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22/03/2013 | FRANCE | N°12NT00344

France | France, Cour administrative d'appel de Nantes, 2ème chambre, 22 mars 2013, 12NT00344


Vu la requête, enregistrée le 8 février 2012, présentée pour la commune de Plestin-les-Grèves, représentée par son maire, par Me Assouline, avocat au barreau de Rennes ; la commune de Plestin-les-Grèves demande à la cour :

1°) d'annuler l'ordonnance nos 1101991-1101993-1101995-1111998 du 23 janvier 2012 par laquelle le président du tribunal administratif de Rennes, statuant comme juge des référés, a rejeté sa demande présentée sur le fondement de l'article R. 541-1 du code de justice administrative, tendant à ce que l'Etat soit condamné à lui verser une indemnité d

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Vu la requête, enregistrée le 8 février 2012, présentée pour la commune de Plestin-les-Grèves, représentée par son maire, par Me Assouline, avocat au barreau de Rennes ; la commune de Plestin-les-Grèves demande à la cour :

1°) d'annuler l'ordonnance nos 1101991-1101993-1101995-1111998 du 23 janvier 2012 par laquelle le président du tribunal administratif de Rennes, statuant comme juge des référés, a rejeté sa demande présentée sur le fondement de l'article R. 541-1 du code de justice administrative, tendant à ce que l'Etat soit condamné à lui verser une indemnité de 72 074 euros, à titre de provision, correspondant au coût du ramassage et du transport des algues vertes resté à sa charge pour l'année 2010 ;

2°) de condamner l'Etat à lui verser cette somme ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 500 euros sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, ainsi que les entiers dépens ;

....................................................................................................................

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la directive 75/440/CEE du 16 juin 1975 concernant la qualité requise des eaux superficielles destinées à la production alimentaire dans les États membres ;

Vu la directive 91/676/CEE du 12 décembre 1991 concernant la protection des eaux contre la pollution par les nitrates à partir de sources agricoles ;

Vu le code général des collectivités territoriales ;

Vu le code de justice administrative ;

Vu l'ordonnance du 7 janvier 2013 fixant la clôture d'instruction au 28 janvier 2013, en application des articles R. 613-1 et R. 613-3 du code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 19 février 2013 :

- le rapport de Mme Buffet, premier conseiller ;

- les conclusions de M. Pouget, rapporteur public ;

- et les observations de Me Assouline, avocat de la commune de Plestin-les-Grèves ;

1. Considérant que par ordonnance du 23 janvier 2012, le président du tribunal administratif de Rennes, statuant comme juge des référés, a rejeté la demande présentée par la commune de Plestin-les-Grèves, sur le fondement de l'article R. 541-1 du code de justice administrative, tendant à ce que l'Etat soit condamné à lui verser, à titre de provision, une indemnité de 72 074 euros, correspondant au coût du ramassage et du transport des algues vertes resté à sa charge pour l'année 2010 ; que la commune de Plestin-les-Grèves interjette appel de cette ordonnance ;

Sur la fin de non-recevoir opposée à la demande de première instance :

2. Considérant qu'il résulte de l'instruction que par réclamation du 15 avril 2010, signée conjointement avec la communauté d'agglomération Lannion-Trégor et trois autres communes, la commune de Plestin-les-Grèves a saisi le préfet des Côtes-d'Armor en vue d'obtenir de l'Etat le versement d'une indemnité correspondant aux frais engagés par elle pour le ramassage et le traitement des ulves ou " algues vertes " au cours de l'année 2010, à laquelle le préfet a, d'ailleurs, répondu par décision du 5 mai 2010 ; que, par suite, et alors que cette demande préalable n'avait pas, en tout état de cause, à être chiffrée, la fin de non-recevoir opposée par le ministre à la demande de première instance et tirée de l'absence de réclamation préalable ne peut qu'être écartée ;

Sur la demande de provision :

3. Considérant qu'aux termes de l'article R. 541-1 du code de justice administrative : " Le juge des référés peut, même en l'absence d'une demande au fond, accorder une provision au créancier qui l'a saisi lorsque l'obligation n'est pas sérieusement contestable (...) " ;

En ce qui concerne le principe de la responsabilité :

4. Considérant que la commune de Plestin-les-Grèves demande la condamnation de l'Etat à lui verser, à titre de provision, ladite indemnité en réparation des préjudices causés par la prolifération des algues vertes sur son littoral, qu'elle impute à la carence de celui-ci dans la mise en oeuvre des réglementations européenne et nationale en matière, notamment, de prévention de la pollution des eaux par les nitrates d'origine agricole ;

