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12/07/2013 | FRANCE | N°12NT00597

France | France, Cour administrative d'appel de Nantes, 5ème chambre, 12 juillet 2013, 12NT00597


Vu la requête, enregistrée le 28 février 2012, présentée pour la société d'assurance mutuelle MACIF, agence Loire-Bretagne, dont le siège social est situé 53085 Laval cedex 9, et M. A... B..., demeurant..., par Me Thomas-Tinot, avocat au barreau de Nantes ; la MACIF et M. B... demandent à la cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0900762 du 23 décembre 2011 par lequel le tribunal administratif de Nantes a rejeté leur demande tendant à la condamnation du service départemental d'incendie et de secours (SDIS) de la Sarthe à leur verser en réparation des préjudices subis du

fait de l'incendie de la maison d'habitation de M. B... les sommes respe...

Vu la requête, enregistrée le 28 février 2012, présentée pour la société d'assurance mutuelle MACIF, agence Loire-Bretagne, dont le siège social est situé 53085 Laval cedex 9, et M. A... B..., demeurant..., par Me Thomas-Tinot, avocat au barreau de Nantes ; la MACIF et M. B... demandent à la cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0900762 du 23 décembre 2011 par lequel le tribunal administratif de Nantes a rejeté leur demande tendant à la condamnation du service départemental d'incendie et de secours (SDIS) de la Sarthe à leur verser en réparation des préjudices subis du fait de l'incendie de la maison d'habitation de M. B... les sommes respectives de 199 653 euros et 11 093 euros, majorées des intérêts au taux légal ;

2°) de condamner le SDIS de la Sarthe à leur verser en réparation de leurs préjudices la somme de 199 562 euros, celle de 1 400 euros majorée des intérêts au taux légal à compter de la demande préalable ainsi que celle de 9 693 euros ;

3°) condamner le SDIS de la Sarthe aux entiers dépens ;

4°) mettre à la charge du SDIS de la Sarthe la somme de 1 000 euros à verser à la MACIF et celle de 1 000 euros à verser à M. B..., au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Ils soutiennent que :

- l'expert admet la faute commise par les pompiers, qui n'ont pas appliqué les diligences nécessaires avant de quitter les lieux après le premier incendie ;

- le SDIS n'a pas demandé une contre-expertise ;

- les pompiers devaient également visiter extérieurement la totalité du conduit de fumée, ce qu'ils n'ont pas fait ; de même, il était nécessaire de dégarnir le plancher au droit du foyer pour constater l'intégrité du conduit ;

- c'est ainsi la faute du SDIS qui a conduit au second incendie et, par suite, au dommage subi par M. B... et son assureur ;

- la MACIF est fondée à demander une indemnité de 199 652 euros, somme qu'elle a versée à son assuré ;

- la réparation que M. B... est fondé à obtenir du SDIS de la Sarthe comprend la franchise d'un montant de 100 euros, la somme de 1 400 euros au titre de la fraction de la perte d'usage non garantie par l'assureur, et celle de 9 693 euros au titre de la fraction de son préjudice non prise en charge par l'assureur au titre du coefficient de vétusté du mobilier prévu par la police d'assurance ;

- les peintures de la façade ont été endommagées lors de l'intervention des pompiers, qui ont évacué par les fenêtres des parties de la charpente ;

Vu le jugement attaqué ;

Vu le mémoire en défense, enregistré le 16 avril 2012, présenté pour le SDIS de la Sarthe, par Me Phelip, avocat au barreau de Paris, qui conclut au rejet de la requête et à ce que les requérants lui payent ensemble la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Il fait valoir que :

- le SDIS n'a commis aucune faute ; rien n'établit la supposée présence de fumée dans le plenum à l'issue de la première intervention ; cette fumée n'a pas été constatée, alors que les pompiers sont montés dans le plenum à l'aide d'un escabeau ; ils sont également montés sur le toit afin d'inspecter le conduit de cheminée par le haut ;

- le SDIS est d'avis que le sinistre s'est propagé par un joint défectueux entre deux boisseaux ;

- en l'absence de signes extérieurs de nature à alerter les pompiers de la persistance d'un point chaud, rien ne justifiait d'autres investigations que celles déjà particulièrement diligentes qui ont été réalisées par le SDIS ;

- il ne saurait lui être fait grief de ne pas avoir dégarni le plancher au droit du foyer afin de pouvoir inspecter l'intégralité du conduit, dès lors qu'aucun signe extérieur ne permettait aux pompiers de soupçonner la persistance d'un point chaud et qu'un tel dégarnissage ne fait pas partie des protocoles opérationnels mis en place pour les opérations type " feu de cheminée " ;

