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27/09/2012 | FRANCE | N°10NT02037

France | France, Cour administrative d'appel de Nantes, 1ère chambre, 27 septembre 2012, 10NT02037


Vu la requête, enregistrée le 9 septembre 2010, présentée pour la société anonyme d'économie mixte (SAEM) SOPAB BREST, dont le siège est au centre d'affaires de Coat Ar Gueven 3 rue Dupleix à Brest (29200), par Me Faucon, avocat au barreau de Brest ; La SOPAB BREST demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0703950 du 8 juillet 2010 par lequel le tribunal administratif de Rennes a rejeté sa demande tendant à la restitution, à concurrence d'un montant de 947 876,42 euros, de la taxe sur la valeur ajoutée ayant grevé diverses subventions et participations financièr

es qu'elle a perçues au cours de la période allant du 1er janvier 2001 ...

Vu la requête, enregistrée le 9 septembre 2010, présentée pour la société anonyme d'économie mixte (SAEM) SOPAB BREST, dont le siège est au centre d'affaires de Coat Ar Gueven 3 rue Dupleix à Brest (29200), par Me Faucon, avocat au barreau de Brest ; La SOPAB BREST demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0703950 du 8 juillet 2010 par lequel le tribunal administratif de Rennes a rejeté sa demande tendant à la restitution, à concurrence d'un montant de 947 876,42 euros, de la taxe sur la valeur ajoutée ayant grevé diverses subventions et participations financières qu'elle a perçues au cours de la période allant du 1er janvier 2001 au 31 décembre 2005 ;

2°) de lui accorder la restitution demandée, ou, à tout le moins, du montant de la taxe indument versée au Trésor public en 2004 et 2005, soit 452 273,82 euros ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat le versement d'une somme de 4 000 euros sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

....................................................................................................................

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la directive 77/388/CEE du Conseil du 17 mai 1977 ;

Vu le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

Vu les arrêts de la Cour de justice des Communautés européennes du 6 octobre 2005 Commission c/ Royaume d'Espagne (C- 204/03) et Commission c/ République française (C- 243/03) ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 6 septembre 2012 :

- le rapport de M. Monlaü, premier conseiller,

- et les conclusions de Mlle Wunderlich, rapporteur public,

Considérant que la SOPAB BREST exploite, en vertu de contrats d'affermage conclus avec la commune de Brest, à laquelle s'est substituée la communauté urbaine de Brest (CUB), devenue Brest métropole océane (BMO), le parc des expositions et des loisirs de Penfeld, un centre culturel et de congrès dénommé " le Quartz ", un centre de culture scientifique, technique et industrielle de la mer et parc de loisirs des sciences de la mer dénommé " Océanopolis ", le navire " La Recouvrance " ainsi qu'une patinoire, et bénéficie à cette fin de la mise à disposition des biens, ouvrages, installations et équipements nécessaires, moyennant le paiement de redevances d'usage ; qu'elle a sollicité la restitution de la taxe ayant grevé les participations financières reçues de la communauté urbaine en exécution de ces contrats au titre de la période allant du 1er janvier 2001 au 31 décembre 2005 par réclamation en date du 21 décembre 2006 en se prévalant de l'arrêt de la CJCE Commission c/ République française du 6 octobre 2005 et en soutenant qu'elle avait soumis à la taxe sur la valeur ajoutée les subventions litigieuses, lesquelles étaient notamment destinées à compenser les redevances d'usage versées pour l'exploitation des biens affermés, conformément à la doctrine administrative, afin de permettre le transfert des droits à déduction dans le respect de la condition posée par le 1° de l'article 216 ter de l'annexe II au code général des impôts alors applicable ; que l'administration fiscale a rejeté cette réclamation le 23 juillet 2007 à raison de sa tardiveté pour ce qui concerne la taxe afférente à la période antérieure au 1er janvier 2004 et, pour le surplus, au motif que les subventions litigieuses avaient été attribuées en complément du prix des prestations facturées aux usagers et devaient à ce titre être en tout état de cause soumises à la taxe en application des dispositions de l'article 256 du code général des impôts ; que la société interjette appel du jugement par lequel le tribunal administratif de Rennes a rejeté comme irrecevable sa demande tendant à la restitution de la taxe sur la valeur ajoutée ayant grevé les subventions perçues antérieurement au 1er janvier 2004 et comme non fondée pour le surplus ;

Sur la régularité du jugement en tant qu'il a rejeté les conclusions de la demande tendant à la restitution de la taxe ayant grevé les participations financières perçues au titre de la période allant du 1er janvier 2001 au 31 décembre 2003 :

