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19/09/2014 | FRANCE | N°12NT03032

France | France, Cour administrative d'appel de Nantes, 4ème chambre, 19 septembre 2014, 12NT03032


Vu la requête, enregistrée le 27 novembre 2012, présentée pour la SNC Entreprises Morillon Corvol Courbot (SNC EMCC) dont le siège social est situé 21 rue du Pont-aux-Halles à Chevilly-Larue (94550), par la Selarl d'avocats Armen ; la SNC EMCC demande à la cour :

1°) de réformer le jugement du tribunal administratif de Nantes du 26 septembre 2012 en tant qu'il a limité à la somme de 999 372,31 euros TTC augmentée des intérêts moratoires capitalisés le montant du solde du marché de construction d'une canalisation de rejet en mer des eaux usées dû par la communauté de

communes des Olonnes et laissé à sa charge une partie des frais d'expert...

Vu la requête, enregistrée le 27 novembre 2012, présentée pour la SNC Entreprises Morillon Corvol Courbot (SNC EMCC) dont le siège social est situé 21 rue du Pont-aux-Halles à Chevilly-Larue (94550), par la Selarl d'avocats Armen ; la SNC EMCC demande à la cour :

1°) de réformer le jugement du tribunal administratif de Nantes du 26 septembre 2012 en tant qu'il a limité à la somme de 999 372,31 euros TTC augmentée des intérêts moratoires capitalisés le montant du solde du marché de construction d'une canalisation de rejet en mer des eaux usées dû par la communauté de communes des Olonnes et laissé à sa charge une partie des frais d'expertise ;

2°) de condamner la communauté de communes des Olonnes à lui verser une indemnité de 1 857 755, 18 euros augmentée de la taxe sur la valeur ajoutée, d'intérêts moratoires au taux de 4,95 % à compter du 30 juin 2007 et de la capitalisation des intérêts ;

3°) de limiter à huit jours les pénalités de retard applicables ;

4°) de mettre à la charge de la communauté de communes des Olonnes le versement de la somme de 20 148,07 euros au titre des frais d'expertise ;

5°) de mettre à la charge de la communauté de communes des Olonnes le versement de la somme de 6 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

elle soutient que :

- en se fondant sur le fait que le groupement d'entreprises n'a pas réalisé d'étude géotechnique complémentaire pour limiter par moitié le montant du préjudice indemnisable alors que l'article 1.2.4 du CCTP et l'annexe 2 à l'acte d'engagement excluaient les conséquences d'une géologie différente de celle mentionnée par le marché, le tribunal a commis une erreur de droit ; il appartenait au maître d'ouvrage et au maître d'oeuvre de faire réaliser cette étude avant l'appel d'offres ;

- la présence d'argile dans le sous-sol constitue une sujétion imprévue qui a entraîné un bouleversement de l'économie du contrat ; le coût de réalisation du lot confié à la société CSM Bessac a augmenté de 42 % ;

- cette sujétion justifie une augmentation du délai d'exécution de trente-cinq jours ouvrables et le versement de la somme de 1 224 581,03 euros TTC incluant la révision des prix à la société CSM Bessac ;

- l'autorisation d'occuper le domaine public maritime ayant été délivrée le 28 mars 2006 seulement, l'ordre de service n° 2 fixant le début d'exécution des travaux au 16 janvier 2006 est illégal, ce qui justifie une augmentation du délai d'exécution de soixante-huit jours ouvrables et le versement de la somme de 219 897 euros HT, à augmenter du coefficient de révision, sans retenir une faute de sa part ainsi que le mentionne le rapport d'expertise ;

- les intempéries non prises en compte lors de l'établissement du décompte ont entraîné des surcoûts de 105 228 euros HT pour l'entretien de la souille sous-marine ouverte et de 24 988 euros HT pour le stationnement et la surveillance de la canalisation à Saint-Nazaire, soit 139 891,049 euros HT après application du coefficient de révision des prix, de 291 525 euros HT pour l'immobilisation du ponton grue maritime " Ar Menez " soit 313 185,30 euros HT après application du coefficient de révision des prix et de 134 550 euros HT pour l'immobilisation de la plateforme maritime " Octopus " soit 144 547,06 euros HT après application du coefficient de révision des prix ; elles ont ainsi entraîné une augmentation des délais d'exécution de 12 jours, 69 jours et 18 jours ;

