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17/07/2014 | FRANCE | N°13NT01152

France | France, Cour administrative d'appel de Nantes, 3ème chambre, 17 juillet 2014, 13NT01152


Vu la requête, enregistrée le 22 avril 2013, présentée pour M. B... A..., demeurant..., par Me Jegou, avocat au barreau de Nantes ; M. A... demande à la cour :

1°) de réformer le jugement n° 11-1433 en date du 28 février 2013 par lequel le tribunal administratif de Nantes n'a que partiellement fait droit à sa demande tendant à la condamnation de l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales (ONIAM) à réparer les préjudices résultant de sa contamination par le virus de l'hépatite C ;

2°) de co

ndamner l'ONIAM à lui verser la somme totale de 225 000 euros ;

3°) de mettr...

Vu la requête, enregistrée le 22 avril 2013, présentée pour M. B... A..., demeurant..., par Me Jegou, avocat au barreau de Nantes ; M. A... demande à la cour :

1°) de réformer le jugement n° 11-1433 en date du 28 février 2013 par lequel le tribunal administratif de Nantes n'a que partiellement fait droit à sa demande tendant à la condamnation de l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales (ONIAM) à réparer les préjudices résultant de sa contamination par le virus de l'hépatite C ;

2°) de condamner l'ONIAM à lui verser la somme totale de 225 000 euros ;

3°) de mettre à la charge de l'office la somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

il soutient que :

- le jugement doit être confirmé en ce que les premiers juges ont retenu l'imputabilité de la contamination par le virus de l'hépatite C aux transfusions de produits sanguins réalisées à l'occasion de la prise en charge des conséquences de l'accident de la circulation dont il a été victime ; l'ONIAM ne conteste d'ailleurs pas cette imputabilité ;

- l'indemnité de 18 000 euros accordée par le tribunal au titre des troubles de toute nature est insuffisante ; compte tenu de l'angoisse liée à l'évolution de son état de santé, ainsi que des souffrances endurées à l'occasion du traitement et des ponctions subies, il est fondé à demander une indemnité de 150 000 euros, majorée d'une somme de 50 000 euros compte tenu de la coïnfection par le virus du VIH ;

- en outre, l'indemnité destinée à réparer le préjudice résultant de l'incapacité permanente partielle, dont le taux a été fixé à 10 à 15% doit être évaluée à 25 000 euros ;

Vu le jugement attaqué ;

Vu le mémoire en défense, enregistré le 3 juin 2013, présenté pour l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales par Me Ravaut, avocat au barreau de Bordeaux ; l'ONIAM demande à la cour :

1°) de rejeter la requête de M.A... ;

2°) par la voie de l'appel incident, de réduire à 23 980 euros le montant des indemnités devant être allouées à M. A...en réparation de ses préjudices résultant de la contamination subie ;

il fait valoir que :

- l'imputabilité de la contamination de M. A...par le virus de l'hépatite C aux produits sanguins transfusés en 1984 n'est pas contestée ;

- le tribunal a tenu compte de la triple contamination VIH, VHC et VHB, du niveau de fibrose au stade F1, de l'âge de M. A...à la date de sa contamination, ainsi que du caractère évolutif de sa pathologie ;

- l'indemnité due au titre des troubles de toute nature dans les conditions d'existence doit être ramenée à 15 000 euros avec une majoration de 3 000 euros compte tenu de la coïnfection, soit une somme de 18 000 euros ;

- l'indemnité due au titre du déficit fonctionnel permanent doit être ramenée à 5 980 euros, compte tenu du taux exclusivement imputable à l'infection par le VHC et du niveau de fibrose, qui conduit à retenir un taux de déficit fonctionnel permanent de 5% ;

- par ailleurs, la caisse primaire d'assurance maladie de Loire-Atlantique n'est pas fondée à réclamer le remboursement des débours exposés pour le compte de son assuré social dès lors que compte tenu de la date d'enregistrement de la demande de M. A...devant le tribunal administratif, postérieurement au 1er juin 2010, date d'entrée en vigueur de l'article 67 de la loi du 17 décembre 2008, prévoyant des dispositions transitoires, l'indemnisation des dommages entre dans les prévisions de l'article L. 1221-14 du code de la santé publique ; dans ces conditions, les tiers payeurs ne peuvent exercer le recours subrogatoire prévu par l'article

