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15/05/2014 | FRANCE | N°13NT00187

France | France, Cour administrative d'appel de Nantes, 3ème chambre, 15 mai 2014, 13NT00187


Vu, I, sous le n° 13NT00187, la requête, enregistrée le 15 janvier 2013, présentée pour Mme C... B..., demeurant..., par Me Godard, avocat au barreau de Caen ; Mme B... demande à la cour :

1°) de réformer le jugement nos 11-2131, 11-2380 en date du 15 novembre 2012 par lequel le tribunal administratif de Caen n'a que partiellement fait droit à sa demande tendant à la réparation de l'ensemble des préjudices résultant pour elle de l'intervention chirurgicale subie le 13 août 2001 au centre hospitalier universitaire de Caen et des interventions effectuées les 26 octobre et 1

9 décembre 2007 dans ce même établissement du fait de l'aggravation ...

Vu, I, sous le n° 13NT00187, la requête, enregistrée le 15 janvier 2013, présentée pour Mme C... B..., demeurant..., par Me Godard, avocat au barreau de Caen ; Mme B... demande à la cour :

1°) de réformer le jugement nos 11-2131, 11-2380 en date du 15 novembre 2012 par lequel le tribunal administratif de Caen n'a que partiellement fait droit à sa demande tendant à la réparation de l'ensemble des préjudices résultant pour elle de l'intervention chirurgicale subie le 13 août 2001 au centre hospitalier universitaire de Caen et des interventions effectuées les 26 octobre et 19 décembre 2007 dans ce même établissement du fait de l'aggravation de son état de santé qu'elle estime consécutif à la première intervention, en condamnant l'établissement à lui verser la somme de 40 000 euros et subsidiairement, d'annuler le jugement en tant qu'il a écarté l'existence d'une faute dans l'indication thérapeutique des interventions réalisées les 26 octobre et 19 décembre 2007 au centre hospitalier universitaire de Caen ;

2°) de condamner le centre hospitalier universitaire de Caen à lui verser la somme de 196 225,31 euros en réparation de l'ensemble des préjudices ainsi subis ;

3°) de mettre à la charge du centre hospitalier universitaire de Caen la somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, ainsi qu'aux entiers dépens, dont la contribution à l'aide juridique prévue à l'article R. 761-1 du même code ;

elle soutient que :

- les experts n'ont pas pu se prononcer sur l'indication opératoire de l'intervention du 13 août 2001 du fait de l'absence des documents d'imagerie pré-opératoire ;

- par ailleurs, il ressort clairement du rapport du professeur Christoforov, expert, sapiteur en chirurgie digestive, que ni le choix de l'intervention dite " de Malone " réalisée le 26 octobre 2007, ni celui de la colectomie effectuée le 19 décembre 2007 n'étaient indiqués dans sa situation ; les praticiens ayant décidé de recourir à ces interventions ont commis une faute de nature à engager la responsabilité du centre hospitalier universitaire de Caen ; ses problèmes digestifs sont également une conséquence dommageable de l'infection nosocomiale décelée dans les suites de l'opération du 13 août 2001 ;

- son état de santé consécutif à ces interventions n'est pas consolidé ; seule la réparation des préjudices temporaires avant consolidation est donc sollicitée ; les premiers juges ont fait une évaluation insuffisante des préjudices retenus ; les frais médicaux, consécutifs à la fois à l'infection nosocomiale et aux interventions des 26 octobre et 19 décembre 2007 représentent la somme de 1 858,72 euros ; les lavements et massages nécessités par son état de santé depuis 2007 jusqu'au 16 février 2011 s'élèvent à la somme de 50 899,69 euros ; les frais de transport exposés s'élèvent à la somme de 10 466,80 euros ; le déficit fonctionnel, qui n'a pas été définitivement fixé, doit être évalué temporairement à la somme de 65 000 euros ; les souffrances endurées, qui ont été qualifiées de très importantes, doivent être évaluées à la somme de 50 000 euros ; le préjudice esthétique temporaire qui a été qualifié de modéré est, en réalité, plus important et doit être évalué à la somme de 8 000 euros ; le préjudice moral, imputable tant à l'infection nosocomiale qu'aux interventions des 26 octobre et 19 décembre 2007, doit être évalué à la somme de 10 000 euros ;