- les pénalités de retard imputables au groupement d'entreprises doivent être limitées à huit jours ;

- en application des articles 13.2 et 11.7 du CCAP, les intérêts moratoires au taux de 4,95 % sont dus à compter du 30 juin 2007 ;

- les frais d'expertise doivent être mis à la charge de la communauté de communes des Olonnes ;

Vu le jugement attaqué ;

Vu le mémoire, enregistré le 14 décembre 2012, présenté pour la SNC EMCC qui conclut aux mêmes fins que sa requête par les mêmes moyens ;

Vu le mémoire en défense, enregistré le 18 février 2013, présenté pour la société Naldéo venant aux droits de la société Pöyry SAS, représentée par MeC... ; la société Naldéo demande à la cour :

1°) de rejeter la requête de la société Entreprises Morillon Corvol Courbot et, par la voie de l'appel incident, de réformer le jugement attaqué en la mettant hors de cause ;

2°) à titre subsidiaire, par la voie de l'appel provoqué, de condamner solidairement la communauté de communes des Olonnes et l'Etat à la garantir de l'intégralité des condamnations prononcées à son encontre ;

3°) à titre infiniment subsidiaire, de confirmer le jugement ;

4°) de mettre à la charge de la SNC EMCC le versement de la somme de 6 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

elle soutient que :

- en application de l'annexe 2 à l'acte d'engagement, il appartenait au groupement d'entreprises de faire réaliser l'étude complémentaire du sol correspondant à la mission G12, ce qui justifie le rejet de l'intégralité de la demande présentée au titre des sujétions imprévues ;

- s'étant acquittée de son devoir de conseil en informant le maître d'ouvrage de la nécessité de réaliser des études du sol complémentaires, sa responsabilité n'est pas susceptible d'être engagée ;

- elle a transmis au maître d'ouvrage le dossier de demande d'autorisation d'occupation du domaine public en temps utile, le 2 septembre 2005 ; elle a régulièrement notifié l'ordre de service n° 2 le 16 janvier 2006 afin de permettre le démarrage des travaux à réaliser en dehors du domaine public maritime ;

- l'immobilisation du matériel dès le mois de janvier 2006 est imputable au groupement d'entreprises qui n'ignorait pas que l'autorisation d'occupation du domaine public ne serait pas délivrée à cette date et que les opérations de minage devaient commencer en avril 2006 seulement ;

- ainsi que l'a jugé le tribunal, l'immobilisation de la plateforme maritime " Octopus " n'ouvre pas droit à indemnisation en deçà de la hauteur de houle contractuellement prévue ;

- le point de départ des intérêts ne doit pas être fixé au 30 juin 2007 mais au 14 août 2007 ainsi que l'a jugé le tribunal ;

- la charge des frais d'expertise doit être partagée entre le maître d'ouvrage et le groupement d'entreprises ainsi que l'a jugé le tribunal ;

Vu le mémoire en défense, enregistré le 10 mai 2013, présenté pour la communauté de communes des Olonnes, représentée par MeB... ; la communauté de communes des Olonnes demande à la cour :

1°) de rejeter la requête de la SNC EMCC et l'appel incident de la société Naldéo ;

2°) par la voie de l'appel incident, de réformer le jugement du tribunal administratif de Nantes du 26 septembre 2012 en tant qu'il l'a condamnée à verser à la SNC EMCC une indemnité de 999 372,31 euros TTC augmentée des intérêts moratoires et de leur capitalisation et a mis à sa charge les frais d'expertise à hauteur de 10 074,04 euros ;

3°) à titre subsidiaire, de condamner solidairement l'Etat et la société Naldéo à la garantir de l'intégralité des condamnations prononcées à son encontre ;

4°) de mettre à la charge de la SNC EMCC le versement de la somme de 6 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

elle soutient que :