5. Considérant qu'il est constant et non contesté que les pollutions d'origine agricole des eaux superficielles et souterraines en Bretagne constituent la cause principale de la prolifération des ulves sur le littoral breton ;

6. Considérant qu'il résulte de l'instruction que par un arrêt du 8 mars 2001, la Cour de justice des communautés européennes a condamné la France pour manquement aux obligations lui incombant au regard de l'article 4 de la directive 75/440/CEE du 16 juin 1975 susvisée, au motif qu'elle n'avait pas pris les dispositions nécessaires pour que la qualité des eaux superficielles destinées à la production alimentaire soit conforme aux exigences de cette directive fixant notamment un taux de nitrates inférieur à 50 mg/l, après avoir constaté que " les mesures adoptées à cette fin par les autorités françaises concernant la Bretagne n'ont été prises que tardivement ", que " ces mesures sont à la fois trop générales et trop ponctuelles pour qu'un effet sur la pollution des eaux puisse être attendu " et que " le programme national de maîtrise des pollutions agricoles (...) qui a été négocié entre les ministères de l'agriculture et de l'environnement et les organismes de représentation agricole (...) ne concerne qu'une partie relativement faible des exploitations agricoles bretonnes " ; que par un avis motivé du 2 avril 2003, et un avis motivé complémentaire du 13 juillet 2005, la Commission des communautés européennes a enjoint aux autorités françaises de prendre les mesures propres à assurer l'exécution de l'arrêt du 8 mars 2001 précité concernant la qualité des eaux superficielles destinées à la production d'eau pour la consommation humaine en Bretagne, lesquelles n'ont été prises qu'en juin 2007, après que la Commission a annoncé son intention de saisir de nouveau la Cour de justice des communautés européennes ; que, dans ces avis motivés, la Commission a relevé que " ni la quantité d'azote organique à épandre, ni l'utilisation des engrais chimiques azotés en Bretagne n'ont diminué significativement ces dernières années ", que " (...) les actions mentionnées (...) au titre du plan d'action pour un développement pérenne de l'agriculture et de l'agroalimentaire en Bretagne, et pour la reconquête de la qualité de l'eau, sont marginales ou encore au stade de la déclaration d'intention ", que " (...) des mesures qui pourraient s'apparenter à un plan de gestion consistent seulement en une liste de titres, de mesures vagues, sans calendrier ni budget, telles que le programme " Bretagne Eau Pure " ou le " Programme National de Maîtrise des Pollutions d'Origine Agricole (PMPOA) ", et a souligné " le caractère partiel, cloisonné et insuffisant des mesures prises par la France pour tenter de renverser la tendance quant à l'enrichissement en azote agricole des eaux en Bretagne " ; que par un nouvel avis motivé du 26 octobre 2011, la Commission a enjoint à la France de renforcer les mesures de lutte contre la pollution de l'eau par les nitrates, en précisant que le cadre législatif en vigueur en France et les programmes d'actions mis en oeuvre, qui ne suffisent pas pour lutter efficacement contre cette pollution, ne répondent pas aux exigences de la directive 91/676/CEE du 12 décembre 1991 susvisée concernant la protection des eaux contre la pollution par les nitrates à partir de sources agricoles ; que la Commission a décidé, le 27 février 2012, de saisir la Cour de justice de l'Union européenne d'un recours en manquement à l'encontre de la France en raison du non respect de cette directive ;

7. Considérant qu'il résulte, également, de l'instruction, notamment du rapport adopté par la Cour des comptes, le 7 février 2002, relatif à " La préservation de la ressource en eau face aux pollutions d'origine agricole : le cas de la Bretagne ", que les politiques publiques menées par l'Etat, au cours des années 1994-2000, n'ont pas respecté les principes définis par le législateur pour préserver la ressource en eau des pollutions diffuses d'origine agricole, et que l'inapplication par l'Etat de la législation nationale sur les installations classées de même que la régularisation massive, sans fondement légal, des exploitations agricoles existantes et l'insuffisance des contrôles, ont eu pour conséquence la dégradation continue des cours d'eau et des nappes aquifères souterraines par l'activité agricole ; que, dans son rapport du 7 août 2009 adressé au premier ministre, le préfet des Côtes-d'Armor, reprenant sur ce point une étude de l'Institut national de recherche agronomique datant du mois de mars 2009, a précisé que les politiques menées ont " permis au mieux de stabiliser les taux de nitrates présents dans les rivières, sans obtenir de résultats visibles de diminution du phénomène des marées vertes " ; que la mission interministérielle chargée de proposer un plan de lutte contre les algues vertes, a constaté en 2010 que " les progrès mesurables sur les milieux aquatiques marquent le pas ou n'évoluent que très lentement (...) " et a conclu à la nécessité de " repenser les politiques publiques antérieurement mises en place " et de mettre en oeuvre des méthodes d'actions nouvelles, lesquelles se sont traduites par l'adoption, en février 2010, d'un plan de lutte contre les algues vertes en vue d'améliorer la gestion des algues et d'en prévenir la prolifération en réduisant les flux de nitrates arrivant à l'exutoire des bassins versants, pour la période 2010-2015 ;