Vu le jugement attaqué ;

Vu le mémoire en défense, enregistré le 2 août 2013, présenté pour le centre hospitalier universitaire de Caen par Me Le Prado avocat au Conseil d'Etat et à la Cour de cassation ; il conclut au rejet de la requête ;

il fait valoir que :

- Mme B... s'appuie sur les constatations du professeur Christoforov, sapiteur en chirurgie digestive, dont les affirmations non étayées n'ont pas été reprises par les autres membres du collège d'expert dans leur rapport final ; le point de vue exprimé est donc isolé ; aucune faute n'est à retenir dans la prise en charge des douleurs post-opératoires présentées par Mme B... ;

- les frais médicaux et pharmaceutiques, les coûts de massage et lavements et les frais de transports dont la requérante demande l'indemnisation ne sont pas en lien direct et exclusif avec l'infection nosocomiale qu'elle a contractée ; ils sont en lien avec une pathologie initiale dont elle souffrait et ont persisté après la guérison de l'infection nosocomiale ; en outre, les sommes demandées ne sont pas assorties de justificatifs établissant la réalité de la dépense ; enfin, aucun déficit fonctionnel n'a été retenu par les experts dès lors que l'antibiothérapie mise en place a permis de soigner l'infection ; le déficit fonctionnel permanent a été évalué à 20 % par les experts ; la somme de 65 000 euros demandée par Mme B... est totalement disproportionnée ; aucune majoration de l'indemnité fixée à 20 000 euros par les premiers juges ne peut être accordée ;

- en ce qui concerne les préjudices personnels de Mme B..., la somme de 20 000 euros accordée par les premiers juges pour les préjudices consécutifs à l'infection nosocomiale doit être confirmée ; le préjudice moral a déjà été indemnisé au titre des souffrances endurées et ne peut être indemnisé une seconde fois ;

Vu le mémoire en réplique, enregistré le 17 janvier 2014, présenté pour Mme B..., qui conclut aux mêmes fins que sa requête par les mêmes moyens et demande en outre à la cour d'ordonner une expertise complémentaire afin de déterminer si l'intervention de Malone du 26 octobre 2007 et les traitements chirurgicaux postérieurs étaient justifiés et si les problèmes digestifs rencontrés par elle, présentent un lien avec l'infection nosocomiale qu'elle a contractée ;

elle soutient en outre que ;

- contrairement à ce qu'indique le centre hospitalier universitaire de Caen les conclusions du professeur Christoforov sont intégrées dans le rapport d'expertise final, qui y fait un renvoi ; le rapport d'expertise ne peut être interprété comme ayant validé le recours à la technique de Malone ;

- l'infection nosocomiale qu'elle a contractée et les mauvaises indications opératoires ont eu pour effet de compliquer gravement son état de santé ;

- les préjudices subis sont justifiés par les pièces produites ; les experts ne se sont pas prononcés sur la date de consolidation de son état ; même en l'absence d'indication dans le rapport d'expertise d'un déficit fonctionnel, elle a bien subi un tel préjudice ;

Vu le mémoire, enregistré le 28 mars 2014, présenté pour le centre hospitalier universitaire de Caen, qui conclut aux mêmes fins que ses précédentes écritures, par les mêmes moyens ;

il fait valoir en outre que :

- compte tenu de l'expertise déjà réalisée par un collège d'experts, dont les conclusions indiquent que la prise en charge de Mme B..., y compris les techniques opératoires, a été adaptée et exempte de faute, l'expertise complémentaire demandée présente un caractère frustratoire ;