- les difficultés rencontrées dans le creusement du tunnel n'étaient pas imprévisibles et ne sont pas extérieures aux parties ; elles sont apparues à un point de creusement résultant de la décision du groupement d'entreprises de présenter une offre portant sur un tunnel plus long que celui mentionné dans l'appel d'offres ayant fait l'objet de l'étude des sols préliminaire ; le cabinet d'études géotechniques avait prévu l'hypothèse d'une étude géologique complémentaire, laquelle est mentionnée par l'article 1.3.2 du CCTP et dont l'article 2.1 tire les conséquences sur le coût des travaux ; le groupement d'entreprises a expressément refusé de la prévoir, dans le cadre de la négociation du marché, au motif qu'elle ne lui permettrait pas de mettre en oeuvre un matériel plus performant que celui qu'il proposait ;

- en tout état de cause et en application de l'article 15.4 du CCAG-Travaux, l'entrepreneur n'a pas droit, en l'absence de décision de poursuivre de la personne responsable du marché, au paiement des travaux réalisés au-delà de la masse initiale des travaux ;

- la demande d'actualisation du coût de ces travaux n'est pas fondée, ainsi que l'a jugé le tribunal ;

- l'immobilisation du matériel dès le mois de janvier 2006 est imputable au groupement d'entreprises qui n'ignorait pas que l'autorisation d'occupation du domaine public ne serait pas délivrée à cette date et que les opérations de minage devaient commencer en avril 2006 seulement ;

- l'immobilisation du ponton grue maritime " Ar Menez " ne justifiait pas le versement de la somme de 313 185 euros HT pour les raisons exposées par le maître d'oeuvre dans son avis du 15 juin 2007 ;

- ainsi que l'a jugé le tribunal, l'immobilisation de la plateforme maritime " Octopus " n'ouvre pas droit à indemnisation en deçà de la hauteur de houle contractuellement prévue ;

- l'entretien de la souille et la surveillance des tronçons de la canalisation n'ouvrent pas droit au versement d'un supplément de rémunération ainsi que l'a jugé le tribunal ;

- étant exclusivement imputable au groupement d'entreprises, le retard de trente-cinq jours pris dans le creusement du tunnel doit donner lieu à l'application des pénalités de retard y correspondant, sans partage par moitié ;

- les frais d'expertise doivent être mis à la charge du groupement d'entreprises dans leur intégralité ;

- les premiers juges ont correctement fixé le point de départ des intérêts au 14 août 2007, soit à l'expiration du délai de mandatement et non à l'expiration du délai de notification du décompte général ;

- en ne proposant de compléter l'étude du sol par des sondages en milieu marin qu'en cas de nécessité alors qu'il était indispensable de la réaliser avant la passation du marché, le maître d'oeuvre a commis une faute de nature à engager sa seule responsabilité au titre du surcoût lié au creusement du tunnel ;

- la direction départementale de l'équipement de la Vendée a également manqué à l'obligation de conseil à laquelle elle était tenue en sa qualité de conducteur d'opération, en n'attirant pas son attention sur la nécessité de réaliser une étude complémentaire du sol ;

- le retard avec lequel l'autorisation d'occupation du domaine public maritime a été délivrée est imputable à la société Naldéo et à la direction départementale de l'équipement de la Vendée ;

- les stipulations de l'annexe 2 à l'acte d'engagement sur lesquelles le groupement d'entreprises se fonde pour obtenir un complément de rémunération au titre de la nature du sol rencontré ont été unilatéralement modifiées par le maître d'oeuvre ce qui est de nature à engager sa responsabilité ; elle n'a pas signé cette version de l'annexe 2 et a émis, lors de la réception des travaux, des réserves portant notamment sur la rédaction des documents contractuels ;

Vu le mémoire en défense, enregistré le 15 janvier 2014, présenté par le ministre de l'écologie, du développement durable et de l'énergie qui demande à la cour :

1°) de rejeter la requête et les appels en garantie formés à son encontre ;

2°) par la voie de l'appel incident, de réformer le jugement du tribunal administratif de Nantes du 26 septembre 2012 en tant qu'il l'a condamné à supporter la charge définitive des condamnations prononcées à l'encontre de la communauté de communes des Olonnes à hauteur de 33 % ;

3°) de mettre à la charge de la SNC EMCC le versement de la somme de 500 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

il soutient que :

- la société qui a réalisé l'étude du sous-sol ayant recommandé de la compléter au-delà des points métriques étudiés, les sujétions rencontrées n'étaient pas imprévisibles ; le groupement ne l'ayant pas complétée au motif qu'une étude complémentaire ne lui permettrait pas d'utiliser un matériel plus performant, elles ne sont pas extérieures aux parties ;