Considérant d'une part, qu'aux termes des troisième et quatrième alinéas de l'article L. 190 du livre des procédures fiscales, dans sa rédaction issue de l'article 28 de l'ordonnance n° 2004-281 du 25 mars 2004, applicable au litige : " (...) Sont instruites et jugées selon les règles du présent chapitre toutes actions tendant à la décharge ou à la réduction d'une imposition ou à l'exercice de droits à déduction, fondées sur la non-conformité de la règle de droit dont il a été fait application à une règle de droit supérieure. / Lorsque cette non-conformité a été révélée par une décision juridictionnelle, l'action en restitution des sommes versées ou en paiement des droits à déduction non exercés ou l'action en réparation du préjudice subi ne peut porter que sur la période postérieure au 1er janvier de la quatrième année précédant celle où la décision révélant la non-conformité est intervenue " ; qu'aux termes de l'article R. 196-1 du même livre : " Pour être recevables, les réclamations relatives aux impôts autres que les impôts directs locaux et les taxes annexes à ces impôts doivent être présentées à l'administration au plus tard le 31 décembre de la deuxième année suivant celle, selon le cas : (...) / c) De la réalisation de l'événement qui motive la réclamation " ;

Considérant que seules les décisions de la Cour de justice de l'Union européenne retenant une interprétation du droit de l'Union qui révèle directement une incompatibilité avec ce droit d'une règle applicable en France sont de nature à constituer le point de départ du délai dans lequel sont recevables les réclamations motivées par la réalisation d'un événement, au sens et pour l'application de l'article R. 196-1 du livre des procédures fiscales, et de la période sur laquelle l'action en restitution peut s'exercer en application de l'article L. 190 du même livre ; qu'en principe, tel n'est pas le cas d'arrêts de la Cour de justice concernant la législation d'un autre Etat membre, sous réserve, notamment, de l'hypothèse dans laquelle une telle décision révélerait, par l'interprétation qu'elle donne d'une directive, la transposition incorrecte de cette dernière en droit français ;

Considérant que par deux arrêts du 6 octobre 2005 Commission c/ République française et Commission c/ Royaume d'Espagne, la CJCE a dit pour droit que des dérogations au droit à déduction de la taxe sur la valeur ajoutée n'étaient permises que dans les cas expressément prévus par la sixième directive 77/388/CEE du Conseil du 17 mai 1977 ;

Considérant, d'autre part, que le 1° de l'article 216 ter de l'annexe II au code général des impôts applicable au cours des périodes d'imposition en litige subordonnait le transfert, du propriétaire à l'exploitant, du droit à déduction de la taxe sur la valeur ajoutée afférente aux biens utilisés dans le cadre de l'exploitation, à la répercussion du coût des équipements dans les recettes imposables de l'exploitant ; que la documentation administrative 3 D 1232 (§6), à jour au 2 novembre 1996, précisait que cette répercussion pouvait s'effectuer par la mise à la charge de l'exploitant d'une redevance d'usage et qu'en cas de versement à celui-ci de subventions visant à compenser l'insuffisance des tarifs du service, celles-ci devaient être incluses dans les recettes taxables ; que de telles dérogations au droit à déduction n'étaient pas permises par la directive ;

Considérant qu'il résulte des stipulations des contrats d'affermage conclus par la société requérante que les participations financières afférentes à l'exploitation d'Océanopolis et du Quartz étaient notamment destinées à compenser l'insuffisance des tarifs convenus pour couvrir les charges d'amortissement des investissements affermés ; qu'il s'ensuit que seule la soumission à la taxe sur la valeur ajoutée desdites participations peut être regardée comme résultant de l'application de la doctrine susdécrite dans le but de permettre le transfert des droits à déduction, dans le respect de la condition posée par le 1° de l'article 216 ter de l'annexe II au code général des impôts, de la collectivité propriétaire à la SOPAB BREST ; que les arrêts de la CJCE ci-dessus mentionnés qui condamnent, à titre général, tout mécanisme, direct ou indirect, de limitation des droits à déduction non prévus par la sixième directive doivent ainsi que le soutient la SOPAB BREST être regardés comme des décisions juridictionnelles de nature à révéler la non-conformité du dispositif français litigieux de taxation volontaire des subventions qu'elle a ainsi appliqué aux fins de préserver l'intégralité de ses droits à déduction à une règle de droit supérieure au sens de l'article L. 190 précité du livre des procédures fiscales et comme constituant un événement nouveau au sens du c) de l'article R. 196-1 précité du même livre ; que la SOPAB BREST est dès lors seulement fondée à soutenir que c'est à tort que les premiers juges ont accueilli la fin de non-recevoir tirée de la tardiveté de sa réclamation tendant à la restitution de la taxe sur la valeur ajoutée ayant grevé les participations financières destinées à compenser les redevances d'usage qu'elle a versées en contrepartie de la mise à disposition des biens affermés pour l'exploitation d'Océanopolis et du Quartz, collectée à tort au titre de la période allant du 1er janvier 2001 au 31 décembre 2003 présentée le 21 décembre 2006, opposée par le directeur des services fiscaux du Finistère et rejeté en conséquence sa demande tendant à la restitution de ladite taxe comme irrecevable ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède que le jugement attaqué doit, dans cette mesure, être annulé ; qu'il y a lieu d'évoquer et de statuer immédiatement sur la demande présentée par la SOPAB BREST devant le tribunal administratif ;