Vu le mémoire, enregistré le 11 avril 2014, présenté pour Mme B..., qui conclut aux mêmes fins que ses précédentes écritures par les mêmes moyens ;

elle soutient en outre que l'expertise complémentaire est nécessaire et non frustratoire si la cour ne s'estime pas suffisamment éclairée par les conclusions du professeur Christoforov ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu, II, sous le n° 13NT00081, la requête, enregistrée le 11 janvier 2013, présentée pour la caisse primaire d'assurance maladie de l'Orne, représentée par son directeur en exercice, dont le siège est 34 place Bonet à Alençon (61000), par Me Forveille, avocat au barreau de Caen ; la caisse primaire d'assurance maladie de l'Orne demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement nos 11-2131, 11-2380 du 15 novembre 2012 du tribunal administratif de Caen en tant qu'il a rejeté sa demande tendant au remboursement des débours exposés pour le compte de son assurée sociale Mme B..., à la suite de l'infection nosocomiale qu'elle a contractée lors de l'intervention chirurgicale réalisée le 13 août 2001 au centre hospitalier universitaire de Caen ;

2°) de condamner le centre hospitalier universitaire de Caen à lui verser la somme de 64 820,53 euros au titre des frais exposés en lien avec cette infection, augmentée des intérêts au taux légal, ainsi que la somme de 1 015 euros au titre de l'indemnité forfaitaire de gestion ;

3°) de mettre à la charge du centre hospitalier universitaire de Caen la somme de 1 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

elle soutient que :

- le caractère nosocomial de l'infection contractée par Mme B... est établi par le rapport d'expertise ; la responsabilité du centre hospitalier universitaire de Caen est donc engagée ;

- c'est donc à tort que les premiers juges ont rejeté sa demande de remboursement des débours exposés pour le compte de son assurée sociale ; si les premiers juges ne s'estimaient pas suffisamment informés par les pièces produites, qui comprenaient le certificat d'imputabilité établi par le médecin conseil, ils devaient procéder à une mesure d'instruction ;

- les dépenses exposées en lien avec l'infection nosocomiale s'élèvent à 64 820,53 euros ;

Vu le mémoire en défense, enregistré le 2 août 2013, présenté pour le centre hospitalier universitaire de Caen, par Me Le Prado, avocat au Conseil d'Etat et à la Cour de cassation ; il conclut au rejet de la requête ;

il fait valoir que :

- si la caisse primaire d'assurance maladie a réduit en appel ses prétentions, elle n'établit pas, par les pièces produites, y compris par l'attestation de son médecin conseil, la réalité et le montant des dépenses alléguées, ni leur imputabilité à l'infection nosocomiale, dès lors qu'en l'espèce Mme B... devait être prise en charge au titre de sa pathologie initiale ; l'attestation produite n'apporte aucune précision sur la nature des prestations servies et leur montant ; les frais futurs ne peuvent être admis dès lors qu'il ressort du rapport d'expertise que Mme B... a été guérie de l'infection nosocomiale ; les frais allégués ne sont, au surplus, pas détaillés et ne figurent pas dans l'attestation d'imputabilité ;

Vu le mémoire en réplique, enregistré le 27 janvier 2014, présenté pour la caisse primaire d'assurance maladie de l'Orne, par Me Forveille, qui conclut aux mêmes fins que sa requête et porte à 1 028 euros la somme demandée au titre de l'indemnité forfaitaire de gestion ; la caisse primaire d'assurance maladie de l'Orne soulève les mêmes moyens que dans sa requête et soutient, en outre, que :

- contrairement à ce que soutient le centre hospitalier universitaire de Caen, les frais exposés pour le compte de Mme B... dont il est demandé le remboursement sont imputables à l'infection nosocomiale qu'elle a contractée à la suite de l'intervention chirurgicale du 13 août 2001 ; une antibiothérapie de trois mois lui a été prescrite ; la guérison a été constatée le 22 février 2002 ; les interventions de neurostimulation effectuées en 2005 et 2006 ainsi que le séjour en centre de rééducation fonctionnelles du 21 février au 13 mars 2006 sont directement liés à la fibrose péridurale cicatricielle causée par la spondylodiscite due au germe hospitalier ; des frais futurs sont à prévoir au titre du poste frais médicaux et pharmaceutiques dès lors qu'aucune date de consolidation n'a été fixée par les médecins experts ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code de la santé publique ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 17 avril 2014 :

- le rapport de Mme Specht, premier conseiller ;