- il est intervenu en qualité de conducteur d'opération et non de maître d'oeuvre et a exécuté son obligation de prévoir, dans le cahier des charges générales, des études géotechniques pour l'ensemble des ouvrages à réaliser ;

- le retard avec lequel l'autorisation du domaine public maritime a été demandée ne lui est pas imputable ; il n'a pas eu d'incidence sur le calendrier d'exécution des travaux ;

- sa responsabilité n'est pas susceptible d'être engagée au titre des modalités de prise en compte des intempéries ;

Vu l'ordonnance du 16 janvier 2014 fixant la clôture de l'instruction au 17 février 2014 ;

Vu le mémoire, enregistré le 24 janvier 2014, présenté pour la société Naldéo, qui maintient ses conclusions en défense ;

Vu le mémoire, enregistré le 17 février 2014, présenté pour la communauté de communes des Olonnes, qui maintient ses conclusions en défense ;

elle ajoute que :

- ni le maître d'oeuvre ni le conducteur d'opération n'ont attiré son attention sur la nécessité de faire procéder à une étude complémentaire des sols ;

- la société Naldéo n'avait pas à réaliser une étude complémentaire des sols mais elle devait en conseiller la réalisation ;

- les premiers juges ont omis de déduire de la condamnation prononcée le solde du marché d'un montant de 56 674,43 euros TTC ;

- la cour précisera que les condamnations prononcées dans le cadre des appels en garantie incluent le paiement des intérêts moratoires et de leur capitalisation ;

- le décompte général du marché étant devenu définitif, elle réservera le coût de réfection des désordres constatés après la réception des travaux ;

Vu le mémoire récapitulatif, enregistré le 17 février 2014, présenté pour la SNC EMCC qui conclut aux mêmes fins que sa requête, par les mêmes moyens ;

elle ajoute que :

- le maître d'ouvrage savait que la mission G11 aurait dû être complétée par une mission G12 avant l'appel d'offre ; en application de l'article 5 du code des marchés publics, la nature et l'étendue des besoins à satisfaire doivent être déterminés avec précision avant le lancement de ce dernier ;

- selon la jurisprudence, la circonstance qu'une clause du contrat prévoit une étude complémentaire ne suffit pas à exclure l'existence de sujétions imprévues ;

- une telle étude aurait coûté 526 240 euros TTC, somme non prévue par le marché ;

- en l'absence d'autorisation d'occupation du domaine public maritime, l'ordre de service n° 2 était manifestement illégal ;

Vu l'ordonnance du 18 février 2014 reportant la clôture de l'instruction au 6 mars 2014 ;

Vu le mémoire, enregistré le 3 mars 2014, présenté pour la société Naldéo, qui maintient ses conclusions en défense ;

elle ajoute que :

- un recours contentieux a été formé contre le titre exécutoire émis par la communauté de communes en exécution du jugement attaqué ;

- l'apparition de désordres est sans incidence sur la solution à apporter au présent litige ;

Vu les mémoires, enregistrés les 5 et 6 mars 2014 et non communiqués, présentés pour la communauté de communes des Olonnes, qui maintient ses conclusions en défense ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code des marchés publics ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 29 août 2014 :

- le rapport de Mme Aubert, président-assesseur ;

- les conclusions de M. Gauthier, rapporteur public ;

- les observations de Me A...pour la SNC EMCC ;

- les observations de Me B...pour la communauté de communes des Olonnes ;

- et les observations de Me C...pour la société Naldéo ;

Vu la note en délibéré, enregistrée le 3 septembre 2014, présentée pour la SNC EMCC ;