L. 376-1 du code de la sécurité sociale ;

Vu les pièces du dossier desquelles il résulte que la requête et le mémoire en défense ont été transmis à la caisse primaire d'assurance maladie de Loire-Atlantique qui a informé la cour qu'elle n'interviendrait pas dans l'instance ;

Vu le mémoire en réplique, enregistré le 19 juin 2014, présenté pour M. A...qui conclut aux mêmes fins que sa requête par les mêmes moyens ;

il soutient en outre que la réalité du préjudice d'agrément ne saurait être remise en cause du seul fait de l'amputation de la jambe gauche qu'il a subie ;

Vu, enregistrée le 24 juin 2014, la pièce complémentaire produite pour M.A... ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu l'ordonnance n 2005-1087 du 1er septembre 2005 relative aux établissements publics nationaux à caractère sanitaire et au contentieux en matière de transfusion sanguine ;

Vu la loi n° 2008-1330 du 17 décembre 2008 de financement de la sécurité sociale pour 2009 ;

Vu le code de la santé publique ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 26 juin 2014 :

- le rapport de Mme Specht, premier conseiller ;

- et les conclusions de M. Degommier, rapporteur public ;

1. Considérant que M.A..., alors âgé de 12 ans, a été grièvement blessé le 20 juin 1984 à la suite d'un accident de la circulation en qualité de piéton ; qu'il a été transporté au centre hospitalier universitaire de Nantes où il a subi une amputation de la jambe gauche et une ablation de la rate ; que durant les soins qui lui ont été prodigués il a reçu des transfusions de lots de produits sanguins ; qu'il a été informé en 1991 qu'il était porteur des virus VIH et VHB, puis en 1993 du virus de l'hépatite C ; que M. A...a engagé une action civile contre le conducteur du véhicule responsable de l'accident et son assureur, la compagnie Assurances générales de France (AGF) pour obtenir réparation des préjudices subis de fait de cet accident ; que, par un arrêt du 29 octobre 1993, la cour d'appel de Rennes a définitivement statué sur le préjudice spécifique résultant de la contamination par le VIH et a mis à la charge des AGF une indemnité de 2 000 000 F (304 898 €) en réparation de ce préjudice ; que, par un arrêt du 13 mai 1994, la même juridiction a procédé à l'indemnisation des préjudices résultant de l'accident lui-même ; que, s'agissant des préjudices résultant de la contamination par le virus de l'hépatite C, le tribunal de grande instance de Nantes a, par une ordonnance de référé du 4 mai 2006, sur demande de M.A..., désigné le professeur Genetet en qualité d'expert aux fins de déterminer l'origine probable de l'infection, lequel a déposé son rapport le 22 février 2007 ; que, par une ordonnance du 14 juin 2007, le juge des référés du même tribunal a ordonné une nouvelle expertise et a désigné le docteur Degos qui a déposé son rapport le 30 septembre 2008 ; que le juge des référés de cette juridiction, a, par une ordonnance du 6 mars 2008, mis à la charge des AGF le versement à M. A... d'une provision de 35 000 euros au titre de l'indemnisation des préjudices résultant de la contamination par le virus de l'hépatite C ; que, par une ordonnance du 8 octobre 2009, le juge de la mise en état du tribunal de grande instance de Nantes a cependant déclaré cette juridiction incompétente pour statuer sur la demande de M. A... en tant que qu'elle était dirigée contre l'Etablissement français du sang, et a sursis à statuer sur le surplus de cette demande en tant qu'elle était dirigée contre les AGF, l'assureur de l'Etablissement français du sang et celui du centre régional de transfusion sanguine de Nantes jusqu'à la décision de la juridiction administrative relative à l'indemnisation des dommages consécutifs à l'infection par le virus de l'hépatite C (VHC) ; que M. A...relève appel du jugement du 28 février 2013 en tant que le tribunal administratif de Nantes n'a pas fait entièrement droit à sa demande tendant à la condamnation de l'ONIAM à l'indemniser des préjudices résultant de cette contamination et a limité à 45 000 euros l'indemnisation accordée à ce titre soit, après la déduction de la provision déjà reçue de 35 000 euros, à lui verser une somme de 10 000 euros ; que l'ONIAM conclut au rejet de la requête et demande, par la voie de l'appel incident, que les indemnités allouées par le tribunal soient ramenées à un montant total de 23 980 euros ;