- les conclusions de M. Degommier, rapporteur public ;

- et les observations de Me A..., substituant Me Le Prado, avocat du centre hospitalier universitaire de Caen ;

1. Considérant que Mme B..., née en 1962, a subi une intervention chirurgicale sur le rachis le 13 août 2001 au centre hospitalier universitaire de Caen pour une discectomie chirurgicale sur les vertèbres lombaires L 5 et S 1 afin de traiter des douleurs persistantes et anciennes ; que quelques jours après l'opération, une infection du disque intervertébral a été décelée, causée par le germe staphyloccocus epidermis, ayant pour origine une infection per-opératoire, et traité par une antibiothérapie ; qu'une fibrose post-opératoire à l'origine de douleurs a été diagnostiquée et traitée à partir de mai 2005 jusqu'en février 2006 au centre hospitalier régional universitaire de Rennes par une stimulation intra-rachidienne et un traitement morphinique ; que postérieurement, Mme B... a subi le 26 octobre 2007, au centre hospitalier universitaire de Caen, une intervention chirurgicale dite " de Malone " destinée à remédier à des difficultés digestives persistantes qui n'a pas donné de résultat favorable et qui a été suivie d'une colectomie subtotale réalisée le 19 décembre 2007 ; que des complications liées à cette intervention ont justifié deux reprises chirurgicales les 8 janvier et 26 mars 2008 réalisées dans le même établissement ; qu'à la suite de ces interventions digestives, l'état de santé de Mme B... est finalement aggravé ; que sur saisine de l'intéressée, le juge des référés du tribunal administratif de Caen a désigné, par une ordonnance du 26 mai 2008 un collège d'experts aux fins de déterminer si les interventions réalisées et les soins prodigués lors de l'intervention du 13 août 2001 par le centre hospitalier universitaire de Caen et à partir de mai 2005 par le centre hospitalier régional universitaire de Rennes étaient justifiés et réalisés conformément aux règles de l'art ; que le rapport a été remis le 22 janvier 2010 ; que Mme B... a saisi le tribunal administratif de Caen d'une demande indemnitaire tendant à la condamnation du centre hospitalier universitaire de Caen à réparer l'ensemble des préjudices résultant de l'aggravation de son état de santé qu'elle impute tant à l'infection contractée lors de l'intervention réalisée le 13 août 2001 qu'aux interventions de 2007 et 2008 ;

2. Considérant que, par la requête n° 13NT00187, Mme B... relève appel du jugement du tribunal administratif de Caen en tant que par ce jugement le tribunal, s'il a admis l'existence d'une infection nosocomiale et a condamné le centre hospitalier universitaire de Caen à en réparer les conséquences, a toutefois écarté l'existence d'une faute qui aurait été commise dans l'indication thérapeutique des interventions digestives des 26 octobre et 19 décembre 2007 et a exclut l'indemnisation des conséquences dommageables de ces interventions ; que la requérante demande la condamnation du centre hospitalier universitaire de Caen à l'indemniser de l'ensemble des préjudices subis qu'elle estime consécutifs à l'infection nosocomiale contractée en août 2001 et aux fautes commises dans l'indication thérapeutique des interventions chirurgicales postérieures et demande, à titre subsidiaire, qu'une expertise complémentaire soit ordonnée ; que, par la requête n° 13NT00081, la caisse primaire d'assurance maladie de l'Orne demande l'annulation du même jugement en tant que le tribunal a rejeté sa demande de remboursement des débours exposés pour le compte de son assurée sociale Mme B..., au motif que l'état des dépenses présenté n'était pas détaillé ; que ces deux requêtes sont dirigées contre un même jugement et ont fait l'objet d'une instruction commune ; qu'il y a lieu de les joindre pour y statuer par un seul arrêt ;

Sur la responsabilité du centre hospitalier universitaire de Caen :

S'agissant de l'infection nosocomiale contractée au décours de l'intervention du 13 août 2001 :