- les pompiers ne sauraient être tenus pour responsables du mauvais état de la cheminée de M. B... et n'avaient pas à prendre en compte, lors de leur intervention, l'hypothèse selon laquelle celle-ci aurait été défectueuse, ce qui en outre n'apparaissait à l'examen du conduit effectué à la suite du premier incendie ;

- seules les fautes de la victime sont à l'origine du second incendie ;

- en effet, la propagation du feu s'est certainement produite en raison du caractère défectueux d'un joint entre boisseaux situé entre le plafond du rez-de-chaussée et le sol du premier étage, alors que les DTU applicables exposent qu'aucun joint ne doit être exécuté dans l'épaisseur du plancher, qu'un fourreau en matériaux incombustibles posé dans la traversée de la trémie doit être installé pour les planchers bétons et bois et qu'un chevêtre doit être exécuté en bourrage de béton en respectant un écart au feu minimum de 7 cm pour les planchers bois ;

- si les règles de l'art avaient été respectées, il eût été impossible qu'un sinistre se déclare dans le plancher du premier étage et qu'il se communique aux solives de soutènement car tout le pourtour du conduit aurait dû être en matériaux incombustibles sur une distance d'au moins 16 cm ;

- en outre, M. B... indique avoir ramoné lui-même le conduit de sa cheminée et ne peut dès lors se prévaloir d'un entretien normal ;

- ces fautes sont de nature à exonérer le SDIS de toute éventuelle condamnation ;

- subsidiairement, la somme réclamée par la MACIF ne peut excéder 123 603 euros ;

- la cause alléguée de la dégradation des peintures de la façade n'est pas avérée ;

- l'indemnisation de la perte d'usage ne peut excéder 9 100 euros ;

- l'indemnisation s'entendant vétusté déduite, M. B... n'est pas fondé à réclamer la somme de 9 693 euros correspondant à la vétusté appliquée sur son mobilier ;

Vu le mémoire en réplique, enregistré le 17 août 2012, présenté pour la MACIF et M. B..., qui concluent aux mêmes fins que leur requête, par les mêmes moyens ;

Ils soutiennent, en outre, que M. B... n'a commis aucune faute ;

Vu l'ordonnance du 23 avril 2013 fixant la clôture de l'instruction au 13 mai 2013 ;

Vu le nouveau mémoire, enregistré le 13 mai 2013, présenté pour le SDIS de la Sarthe, qui conclut aux mêmes fins que ses précédentes écritures, par les mêmes moyens ;

Vu l'ordonnance du 13 mai 2013 décidant la réouverture de l'instruction ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code général des collectivités territoriales ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 21 juin 2013 :

- le rapport de M. Durup de Baleine, premier conseiller ;

- les conclusions de Mme Grenier, rapporteur public ;

- et les observations de Me Thomas-Tinot, avocat de la société d'assurance mutuelle MACIF et de M. B... ;

1. Considérant qu'un incendie de faible ampleur s'est déclaré le 30 décembre 2006, peu avant 14 h, dans la maison de M. et Mme B..., à Voivre-lès-le-Mans (Sarthe), à l'intérieur du conduit reliant la chaudière à bois, installée au sous-sol, à la cheminée située sur le toit ; que les sapeurs-pompiers du centre de secours de la Suze-sur-Sarthe, qui dépend du service départemental d'incendie et de secours (SDIS) de la Sarthe, sont intervenus rapidement et ont éteint en quelques minutes le feu dont le foyer se situait dans le conduit de cette cheminée, au niveau de la traversée du plancher du premier étage ; que les sapeurs-pompiers ont quitté les lieux à 15 h 28, une heure et quinze minutes après leur arrivée ; qu'à 16 h 22, ce centre de secours a reçu un nouvel appel faisant état de l'embrasement de la toiture de la maison de M. et Mme B... ; qu'arrivés sur les lieux à 16 h 39, les sapeurs pompiers ont déclaré le feu éteint à 17 h 41 ; que ce second incendie a détruit la toiture et le premier étage de la maison ; que M. B... et son assureur subrogé, la MACIF, relèvent appel du jugement par lequel le tribunal administratif de Nantes a rejeté leur demande tendant à ce que le SDIS de la Sarthe soit condamné à leur payer diverses sommes en réparation des conséquences dommageables de ce second incendie ;

Sur les conclusions indemnitaires :