8. Considérant qu'il résulte des développements qui précèdent que les carences de l'Etat dans la mise en oeuvre de la réglementation européenne et nationale destinée à protéger les eaux de toute pollution d'origine agricole sont établies ; que ces carences sont constitutives d'une faute de nature à engager sa responsabilité ; que la circonstance invoquée par le ministre que l'Etat aurait mis en place, depuis 2003, des programmes d'action en matière de lutte contre les pollutions existantes, dont les résultats, ainsi qu'il a été dit plus haut, ne sont pas démontrés et dont il n'est pas contesté qu'ils ne seront pas en mesure, en tout état de cause, compte tenu de la nature et de l'ampleur des pollutions existantes liées aux carences sus-décrites, d'améliorer la situation avant de nombreuses années, n'est pas susceptible d'atténuer cette responsabilité ;

9. Considérant que si l'article L. 1111-2 du code général des collectivités territoriales précise que les communes concourent avec l'Etat à la protection de l'environnement, et si l'article L. 2212-3 du même code prévoit que le pouvoir de police du maire s'exerce, dans les communes riveraines de la mer, sur le rivage de la mer jusqu'à la limite des eaux, ces dispositions ne sauraient, contrairement à ce que soutient le ministre, être interprétées comme ayant pour effet d'exonérer, même partiellement, l'Etat de sa responsabilité à raison des fautes commises par lui, ainsi qu'il vient d'être dit, dans l'application des règlementations européenne et nationale en matière de prévention des pollutions d'origine agricole ;

10. Considérant, enfin, que le ministre ne peut invoquer, pour exonérer l'Etat de sa responsabilité, les stipulations de la convention du 15 avril 2010 portant délégation de maîtrise d'ouvrage à Lannion-Trégor agglomération pour la mise en oeuvre du ramassage et de l'évacuation des algues vertes, celles de la convention du 26 mai 2010 relative au ramassage expérimental et préventif des algues vertes pour l'année 2010, et celles de la convention du 30 novembre 2010 relative au traitement des algues vertes, auxquelles la commune de Plestin-les-Grèves est partie, qui ne prévoient nullement la prise en charge, par cette dernière, d'une partie des frais exposés pour le ramassage des algues vertes ;

11. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que l'obligation de payer dont se prévaut la commune de Plestin-les-Grèves à l'égard de l'Etat, n'est, dans son principe, pas sérieusement contestable ;

En ce qui concerne le montant de la provision :

12. Considérant que le montant du préjudice subi, qui correspond au coût du ramassage et du transport des algues vertes restant à la charge de la commune de Plestin-les-Grèves pour l'année 2010, s'établit à la somme non contestée de 72 074 euros ; qu'il en résulte, en l'état de l'instruction, qu'il y a lieu de fixer à cette somme le montant de la provision au versement de laquelle l'Etat doit être condamné ;

13. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède, que la commune de Plestin-les-Grèves est fondée à soutenir que c'est à tort que, par l'ordonnance attaquée, le juge des référés du tribunal administratif de Rennes a rejeté sa demande tendant à l'obtention de ladite provision ;

Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

14. Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat le versement de la somme de 2 500 euros que la commune de Plestin-les-Grèves demande au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

DÉCIDE :

Article 1er : L'ordonnance du 23 janvier 2012 du président du tribunal administratif de Rennes est annulée.

Article 2 : L'Etat est condamné à verser une provision de 72 074 euros (soixante-douze mille soixante-quatorze euros) à la commune de Plestin-les-Grèves.

Article 3 : L'Etat versera à la commune de Plestin-les-Grèves, une somme de 2 500 euros (deux mille cinq cents euros) au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à la commune de Plestin-les-Grèves et au ministre de l'écologie, du développement durable et de l'énergie.

Une copie en sera, en outre, adressée au préfet des Côtes-d'Armor.

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N° 12NT00344 2

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Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nantes
Formation : 2ème chambre
Numéro d'arrêt : 12NT00344
Date de la décision : 22/03/2013
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Autres

Composition du Tribunal
Président : M. PEREZ
Rapporteur ?: Mme Catherine BUFFET
Rapporteur public ?: M. POUGET
Avocat(s) : ASSOULINE

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nantes;arret;2013-03-22;12nt00344 ?
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