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06/11/2014 | FRANCE | N°13NT02252

France | France, Cour administrative d'appel de Nantes, 1ère chambre, 06 novembre 2014, 13NT02252


Vu la requête, enregistrée le 1er août 2013, présentée pour M. et Mme B... élisant domicile..., par cet avocat ; M. et Mme B... demandent à la cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1001318 en date du 20 juin 2013 en tant que le tribunal administratif de Nantes a rejeté leur demande tendant à la décharge des cotisations supplémentaires à l'impôt sur le revenu et aux contributions sociales auxquelles ils ont été assujettis au titre des années 2006 et 2007 ainsi que des pénalités correspondantes ;

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3°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 6 000 euros au titre de l'article ...

Vu la requête, enregistrée le 1er août 2013, présentée pour M. et Mme B... élisant domicile..., par cet avocat ; M. et Mme B... demandent à la cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1001318 en date du 20 juin 2013 en tant que le tribunal administratif de Nantes a rejeté leur demande tendant à la décharge des cotisations supplémentaires à l'impôt sur le revenu et aux contributions sociales auxquelles ils ont été assujettis au titre des années 2006 et 2007 ainsi que des pénalités correspondantes ;

2°) de prononcer la décharge de ces impositions et pénalités ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 6 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

ils soutiennent que :

- la vente de déchets en acier inoxydable à la société GDE s'est faite à l'insu de la SA SOFABO ; l'attestation établie par trois salariés de la SA SOFABO, qui met en cause les dirigeants de celle-ci, a été obtenue sous la contrainte et ne présente donc pas de caractère probant ; pour reconstituer le bénéfice résultant de la vente de déchets, l'administration s'est fondée sur des documents comptables de la société GDE, lesquels avaient été falsifiés ; elle ne démontre donc pas le bien-fondé des rehaussements apportés aux résultats de la SA SOFABO ;

- quand bien même elle en aurait prouvé le bien-fondé, il lui reviendrait encore d'établir que M. et Mme B... étaient les seuls maîtres de l'affaire et ont appréhendé 70 % des bénéfices tirés de la vente de déchets à la SA SOFABO ;

Vu le jugement attaqué ;

Vu le mémoire en défense, enregistré le 12 décembre 2013, présenté par le ministre délégué chargé du budget qui demande à la cour :

1°) de rejeter la requête ;

2°) par la voie de l'appel incident, d'annuler l'article 1er du jugement attaqué, par lequel le tribunal administratif de Nantes a déchargé M. et Mme B... des pénalités pour manoeuvres frauduleuses dont avaient été assorties les cotisations supplémentaires à l'impôt sur les sociétés auxquelles ils avaient été assujettis au titre des années 2006 et 2007 et de substituer à la pénalité pour manoeuvres frauduleuses la pénalité pour manquement délibéré prévue à l'article 1729 du code général des impôts ;

le ministre soutient que :

- les ventes de déchets n'ont pu avoir lieu à l'insu de M. et Mme B..., dirigeants de la SA SOFABO ; des éléments issus de la comptabilité de la société GDE pouvaient être utilisés pour déterminer le bénéfice résultant des ventes de déchets ; 70 % du produit de ces ventes a été appréhendé par M. et Mme B..., seuls maîtres de l'affaire ;

- la majoration pour manquement délibéré doit être substituée à celle pour manoeuvres frauduleuses ;

Vu le mémoire, enregistré le 11 juillet 2014, par lequel M. et Mme B... concluent aux mêmes fins par les mêmes moyens ;

ils soutiennent en outre que, dès lors que la SA SOFABO a été victime d'un vol, la pénalité pour manquement délibéré ne trouve pas à s'appliquer ;

Vu le mémoire, enregistré le 8 septembre 2014, par lequel le ministre des finances et des comptes publics conclut aux mêmes fins par les mêmes moyens ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 16 octobre 2014 :

- le rapport de M. Jouno, rapporteur,

- les conclusions de Mlle Wunderlich, rapporteur public,

- et les observations de M.B... ;

1.

Considérant que la société anonyme (SA) SOFABO, qui exerçait l'activité de production et d'embouteillage d'eau de source, a fait l'objet d'une vérification de comptabilité qui a porté sur les exercices clos en 2006 et 2007 ; qu'à l'issue de cette vérification, l'administration a rehaussé les résultats de cette société à concurrence des bénéfices tirés de la vente de déchets à la société GDE ; que l'administration a estimé que 70 % de ces bénéfices avaient été distribués à M. et Mme B... ; qu'elle a en conséquence assujetti ces derniers à des cotisations supplémentaires à l'impôt sur le revenu et aux contributions sociales au titre des années 2006 et 2007 et assorti celles-ci de la majoration pour manoeuvres frauduleuses ; que, par un jugement du 20 juin 2013, le tribunal administratif de Nantes a déchargé M. et Mme B... de cette majoration mais a rejeté leurs conclusions tendant à la décharge des cotisations supplémentaires à l'impôt sur le revenu et aux contributions sociales ; que M. et Mme B... relèvent appel de ce jugement en tant qu'il a rejeté, dans cette mesure, leur demande ; que le ministre demande, par la voie de l'appel incident, la réformation de l'article 1er du même jugement, lequel les a déchargés des pénalités pour manoeuvres frauduleuses, et la substitution à ces pénalités de la majoration pour manquement délibéré ;