Sur l'intervention de l'ONIAM au titre de la solidarité nationale :

2. Considérant que l'article L. 1221-14 du code de la santé publique résultant du paragraphe I de l'article 67 de la loi du 17 décembre 2008 de financement de la sécurité sociale pour 2009 confie à l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales (ONIAM), en lieu et place de l'Etablissement français du sang, l'indemnisation des victimes de préjudices résultant de la contamination par le virus de l'hépatite C (VHC) causée par une transfusion de produits sanguins ou une injection de médicaments dérivés du sang ; que ce même article institue une procédure d'indemnisation amiable devant l'ONIAM, la victime ne disposant du droit d'action en justice contre celui-ci que si sa demande d'indemnisation a été rejetée ou laissée sans réponse dans le délai fixé par la loi ou si elle juge insuffisante l'offre faite par l'Office ; qu'aux termes du paragraphe IV de l'article 67 de la loi précitée, relatif aux dispositions transitoires : " A compter de la date d'entrée en vigueur du présent article, l'Office se substitue à l'Etablissement français du sang dans les contentieux en cours au titre des préjudices mentionnés à l'article L. 1221-14 du code de la santé publique n'ayant pas donné lieu à une décision irrévocable./ Dans le cadre des actions juridictionnelles en cours visant à la réparation de tels préjudices, pour bénéficier de la procédure prévue à l'article L. 1221-14 du même code, le demandeur sollicite de la juridiction saisie un sursis à statuer aux fins d'examen de sa demande par l'Office (... ) " ;

3. Considérant qu'en l'espèce, à la date du 1er juin 2010 d'entrée en vigueur des dispositions précitées, l'ordonnance du 8 octobre 2009 du juge de la mise en état du tribunal de grande instance de Nantes était devenue définitive en tant que celui-ci avait déclaré la juridiction judiciaire incompétente pour connaître de l'action de M. A...dirigée contre l'Etablissement français du sang, de sorte qu'aucune action juridictionnelle n'était en cours contre cet établissement ; que, par suite, la demande d'indemnisation présentée par M. A... devant l'ONIAM le 9 décembre 2010, suivie le 10 février 2011 de la présentation devant le tribunal administratif de Nantes d'une demande tendant à la condamnation de l'ONIAM à l'indemniser de ces préjudices, constitue une demande d'indemnisation présentée au titre de la solidarité nationale en application de l'article L. 1221-14 du code de la santé publique ;

4. Considérant qu'il résulte de l'instruction, et notamment des termes des rapports d'expertise du professeur Genetet et du docteur Degos, que l'imputabilité de la contamination de M. A...par le VHC aux transfusions de produits sanguins réalisées en 1984 au centre hospitalier universitaire de Nantes est établie et n'est d'ailleurs pas contestée par l'ONIAM ; qu'ainsi cet office est tenu d'indemniser M. A...des préjudices subis du fait de cette contamination ;

Sur l'indemnisation des préjudices :

5. Considérant, en premier lieu, que M. A... soutient qu'il subit un préjudice spécifique de contamination et demande une indemnité de 150 000 euros à ce titre, majorée d'une somme de 50 000 euros pour tenir compte de la coïnfection par le VIH, englobant l'ensemble des postes de préjudices hormis l'indemnisation du déficit fonctionnel permanent ; qu'il résulte de l'instruction et notamment du rapport d'expertise du docteur Degos que