3. Considérant que le caractère nosocomial de l'infection contractée par Mme B... lors de l'intervention du 13 août 2001 portant sur le rachis n'est pas contesté ; qu'il résulte de l'instruction et notamment du rapport du collège d'experts que cette infection qui a atteint un disque vertébral causant une spondyloscite a induit ou aggravé le développement d'une fibrose péridurale, à l'origine pour Mme B... de douleurs neuropathiques, dont le traitement par neurostimulation rachidienne, réalisé au centre hospitalier régionale universitaire de Rennes, conformément aux données acquises de la science, s'est toutefois révélé insuffisant et a été complété par un traitement morphinique ; que Mme B... soutient que ce traitement, dont la pertinence n'est pas remise en cause, a aggravé ses problèmes digestifs selon des effets secondaires connus ; qu'il résulte, en effet, de l'instruction, et notamment des termes du compte-rendu du professeur Christoforov, sapiteur en chirurgie viscérale, dont les conclusions ont été intégrées au rapport du collège d'experts, que la prise régulière de médicaments morphiniques a aggravé les troubles du transit que présentait déjà Mme B... et que la spondylodiscite et notamment l'hypoesthésie péritonéale participent à l'intensité de ces troubles ; que, toutefois, le rapport du collège d'experts ne permet pas à la cour, en l'état de l'instruction, de déterminer les causes exactes de l'aggravation des problèmes digestifs dont Mme B... était initialement déjà atteinte, ni si cette aggravation présente un lien direct et certain avec le traitement de l'infection nosocomiale qu'elle a contractée au décours de l'intervention du 13 août 2001 ; qu'il y a lieu, par suite, avant de statuer sur les conclusions indemnitaires de Mme B... et de la caisse primaire d'assurance maladie de l'Orne, d'ordonner une expertise à cette fin ;

S'agissant des interventions des 26 octobre et 19 décembre 2007 :

4. Considérant qu'il résulte de l'instruction et notamment du rapport du collège d'experts, éclairé par le compte rendu du professeur Chistoforov, sapiteur en chirurgie digestive, que le choix des différentes interventions digestives réalisées au centre hospitalier universitaire de Caen le 26 octobre 2007 pour une intervention dite " de Malone ", puis le 19 décembre 2007 pour une colectomie subtotale qui a nécessité deux interventions chirurgicales de reprise le 8 janvier 2008 pour fermer une fistule anastomotique, puis le 26 mars 2008 pour une fermeture de stomie, a été qualifié de " malencontreux " et que les résultats défavorables de ces interventions ont aggravé l'état de santé de Mme B... ; que toutefois, en l'absence de précision suffisante dans le rapport d'expertise, même éclairé par le compte rendu du sapiteur, la cour ne trouve pas au dossier les éléments nécessaires pour se prononcer sur la pertinence des choix thérapeutiques ainsi faits par l'établissement, ni sur leur correcte exécution et les conséquences éventuellement imputables à ces seules interventions ; qu'il y a lieu, par suite, avant de statuer sur les conclusions indemnitaires de Mme B..., d'ordonner également une expertise pour éclairer la cour sur ces points ;

DÉCIDE :

Article 1er : Avant de statuer sur les conclusions de Mme B... et de la caisse primaire d'assurance maladie de l'Orne, il sera procédé à une expertise contradictoire entre les parties qui sera réalisée par un collège de deux experts, l'un spécialisé en neurochirurgie, l'autre spécialisé en chirurgie viscérale. Ce collège d'experts pourra, le cas échéant, se faire assister par un sapiteur spécialisé en rhumatologie.

Article 2 : Le collège d'experts sera désigné par le président de la cour. Il accomplira sa mission dans les conditions prévues par les articles R. 621-2 à R. 621-14 du code de justice administrative.