1. Considérant que, dans le cadre de la construction d'une station d'épuration et d'une canalisation de rejet des effluents en mer, par un marché notifié le 16 août 2005, la communauté de communes des Olonnes a confié à un groupement solidaire d'entreprises ayant pour mandataire la SNC Entreprises Morillon-Corvol-Courbot (EMCC) les travaux de réalisation de l'émissaire de rejet en mer ; que la communauté de communes ayant refusé de lui verser l'intégralité des sommes mentionnées sur le projet de décompte final notifié le 15 mai 2007, la société EMCC a saisi le tribunal administratif de Nantes d'une demande tendant à la condamnation du maître d'ouvrage à lui verser la somme totale de 1 857 755 euros HT augmentée des intérêts moratoires et de la capitalisation des intérêts ; qu'elle relève appel du jugement rendu le 26 septembre 2012 en tant qu'il a limité à 999 372,31 euros TTC le montant de sa créance ; que, par la voie de l'appel incident, la communauté de communes des Olonnes demande la réformation du jugement en tant qu'il l'a condamnée au paiement de cette somme et a limité à 85 % du montant total des condamnations la garantie qui lui est solidairement due par l'Etat, au titre du contrat de conducteur d'opération conclu avec la direction départementale de l'équipement de la Vendée, et par la société Naldéo venant aux droits de la SA Poyry Environnement ayant elle-même succédé à la société Beture Cerec, en sa qualité de maître d'oeuvre ; que, par la voie de l'appel incident, la société Naldéo et l'Etat demandent la réformation du jugement en tant qu'il les a solidairement condamnés à garantir la communauté de communes des Olonnes à hauteur de 85 % des condamnations prononcées à son encontre ;

Sur l'appel principal :

En ce qui concerne le coût de creusement du tunnel :

2. Considérant que la SNC EMCC a obtenu le versement d'une indemnité de 483 406 euros HT représentant la moitié du coût supplémentaire résultant des sujétions imprévues qu'a constitué, selon les premiers juges, la rencontre d'un sous-sol argileux à partir du point métrique 167 lors du creusement du tunnel d'une longueur de 623 mètres dans lequel une partie de la canalisation devait être mise en place ;

3. Considérant que l'indemnisation des sujétions imprévues n'est possible que si les difficultés rencontrées dans l'exécution du contrat présentent un caractère à la fois exceptionnel, imprévisible et extérieur aux parties et, pour les marchés à forfait, si ces difficultés ont eu en outre pour effet de bouleverser l'économie générale du contrat ;

4. Considérant qu'il résulte de l'instruction que l'étude du sous-sol communiquée aux candidats à l'appel d'offres portant sur l'émissaire de rejet en mer a été réalisée des points métriques 0 à 32 à partir d'un projet portant sur un tunnel d'une longueur de 170 mètres seulement et précisait qu'une étude complémentaire de type G12 serait nécessaire ; que l'article 3.9 de l'appel d'offres stipulant que " les concurrents pourront (...) effectuer des investigations complémentaires afin de réaliser des relevés ou d'éventuels sondages ", le maître d'ouvrage a, dans le cadre de l'examen de son offre, interrogé la SNC EMCC sur les investigations qu'elle envisageait de mener pour confirmer la nature du sous-sol et sur leur incidence éventuelle sur son offre ; qu'en réponse à cette demande, le groupement requérant a fait connaître sa décision de ne pas procéder à des études complémentaires dont les résultats " quels qu'ils soient, ne permettront de proposer ni un outillage plus performant, ni une solution technique mieux adaptée aux caractéristiques du projet que celle proposée dans l'offre " ; que, contrairement à ce que soutient la requérante, le marché qu'elle a signé ne comporte aucune stipulation lui ouvrant droit à l'indemnisation du préjudice résultant des surcoûts liés à la rencontre d'un sous-sol différent, l'annexe 2 à l'acte d'engagement se bornant à constater que de tels surcoûts n'ont pas été intégrés dans l'offre de l'entreprise et l'article 2.1 du CCTP intitulé " Objet des travaux " prévoyant au contraire que " Le titulaire ne pourra se prévaloir d'aucun imprévu vis-à-vis du sol et des fonds marins pour justifier d'une plus-value éventuelle après signature du marché " ; que, dans ces conditions, la rencontre d'une géologie différente de celle envisagée est exclusivement imputable au groupement requérant qui, averti de l'incertitude relative à la nature du sous-sol par les résultats de l'étude portée à la connaissance des candidats à l'appel d'offres, d'autant plus forte que le tunnel qu'il prévoyait de creuser était d'une longueur de 623 mètres et non de 170 mètres seulement, n'a ni demandé au maître d'ouvrage la réalisation d'une étude complémentaire du sous-sol ni envisagé de s'assurer par lui-même de la nature des sols alors qu'une telle obligation lui incombait, en sa qualité de constructeur ; qu'ainsi, les surcoûts résultant de la rencontre d'argile à partir du point métrique 167, laquelle n'était ni imprévisible ni extérieure aux parties, ne sont pas indemnisables au titre des sujétions imprévues ; que la SNC EMCC n'est dès lors pas fondée à demander la réévaluation de l'indemnité de 483 406 euros HT que la communauté de communes des Olonnes a été condamnée à lui verser à ce titre ;