M. A...est atteint d'une hépatite C qui, à la date de l'expertise médicale, le 30 septembre 2008, présentait un état modéré, correspondant à un niveau de fibrose F1 selon l'annexe 11-2 à l'article D. 1142-1 du code de la santé publique relatif au caractère de gravité des préjudices ouvrant droit à réparation au titre de la solidarité nationale ; que le traitement, qui lui a été administré d'octobre 2001 à septembre 2002, période pour laquelle l'expert a retenu une incapacité temporaire totale, n'a pas été efficace ; que les souffrances endurées ont été évaluées à un niveau de 3 à 4 sur une échelle de 7 et que l'expert a précisé par ailleurs que l'état de santé de M. A... n'était pas consolidé, une progression des lésions histologiques de la maladie étant envisageable ; qu'enfin, il résulte de l'instruction que la contamination de M. A...par le virus de l'hépatite C, constatée en 1993 à l'âge de 21 ans, oblige l'intéressé à un suivi médical régulier ; que, dans ces conditions, la somme allouée à M. A... au titre des troubles divers dans ses conditions d'existence subis du fait de son infection par le virus de l'hépatite C sera, en tenant compte de la coïnfection du fait des mêmes transfusions par le VIH, justement évaluée à 20 000 euros ;

6. Considérant, en deuxième lieu, que la contamination par le virus de l'hépatite C ne constitue pas, en elle-même, un préjudice distinct de celui qui se trouve réparé par l'indemnisation accordée ci-dessus au titre des troubles dans les conditions d'existence ; qu'en revanche, il y a lieu de tenir compte de l'état d'anxiété affectant M. A... et lié à l'éventualité d'une évolution défavorable de sa maladie, et de l'indemniser, compte tenu de son âge, à hauteur de 18 000 euros au titre de son préjudice moral ;

7. Considérant, en troisième lieu, que l'expert a estimé de 10 à 15 % le taux d'invalidité permanente partielle résultant des trois infections par VIH, VHB et VHC dont M. A... est atteint ; que, compte tenu du score métavir égal ou inférieur à A1 F1, correspondant à un taux de 5% d'invalidité, les premiers juges ont, comme le soutient à juste titre l'ONIAM, fait une évaluation excessive du taux d'invalidité, ou déficit fonctionnel permanent, imputable au seul VHC en retenant un taux de 10 à 15 % ; que, sur la base d'un taux de 5%, l'indemnité retenue par les premiers juges doit être ramenée à 7 000 euros ; que toutefois, en cas d'aggravation de son état de santé, il sera loisible à M. A...de solliciter, s'il s'y croit fondé, une indemnisation complémentaire ;

8. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que l'indemnisation des préjudices subis par M. A...résultant de sa contamination par le VHC incombant à la solidarité nationale s'élève en définitive à 45 000 euros ; que cette somme correspond à celle allouée par les premiers juges selon une évaluation différente de chaque chef de préjudice ; que compte tenu de la provision de 35 000 euros déjà perçue par M. A... au titre des mêmes préjudices de l'assureur de l'auteur de l'accident de la circulation dont il a été victime, la somme que l'ONIAM doit verser à M. A... s'élève à 10 000 euros ;

9. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que M. A... n'est pas fondé à se plaindre de ce que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nantes a rejeté le surplus de sa demande ; que les conclusions d'appel incident de l'ONIAM doivent également être rejetées ;

Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L.761-1 du code de justice administrative :

10. Considérant que ces dispositions font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'ONIAM, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, la somme que M. A... demande au titre des frais exposés et non compris dans les dépens ;

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de M. A... est rejetée.

Article 2 : Les conclusions d'appel incident de l'ONIAM sont rejetées.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... A..., à l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales et à la caisse primaire d'assurance maladie de Loire-Atlantique.

Délibéré après l'audience du 26 juin 2014, à laquelle siégeaient :

- Mme Perrot, président de chambre,

- Mme Specht, premier conseiller,

- Mme Gélard, premier conseiller,

Lu en audience publique, le 17 juillet 2014.

Le rapporteur,

F. SPECHTLe président,

I. PERROT

Le greffier,

C.GUEZO

La République mande et ordonne au ministre des affaires sociales et de la santé en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

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Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nantes
Formation : 3ème chambre
Numéro d'arrêt : 13NT01152
Date de la décision : 17/07/2014
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : Mme PERROT
Rapporteur ?: Mme Frédérique SPECHT
Rapporteur public ?: M. DEGOMMIER
Avocat(s) : SCP EOCHE-DUVAL MORAND ROUSSEAU et ASSOCIES

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nantes;arret;2014-07-17;13nt01152 ?
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