2. Considérant qu'il résulte de l'instruction et n'est d'ailleurs pas contesté que le second incendie est né de la reprise du premier feu, en raison du développement d'un nid rougeoyant, non découvert par les sapeurs-pompiers à l'issue de leur première intervention, dans le plancher du premier étage, au droit du conduit de cheminée ; que, contrairement à ce que soutiennent les requérants, le rapport de l'expert désigné par le juge des référés du tribunal administratif de Nantes n'a pas estimé que les sapeurs-pompiers ont commis une faute ; que la circonstance que le SDIS de la Sarthe n'a pas sollicité un complément ou une contre-expertise est sans incidence sur l'appréciation de sa responsabilité ; que, selon ce rapport, le conduit en cause avait été réalisé conformément aux règles de l'art, avec un écart au feu suffisant à l'endroit où il traverse le plancher de l'étage ; qu'il ressort toutefois de la figure insérée à la page 7 de ce rapport qu'un joint entre deux boisseaux formant ce conduit se trouvait dans l'épaisseur du plancher de cet étage ; que, dès lors, l'apparition du nid rougeoyant dans ce plancher n'a pu se produire qu'en raison d'un défaut d'étanchéité du conduit qui a laissé s'échapper différentes matières incandescentes, lesquelles, au contact du plancher en bois, ont déclenché une combustion lente de ce dernier ; que, si l'expert n'a pas été mesure d'identifier avec certitude la cause de ce défaut d'étanchéité, le SDIS fait néanmoins état, sans être contredit sur ce point, du caractère défectueux de ce joint, caractère que les photographies qu'il produit sont propres à établir ; qu'après l'extinction du premier feu, les sapeurs pompiers ont arrosé le conduit de cheminée, passé dans celui-ci un hérisson afin d'éliminer tous les bouchons susceptibles de l'encombrer ainsi qu'effectué un contrôle visuel et tactile de son intégrité sur toute sa longueur, notamment au niveau des combles, à l'issue duquel ils n'ont, ni détecté aucune persistance d'un point chaud, ni constaté une fissure dans le conduit ou dans un joint entre boisseaux ; qu'ainsi, les diligences faites et précautions prises en l'espèce par les sapeurs-pompiers lors de leur première intervention étaient appropriées à la nature et à l'importance du feu de cheminée qu'ils avaient circonscrit ; qu'aucun indice ne leur permettait de soupçonner un défaut d'étanchéité du conduit de cheminée et, dès lors, ils n'ont pas commis de faute en ne dégarnissant pas le plancher du premier étage autour de ce conduit, l'utilité d'une telle manoeuvre n'étant nullement prévisible ; qu'il en résulte qu'aucune faute de nature à engager la responsabilité du SDIS de la Sarthe ne peut être imputée aux sapeurs-pompiers ;

3. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que la MACIF et M. B... ne sont pas fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nantes a rejeté leur demande ;

Sur les dépens :

4. Considérant que les circonstances particulières de l'affaire ne justifient pas que les dépens soient mis à la charge d'autres parties que la MACIF et M. B..., parties perdantes, ou qu'ils soient partagés entre ces dernières et le SDIS de la Sarthe ;

Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

5. Considérant que ces dispositions font obstacle à ce que soit mise à la charge du SDIS de la Sarthe, qui n'a pas dans la présente instance la qualité de partie perdante, la somme que demandent à ce titre la MACIF et M. B... ; que, dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de mettre à la charge de ces derniers la somme de 2 000 euros que le SDIS de la Sarthe demande au même titre ;

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de la société d'assurance mutuelle MACIF et de M. B... est rejetée.

Article 2 : La société d'assurance mutuelle MACIF et M. B... verseront au service départemental d'incendie et de secours de la Sarthe la somme globale de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à la société d'assurance mutuelle MACIF, à M. A... B...et au service départemental d'incendie et de secours de la Sarthe.

Délibéré après l'audience du 21 juin 2013, à laquelle siégeaient :

- M. Iselin, président de chambre,

- M. Millet, président-assesseur,

- M. Durup de Baleine, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 12 juillet 2013.

Le rapporteur,

A. DURUP de BALEINE Le président,

B. ISELIN

Le greffier,

F. PERSEHAYE

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

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Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nantes
Formation : 5ème chambre
Numéro d'arrêt : 12NT00597
Date de la décision : 12/07/2013
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : M. ISELIN
Rapporteur ?: M. Antoine DURUP de BALEINE
Rapporteur public ?: Mme GRENIER
Avocat(s) : THOMAS-TINOT

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nantes;arret;2013-07-12;12nt00597 ?
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