Sur l'appel principal :

2. Considérant qu'aux termes de l'article 111 du code général des impôts : " Sont notamment considérés comme revenus distribués : (...) c. Les rémunérations et avantages occultes (...) " ;

3. Considérant qu'il est constant que des déchets en acier inoxydable issus des activités de la SA SOFABO ont été livrés, au cours des exercices litigieux, par des salariés de cette société à la société GDE et que cette dernière a réglé en espèces ces livraisons, sans que de tels règlements aient été comptabilisés par la SA SOFABO ;

4. Considérant que M. et Mme B... font valoir que ces livraisons ont été réalisées à l'insu de la SA SOFABO par trois de ses salariés ; qu'ils précisent, à cet égard, que, si ces salariés ont attesté, par acte du 13 novembre 2008, que leurs agissements avaient reçu l'aval des dirigeants de la société, deux d'entre eux ont rétracté cette attestation le 13 janvier 2009 et ont précisé, par actes du 23 mai 2009, que celle-ci n'avait été obtenue qu'en raison des menaces exercées sur eux par l'administration ; qu'ils ajoutent, par ailleurs, que les agissements dont il s'agit n'ont pas été rendus possibles par l'absence ou le manque de supervision des trois salariés en question ; que, toutefois, si deux des signataires de l'attestation du 13 novembre 2008 ont rétracté celle-ci le 13 janvier 2009 puis ont prétendu, le 23 mai 2009, que leurs aveux initiaux avaient été obtenus sous la contrainte de l'administration, ces deux personnes étaient, contrairement au troisième signataire, restées placées à ces dates dans un lien de subordination vis-à-vis des dirigeants de la SA SOFABO ; qu'en outre, les allégations qu'ils ont formulées le 23 mai 2009 ne sont corroborées par aucun commencement de preuve ; que, dès lors, ni ces allégations ni la rétractation intervenue le 13 janvier 2009 ne sauraient priver de force probante l'attestation du 13 novembre 2008 ;

5. Considérant que, si ces salariés ont été prévenus, l'un, du chef d'abus de confiance, et les deux autres, du chef de recel de bien obtenu à l'aide d'un abus de confiance, il ont tous trois été relaxés par jugement du tribunal de grande instance de la Roche-sur-Yon du 28 janvier 2013 ; que, contrairement à ce que prétend la SA SOFABO, cette juridiction ne s'est d'ailleurs pas fondée sur une attestation de la société GDE de laquelle il ressortirait que les dirigeants de la SA SOFABO n'avaient pas été tenus informés des livraisons de déchets mentionnées au point 3 ;

6. Considérant, ainsi que l'ont relevé les premiers juges, que les cessions de déchets dont il s'agit portaient sur des volumes très significatifs, à savoir 11 tonnes au titre de l'exercice clos en 2006 et 42 tonnes au titre de l'exercice clos en 2007 ; qu'elles ont été réalisées par des salariés de la SA SOFABO à l'aide des moyens de celle-ci, au terme de travaux préparatoires conséquents ; que le nombre des salariés impliqués, rapporté aux effectifs de la société, n'était pas négligeable ;

7. Considérant que le ministre, qui invoque les circonstances décrites aux points précédents, doit être regardé comme ayant démontré, non seulement, que les dirigeants de la SA SOFABO avaient connaissance de ces cessions de déchets, mais aussi que ces dernières avaient été réalisées pour le compte de la SA SOFABO ;

8. Considérant que l'administration a évalué les recettes résultant desdites cessions de déchets à 19 380 euros au titre de l'exercice clos en 2006 et à 77 306 euros au titre de l'exercice clos en 2007 ; que pour déterminer ces montants, l'administration s'est principalement appuyée sur des états intitulés " édition des pesées au fil de l'eau par fournisseur du 1er janvier 2005 au 31 décembre 2007 " dont elle avait demandé la communication à la société GDE ;

9. Considérant que, pour contester l'évaluation faite par l'administration, M. et Mme B... soutiennent que ces documents, issus de la société GDE, ne doivent pas être pris en considération dès lors que cette société masque l'identité de certaines personnes lui livrant des déchets métalliques et attribue ces livraisons à des tiers ;