En ce qui concerne les pénalités de retard :

5. Considérant qu'eu égard au partage de responsabilité auquel il a procédé, le tribunal a considéré que la moitié du retard de trente-cinq jours pris dans l'exécution des travaux en raison des difficultés rencontrées dans le creusement du tunnel devait être déduite des pénalités de retard mises à la charge de la SNC EMCC ; qu'ainsi qu'il est dit au point 4 du présent arrêt la rencontre d'un sous-sol argileux à partir du point métrique 167 ne constitue pas une sujétion imprévue de nature à ouvrir droit à indemnisation ; que la société requérante n'est dès lors pas fondée à demander la réduction des pénalités de retard en résultant ;

En ce qui concerne les délais d'exécution supplémentaires :

6. Considérant que la SNC EMCC ayant obtenu en première instance la condamnation de la communauté de communes des Olonnes à lui verser la somme de 313 185,30 euros HT au titre de l'immobilisation du ponton grue maritime " Ar Menez ", ses conclusions d'appel tendant au versement de cette somme sont dépourvues d'objet ;

7. Considérant qu'en application des stipulations combinées de l'article 3.2 de l'acte d'engagement et de l'article 19.3 du CCAP, les surcoûts résultant de l'immobilisation de la plateforme maritime " Octopus " pour cause d'intempéries ne sont susceptibles d'être indemnisés qu'à partir d'une hauteur de houle excédant 1,30 m ; qu'ayant accepté ces stipulations contractuelles, la requérante ne se prévaut pas utilement de la circonstance que la plateforme ne peut plus être utilisée en configuration flottante sans comporter un risque pour la sécurité du personnel à partir d'une hauteur de houle de 0,75 m ;

8. Considérant que, pour le surplus des délais d'exécution supplémentaires dont elle demande la prise en compte, résultant de la date d'obtention de l'autorisation d'occupation du domaine public maritime, du stationnement et de la surveillance de la canalisation à Saint-Nazaire et de l'entretien de la souille sous-marine ouverte, la SNC EMCC reprend en appel, sans apporter d'éléments nouveaux, l'argumentation développée en première instance ; qu'il y a lieu d'écarter ces moyens par adoption des motifs retenus à bon droit par les premiers juges ;

En ce qui concerne les intérêts moratoires :

9. Considérant que les premiers juges ont fixé le point de départ des intérêts moratoires au 14 août 2007 ; qu'il y a lieu, par adoption des motifs du jugement, d'écarter le moyen tiré de ce que le point de départ aurait dû en être fixé au 30 juin 2007 ;

10. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que la SNC EMCC n'est pas fondée à demander la réévaluation de l'indemnité que la communauté de communes des Olonnes a été condamnée à lui verser ;

Sur les appels incidents :

11. Considérant qu'ainsi qu'il est dit au point 4 du présent arrêt, la rencontre d'un sous-sol argileux à partir du point métrique 167 ne constitue pas une sujétion imprévue de nature à ouvrir droit à indemnisation ; qu'il suit de là qu'elle ne pouvait donner lieu à la condamnation de la communauté de communes des Olonnes à verser une indemnité de 483 406 euros HT à la SNC EMCC et à la déduction de dix-sept jours et demi de retard, ni, par voie de conséquence, à la condamnation de l'Etat et de la société Naldéo à la garantir solidairement à hauteur de 85 % des condamnations prononcées à son encontre à ce titre et à la condamnation de l'Etat et de la société Naldéo à supporter respectivement 33 % et 66 % de la charge définitive des sommes solidairement mises à leur charge ;

