La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

03/10/2013 | FRANCE | N°12NT03094

France | France, Cour administrative d'appel de Nantes, 3ème chambre, 03 octobre 2013, 12NT03094


Vu la requête, enregistrée le 5 décembre 2012, présentée pour M. D... C..., demeurant..., par Me Thomas-Tinot, avocat au barreau de Nantes ; M. C... demande à la cour :

1°) de réformer le jugement n° 09-2639 du 3 octobre 2012 en tant que par ce jugement le tribunal administratif de Nantes n'a que partiellement fait droit à sa demande en condamnant l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales à ne lui verser que la somme de 10 000 euros au titre de l'indemnisation des préjudices résultant de sa contamina

tion par le virus de l'hépatite C ;

2°) de condamner l'Etablisseme...

Vu la requête, enregistrée le 5 décembre 2012, présentée pour M. D... C..., demeurant..., par Me Thomas-Tinot, avocat au barreau de Nantes ; M. C... demande à la cour :

1°) de réformer le jugement n° 09-2639 du 3 octobre 2012 en tant que par ce jugement le tribunal administratif de Nantes n'a que partiellement fait droit à sa demande en condamnant l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales à ne lui verser que la somme de 10 000 euros au titre de l'indemnisation des préjudices résultant de sa contamination par le virus de l'hépatite C ;

2°) de condamner l'Etablissement français du sang à lui verser la somme totale de 69 172 euros en réparation des préjudices nés pour lui de sa contamination par le virus de l'hépatite C, cette somme portant intérêts au taux légal à compter du 4 novembre 2008, ces intérêts étant, eux-mêmes, capitalisés ;

3°) de mettre à la charge de l'Etablissement français du sang le versement de la somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Il soutient :

- que, la responsabilité de l'EFS dans la contamination de M. C... ayant été reconnue par le tribunal administratif de Nantes, il est demandé confirmation du jugement sur ce point ;

- que les premiers juges ont cependant sous-estimé le montant des sommes dues au titre

de ses divers préjudices personnels et économiques en les limitant à 10 000 euros au lieu des 69 172 euros demandés ;

Vu le jugement attaqué ;

Vu le mémoire en défense, enregistré le 25 mars 2013, présenté pour l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales par Me Ravaut, avocat au barreau de Bordeaux, qui conclut au rejet de la requête ;

Il fait valoir :

- que la substitution de l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales à l'Etablissement français du sang pour les contentieux en cours est entrée en vigueur à compter du 1er juin 2010 et qu'à ce titre l'EFS doit être mis hors de cause ;

- qu'il ne conteste pas l'imputabilité de la contamination de M. C... par le virus de l'hépatite C à la suite des transfusions sanguines effectuées au centre hospitalier universitaire de Nantes en 1984 ;

- que les sommes que le tribunal administratif l'a condamné à verser à M. C... ont été justement évaluées ; que le requérant ne justifie pas des sommes demandées en sus, en lien avec sa contamination par le VHC ;

Vu le mémoire, enregistré le 2 avril 2013, présenté pour l'Etablissement français du sang qui conclut à sa mise hors de cause ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code de la santé publique ;

Vu le code de la sécurité sociale ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 12 septembre 2013 :

- le rapport de M. Lemoine, premier conseiller,

- les conclusions de M. Degommier, rapporteur public,

- les observations de Me A..., substituant Me Thomat-Tinot, avocat de M. C... et du RSI ;

- et les observations de Me B..., substituant Me Ravaut, avocat de l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales ;

1. Considérant que M. C..., alors âgé de 17 ans, a été victime en 1984 d'un accident de la circulation à la suite duquel il a été hospitalisé au centre hospitalier de Nantes ; qu'il y a fait l'objet d'une transfusion sanguine en raison de la fracture ouverte de la jambe dont il était atteint ; qu'à l'occasion d'un bilan biologique réalisé le 24 mars 2005 le diagnostic d'hépatite C a été posé ; que le Dr Degos, expert désigné à la demande de l'intéressé par le juge des référés du tribunal administratif de Nantes, ayant conclu au caractère vraisemblable de l'origine transfusionnelle de sa contamination par le VHC, M. C... a saisi l'Etablissement français du sang (EFS) le 30 octobre 2008 d'une demande indemnitaire préalable qui est demeurée sans réponse ; que M. C... et le Régime Social des Indépendants (RSI) des Pays de la Loire ont alors demandé au tribunal administratif de Nantes de déclarer l'Établissement Français du Sang responsable de la contamination de M. C... par le VHC, et de le condamner à en réparer les conséquences dommageables ; que, par un jugement du 3 octobre 2012, dont M. C... relève appel, le tribunal administratif de Nantes a reconnu la responsabilité de l'Etablissement français du sang (EFS) au titre de la contamination de M. C... par le virus de l'hépatite C et a condamné l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales, qui s'est substitué à cet établissement, à verser au patient la somme de 10 000 euros au titre de ses préjudices personnels en lien avec la contamination au VHC, à prendre en charge les frais d'expertise et à verser au RSI la somme de 22 107,40 euros au titre des débours exposés pour le traitement de son assuré ; que M. C... demande la réformation de ce jugement en tant qu'il n'a pas fait droit en totalité à ses prétentions indemnitaires ; que, l'ONIAM ayant été substitué à l'EFS par l'effet des dispositions du IV de l'article 67 de la loi du 17 décembre 2008 susvisée et ayant été seul condamné par le tribunal administratif, il y a lieu de regarder les conclusions de M. C..., qui ne conteste pas le principe de cette condamnation et la désignation de la personne responsable, comme dirigées non contre l'Etablissement français du sang mais contre cet office ;

Sur l'indemnisation au titre de la solidarité nationale:

2. Considérant que la responsabilité de l'EFS, auquel s'est substitué l'ONIAM depuis le 1er juin 2010, dans la contamination de M. C... par le virus de l'hépatite C à l'occasion de la transfusion de produits sanguins réalisée le 17 novembre 1984 lors de son admission au CHRU de Nantes n'est pas contestée ;

Sur l'évaluation des préjudices :

En ce qui concerne les préjudices à caractère patrimonial :

3. Considérant, en premier lieu, que l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales soutient que M. C... ne justifie pas plus en appel qu'en première instance de la baisse effective de ses revenus à compter de la période à partir de laquelle il a été pris en charge à raison de sa contamination au VHC ; qu'il n'est toutefois pas contestable que l'activité de M. C... a été affectée par le traitement médical lourd consécutif à cette contamination ; qu'il ressort en effet des documents comptables produits, et notamment de l'attestation d'un expert-comptable faisant état d'un manque à gagner constaté dans l'activité de M. C... au titre de l'exercice 2006-2007 suivant immédiatement la période au cours de laquelle celui-ci a suivi son traitement médical, ainsi que de l'évolution des chiffres clés de l'entreprise de M. C... au cours de la même période, que l'activité du requérant a été ralentie dans une proportion notable au cours de la période concernée ; que, dans ces conditions, il sera fait une plus juste appréciation de la perte de gains professionnels de M. C... en lui allouant à ce titre la somme de 10 000 euros ;

4. Considérant, en second lieu, que M. C... soutient qu'il a dû payer une surprime d'assurance au titre de la garantie décès d'un emprunt immobilier du fait de sa contamination par le virus de l'hépatite C ; que s'il produit à ce titre le questionnaire médical destiné à l'adhésion collective des emprunteurs indiquant sa maladie et l'acceptation de cette adhésion moyennant le paiement d'une surprime mensuelle d'assurance décès de 3,54 euros, il n'établit pas davantage en appel que devant les premiers juges, par la seule production d'un courrier non daté d'un établissement financier faisant état de la transmission d'un tableau d'amortissement pour le prêt immobilier en cause, l'effectivité de la conclusion du prêt dont il s'agit et, par suite, la réalité du préjudice financier qu'il invoque ;

En ce qui concerne les préjudices personnels :

5. Considérant qu'il résulte du rapport d'expertise médicale que M. C... peut être regardé comme guéri, son état étant consolidé depuis le mois d'août 2006, date à laquelle il avait 38 ans ; que, toutefois, il reste atteint d'un déficit fonctionnel permanent évalué à 3 % par l'expert et a subi des souffrances physiques liées au traitement de sa maladie et à ses effets secondaires évaluées à 2 sur une échelle de 7 ; que, par suite, c'est par une juste appréciation que les premiers juges ont arrêté à la somme de 5 000 euros l'indemnisation de ces préjudices personnels ; qu'il convient cependant d'ajouter à ce montant une somme de 2 000 euros destinée à réparer l'anxiété spécifique ressentie par l'intéressé lors de la découverte de sa contamination par le virus de l'hépatite C ;

6. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que M. C... est fondé à demander, dans la mesure indiquée aux points 3 et 5, la réformation du jugement attaqué ;

Sur les intérêts et la capitalisation des intérêts :

7. Considérant que M. C... a droit aux intérêts au taux légal calculés sur les sommes allouées ci-dessus à compter du 5 novembre 2008, date de réception de sa demande indemnitaire préalable ; que ces intérêts seront eux-mêmes capitalisés, en application de l'article 1154 du code civil, à compter du 5 novembre 2009, date à laquelle était due au moins une année d'intérêts ;

Sur les frais d'expertise :

8. Considérant que les frais et honoraires de l'expertise ordonnée par les premiers juges, taxés à la somme de 2 304,40 euros, doivent être maintenus à la charge définitive de l'ONIAM ;

Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

9. Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales le versement à M. C... de la somme de 2 000 euros au titre des frais exposés et non compris dans les dépens ;

DÉCIDE :

Article 1er : La somme que l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales a été condamné par le tribunal administratif de Nantes à payer à M. C... est portée à 17 000 euros. Cette somme sera assortie des intérêts de droit à compter du 5 novembre 2008. Ces intérêts seront capitalisés à compter du 5 novembre 2009 et à chaque échéance annuelle à partir de cette date.

Article 2 : Le jugement n° 09-2639 du tribunal administratif de Nantes du 3 octobre 2012 est réformé en ce qu'il a de contraire au présent arrêt.

Article 3 : Les frais de l'expertise ordonnée par les premiers juges, taxés à la somme de 2 304,40 euros, sont maintenus à la charge définitive de l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales.

Article 4 : L'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales versera à M. C... la somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à M. D... C..., à la caisse du Régime Social des Indépendants des Pays-de-la-Loire, à l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales et à l'Etablissement français du sang.

Délibéré après l'audience du 12 septembre 2013, à laquelle siégeaient :

- Mme Perrot, président de chambre,

- M. Coiffet, président-assesseur,

- M. Lemoine, premier conseiller.

Lu en audience publique le 3 octobre 2013.

Le rapporteur,

F. LEMOINE Le président,

I. PERROT

Le greffier,

C. GUÉZO

La République mande et ordonne au ministre des affaires sociales et de la santé en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

''

''

''

''

2

N° 12NT03094


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nantes
Formation : 3ème chambre
Numéro d'arrêt : 12NT03094
Date de la décision : 03/10/2013
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : Mme PERROT
Rapporteur ?: M. François LEMOINE
Rapporteur public ?: M. DEGOMMIER
Avocat(s) : THOMAS-TINOT

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nantes;arret;2013-10-03;12nt03094 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award