10. Considérant, toutefois, que, s'il est vrai que l'administration a elle-même fait valoir, dans la proposition de rectification et dans son rapport à la commission départementale des impôts directs et des taxes sur le chiffre d'affaires, que les documents dans lesquels la société GDE consignait les pesées de déchets métalliques avaient été falsifiés par les employés de cette société, ces falsifications, qui portaient seulement sur l'identité des auteurs des livraisons de déchets, étaient aisément identifiables ; qu'il n'est, par ailleurs, pas contesté que les indications fournies par les états intitulés " édition des pesées au fil de l'eau par fournisseur du 1er janvier 2005 au 31 décembre 2007 " avaient été recoupées par l'administration avec d'autres éléments issus de la comptabilité de la société GDE, tels que les sommes portées sur le compte fournisseur de la SA SOFABO ; que, dans ces circonstances particulières, dont l'administration justifie, M. et Mme B... ne sont pas fondés à faire valoir que les bénéfices résultant de la vente de déchets à la société GDE ont été surévalués ;

11. Considérant, enfin, qu'ainsi que l'ont relevé les premiers juges, M. et Mme B...détenaient ensemble, au titre des années en litige, 99 % du capital de la SA SOFABO, soit directement soit par l'intermédiaire d'une société ; qu'ils exerçaient par ailleurs respectivement les fonctions d'administrateur et de président-directeur-général de cette société dont le conseil d'administration ne comprenait que trois membres ; qu'en faisant état de ces seules circonstances, le ministre prouve qu'ils étaient les seuls maîtres de l'affaire et avaient appréhendés, à tout le moins, 70 % des bénéfices tirés de la cession de déchets à la société GDE ;

12. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que M. et Mme B... ne sont pas fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nantes a rejeté leurs conclusions tendant à la décharge des cotisations supplémentaires à l'impôt sur le revenu mises à leur charge au titre des années 2006 et 2007 ;

Sur l'appel incident :

13. Considérant qu'aux termes de l'article 1729 du code général des impôts : " Les inexactitudes ou les omissions relevées dans une déclaration ou un acte comportant l'indication d'éléments à retenir pour l'assiette ou la liquidation de l'impôt ainsi que la restitution d'une créance de nature fiscale dont le versement a été indûment obtenu de l'Etat entraînent l'application d'une majoration de : a. 40 % en cas de manquement délibéré ; (...) c. 80 % en cas de manoeuvres frauduleuses (...) " ;

14. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que le ministre, qui demande à la cour par la voie de l'appel incident de substituer la majoration de 40 % pour manquement délibéré à la majoration de 80 % pour manoeuvres frauduleuses dont les premiers juges avaient déchargé M. et Mme B..., établit que la SA SOFABO avait omis sciemment de porter en comptabilité les ventes de déchets mentionnées aux points précédents ; qu'il a en outre démontré qu'ils étaient seuls maîtres de l'affaire ; qu'il doit ainsi être regardé comme démontrant le manquement délibéré de M. et Mme B... à leurs obligations fiscales ; que, par suite, il y a lieu de procéder à la substitution demandée par le ministre ;

15. Considérant qu'il suit de là qu'il y a lieu d'annuler l'article 1er du jugement attaqué et d'assortir les cotisations supplémentaires à l'impôt sur le revenu et aux contributions sociales mises à la charge de M. et Mme B... au titre des années 2006 et 2007 de la pénalité pour manquement délibéré ;

Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

16. Considérant que ces dispositions font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'Etat, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, la somme que M. et Mme B... demandent au titre des frais exposés par eux et non compris dans les dépens ;

DÉCIDE :

Article 1er : L'article 1er du jugement n° 1001318 du tribunal administratif de Nantes du 20 juin 2013 est annulé.

Article 2 : Les cotisations supplémentaires à l'impôt sur le revenu et aux contributions sociales mises à la charge de M. et Mme B... au titre des années 2006 et 2007 seront assorties de la pénalité de 40 % pour manquement délibéré prévue par l'article 1729 du code général des impôts.

Article 3 : La requête de M. et Mme B... est rejetée.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à M. et Mme A... B...et au ministre des finances et des comptes publics.

Délibéré après l'audience du 16 octobre 2014, à laquelle siégeaient :

- M. Bataille, président de chambre,

- Mme Loirat, président-assesseur,

- M. Jouno, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 6 novembre 2014.

Le rapporteur,

T. JOUNO Le président,

F. BATAILLE

Le greffier,

C. CROIGER

La République mande et ordonne au ministre des finances et des comptes publics en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

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N° 13NT02252 2

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Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nantes
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 13NT02252
Date de la décision : 06/11/2014
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Autres

Composition du Tribunal
Président : M. BATAILLE
Rapporteur ?: M. Thurian JOUNO
Rapporteur public ?: Mme WUNDERLICH
Avocat(s) : PROUX

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nantes;arret;2014-11-06;13nt02252 ?
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