Considérant qu'il résulte, comme il vient d'être dit, des arrêts susmentionnés de la CJCE en date du 6 octobre 2005 que les dispositions de l'article 216 ter de l'annexe II au code général des impôts n'étaient pas conformes à la sixième directive en tant, notamment, qu'elles avaient pour effet de subordonner, ainsi que le prévoyait également la documentation administrative 3 D 1232 (§6), le transfert des droits à déduction de la taxe ayant grevé l'acquisition des biens nécessaires à l'exploitation d'Océanopolis et du Quartz à l'assujettissement spontané à la taxe des participations accordées à la SOPAB BREST par la CUB pour compenser les redevances d'usage ; qu'il s'ensuit que la SOPAB BREST est en droit de prétendre à la restitution de la somme de 342 084,57 euros correspondant au montant de la taxe litigieuse indûment versée au titre de la période allant du 1er janvier 2001 au 31 décembre 2003 ;

Sur les conclusions tendant à la restitution de la taxe ayant grevé les participations financières perçues au titre de la période allant du 1er janvier 2004 au 31 décembre 2005 :

Considérant qu'ainsi qu'il a été dit plus haut, la SOPAB BREST est seulement fondée à soutenir qu'a été collectée à tort en application d'un dispositif non conforme à la sixième directive la taxe sur la valeur ajoutée ayant grevé les participations versées par la CUB pour compenser les redevances d'usage stipulées en contrepartie de la mise à disposition des biens affermés pour l'exploitation d'Océanopolis et du Quartz ; qu'il y a lieu de lui accorder la restitution de la somme de 278 125,32 euros correspondant au montant de cette taxe indûment versée au titre de la période allant du 1er janvier 2004 au 31 décembre 2005 ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède que la SOPAB BREST est seulement fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Rennes a rejeté la totalité des conclusions susanalysées ;

Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat, qui est, pour l'essentiel, la partie perdante dans la présente instance, une somme de 2 000 euros au titre des frais exposés par la SOPAB BREST et non compris dans les dépens ;

DECIDE :

Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Rennes en date du 8 juillet 2010 est annulé en ce qu'il a rejeté la demande de la SOPAB BREST tendant à la restitution de la taxe sur la valeur ajoutée ayant grevé les participations financières destinées à compenser les redevances d'usage qu'elle a versées en contrepartie de la mise à disposition des biens affermés pour l'exploitation d'Océanopolis et du Quartz, collectée à tort au titre de la période allant du 1er janvier 2001 au 31 décembre 2005.

Article 2 : L'Etat restituera à la SOPAB BREST la somme de 620 209,89 euros au titre de la taxe sur la valeur ajoutée indûment versée au Trésor public au cours de la période allant du 1er janvier 2001 au 31 décembre 2005.

Article 3 : L'Etat versera à la SOPAB BREST une somme de 2 000 euros (deux mille euros) au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : Le surplus des conclusions de la demande présentée par la SOPAB BREST devant le tribunal administratif de Rennes et des conclusions de sa requête est rejeté.

Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à la SOPAB BREST et au ministre de l'économie et des finances.

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N° 10NT020372

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Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nantes
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 10NT02037
Date de la décision : 27/09/2012
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Autres

Composition du Tribunal
Président : M. PIOT
Rapporteur ?: M. Xavier MONLAU
Rapporteur public ?: Mme WUNDERLICH
Avocat(s) : FAUCON

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nantes;arret;2012-09-27;10nt02037 ?
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