12. Considérant en outre qu'il y a lieu de déduire de la somme de 374 569,26 euros TTC (313 185 euros HT) due par la communauté de communes des Olonnes au titre de l'immobilisation du ponton grue maritime " Ar Menez " le solde négatif du marché fixé à 56 674,43 euros ; que la créance de la SNC EMCC, en sa qualité de mandataire du groupement attributaire du marché, s'élève ainsi à 317 894,83 euros TTC ;

13. Considérant, enfin, qu'en l'absence de condamnation de la communauté de communes des Olonnes au versement d'une indemnité à la requérante au titre des sujétions imprévues, les appels en garantie qu'elle a formés contre l'Etat et la société Naldéo en raison des fautes à l'origine des difficultés rencontrées lors du creusement du tunnel doivent être rejetés ; que, par voie de conséquence, l'appel provoqué de la société Naldéo doit l'être également ;

14. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que la communauté de communes des Olonnes, la société Naldéo et l'Etat sont fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nantes a évalué à 999 372,31 euros TTC le montant de l'indemnité due par le maître d'ouvrage à la SNC EMCC et a condamné le maître d'oeuvre et le conducteur d'opération à le garantir à hauteur de 85 % de la somme de 578 153,58 euros TTC au titre des sujétions imprévues rencontrées lors du creusement du tunnel ; qu'il y a lieu de réformer le jugement en ce sens et de fixer le solde du marché à 317 894,83 euros TTC ;

Sur les frais d'expertise :

15. Considérant que, dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de mettre les frais d'expertise d'un montant de 20 148,07 euros à la charge définitive de la SNC EMCC ;

Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

16. Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mis à la charge de la communauté de communes des Olonnes qui n'est pas, pour l'essentiel, la partie perdante dans la présente instance, le versement de la somme que la SNC EMCC demande sur ce fondement ; que, dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de mettre à la charge de la SNC EMCC le versement à la communauté de communes des Olonnes et à la société Naldéo de la somme de 1 500 euros chacune ainsi que le versement à l'Etat de la somme de 500 euros qu'il demande ;

DÉCIDE :

Article 1er : La condamnation prononcée par le tribunal administratif de Nantes à l'encontre de la communauté de communes des Olonnes est ramenée de la somme de 999 372,31 euros TTC à la somme de 317 894,83 euros TTC, augmentée des intérêts moratoires à compter du 14 août 2007 et de la capitalisation des intérêts à compter du 14 août 2008 et à chaque échéance annuelle ultérieure.

Article 2 : Les appels en garantie formés en première instance par la communauté de communes des Olonnes à l'encontre de l'Etat et de la société Naldéo et par la société Naldéo à l'encontre de la communauté de communes des Olonnes et de l'Etat sont rejetés.

Article 3 : Le jugement du tribunal administratif de Nantes du 26 septembre 2012 est réformé en ce qu'il a de contraire aux articles 1er et 2 du présent arrêt.

Article 4 : Les frais d'expertise d'un montant de 20 148,07 euros sont mis à la charge définitive de la SNC EMCC.

Article 5 : La SNC EMCC versera à la communauté de communes des Olonnes et à la société Naldéo la somme de 1 500 euros chacune et à l'Etat la somme de 500 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 6 : Le surplus des conclusions de la SNC EMCC, de la communauté de communes des Olonnes et de l'Etat est rejeté.

Article 7 : Le présent arrêt sera notifié à la SNC Entreprises Morillon Corvol Courbot, à la société Naldéo, à la communauté de communes des Olonnes et à la ministre de l'écologie, du développement durable et de l'énergie.

Délibéré après l'audience du 29 août 2014, à laquelle siégeaient :

- M. Lainé, président de chambre,

- Mme Aubert, président-assesseur,

- Mme Tiger-Winterhalter, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 19 septembre 2014.

Le rapporteur,

S. AUBERTLe président,

L. LAINÉ

Le greffier,

N. CORRAZE

La République mande et ordonne au ministre de l'écologie, du développement durable et de l'énergie en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

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N° 12NT03032 2

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Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nantes
Formation : 4ème chambre
Numéro d'arrêt : 12NT03032
Date de la décision : 19/09/2014
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : M. LAINE
Rapporteur ?: Mme Sylvie AUBERT
Rapporteur public ?: M. GAUTHIER
Avocat(s) : THOMAS-TINOT

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nantes;arret;2014-09-19;12nt03032 ?
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