Article 3 : Le collège d'experts aura pour mission, au vu des pièces du dossier et notamment du précédent rapport d'expertise :

1. d'indiquer si les dommages invoqués par Mme B... ont un rapport avec son état de santé initial ou l'évolution prévisible de celui-ci lors de sa prise en charge par le centre hospitalier universitaire de Caen le 13 août 2001 ;

2. de déterminer les causes exactes de l'aggravation des problèmes digestifs dont Mme B... était initialement déjà atteinte et de préciser si cette aggravation présente un lien direct et certain avec le traitement de l'infection nosocomiale qu'elle a contractée au décours de l'intervention du 13 août 2001 et, le cas échant, dans quelle proportion ;

3. de préciser la nature des lésions et affections dont Mme B... était atteinte lors de sa prise en charge au centre hospitalier universitaire de Caen pour l'intervention du 26 octobre 2007 ;

4. de préciser si les interventions chirurgicales réalisées les 26 octobre et 19 décembre 2007 au centre hospitalier universitaire de Caen étaient justifiées par l'état de santé de Mme B... et si elles ont été réalisées conformément aux données de la science ;

5. d'indiquer si ces interventions et leurs conséquences, ont fait perdre à Mme B... une chance d'échapper à l'aggravation de son état de santé et dans l'affirmative, de préciser le pourcentage à retenir ;

6. d'indiquer à quelle date l'état de santé de Mme B... peut être considéré comme consolidé ; dans l'affirmative, de préciser la date de consolidation, et, dans la négative, d'indiquer l'évolution prévisible de cet état de santé ;

7. de dire si l'état de santé de Mme B... a entraîné une incapacité temporaire et en préciser les dates de début et de fin, ainsi que le ou les taux en distinguant précisément la part éventuellement imputable aux conséquences de l'infection nosocomiale du 13 août 2001 de celle éventuellement imputable aux interventions des 26 octobre et 19 décembre 2007 et de celle ayant pour origine toute autre cause ou pathologie, eu égard, notamment aux antécédents médicaux de l'intéressée ;

8. de préciser s'il subsiste une incapacité permanente partielle et dans l'affirmative en fixer le taux en distinguant précisément, comme ci-dessus, les différentes causes ; dans le cas où cet état ne serait pas encore consolidé, indiquer si, dès à présent, une incapacité permanente partielle est prévisible, et en évaluer l'importance en distinguant, comme ci-dessus, les différentes causes ;

9. de préciser l'étendue des besoins éventuels en assistance par une tierce personne et les modalités selon lesquelles cette aide a été apportée depuis l'apparition des troubles jusqu'à la date de l'expertise ;

10. de préciser les soins, les appareillages et équipements nécessités par son état de santé jusqu'à la date du rapport d'expertise ainsi que dans le futur ;

11. de donner tous les éléments permettant d'évaluer les autres postes de préjudices tels que les troubles dans les conditions d'existence (préjudice esthétique, préjudice d'agrément, préjudice sexuel), et le cas échéant, d'en évaluer l'importance, en distinguant la part imputable aux interventions précitées de celle ayant pour origine toute autre cause ou pathologie, eu égard, notamment aux antécédents médicaux de l'intéressée.

Article 4 : Les experts adresseront aux parties un pré-rapport et annexeront à leur rapport définitif les dires des parties qu'ils auront analysés.

Article 5 : Les experts déposeront leur rapport en quatre exemplaires au greffe de la cour dans le délai de six mois à compter de la notification du présent arrêt.

Article 6 : Tous droits et moyens des parties sur lesquels il n'est pas expressément statué par le présent arrêt sont réservés jusqu'en fin d'instance.

Article 7 : Le présent arrêt sera notifié au centre hospitalier universitaire de Caen, à Mme C... B...et à la caisse primaire d'assurance maladie de l'Orne.

Délibéré après l'audience du 17 avril 2014, à laquelle siégeaient :

- M. Coiffet, président,

- Mme Specht, premier conseiller,

- M. Lemoine, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 15 mai 2014.

Le rapporteur,

F. SPECHT Le président,

O. COIFFET

Le greffier,

A. MAUGENDRE

La République mande et ordonne au ministre des affaires sociales et de la santé en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

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Nos 13NT00187, 13NT00081 2

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Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nantes
Formation : 3ème chambre
Numéro d'arrêt : 13NT00187
Date de la décision : 15/05/2014
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : M. COIFFET
Rapporteur ?: Mme Frédérique SPECHT
Rapporteur public ?: M. DEGOMMIER
Avocat(s) : GODARD

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nantes;arret;2014-05-15;13nt00187 ?
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