit au respect de ses biens. Nul ne peut être privé de sa propriété que pour cause d'utilité publique et dans les conditions prévues par la loi et les principes généraux du droit international " ; qu'à défaut de créance certaine, l'espérance légitime d'obtenir la restitution d'une somme d'argent doit être regardée comme un bien au sens de l'article 1er du premier protocole additionnel à la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Considérant que la décision de dégrèvement de la taxe litigieuse qui ne faisait, par elle-même, pas obstacle au rétablissement de l'imposition avant l'expiration du délai de reprise ouvert à l'administration, n'a pu faire naître une espérance légitime d'obtenir la restitution d'une somme d'argent dont pourrait se prévaloir la société MOBIDIS ; qu'ainsi, celle-ci n'est pas fondée à invoquer la méconnaissance des stipulations de l'article 1er du premier protocole additionnel à la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Considérant, en deuxième lieu, que le principe de sécurité juridique ne faisait pas obstacle à ce que l'administration, à qui il appartient de mettre en recouvrement les impositions prévues par la loi, rétablisse, dans le délai de reprise et le respect des règles de procédure, l'imposition dont s'agit ;

Considérant, en troisième lieu, qu'aux termes de l'article L. 80 A du livre des procédures fiscales : " Il ne sera procédé à aucun rehaussement d'impositions antérieures si la cause du rehaussement poursuivi par l'administration est un différend sur l'interprétation par le redevable de bonne foi du texte fiscal et s'il est démontré que l'interprétation sur laquelle est fondée la première décision a été, à l'époque, formellement admise par l'administration. Lorsque le redevable a appliqué un texte fiscal selon l'interprétation que l'administration avait fait connaître par ses instructions ou circulaires publiées et qu'elle n'avait pas rapportée à la date des opérations en cause, elle ne peut néanmoins poursuivre aucun rehaussement en soutenant une interprétation différente " ; qu'aux termes de l'article L. 80 B du même livre : " La garantie prévue au premier alinéa de l'article L. 80 A est applicable lorsque l'administration a formellement pris position sur l'appréciation d'une situation de fait au regard d'un texte fiscal " ;

Considérant que la société MOBIDIS n'est pas fondée à se prévaloir de la documentation administrative 13 L 323 n° 59 du 1er juillet 2002 relative à la procédure d'imposition, qui ne constitue pas une interprétation de la loi fiscale au sens de l'article L. 80 A du livre des procédures fiscale ; que, contrairement à ce qu'elle soutient, la décision de dégrèvement de la taxe sur les achats de viande, non motivée, du 30 septembre 2004 ne constitue pas une prise de position formelle de l'administration sur l'appréciation de sa situation de fait au regard du texte fiscal ;

Considérant, en quatrième et dernier lieu, qu'aux termes de l'article R. 256-1 du livre des procédures fiscales, dans sa rédaction alors en vigueur : " L'avis de mise en recouvrement prévu à l'article L. 256 indique pour chaque impôt ou taxe le montant global des droits, des pénalités et des intérêts de retard qui font l'objet de cet avis. Lorsque l'avis de mise en recouvrement est consécutif à une procédure de rectification, il fait référence à la proposition prévue à l'article L. 57 ou à la notification prévue à l'article L. 76 et, le cas échéant, au document adressé au contribuable l'informant d'une modification des droits, taxes et pénalités résultant des rectifications (...) " ;

Considérant que l'avis de mise en recouvrement du 4 octobre 2007, qui indique la nature de l'imposition ayant fait l'objet du redressement, mentionne les montants des droits simples et intérêts moratoires y afférents et fait référence à la proposition de rectification du 21 décembre 2004 et à la réponse aux observations du contribuable du 25 février 2005, répond, contrairement à ce que soutient la société requérante, aux prescriptions de l'article R. 256-1 du livre des procédures fiscales ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède que la société MOBIDIS n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif a rejeté sa demande ; qu'il y a lieu, par voie de conséquence, de rejeter ses conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

DECIDE :

Article 1er : La requête de la société MOBIDIS est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à la société MOBIDIS. Copie en sera adressée au ministre du budget, des comptes publics et de la réforme de l'Etat, porte-parole du Gouvernement.

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Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nantes
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 11NT00312
Date de la décision : 11/05/2012
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Autres

Composition du Tribunal
Président : Mme MASSIAS
Rapporteur ?: Mme Nathalie MASSIAS
Rapporteur public ?: Mme SPECHT
Avocat(s) : SERPENTIER-LINARES

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nantes;arret;2012-05-11;11nt00312 ?
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